Bataille de DakarBataille de Dakar
Télépointeur de la batterie Nord du Castel à l'île de Gorée, utilisée contre les bâtiments britanniques. Les canons de cette batterie sont des canons de 240 mm, provenant des pré-dreadnoughts. de la classe Danton.
Batailles Batailles et opérations des campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
La bataille de Dakar, également appelée l'opération de Dakar, l'expédition de Dakar ou l'opération Menace, est une attaque navale britannique de la Seconde Guerre mondiale qui oppose au large de Dakar et sur la presqu'île du Cap-Vert, près de Rufisque, du au , la Royal Navy, accompagnée du général de Gaulle et de quatre navires de Français libres, sont repoussés par les forces armées du Gouvernement français, sous les ordres de Pierre Boisson, gouverneur général de l'Afrique-Occidentale française (AOF) depuis le . C'est à Dakar que le gouvernement français a rapatrié 1 100 tonnes d'or des Banques de France, ainsi que celui de la Banque de Belgique, embarqués du au [1]. « Le , le gouverneur général Boisson et le général Barrau, commandant supérieur en AOF, donnent l’ordre de transporter tous les dépôts d’or de Thiès à Kayes (Soudan français) ». ContexteEn , deux mois après l'attaque de Mers el-Kébir et l'attaque du Richelieu à Dakar par les Fairey Swordfish du porte-avions HMS Hermes (le ), le général de Gaulle et Winston Churchill pensent pouvoir conquérir l'Afrique-Occidentale française (AOF) qui est restée sous contrôle du Gouvernement français en application de l'armistice du . Ils viennent d'obtenir le ralliement de trois colonies d'Afrique-Équatoriale française (AEF), l'Oubangui-Chari (l'actuelle République centrafricaine), le Tchad et le Moyen-Congo (l'actuelle république du Congo), ainsi que du territoire sous mandat du Cameroun, formant ensemble l'Afrique française libre. Pour de Gaulle, ce serait un second espace de légitimité. Pour les Britanniques, ce serait la garantie d'écarter la menace allemande sur une position assez stratégique pour le contrôle de l'Atlantique central. En outre, comme le gouvernement français a envoyé en sécurité à Dakar avant l’armistice une partie de l’or des États polonais et belge, l'opération aurait permis de le rendre aux gouvernements polonais et belge réfugiés à Londres. Le projet initial de De Gaulle, tel qu’il le rappelle dans ses Mémoires, consiste à débarquer à Conakry une colonne, qui progresserait vers Dakar en ralliant des forces sur son périple, avec une couverture maritime de la part de la flotte britannique. Pour des raisons stratégiques exprimées par Churchill, cependant, projet doit être abandonné. De son côté, le gouvernement de Vichy a au tour de juillet 1940 éloigné de Dakar un certain nombre de responsables, jugés trop anglophiles, dans les jours qui ont précédé l'attaque du 1940, notamment le commandant de la Marine à Dakar et le gouverneur général Léon Cayla, muté à Madagascar. Ce dernier a été remplacé dès le 25 juin 1940 par Pierre Boisson, qui est déjà gouverneur général de l'AEF et réunit désormais sous son autorité l'ensemble des territoires français en Afrique noire. Début septembre 1940, le gouvernement de Vichy, avec l'accord de la Commission franco-allemande d'armistice, envoie depuis Toulon une escadre de trois croiseurs et trois grands contre-torpilleurs (la Force Y) pour s'opposer aux menées britanniques et gaullistes au Gabon. Or, la Royal Navy contraint cette escadre à rebrousser chemin en interceptant dans le golfe de Guinée le pétrolier qui devait la ravitailler à Libreville. Cependant, elle n'est pas parvenue à contraindre deux des trois croiseurs à gagner Casablanca alors que l'escadre destinée à intervenir à Dakar est à la mer. L'avant-veille du déclenchement de l'opération Menace sur Dakar, le commandant de l'escadre, dont l'amiral François Darlan considère qu'il n'a pas réussi dans sa mission, est remplacé par l'amiral Émile-Marie Lacroix, dont le navire amiral a été très gravement endommagé à Mers el-Kébir. Forces en présenceDe Gaulle et la Royal Navy
Marine nationale française
DéroulementLe à l'aube, trois navires marchands des Forces Françaises Libres, accompagnés par deux cuirassés britanniques anciens non modernisés, le porte-avions HMS Ark Royal, plusieurs croiseurs et destroyers constituant la Force M, commandée par l'amiral John Cunningham[5], se présentent devant Dakar, la capitale de l'Afrique-Occidentale française, pour leur proposer de les libérer et exiger leur reddition. La visibilité de l'armada alliée est gênée par le brouillard. Pierre Boisson, gouverneur général de l'AOF, envoyé de Brazzaville à Dakar en juillet, après l'attaque britannique du , refuse catégoriquement de se rallier et affirme sa volonté de défendre Dakar « jusqu'au bout »[6]. Du au , au large du Sénégal, pour la première fois de la guerre, des Français se battent contre des Français. La présence du général de Gaulle en mer ne provoque pas les ralliements escomptésm et aucune des trois opérations simultanées ne réussit. L'attaque de Mers el-Kébir, qui a fait 1297 morts et 350 blessés chez les marins français [7], vient d'avoir lieu. Un commando débarqué par deux Caudron Luciole est arrêté ; une tentative de persuasion politique échoue ; et Georges Thierry d'Argenlieu, arrivé par mer pour parlementer avec un drapeau blanc, est accueilli par un tir de mitrailleuse et est sérieusement blessé bien que son embarcation parvienne à s'échapper. Le 23 septembre vers 11 heures, le sous-marin Persée envoie une torpille vers des navires britanniques. Il est repéré et coulé. Dans la nuit du 23 au , un ultimatum britannique est adressé aux autorités françaises de Dakar et leur enjoint de livrer la place au général De Gaulle. Le texte accuse les forces de Dakar de vouloir livrer leurs moyens aux Allemands. Il provoque l'indignation des défenseurs, le contre-amiral Marcel Landriau et le gouverneur général Boisson, Haut-Commissaire à Dakar, qui répond : « La France m'a confié Dakar. Je défendrai Dakar jusqu'au bout ! ». Les Britanniques entament alors une opération militaire, mais cette fois, elle échoue à cause de l'aviation française, basée sur le terrain d'aviation d'Ouakam, et aussi de la surprise des deux croiseurs et trois contre-torpilleurs de la Force Y[8],[9]. ConséquencesL'opération constitue un tournant idéologique pour les gouvernements, bien plus qu'un affrontement important du point de vue des forces en présence, du nombre des victimes ou des unités militaires détruites ou endommagées. De cette action, De Gaulle sort un temps personnellement ébranlé et isolé. Jean-Raymond Tournoux rapporte[10] que De Gaulle, dans une conversation ultérieure à Brazzaville avec René Pleven « confesse » à celui-ci : « J’ai songé à me brûler la cervelle ». De Gaulle, dans ses Mémoires de guerre, n’en fait pas mention mais écrit : « Les jours qui suivirent me furent cruels. J’éprouvais les impressions d’un homme dont un séisme secoue brutalement la maison et qui reçoit sur la tête la pluie des tuiles tombant du toit. ». Au reste, Pleven fait savoir à Jean Lacouture[11], qu’il n’a « pas pensé un instant que le général ait réellement eu cette intention » et que c’était « un contresens que d’interpréter autrement ses propos ». Il est d'ailleurs politiquement menacé par l'amiral Émile Muselier, accusé à tort d'être à l'origine des fuites qui ont empêché la réussite du débarquement. Le jugement de Frankklin Roosevelt en est durablement affecté[12]. Pour Churchill, cependant, « l'affaire de Dakar » pose De Gaulle comme alternative crédible à la France de Vichy dans les colonies après la réussite de l'opération de Leclerc sur l'AEF en et à la veille de l'affirmation des Forces françaises libres lors des événements du Liban et de la Syrie face aux Vichystes. Un mois après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord du , les autorités vichystes d'Afrique-Occidentale française, sous l'impulsion plus ou moins de circonstance de l'amiral Darlan, finissent par signer le un accord avec les Alliés qui remet ce territoire dans la guerre. En juin 1943, lors de la constitution du Comité français de libération nationale, Boisson démissionne et est remplacé le par le gaulliste Pierre Cournarie. Les hauts fonctionnaires vichystes sont progressivement écartés[13].
Notes et références
Bibliographie
Voir aussiArticles connexesPersonnalités associées à l'événementLiens externes
|