Dans le même temps, le général de Gaulle négocie avec les Britanniques pour être reconnu comme le chef d'un gouvernement en exil alors qu'il estime que le régime de Vichy est « illégitime, nul et non avenu ». Il forme le Conseil de défense de l'Empire, annoncé le par le manifeste de Brazzaville, à la suite du ralliement de diverses colonies, notamment l’Afrique-Équatoriale française (AEF) à partir de la fin août 1940. Cela donne à la France libre une assise territoriale, l'équivalent d'une capitale, Brazzaville en AEF, et un potentiel de soldats coloniaux et de ressources.
La France libre rassemble les Français libres ralliés au général de Gaulle, qui ont en commun le refus de la défaite de 1940 et la volonté de poursuivre le combat contre l’envahisseur allemand et ses alliés, sous les ordres du général de Gaulle, en Grande Bretagne, dans l'empire colonial mais aussi en France métropolitaine, où se mettent en place progressivement des réseaux liés au Bureau central de renseignements et d'action (BCRA). Les forces armées ralliées à la France libre sont appelées Forces françaises libres (FFL).
Le , la « France libre » est renommée « France combattante » par le Comité national français pour marquer l'alliance entre la France libre et « des groupements qui à l'intérieur du pays participaient activement à la résistance »[3] et forment la Résistance intérieure française.
La France libre est issue du ralliement au général de Gaulle des Français qui veulent poursuivre la lutte contre l'Allemagne aux côtés des alliés britanniques. Dès le , et dans la foulée de son appel à poursuivre la lutte, les ralliements sont d'abord individuels. Officiers, soldats, ou simples citoyens rallient ainsi Londres et de Gaulle. Dès le 28juin 1940, Winston Churchill, Premier ministre britannique, reconnaît le général de Gaulle comme le « chef des Français qui continuent la guerre ».
De nombreux militaires français se trouvent en Grande-Bretagne au début de l'été 1940, évacués de Dunkerque ou membres du corps expéditionnaire de Norvège, mais seulement une faible partie de ces forces (3 000 à l'été 1940 en Grande-Bretagne) ralliera la France libre. La grande majorité choisira d'être rapatriée en France[4].
C'est aussi en cette période du début d'été 1940 que de jeunes Français souhaitant continuer le combat tenteront de rejoindre Londres et le général de Gaulle. Il deviendra immédiatement pour eux le symbole de la poursuite du combat qu'ils espèrent mener. Au mois d'août 1940, le général décide de regrouper les très jeunes volontaires et étudiants qui l'ont rallié pour leur donner une formation d'officier. En , l'École des Cadets de la France Libre était née[5]. Ces jeunes Français allaient ainsi pouvoir y poursuivre leur instruction dans l'attente de leur engagement au sein des Forces françaises libres — eux qui étaient encore trop jeunes pour pouvoir se battre.
La reconnaissance officielle britannique
Par la suite, avec l'accord des Chequers du 7août 1940, entre le Royaume-Uni et le général de Gaulle[6], le Royaume-Uni s'engagea à sauvegarder l'intégrité de toutes les possessions françaises et à restaurer intégralement l'indépendance et la grandeur de la France. L'accord des Chequers est considéré par le gouvernement britannique comme effectif à compter du , date de la prise des pleins pouvoirs par le maréchal Pétain et de la fin du régime républicain sur le territoire national. Cela permet au général de Gaulle de se considérer officiellement comme le détenteur légitime de la continuité de l’État, et de traiter comme tel avec les Alliés. C'est dans cet esprit également que l'accord prévoit la formation d'un Comité français, embryon de gouvernement que de Gaulle s'attachera à mettre en place au plus vite.
Le gouvernement britannique s'engagea de plus à financer toutes les dépenses de la France libre, mais de Gaulle insista pour que ces sommes fussent des avances remboursables et non des dons qui auraient jeté une ombre, aussi ténue soit-elle, sur l'indépendance de son organisation. Les sommes dites furent effectivement remboursées, et bien avant la fin de la guerre. En effet, la location des navires marchands français libres aux services britanniques, les revenus de la flotte de pêche côtière, effectuée au large du pays de Galles, et la vente des produits coloniaux des territoires ralliés alimentèrent les caisses de la France libre[7].
Une Caisse centrale de la France libre est créée le à l'initiative de Pierre Denis (Rauzan), afin de gérer les crédits accordés par le Trésor britannique, d'émettre des billets au porteur et des monnaies métalliques ayant force libératoire dans les territoires ralliés à la France libre.
Le premier ralliement à la France libre est celui des Domaines français de Sainte-Hélène, le à l'initiative de Georges Colin, consul honoraire de France[9]. En juillet 1940, la France libre peut compter sur environ 7 000 hommes. Ses effectifs croissent notablement, en août – , à la suite du ralliement de plusieurs colonies africaines, océaniennes et asiatiques : Nouvelles-Hébrides (), Tchad (), Cameroun français (), Congo () et Oubangui-Chari (), Établissements français de l'Océanie (), Établissements français de l'Inde dits « Comptoirs de l'Inde » (), et Nouvelle-Calédonie ([10]). Ces ralliements confèrent, de plus, à la France libre une assise territoriale et donc une dimension étatique et non plus seulement militaire. À la fin , Britanniques et FFL ont cependant échoué à obtenir le ralliement de l'Afrique-Occidentale française, une tentative de débarquement à Dakar ayant été repoussée : l'AOF demeure provisoirement dans le giron vichyste. En , les Forces françaises libres comptent 27 000 hommes, 24 navires et une centaine d'appareils de différents types[11].
Le ralliement des territoires coloniaux a été une étape fondamentale pour la France libre. Comme l'a montré Éric Jennings, elle a donné à la France libre une partie de son contingentement, a eu un rôle économique et politique décisif en lui offrant une assise territoriale[14]. Le terme d'État pour la France libre a été, et est encore[15], discuté. Pourtant le Conseil d'État a reconnu en 2018 son caractère étatique[16] et un livre récent[Quand ?] concourt à démontrer comment en Afrique équatoriale française, la France libre était organisée comme un État, bien qu'embryonnaire : elle possédait les éléments constitutifs d'un État (population, territoire, autorité politique, capacité de créer le lien avec un autre État) et ses attributs stricto sensu (souveraineté et personnalité juridique)[17]. À titre d'illustration, il y avait une administration en AEF, un journal officiel qui s'inscrivait dans la continuité du JO de la République française (« Journal officiel de l'Afrique française libre et de l'AEF », les autorités battaient monnaie en AEF, d'abord sous la forme de « bons de caisse » imprimés sur place, puis après 1941, de billets de banque de 5, 25, 100 et 1000 francs, imprimés à Londres. Ces derniers portaient l'inscription "Afrique française libre"[18].
Le , Albert Ledoux en poste à Montevideo, devient le premier diplomate de carrière à se rallier à la France libre et le il est nommé par le général de Gaulle son « représentant personnel dans ses relations avec le Comité franco-uruguayen »[30]. Le , Ledoux donne officiellement sa démission au gouvernement de Vichy et le , par courrier manuscrit, le général de Gaulle, en exprimant le souhait d'avoir une représentation personnelle indépendante des Comités, étend singulièrement la mission de Ledoux et le nomme son « représentant personnel pour l'ensemble des États d'Amérique du Sud avec résidence à Montevideo »[30]. Directement rattaché au Général et couvrant un ensemble important de pays et autant de Comités dont l'Argentine, l'Uruguay, le Brésil, l'Équateur, le Pérou, le Paraguay, la Bolivie et le Chili, Venezuela et Colombie exceptés, il est le tout premier embryon de ce que sera l'organisation d'une diplomatie parallèle dissidente et centralisée.
Le général de Gaulle est le chef de la France libre et son autorité est rarement mise en cause. Toutefois, il met rapidement en place des institutions montrant que la France libre n'est pas soumise à son seul pouvoir personnel. Avec René Cassin, il établit des bases juridiques qui sont concrétisées par la publication d'un Bulletin officiel des Forces françaises libres qui paraît le 15août 1940. C'est ensuite dans un Journal officiel de la France libre que chaque mois à partir de janvier 1941, sont publiés les lois et décrets organisant la France libre.
Ce conseil sera consulté régulièrement malgré les difficultés dues à l'éloignement, notamment avant les affrontements franco-français en Syrie.
Le (jour où le maréchal Pétain appelle ouvertement à la collaboration, à la radio de Vichy), de Gaulle institue par ordonnance le « Conseil de défense de l'Empire », composé des différents chefs de territoires ralliés à la France libre.
Le Gabon est alors conquis par les Forces françaises libres (FFL), du 9 au , de sorte que le bloc AEF-Cameroun est réunifié au sein de la France libre.
Le , de Gaulle publie dans le Journal Officiel de la France libre, à Brazzaville (qui en est devenue la capitale officielle, au cœur de l'Afrique française libre), une « Déclaration organique » officielle, contestant la constitutionnalité et la légitimité du régime de Vichy, suivie de plusieurs ordonnances et décrets invalidant les lois d'exclusion de Pétain. Ce faisant, il irrite Churchill, qui, ne perdant pas complètement l'espoir de s'entendre avec Pétain, voit d'un mauvais œil s'ériger un nouveau pouvoir français dépassant largement le cadre de la Légion de volontaires initiale.
À la suite de la Charte de l'Atlantique, adoptée le par Churchill et Roosevelt et proclamant le principe d'autodétermination des peuples, de Gaulle les prit au mot et créa enfin à Londres un véritable gouvernement de la France libre, sous le nom de Comité national français le 24septembre 1941.
De plus, on peut signaler l'existence, dès 1940, d'un service d'espionnage et de sabotage, le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), qui, sous les ordres du colonel Passy (Dewawrin), avait établi très tôt des réseaux clandestins en France.
L'enlisement du gouvernement de Vichy dans la collaboration avec l'Allemagne nazie
Le gouvernement de Vichy officialisa la collaboration avec l'Allemagne nazie dès octobre 1940, sous l’impulsion du maréchal Philippe Pétain (et non de Pierre Laval, comme on le croit généralement). La politique voulue par Pétain consistait à tenter de desserrer l’étau de l’armistice, ce qui lui a fait dire dans son discours du 30 octobre[33] : « J'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d’occupation. Ainsi pourraient être assouplie la ligne de démarcation et facilités l’administration et le ravitaillement du territoire ». Toutefois, les travaux des historiens Eberhard Jäckel et Robert Paxton ont démontré que Pétain a activement recherché et poursuivi cette collaboration. La collaboration préconisée par Pétain exhortait au dépassement par les Français de leurs obligations découlant des conventions d'armistice pour accéder à un statut d'alliance avec l'Allemagne.
Mais Hitler refusant de signer la paix tant que le Troisième Reich n’aurait pas gagné sur tous les fronts, ce qui aurait notamment permis la libération des prisonniers français, l'Allemagne restait l'ennemi ; et la collaboration avec celui-ci constituait une trahison au sens de l'article 75 du code pénal de l'époque.
Voici quelques dates marquant les débuts de la collaboration, tant dans le principe, que dans les actes :
6mai 1941 : ordres de l'amiral François Darlan et de Pétain au général Henri Dentz d'accueillir en Syrie les avions allemands et de délivrer des stocks d'armes français aux Irakiens combattant les Britanniques
9mai 1941 : atterrissage à Damas des premiers appareils allemands.
13mai 1941 : 1re livraison de 300 tonnes d'armes par l'armée du Levant aux Irakiens combattant l’armée britannique.
28mai 1941 : signature des protocoles de Paris par Darlan accordant à l'Allemagne des bases en Syrie (Alep), en Tunisie (Bizerte) et au Sénégal (Dakar). L'accord sur Alep était entré en vigueur par anticipation, avec, pour conséquence, les bombardements allemands en Irak, la riposte anglo-gaulliste et la désastreuse campagne de Syrie, où l'armée vichyste se battit littéralement « pour le roi de Prusse ».
La collaboration n'en allait pas moins s'aggraver par la suite.
Le renforcement du Comité français de Londres
Outre les militaires et autres volontaires, des intellectuels, comme Maurice Schumann, René Cassin et Jacques Soustelle, avaient également rejoint Londres. Citons ici pour l'exemple l'humoriste Pierre Dac qui pratiqua son art sur les antennes de la BBC. Ce ralliement d'un nombre appréciable de civils avait contribué à encourager de Gaulle à constituer à la tête de la France libre un véritable organisme politique avec pour objectif de se faire reconnaître comme un gouvernement en exil. Il avait pourtant fallu attendre le 24septembre 1941 pour voir émerger le Comité national français, qui fit réellement fonction de gouvernement de la France libre.
Le 13juillet 1942, le terme de « France combattante » fut adopté à la place de « France libre ». Définie officiellement comme l'« ensemble des ressortissants français, où qu'ils soient, et des territoires français qui s'unissent pour collaborer avec les Nations unies dans la guerre contre les ennemis communs » et le « symbole de la résistance à l'Axe de tous les ressortissants français qui n'acceptent pas la capitulation et qui, par les moyens à leur disposition, contribuent où qu'ils se trouvent, à la libération de la France par la victoire commune des Nations unies », cette nouvelle appellation visait à signifier la prise en compte, par la France libre, de la Résistance intérieure, dans le combat de la Résistance française : la France libre et la « France captive » étaient « les deux éléments constitutifs d'une seule et même France qui est la France combattante ». Dans ce cadre, tout ce qui concernait à la fois la France libre et la Résistance intérieure changeait de nom (les délégués de la France libre devinrent « délégués du CNF », le Journal officiel de la France libre devint Journal officiel de la France combattante, la Lettre de la France libre devint la Lettre de la France combattante, les « en-tête de papier à lettres et timbres humides » furent remplacés au fur et à mesure de l'épuisement des stocks). En revanche, tout ce qui concernait la seule France libre conserva son nom initial (territoires français libres, Forces françaises libres, comités de la France libre, Caisse centrale de la France libre, libellés des billets de banque)[35].
L'intervention alliée en Afrique du Nord et le général Giraud
Lors du débarquement allié en Afrique du nord effectué sans le concours du général de Gaulle, mis à l'écart par Roosevelt et Churchill qui lui préfèrent le général Giraud, 400 volontaires civils arrêtèrent Juin et Darlan et neutralisèrent pendant 15 heures le XIXe corps d'armée vichyste, par leur putsch du . Si bien que les Alliés purent débarquer et encercler Alger sans opposition, avant d'obtenir le soir même la capitulation de cette ville avec son port intact. Quant à Juin et Darlan, désormais entre les mains des Alliés, ils finirent, sous la pression et les menaces du général Clark, par ordonner le cessez-le-feu à Oran et au Maroc, le , après trois jours de combats sanglants.
Comprenant que les Alliés étaient en mesure de battre les forces de l'Axe, Darlan forma alors à Alger, sous le nom de « Haut Commissariat de France en Afrique », un nouveau gouvernement vichyste, rival du Comité national de Londres, qui maintient en vigueur en AFN et AOF les lois vichystes d'inspiration hitlérienne, et les détenus politiques de Vichy dans leurs camps de concentration du Sud.
Cependant à la différence de Darlan, Giraud, plus « maréchaliste » que « vichyste », n'avait pas collaboré, ce qui rendait plus facile l'union entre les autorités de Londres et Alger. Des négociations difficiles furent mises en route à cet effet, sous la pression de Roosevelt et Churchill, après la conférence de Casablanca de , dénommée aussi « conférence d'Anfa ».
La clôture des engagements au sein des Forces françaises libres (FFL) eut donc lieu le 31juillet 1943 puisque celles-ci n'existaient plus. Le terme Forces françaises libres (FFL) est toutefois souvent utilisé à tort pour désigner l'Armée française de la Libération, qui leur succéda.
La 2e division blindée de Leclerc et la 1re armée française de De Lattre – au sein de laquelle opérait la 1re division française libre – furent deux des fleurons issus de la fusion de l'armée de la France libre avec celle d'Afrique, après la libération de l'Afrique du Nord et la campagne de Tunisie. Si certains Américains furent condescendants sur les opérations militaires menées par les forces françaises, entre 1940 et 1945, les Britanniques en furent bien plus respectueux, surtout après les exploits des Français libres à Bir Hakeim. Par ailleurs, l'action décisive menée par le corps expéditionnaire français en Italie (auquel appartenait la 1re DFL), sous les ordres de Juin, contribua de manière importante à réévaluer la valeur des Français aux yeux des Américains[36],[37],[38].
Si les Britanniques respectèrent sans difficulté, sauf au Levant, leur parole de restaurer la grandeur de la France, les Alliés de la deuxième heure comme les Soviétiques et les Américains, n'eurent pas le même souci, ni la même perception de la « France libre » du général de Gaulle. Les Russes ont toutefois gardé un souvenir bienveillant pour les Français libres de l'escadrille Normandie Niémen, qui se distingua sur le front russe entre 1943 et 1945. Par ailleurs, les relations entre Staline et de Gaulle furent, en apparence, moins houleuses que celles qui opposèrent Roosevelt au chef de la France libre.
Après-guerre
Dès , les Français libres ont constitué l'Association des Français libres, qui regroupait plusieurs centaines d'amicales régimentaires et de sections, en France et dans le monde. Elle avait une triple vocation : maintenir les liens entre les anciens de la France libre, défendre ses intérêts moraux et assurer l'entraide entre ses membres. De 1945 à 2000, elle a fait paraître 310 numéros de la Revue de la France libre. Le , l'association s'est officiellement dissoute. Depuis, elle est relayée par la Fondation de la France libre, située jusqu'en 2015 dans les anciens locaux de l'association, au no 59 de la rue Vergniaud, à Paris, puis au no 16 de la cour des Petites-Écuries, et ouverte à tous. Celle-ci a été présidée successivement par le général Jean Simon (2000-2003), Pierre Messmer (2003-2007) et Yves Guéna (2007-2011). Son président actuel est le général Robert Bresse.
Origine des combattants
Selon François Broche, membre du conseil d'administration de la Fondation de la France Libre, plus de 30 nationalités se côtoient au sein des FFL et « sans goût excessif du paradoxe, on peut affirmer que la majorité des « Français » libres qui ont sauvé l'honneur du pays en 1940 ne sont pas des citoyens français ». Ainsi sur les 53 000 FFL (chiffre maximum à la dissolution des FFL à l'été 1943), on compte environ 32 000 coloniaux », qui ne sont pas citoyens français en 1940, 16 000 Français et environ 5 000 étrangers, provenant d'unités de la Légion étrangère ralliées aux FFL[39].
La liste, encore incomplète, établie par Henri Écochard, ancien combattant des Forces françaises libres, à partir du fichier général conservé au Service historique de la défense, dénombre 52 230 Français libres, dont 9 120 sujets coloniaux, 2 810 étrangers et légionnaires, 2 000 personnes de nationalité incertaine et 38 300 citoyens français[40]. Toutefois, Jean-François Muracciole signale dans Les Français libres, l'autre Résistance qu'« un très grand nombre » de tirailleurs n'ont « pas signé d'engagement » ou que des fiches ont dû s'égarer, pour expliquer le faible nombre de « sujets coloniaux », en contradiction avec les autres données chiffrées disponibles. Il cite notamment un rapport de l'état-major général des FFL à Londres en date du , qui dénombre, à cette date, 61 670 combattants, dont 20 200 tirailleurs coloniaux et 20 000 hommes des troupes spéciales levantines (ces dernières sont des troupes supplétives, qui n'ont pas signé d'engagement dans la France libre, et ne sont pas reconnues FFL)[41]. Selon les propres estimations de Jean-François Muracciole, entre leur création à l'été 1940 et leur fusion avec l'armée d'Afrique à l'été 1943, 73 300 hommes se sont engagés dans la France libre, dont 39 300 citoyens français, 30 000 coloniaux (essentiellement de l'Afrique noire) et 3 800 étrangers.
Deuxième mission de Charles de Gaulle à Londres pour y demander une aide matérielle au transfert des troupes françaises en AFN. Démission de Paul Reynaud, remplacé par le maréchalPhilippe Pétain. Retour de Charles de Gaulle à Bordeaux.
17 juin
Le maréchal Pétain, nouveau chef du Gouvernement français, fait un discours officiel à la radio où il annonce que « il faut cesser le combat » et qu'il recherche avec l'ennemi "les moyens de mettre un terme aux hostilités" (les combats vont toutefois se poursuivre et ne cesseront réellement qu'à partir du ).
Départ de Charles de Gaulle pour le Royaume-Uni.
18 juin
110 élèves de l'école élémentaire de pilotage no 23 du Mans, commandée par le lieutenant Édouard Pinot, partent le soir du , de Douarnenez, à bord du langoustierTrébouliste en direction de Falmouth.
Premier appel du général de Gaulle à la poursuite de la guerre.
20 juin
18 sous-officiers de l'école de radio-navigants de Saint-Jean-d'Angély commandé par le capitaine Georges Goumin s'envolent à bord d'un Farman 220 pour l'Angleterre[43]. Quatre navires marchands (Anadyr, Rhin, Forbin, Capo di Olmo) rallient les forces Alliées à Gibraltar.
En Tunisie, le sous-marin Narval, sous les ordres du commandant François Drogou, quitte son port d'attache de Sousse avec la majorité de l'équipage et se réfugie à Malte.
Après avoir tenté en vain de maintenir ses troupes dans la guerre aux côtés des Alliés, le colonelEdgard de Larminat, chef d'état major du commandant en chef des forces Françaises du Levant, désavoué par son supérieur, est emprisonné mais s'évade le et passe par la Palestine pour rejoindre les FFL. Le médecin-général inspecteur Adolphe Sicé, directeur du Service de santé de l'AEF, au Cameroun se range du côté gaulliste. Le chef de bataillon Diego Brosset, s'engage à Bogota en Colombie et rejoint les FFL. 120 hommes de la compagnie du capitaineRaphaël Folliot, du 24e régiment d'infanterie coloniale, quittent le Liban et[44] passent en Égypte. Le sous-marin Narval commandé par le capitaine de corvette François Drogou est le premier bâtiment de guerre à répondre à l’Appel du général de Gaulle.
28 juin
Reconnaissance du général de Gaulle, par le gouvernement britannique, comme chef des Français qui continuent la guerre. René Mouchotte s'envole à bord d'un Caudron C.440 Goéland d'Oran en Algérie pour rejoindre Gibraltar emmenant avec lui Émile Fayolle, Charles Guérin, Henry Lafont, les sous-lieutenants observateurs Georges Heldt, André Sorret et le sergent-chef mitrailleur Duval[45].
Avant l'aube, les navires français réfugiés en Grande Bretagne sont saisis par les Britanniques lors de l'opération Catapult. Attaque d'une escadre française composée notamment de 4 bâtiments de ligne à Mers el-Kébir par la flotte britannique, causant la mort de 1 297 marins français : bataille de Mers el-Kébir.
Loi d'exception sur la déchéance de la nationalité française, pour ceux qui se sont rendus à l'étranger sans ordre de mission régulier.
25 juillet
Le capitaine de Hauteclocque, de l'état-major de la 5e DI qui capturé pendant la bataille de France (le ) parvient à s'échapper le 17 juin et rejoint Londres et se présente au général de Gaulle le , où il s'engage sous le nom de Leclerc.
2 août
Condamnation à mort et à la confiscation des biens de Charles de Gaulle. Le général Paul Legentilhomme, qui quitte la Côte des Somalis le et rejoint les FFL.
Ralliement du premier diplomate de carrière en poste à l'étranger (Uruguay), Albert Ledoux, à la France libre.
7 août
Signature de la Convention entre le général de Gaulle et le Royaume-Uni.
26 août
Ralliement de la première colonie africaine, le Tchad par le gouverneur Félix Éboué.
Le corps expéditionnaire des Forces françaises libres (FFL), le général de Gaulle à sa tête, quitte l'Angleterre sur deux cargos : le Pennland et le Westernland.
La déclaration de Pétain est comprise comme une déclaration de guerre contre eux, par les Français libres[51].
Déclaration de Pétain à la radio, appelant à la collaboration et affirmant la nécessité « d’éteindre les divergences de l’opinion, de réduire les dissidences de ses colonies »[34].
12 novembre
Fin de la campagne du Gabon. Le Gabon est entièrement contrôlé par la France libre qui y installe un nouveau gouverneur.
Ordres de Darlan et de Pétain au général Dentz d'accueillir en Syrie les avions allemands et de délivrer des stocks d'armes français aux Irakiens combattant les Britanniques.
Perte corps et biens (130 hommes) du croiseur sous-marin Surcouf dans la mer des Antilles à la suite d'un abordage avec un cargo américain ou bombardé par méprise par un avion de l'US Air Force.
27 février
1er ramassage par avion d'un agent du BCRA, le colonel Rémy en France occupée.
Reconnaissance soviétique du Comité national « comme ayant seule qualité pour organiser la participation des citoyens et des territoires français à l’effort de guerre ».
Résistance sanglante de l’armée d’Afrique au débarquement allié, au Maroc et à Oran. Livraison sans combat, par la même armée d’Afrique, de toute la Tunisie aux Germano-Italiens.
11 novembre
Livraison sans combat par l’armée d’armistice de toute la zone non occupée aux Germano-Italiens.
13 novembre
Constitution par François Darlan à Alger d'un gouvernement, reconnu par les États-Unis, pour l'Afrique du Nord et l'AOF, sous l'intitulé de « Haut Commissariat en Afrique ». Constitution d'un « Conseil impérial » composé, avec Darlan et Bergeret, des proconsuls vichystes d'Afrique du Nord et d'AOF (Noguès, Châtel et Boisson). maintien des lois d’exception et des camps de concentration de Vichy, en Afrique du Nord sous contrôle américain, en dehors de toute pression allemande[53]. Darlan prétend gouverner « au nom du maréchal empêché », bien qu'étant condamné par Vichy.
Reformation de la 1re division française libre sous le commandement du général de Larminat, à partir de la 1re brigade du général Koenig et de la 2e brigade du colonel Brosset. Formation en AEF de 5 nouveaux bataillons français libres.
Constitution en France du Conseil national de la Résistance (CNR), regroupant les principaux mouvements de résistance, tendances politiques et syndicats.
30 mai
Arrivée du général de Gaulle à Alger.
2 juin
Manifestation de masse en faveur de Charles de Gaulle, à Alger.
Ralliement forcé dans le camp des Alliés de la flotte d'Alexandrie (Égypte), sur la menace de Churchill de ne plus payer les soldes de ses équipages.
30 juin
Rentrée en guerre des Antilles, à la suite de violentes manifestations populaires contre l'amiral vichyste Robert (et après le sabotage sur ses ordres d'une partie de la flotte et de la totalité des avions).
2 – 23 juillet
Visite de Giraud aux États-Unis.
6 juillet
Sous la présidence du général de Gaulle, le CFLN adopte une ordonnance « relative à la légitimité des actes accomplis pour la cause de la libération de la France et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits », concernant l'ensemble de la Résistance française (Forces françaises libres et Résistance intérieure)[54].
Fusion avec l'armée d'Afrique des Forces françaises libres (FFL) qui cessent donc officiellement d'exister.
Archives
Les Archives nationales conservent une bonne partie des archives de la France libre, dont les archives dites « civiles » du BCRA[55]. Des fonds sont également disponibles aux Archives du ministère des Affaires étrangères[56]. Les archives du maréchal Leclerc, de la 2e DB et des évadés de France par l'Espagne sont conservées au Mémorial du maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la libération de Paris, ainsi que divers fonds privés ; celles des autres unités des Forces françaises libres (FFL) au Service historique de la défense (SHD), de même que les archives dites « militaires » du BCRA et le fichier général des FFL. Des documents sont disponibles dans les dossiers des compagnons de la Libération constitués au musée de l’ordre de la Libération, installé aux Invalides. Les archives du général de Gaulle ont été versées aux Archives nationales, la Fondation Charles-de-Gaulle disposant également d'un fonds. Plusieurs autres personnalités de la France libre disposent également de fonds privés. Ainsi, les papiers de l'amiral Georges Thierry d'Argenlieu ont été confiés par ses héritiers aux Archives nationales en 1991.
↑Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « La France Libre », dans La France des années noires, tome 1, Éd. du Seuil, 1993 ; rééd. coll. « Points-Histoire », 2000, p. 195-197.
↑Dominique Lormier, C'est nous les Africains : L'épopée de l'armée française d'Afrique 1940-1945, Paris, Calmann-Lévy, , 48 p. (ISBN2-286-02021-3).
↑Pierre Montagnon, La France coloniale, tome 2, Pygmalion-Gérard Watelet, 1990, p. 28.
↑Jean-Marc Regnault, « La France Libre, Vichy et les Américains – Des relations difficiles dans le Pacifique en guerre. L'exemple des îles Wallis et Futuna (1940-1942) », Outre-mers, vol. 91, no 344, , p. 181-200 (DOI10.3406/outre.2004.4118, lire en ligne, consulté le ).
↑Eric Jennings, La France libre fut africaine, Paris, Perrin,
↑Pierre Birnbaum, La leçon de Vichy, Paris, Seuil, , p. 149
↑Conseil d'État, « "Association du Musée des Lettres et Manuscrits, et autres" », Décisions du Conseil d'État (en ligne), (lire en ligne)
↑Florence Renucci, Les coutumes dans la fabrique des droits africains, Paris, Dalloz, , p. 9-23
↑Florence Renucci, Les coutumes dans la fabrique des droits africains, Paris, Dalloz, , p. 15
↑Télégramme du général Marshall, chef d'état-major général des armées américaines, au Pentagone, au général Clark, commandant la Ve Armée anglo-américaine en Italie, 5 juin 1944 : « Présentez mes félicitations au général Juin et à ses commandants de divisions du C.A français pour le grand succès qu'ils ont remporté. Dites leur qu'ils ont fait revivre l'armée française que je connaissais, celle de la Marne et de Verdun. », Bernard Pujo, Le général George C. Marshall (1880-1959), Economica, 2003, p. 154.
↑Lettre du général Alexander, commandant les armées alliées en Italie, au général Juin : « Je vous apporte, à vous personnellement mes plus profonds remerciements et vous exprime mon admiration sans bornes pour la maîtrise avec laquelle vous avez conduit vos troupes et mené vos batailles. Sous votre direction éclairée et ardente, la gloire des Armées Françaises a été une fois de plus manifestée au monde. A la bravoure de vos Officiers et Soldats, j'apporte ma très chaude admiration et ma profonde reconnaissance. La France peut à juste titre être fière de la bravoure de ses enfants du Corps expéditionnaire français. », Mémoires du général Juin, général Juin, éd. Fayard, 1959, vol. 1, p. 354.
↑Lettre du général Clark, commandant la Ve Armée anglo-américaine en Italie, au général Juin : « Je perds […] l'appui infiniment précieux de quatre des plus belles divisions ayant jamais combattu […]. Pour moi, cela a été une source profonde de satisfaction que de constater combien la part vitale prise par les troupes françaises de la Ve Armée pendant toute notre campagne d'Italie contre l'ennemi commun a été universellement reconnue. Pendant ces longs mois, j'ai eu le réel privilège d'être moi-même témoin des preuves les plus éclatantes que les soldats français, héritiers des plus belles traditions de l'Armée française, nous ont apportées. Néanmoins, non satisfaits de ceux-ci, vous et tous les vôtres avez ajouté un nouveau chapitre d'épopée à l'histoire de France […]. L'allant et le mépris complet du danger constamment démontrés par le C.E.F. sans exception, ainsi que les hautes qualités militaires professionnelles de l'officier français, ont suscité l'admiration de vos Alliés et la crainte chez l'ennemi. », Mémoires du général Juin, général Juin, éd. Fayard, 1959, vol. 1, p. 355.
La Mémoire des Français libres - Hommes et combats, compilation en 7 tomes des articles historiques publiés depuis 1945 dans la Revue de la France libre, Fondation de la France libre, 2002.
Jacques Soustelle, Envers et contre tout, tomes I et II, Robert Laffont, Paris, 1950.
Nouvelle édition revue et augmentée : Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : de l'appel du 18 juin à la Libération, vol. 1 et 2, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Histoire » (no 226-227), , 1476 p., poche (ISBN978-2-07-045469-3 et 978-2-07-045470-9).
Bernard Le Marec, Les Français libres et leurs emblèmes, Paris, Charles-Lavauzelle et Cie, , 257 p.
Nouvelle édition revue, corrigée et complétée : Bernard Le Marec, Les Français libres et leurs emblèmes, Panazol, Lavauzelle, , 174 p. (ISBN2-7025-0367-5).