La saison 1915-1916 du Foot-Ball Club Juventus est la dix-septième de l'histoire du club, créé dix-neuf ans plus tôt en 1897.
Le club turinois ne participe cette année à aucune compétition officielle, pour cause de Première Guerre mondiale, mais prend tout de même part à la Coupe fédérale (en italien Coppa Federale). Il s'agit ici de la dernière saison de la société bianconera avant la fin de la guerre, qui cesse ensuite toute activité pendant trois ans.
Historique
Il s'agit ici d'une saison quelque peu particulière, car la Première Guerre mondiale, bien qu'ayant débutée en Europe depuis août1914, est rejointe par l'Italie, qui entre dans le conflit en avril1915. Le 22 mai, à la suite du décret de mobilisation du gouvernement italien, la FIGC (fédération italienne de football) ordonne la suspension du championnat[2]. Mais les villes italiennes ainsi que leur supporters de football, non-directement touchés par la guerre, désiraient un tournoi pour continuer à suivre leur sport, et c'est ainsi que naquit l'idée d'une compétition, non officielle, appelée la Coppa Federale (en français la Coupe fédérale), compétition sans aucun titre en jeu. Déçus, de nombreux clubs ne participèrent pas à cette compétition, ajouté à certaines zones géographiques dangereuses qui furent évitées à cause de la guerre, comme la Vénétie. La Juve, elle, y prend bien part[3].
Du fait de la mobilisation, l'effectif se retrouve amputé, à cause des mobilisations au front. En effet, lors de la première année du conflit, 24 protagonistes (joueurs, direction, ou autres) du club prirent les armes pour combattre l'Autriche-Hongrie sur les fronts du nord (parmi eux 6 comme simples soldats, et 18 comme officiers, sous-officiers ou aides sanitaires).
Corrado Corradini, homme de lettres, à l'époque directeur général et éditeur juventino, s'est également surtout rendu célèbre au cours de cette même année, car, en tant qu'éditeur, il créa le premier exemplaire d'un journal entièrement destiné au club du FBC Juventus, le Hurrà Juventus, mensuel destiné aux joueurs et supporters du club pendant la Première Guerre mondiale, sorti pour la première fois le , premier du genre dans le pays et toujours d'actualité de nos jours[4],[5]. Créé au départ afin de maintenir un lien entre la société, presque en cessation d'activité à cause du conflit, et leurs fans, ce journal rencontre immédiatement quelques succès.
C'est également au cours de l'année 1915 qu'Enrico Canfari, ancien joueur, président et surtout fondateur emblématique de la Juve, se décide à retracer l'histoire de son club, dans une biographie intitulée Storia del Foot-Ball Club Juventus di Torino, rédigée quelque temps avant sa mort sur le front lors de la troisième bataille de l'Isonzo en octobre1915, tout comme Giuseppe Hess et d'autres anciens joueurs du club. Cette biographie fut publiée le dans un exemplaire du tout nouvel Hurrà Juventus, et l'histoire de Canfari reste encore à ce jour la seule trace écrite des origines du club turinoisbianconero[6].
Au cours de l'année 1915, avant le début de la saison, le président du club Bino Hess cède sa place, et pour la première fois de l'histoire du club, la société est désormais dirigée par trois présidents conjointement, en les personnes de Gioacchino Armano (un des treize créateurs du club), Fernando Nizza et de Sandro Zambelli[7]. Cette coprésidence est parfois appelée comité présidentiel de guerre.
Ce triumvirat, ajouté à Corradini, fut à l'origine du premier hymne officiel de l'histoire du club (adopté plusieurs décennies plus tard comme chant des joueurs bianconeri avant les matchs à domicile[8]).
Voici ci-dessous l'hymne de l'équipe composé par Corradini :
« Juventus, Juventus,
la squadra dei grandi sei tu
che non tramonta più.
La gioventù, di cui portiamo il nome,
ci pulsa appien nei muscoli e nel cuor
sappiam goder ma pur sappiamo come
si debba oprar sui campi dell'onor.
[...]
Noi riderem di quei vecchioni
nel nome della gioventù
eternerem le tradizioni
del Club che non tramonta più! »
Les turinois commencent donc leur saison de Coupe fédérale 1915-1916, avec les éliminatoires du Piémont occidental, sur un premier match, le dimanche contre le Torino (avec une victoire finale 4-2, dont les buteurs juventini furent Meille et Pavan). C'est la première fois depuis plus de six ans que la Juventus n'avait plus battue leurs rivaux en match officiel. Lors de la seconde journée, le club s'impose à nouveau 2 buts à 1 contre l'US Torinese, avec des buts de Dellacasa et Pavan, puis remporte ses deux dernières confrontations (dont le match retour du Derby della Mole). Terminant premiers du classement avec un score parfait de 4 victoires (3 victoires et un nul selon d'autres sources), le club bianconero rejoint haut la main la phase finale du tournoi, débutant fin janvier1916.
Les juventini, après un mois de repos, sortent d'entrée victorieux lors de la 1re journée à l'extérieur contre l'AS Casale sur le score de 2 buts à 1 (avec des buts de Giriodi et de Reynert), ce qui fut leur 5e victoire consécutive (record du club pour l'époque). La Juve alterne ensuite entre les victoires, défaites, et matchs nuls (notamment une victoire 2-0 à domicile contre les futurs vainqueurs du Milan le 12 mars, avec des buts de Bergante et Pirovano), avant de s'imposer 2 à 1 pour son dernier match reporté car à l'origine prévu pour la 4e journée, contre le Genoa CFC (réalisations d'Antognini et Reynaudi). Il s'agit de la première victoire sur les génois depuis avril1911. Finalement, avec 10 points, l'effectif finit second derrière les Milanais, qui remportent lors de la dernière journée le tournoi, dernière compétition de guerre.
Après cette coupe fédérale, plutôt équilibrée et très accrochée, le Foot-Ball Club Juventus, cesse ensuite toute activité officielle[9], jusqu'en 1919 à la fin de la guerre[10].
Fin 1916, on estime à près de 170 le nombre de protagonistes (anciens ou récents joueurs, staff, etc.) de la Juve qui prirent part aux combats en Italie septentrionale.
↑Suspension vivement critiquée par les dirigeants du Genoa CFC, en position de vainqueur. La fédération assura toutefois que la compétition reprendrait où elle en était dès la fin de la guerre, qui, selon la propagande de l'époque, ne durerait que quelques mois.
↑Compétition sous forme d'éliminatoires régionales (Ligurie, Piémont occidental et oriental, Lombardie et Émilie) d'où les premiers du groupe se regroupent lors d'une phase finale.