Révolution française de 1848Révolution française de 1848
Lamartine devant l’hôtel de ville de Paris le refuse le drapeau rouge – Peinture de Félix Philippoteaux.
350 morts au moins 500 blessés Notes La Garde nationale s'est posée en arbitre entre l'armée et le peuple. Batailles
La révolution française de 1848, parfois dénommée « révolution de Février », est la troisième révolution française après la Révolution française de 1789 et celle de 1830. Elle se déroule à Paris du 22 au . Sous l'impulsion des libéraux et des républicains, une partie du peuple de Paris se soulève à nouveau et parvient à prendre le contrôle de la capitale. Le roi Louis-Philippe est contraint d'abdiquer en faveur de son petit-fils, Philippe d'Orléans, le . Le même jour, à 15 heures, la Deuxième République est proclamée par Alphonse de Lamartine, entouré des révolutionnaires parisiens. Vers 18 heures, un gouvernement provisoire est mis en place, mettant ainsi fin à la monarchie de Juillet. Cette révolution sera suivie des Journées de Juin réprimées dans le sang (5 700 morts). La bombe parisienneSi le régime de la monarchie de Juillet est usé, la crise politique et économique aggrave la situation sociale de la capitale jusqu'au mécontentement. Avec plus d'un million d'habitants, le Paris de 1848 est encore le Paris de l'Ancien Régime avec ses maisons anciennes et ses rues étroites. La ville est close par le mur des Fermiers généraux et ses 52 barrières d'octroi. Une sorte de frontière sépare l'Ouest et l'Est ; elle sera tragiquement retracée lors des Journées de Juin 1848, par la ligne de bataille qui, du boulevard Rochechouart à l'actuel boulevard de Port-Royal, suivra le boulevard Poissonnière, la rue Saint-Denis, traversera l'Île de la Cité et remontera la rue Saint-Jacques. Si cette frontière n’est nullement rigide (les quartiers populaires s'étendant vers l'Est, débordant vers le Quartier latin, l'Hôtel de Ville, le Louvre ou les Tuileries), la différenciation est très nette entre les classes « privilégiées » (ou supérieures) et le « peuple parisien ». Le monde de la boutique est très important dans la capitale. S'il fournit une grande partie de la Garde nationale, il est écarté du droit de vote censitaire. À Paris en 1848, les conditions d'existence (durée et dureté du travail, misère, conditions d’hygiène et de santé, voire environnement redoutable de la criminalité) sont difficiles. La grande industrie a été rejetée sur les villages périphériques tels que La Villette ou Les Batignolles. La plupart des ouvriers sont occupés dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers est tenue par un patron seul ou avec un seul ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000). Même après les avancées des Trois Glorieuses, en 1830, obtenant une monarchie constitutionnelle, les antagonismes s'exaspèrent, en ces temps d'épidémie, de choléra, de disette[1], de crise financière, de crise morale avec plusieurs scandales comme celui de l'affaire Teste-Cubières en , et de rivalités politiques ou de querelle à propos des écoles religieuses. Les incidents se produisent plus régulièrement dans la capitale qu'en province et peuvent alors faire resurgir les barricades.
En province, la crise de subsistance qui sévit dès 1846 à la suite de deux mauvaises récoltes de céréales (1845 et 1846) et à la maladie de la pomme de terre, provoque également des troubles. À Buzançais, dans le Berry, le , les tisserands, ouvriers et journaliers réunis dans les faubourgs s'opposent violemment à un transport de grains[2]. Cette émeute, signe de l'affrontement entre blouses et habits, peut pour certains historiens être considérée comme un prélude à la révolution puisqu'elle est significative du fossé qui se creuse entre les couches populaires qui s'appauvrissent et les notables qui s'enrichissent[3]. Dans ses Souvenirs, Alexis de Tocqueville rappelle le discours qu’il tint devant les députés le afin de les alerter sur le climat délétère : « Est-ce que vous ne ressentez pas, par une sorte d'intuition instinctive qui ne peut pas s'analyser, mais qui est certaine, que le sol tremble de nouveau en Europe ? Est-ce que vous ne sentez pas… que dirais-je ?… un vent de révolution qui est dans l'air ? […] Je parle ici sans amertume, je vous parle, je crois, même sans esprit de parti ; j'attaque des hommes contre lesquels je n'ai pas de colère, mais enfin, je suis obligé de dire à mon pays ce qui est ma conviction profonde et arrêtée. Eh bien ! ma conviction profonde et arrêtée, c'est que les mœurs publiques se dégradent ; c'est que la dégradation des mœurs publiques vous amènera dans un temps court, prochain peut-être, à des révolutions nouvelles. Est-ce donc que la vie des rois tient à des fils plus fermes et plus difficiles à briser que celle des autres hommes ? »[4]. Mais dans la semaine précédant la révolution, Louis-Philippe ne prit pas conscience de la gravité des événements qui se préparaient. Le prince Jérôme Napoléon essaya, lors d’une visite aux Tuileries, de l’en avertir. Il raconta la scène à Victor Hugo, qui la rapporte dans ses carnets à la date du . Le roi se contenta de sourire et de dire : « Mon prince, je ne crains rien ». Et il ajouta : « Je suis nécessaire »[5]. DéroulementPour interrompre la Campagne des banquets, le gouvernement Guizot décide le 22 février 1848[6] d’interdire ces faux banquets qui sont de vraies réunions politiques[7]. Le , le préfet de police interdit un banquet projeté à Paris pour le . À l'appel d'Armand Marrast, dans le journal Le National, les Parisiens sont invités à manifester le , date à laquelle le banquet a été reporté. Le rassemblement doit s'effectuer place de la Madeleine. La veille, pourtant, les principaux chefs de l'opposition reculent devant l'épreuve de force et donnent le contre-ordre d'annuler le banquet et la manifestation. Le gouvernement semble devoir l'emporter ; confiant, il décide de ne pas mettre en application les dispositifs militaires prévus en cas d'incidents graves. En fait, gouvernement et opposition vont être débordés par la situation se développant au fil des heures en « révolution ». Le au matin, des centaines d'étudiants (dont certains s'étaient déjà mobilisés dès le pour dénoncer la suppression des cours de Jules Michelet), se rassemblent place du Panthéon puis se rendent à la Madeleine où ils se mêlent aux ouvriers. Les manifestants (3 000 personnes) se dirigent ensuite vers la Chambre des députés, Place de la Concorde, aux cris de « Vive la Réforme ! À bas Guizot ! ». Mais dans l'ensemble, les forces de l'ordre contrôlent la situation. L'occupation militaire de Paris a été décrétée vers 16 heures. Le roi peut compter sur 30 000 soldats, l'appoint de l'artillerie, la sécurité des forts qui encerclent la capitale. Il y a, enfin, la Garde nationale, 40 000 hommes environ. Après quelques incidents (un mort), les troubles se déplacent vers l'église Saint-Roch, la manifestation s'organise, la situation s’envenime puisque la crise ne peut être dénouée, la Chambre ayant rejeté quelques heures plus tôt la demande de mise en accusation du gouvernement Guizot déposée par Odilon Barrot. Le matin du , alors que l'insurrection se développe, les gardes nationaux de la deuxième Légion, boulevard Montmartre, crient « Vive la Réforme ! ». Dans d'autres quartiers, différents bataillons de la Garde nationale protègent les ouvriers contre les gardes municipaux et même contre la troupe de Ligne. La Garde nationale se pose ainsi en arbitre entre l'armée et le peuple parisien. Cette défection sonne le glas du pouvoir de Guizot[7]. Louis-Philippe se rend subitement compte de l'impopularité de son ministre et se résout, dans l'après-midi, à le remplacer par le comte Molé, ce qui équivaut à accepter la réforme. Le roi renvoie certes tardivement son ministre Guizot, mais la protestation se calme : le pire semble évité même si le climat reste tendu. Dans la soirée du même , la foule déambule sous des lampions pour manifester sa joie et envisage de se rendre sous les fenêtres de Guizot pour le huer. Le mécontentement avait été si profond depuis des mois et la tension des dernières heures si vive que le moindre incident pouvait encore mettre en péril ce règlement « légaliste » et improvisé de la crise et raviver les ardeurs révolutionnaires. Dans le quartier des Capucines, une rue est barrée par le 14e régiment d'infanterie de ligne et la provocation d'un manifestant porteur d'une torche envers un officier a des conséquences tragiques. Se croyant menacée, la garde ouvre le feu, laissant sur le pavé de 35[8] à plus de 50 tués, selon les sources, ce qui « justifie » le rebondissement et l'amplification du mouvement protestataire, alors que l'apaisement semblait en bonne voie. Cette fusillade du boulevard des Capucines, la promenade des cadavres, la nuit, à la lueur des torches, sur une charrette dans les rues de Paris, l'appel du tocsin annonçant le massacre, entre 23 heures et minuit, de Saint-Merri à Saint-Sulpice, relancent l'insurrection[9]. Puisqu'il y a 52 martyrs, on dévalise les armuriers et on édifie des barricades. Il y en a bientôt 1 500 dans toute la ville. Le monde ouvrier y coudoie la jeunesse estudiantine et la petite bourgeoisie. Pendant que les révolutionnaires parisiens se soulèvent, le roi, aux Tuileries, n'a plus de gouvernement. Molé a renoncé et conseille de faire appel à Thiers. Ce dernier exige alors la dissolution de la Chambre des députés, mais le roi refuse. Le maréchal Bugeaud, nommé commandant supérieur de l'armée et de la Garde nationale de Paris, est convaincu qu'il peut vaincre l'émeute, mais le souverain refuse la solution de force. Beaucoup trop de sang a déjà coulé. Le , Louis-Philippe ne parvient pas à reprendre en main la situation, malgré une dernière tentative de confier le gouvernement à Odilon Barrot. Les gardes nationaux de Dunoyer rallient, crosse en l'air, les troupes du général Bedeau et se dirigent vers les Tuileries[10]. Lorsque le palais commence à être attaqué par la foule, vers midi, le roi abdique en faveur de son petit-fils de neuf ans, le comte de Paris, confie la régence à la duchesse d'Orléans, puis sous la pression des révolutionnaires, se résout à prendre le chemin de l'exil. Au début de l'après-midi, la duchesse d'Orléans se rend au Palais Bourbon pour y faire investir son fils et y faire proclamer officiellement la régence dans l'espoir de sauver la dynastie. Les députés, dans leur majorité, semblent favorables à une régence. Mais les républicains ont appris de leur échec de 1830, et tandis que les libéraux organisent un nouveau gouvernement plus libéral, ils forcent la main : pendant la séance, le Palais-Bourbon est envahi par la foule révolutionnaire qui, d'accord avec les élus de l'extrême gauche, repousse toute solution monarchique et fait proclamer un gouvernement provisoire. Le même jour, un gouvernement provisoire républicain est donc établi, la monarchie de Juillet est abolie, Alphonse de Lamartine proclame la Deuxième République[7]. Parmi les gardes nationaux et les volontaires de la capitale, on dénombre 151 décédés et 601 blessés entre le 22 et le 24 février ; les familles des disparus et les blessés sont indemnisés par la République[11]. Une décoration est officiellement décernée aux blessés : c'est la médaille des blessés de 1848[12]. Récits et analysesKarl Marx analyse les événements dans Les Luttes de classes en France[13] :
Ces journées révolutionnaires apparaissent dans l'Éducation sentimentale de Flaubert ; elles forment le cadre du début de la troisième partie :
Alexis de Tocqueville, se promenant dans Paris le , fut frappé par les initiatives populaires, qui spontanément germaient de toute part :
Victor Hugo évoque longuement cette révolution dans ses Choses vues. Erckmann-Chatrian évoquent également longuement cette révolution dans "Histoire d'un homme du peuple", où le principal personnage vit les évènements "de l'intérieur". ConséquencesLa politique suivie prend ses distances avec le régime précédent. Un rapport parlementaire proposant la nationalisation des compagnies de chemin de fer est présenté le et signé par Eric, Arago, Ledru-Rollin et Garnier-Pagès[15]. Notes et références
AnnexesSources primaires
Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
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