Probablement inspiré par le Panthéon charivarique de Benjamin publié entre 1835 et 1842 dans Le Charivari[58], Nadar projette, en 1851, de réunir plus d'un millier de célébrités de l'époque sur quatre planches lithographiques regroupant chacune près de trois cents portraits dessinés en pied. La première concerne les écrivains et les journalistes. La deuxième devait être consacrée au monde du théâtre, acteurs, dramaturges, la troisième aux peintres et aux sculpteurs et la quatrième aux musiciens[59]. Chaque planche, identifiant les personnages par des numéros reportés en regard de leur nom sur les deux côtés du dessin[58], devait être complétée par un ouvrage regroupant la biographie des gloires contemporaines.
La réalisation du Panthéon, trop onéreuse, n'apporte finalement pas à Nadar le gain qu'il en espérait : il ne vend que cent trente quatre exemplaires de la première planche. En 1858, les suivantes n'ayant pas été réalisées, il complète la frise de 1854, à la demande d'Hippolyte de Villemessant qui en a racheté les droits et qui opère un retirage de la pierre lithographique pour l'offrir en « prime » aux lecteurs du Figaro, estampe à laquelle s'ajoute une vingtaine de portraits de peintres et de compositeurs dont ceux d'Hector Berlioz, Gioachino Rossini, Eugène Delacroix[59].
Nombre de personnalités ont posé pour la postérité dans l'atelier de Nadar, espérant, loin d'être offensés par les caricatures, être au nombre des élus de son Panthéon. Les quelques femmes représentées apparaissent sous la forme de neuf bustes disposés sur un plateau supporté par Ernest Legouvé au centre de la frise[58]. Celui de George Sand, « mère du romantisme français[59] », ouvrant le défilé, est présenté sur une colonne, les bustes et les statues constituant le mode de la célébration républicaine[61]. Le no 174 est « Falempin », un écrivain qui n'existe pas, ou, selon Théodore de Banville, une « sorte de pseudonyme ridicule et railleur qu'on prêtait aux écrivains de peu de talent. »[62]
Nadar, qui se représente lui-même (no 182) assis à côté de son panonceau, en pantalons rayés, dédicace ainsi son Panthéon :
« Au Monsieur que je regrette assurément d'avance de ne pas connaitre et qui le 2e jour de la 3e lune de l'an 3607 courra les ventes comme un chien perdu pour acheter à prix d'or cet exemplaire devenu introuvable et dont il ne pourra se passer pour son grand travail sur les figures historiques du XIXe siècle. »
À partir de 1876, Ludovic Baschet lance la Galerie contemporaine littéraire, artistique, comprenant pour chaque numéro, un tirage photographique, jusqu'en 1884, totalisant 410 portraits[63].
Dix ans plus tard, Angelo Mariani et une équipe éditoriale, réalise la performance, à laquelle Nadar n'est pas parvenu, de rassembler dans les quatorze volumes de son Album de figures, les portraits et les biographies de plus d'un millier de personnalités contemporaines[64].
Adeline Wrona, « Des Panthéons à vendre, le portrait d'homme de lettres, entre réclame et biographie », Romantisme, no 155, , p. 37-50 (lire en ligne)
(en) Nadine Orenstein, « Nadar's Pantheon (Panthéon Nadar) », dans Nadine Orenstein, Constance C. McPhee, Infinite Jest: Caricature and Satire from Leonardo to Levine Exh. cat.: September 13, 2011 - March 4, 2012, New Haven et Londres, Metropolitan Museum of Art, (lire en ligne), p. 86-87, cat. n° 61