Félix MornandFélix Mornand
Félix Mornand, né le à Mâcon (Saône-et-Loire) et mort le à Paris, est un journaliste et écrivain français, publiciste, romancier, chroniqueur, conteur, feuilletoniste, critique littéraire et critique dramatique. Grand-Père de Pierre Mornand. Journaliste libéral, connu pour soutenir toujours les principes de la liberté politique, religieuse et commerciale, en défendant les droits des peuples et des nationalités, Félix Mornand laissera un souvenir important dans l'histoire de la presse indépendante sous le second Empire. Chroniqueur à l'Illustration et rédacteur en chef du Courrier de Paris, il est connu pour ses guides touristiques pratiques, parmi les premiers du genre en langue française: Guide-Cicérone Belgique (1853), La Vie aux eaux (1853), La Vie de Paris (1855). « Avec cela, polémiste politique de talent et de conviction, homme de cœur et homme d’esprit » — Pierre Véron. « Félix Mornand, l’introducteur de la fantaisie dans les grands journaux » écrivit Paul Barlatier, directeur du Sémaphore[1]. ParentéFélix Mornand est de souche bourguignonne. Il eut dans ses pères vignerons à Solutré au milieu du XVIe siècle, une ascendance qui abjura le protestantisme en se mariant : Jonas Dejoux[2] avec Benoite Mornand ; et Suzanne Dejoux[3] avec Michel Mornand[4]. Les enfants de leur petit-fils, Simon[5], reçurent les prénoms de leurs parrains avocats et fils de hauts fonctionnaires dans la Magistrature[N 1] au service desquels étaient leur mère[6] au Château de Champgrenon à Charnay. L'acte de baptême de Louis Mornand[7] est signé par Maitre Louis Viard[8] et Demoiselle Marie-Anne Dauphin[9] marraine. De même, François Mornand[10] doit son prénom à Maitre François Viard[11] et sa femme, Marie Bernard [1635-1726] fille d'Henriette Barthelot[12], tante paternelle au 4e degré[13] du Préfet de la Seine Rambuteau. Enfin le parrain du dernier fils de Simon, Philibert Mornand[14], ancêtre de Félix, fut Philibert Rossignol, Procureur au siège présidial de Macon[15], marraine : Monique Chamoux, fille du juge de Saint-Clément décédé en 1642. Les aïeules de Félix ont toutes été filles de vignerons. Par transmission intellectuelle, les descendants de Simon Mornand eurent un destin littéraire dû au riche passé de ce lieu que la ville de Charnay-lès-Mâcon célèbre encore aujourd’hui pour avoir brillé sous Aymé de Rymon[16]. « Homme d'esprit, & qui cultivoit les Lettres avec soin », ce « seigneur cultivé connu comme érudit »[17] fit de l'ancien fief une véritable seigneurie reste le portail gravé des mots Campus Grynaus Musis et Apolloni sacer (Champgrenon, temple des Muses et d’Apollon) [9].« Sa demeure eut le privilège d’abriter les réunions des poètes de la Pléiade, Ronsard y résida vers 1560 et pendant une année environ et d'autres poètes auxquels Aymé de Rimon aimait à donner asile »[18]. Ami de Pontus de Tyard, il aimait à l'y recevoir avec Joachim du Bellay, Guillaume du Bartas, Guillaume des Autels. C'est là aussi qu'aux sollicitations d'Aymé, Pierre Tamisier traduisit en vers français l'Anthologie des Grecs[19]. Par alliance en 1708, la propriété passe aux Berthelot Rambuteau[20] . « La personnalité du Comte de Rambuteau (1781-1869), chambellan de Napoléon 1er, préfet de la Seine, rayonne sur Champgrenon » voir. Arrière-petit-fils maternel de Rotrou-le-poète, M. le Comte de Rambuteau, membre d'honneur de l'Académie « sacrifie lui aussi, à Apollon et aux neuf Muses »[21]. Le père de Félix, Jean Claude Mornand[22] a été en 1815 avoué près la cour royale de Lyon[23],[N 2]. En 1821, avocat au parlement de Mâcon[24]. Sous la Restauration, il dirigea à Lyon le mouvement de avec Prosper Faye[25], François Barthélemy Arlès-Dufour, Pierre Duplan[26]... Chef de l’opposition libérale et organisateur de la Révolution de 1830 à Lyon, il en publia un rapport[27], devint membre de la Commission administrative de Lyon[28] et reçut un poste de receveur particulier des finances[29],[N 3]. Directeur du journal républicain à Cambrai (59) La Vérité[30] en 1848, il devint attaché de préfecture, faisant fonction de préfet ou de maire à Constantine (Algérie)[31], Il décéda à 62 ans, attaché de préfecture à Oran[32]. La mère de Félix, Caroline Mornand[33] était la fille du docteur Pascal[34] installé depuis douze ans à Saint-Sorlin quand s'installa à Milly[35] la famille Lamartine. Le jeune Alphonse, de santé délicate, y était souvent conduit par sa mère, une relation amicale inaltérable s'établit entre les familles[N 4],[36]; le fils du docteur était de même âge son compagnon de jeu[37]. A 13 ans, Alphonse et Caroline, de quatre ans son ainée, se voyaient aisément. « A 19 ans, Alphonse glissait entre les pages des livres qu'il prêtait à Caroline ses essais audacieux ; elle put être sa première égérie »[38]. « Toute l'amabilité, toute la sagesse, toute la raison, tout l'esprit, toute la grâce, tout le talent imaginable ou plutôt inimaginable » écrivait-il de Milly à son ami Guichard. Elle « apparait dans Les Confidences[39] sous les traits de Lucy L.. »[40]. Elle décéda à Lyon le , à 35 ans, laissant trois enfants[N 5]. BiographieSur les traces de son père et ami proche de Lamartine[N 6], Félix Mornand partagea son existence entre la politique, les voyages et la littérature. Évènement déjà public : il relatait sa venue au monde en plein conflit international, conduit clandestinement aux fonts baptismaux un , « en risquant de glisser sur le parvis dans le sang de malheureux fusillés la veille comme espions. Vingt-six ans après la prise de la Bastille, anniversaire glorieux mais qui ne l'est plus que par le souvenir (Napoléon III était au pouvoir), les autrichiens furieux, un mois après Waterloo, envahissaient ma ville natale, Mâcon. »[41]. Après ses études à Lyon il suivit d’abord la carrière administrative. AdministrateurParticipant à 18 ans à la commission d'enquête composée de députés et de pairs de France, envoyée en 1833 en Algérie par le gouvernement[42], chargés d'étudier ce qu'on pouvait tirer du pays conquis. Sur le sol algérien, il devint secrétaire de la Commission et fut récompensé pour le talent qu'il déploya dans ses fonctions : l'année suivante, à son retour en 1834 il fut attaché au Ministère de la Guerre, département des affaires d’Algérie, et occupa son poste jusqu'en 1844[43]. Les lettres« Cette position, qu'il conserva une dizaine d'années, permit à Félix Mornand de mener une existence élégante, où rien ne hâtait la production littéraire. Il en résulta que l'esprit parvint à toute sa maturité et donna sans effort ses fruits les plus savoureux. C’était donc en amateur qu'il avait commencé à cultiver les lettres, dans un groupe bien éclairé et bien dispersé aujourd’hui. Dans la conversation, il frappait par ses goûts profondément littéraires. Rien de ce qui intéresse les lettres ne pouvait lui rester indifférent : une véritable passion intellectuelle et puis, cette trempe de caractère qui recommandait si fort auprès de nous tous Félix Mornand. » — Georges Bell[44]. Ses nouvelles sont vives, allègres, attendries facilement et plus facilement souriantes. Sa phrase allait ouvertement au but dit Charles Bataille[45] et rien n'est mieux à sa place dans les nouvelles que cet esprit plein de désinvolture et exempt de recherche, note de lui Gustave Vapereau[46]. Est dit de lui : « Rien de bizarre comme cette rhétorique émaillée de mots épicés, de comparaisons excentriques, de phrases qui jettent leur bonnet par-dessus les moulins et aussi de passages d’une vraie et saisissante éloquence. » [47]. « La "Bergerette" de M. Félix Mornand est un bon livre à cause de sa sincérité ; c’est un livre plein de réalité où l’on fait voir non point des personnages fictifs, mais des êtres comme nous, ayant leur place parmi les vivants. »[48]. « Écrivain sérieux et de bon goût autant qu’historiographe intelligent et bien informé »[49]. « Ses opinions démocratiques s'allient avec la courtoisie du langage et la noblesse de l'esprit »[50]. Homme politiqueSous la Révolution de février il fut secrétaire du Gouvernement provisoire de 1848 [51]. De Maurice Dommanget[52] les lignes : « L’un des premiers secrétaires du Gouvernement Provisoire, encore sous le coup de « cette première secousse pour faire dévier le char de la révolution avait écrit : »
— Félix Mornand. Devenu bientôt commissaire du Gouvernement provisoire de la République dans l’Indre et en Savoie. Puis, commissaire du gouvernement de l'Isère. Lors de l'invasion à Chambéry des Voraces et des ouvriers lyonnais[N 7], la presse a relaté : Au premier bruit des évènements de Savoie, Félix Mornand a demandé à se porter sur Chambéry. Non seulement, il a obtenu la remise immédiate de nos compatriotes mais il a été décidé sur sa demande, qu’ils seraient reconduits à la frontière librement, honorablement, non en prisonniers, mais en frères Cette prompte intervention de la France a produit le meilleur effet en Savoie. » Le Constitutionnel [53]. Louis-Antoine Garnier-Pagès précise : « Sur les instances du Ministre français, M. Bixio et sur celles de M. Félix Mornand, commissaire ambassadeur, un décret d'amnistie complète fut octroyé () par le Gouvernement piémontais. »[54]. En 1841, Félix Mornand démissionna de son poste de fonctionnaire de l'administration préfectorale pour se consacrer à 29 ans à la littérature[43]. Puis, en 1844, se retira de la politique officielle pour reprendre la plume de journaliste qu’il n’avait en réalité jamais quittée et ne l’a plus quittée depuis. Quelques pièces journalistiques et littérairesFélix Mornand écrivit dans tous les journaux parisiens et dans un grand nombre de revues. Débutant dans les lettres à Lyon où il possédait de nombreux amis, il fut rédacteur au Salut public [55], puis tout en étant au ministère, il contribua régulièrement dès au premier magazine populaire illustré le Magasin pittoresque d'Édouard Charton : « Avec Mornand comme lien probable avec les bureaux algériens du Ministère de la Guerre (France), L’Illustration a donné à la Colonie [algérienne] une place privilégiée dans leurs pages, qui étaient régulièrement remplies de récits des exploits héroïques de l’Armée d’Afrique, des portraits ethnographiques des habitants indigènes de l’Algérie et des descriptions pittoresques du paysage ; la revue offrait aux lecteurs une vision mythique du sol fertile d’Algérie qui reflétait celle des sources ministérielles[56] . » . Ainsi a-t-il été chargé en 1837 d’écrire une histoire de l’occupation française en Algérie pour une nouvelle série de livres bon marché par les experts du sujet de la revue. Le projet d’histoire devait être l’un des premiers ouvrages de la Bibliothèque du Magasin pittoresque mais n’a jamais été publié. Même quatre travaux seulement apparurent dans la série. Le Courrier français a publié en 1837 son récit Une Magistrature et une fête africaine [57]. Rédacteur en 1838 au Figaro [58], Mornand fut l'initiateur entre autres de la mention « la suite au prochain numéro » par l'ampleur de ses textes ; à titre d'exemples comme en témoignent, en 1840, les deux grandes colonnes sur trois d'une page complète de la Caricature en feuilleton : « Les Raffinés modernes »[59] ou bien sous forme de rez-de chaussée[60] comme dans le Commerce [61] où ses textes avaient un cadre historique ou littéraire, « mais sans affecter plus de gravité » ainsi que le précise Clément Caraguel[62], tels : « La Modiste et l'aga »[63], « Le Prince Mazare »[64],[65],[N 8],[66],[N 9], « Les deux Bassompierre »[67]. En , il commença à se faire connaitre[68]. La Revue de Paris, de 1842 à 1846 publiait ses « Épisodes et souvenirs de l'Algérie française »[69], Le Constitutionnel en 1844, 1849 et 1852, « Désastre à Bougie » [70], « Algérie » [71]. Dans Le Voleur, « Vendetta en Afrique »[72]..., Journal des Débats, « Les Hôtels américains à Paris »[73]... Cité en 1853 parmi les collaborateurs de l'Europe-artiste [74]. Mornand fut un des principaux rédacteurs du Siècle. Précisé, « correspondance particulière au journal », une série d'articles en concernant l'Algérie[N 10]et de même, répartie dans l'année , le Bulletin de l'extérieur titre sur six numéros « Lettres italiennes »[N 11]. Secrétaire du journal de Grégory Ganesco [75] à Francfort-sur-le-Main : L'Europe « Analyse de la dépêche que Drouyn de Lhuys adresse aux agents diplomatiques de la France au sujet de la question grecque » [76],[N 12]. « Bernerette »[77], nouvelle [N 13]qui a ravi Charles Bataille : « Heureux ceux qui conservent, au milieu des fatigues de plumé quotidiennes que comporte le journalisme, cette limpidité calme de forme, cette aménité d'esprit et cette vaillance de cœur »[45]. Les feuilletons de son journal le Courrier de Paris[78],[79]sont une étude sur Daniele Manin peu de jours après la mort de celui-ci, reproduits en fin d'ouvrage de Henri Martin[80]. La Gazzetta di Modena « Le prince de Metternich à M. le ministre d'Autriche à Florence en date du »[81]. . Le, Courrier du dimanche [82] « Le Retour du docteur » (Louis-Désiré Véron retournant au Constitutionnel)[83],[84], Portraits politiques : Giuseppe Montanelli[85], « La Semaine législative »[86], « De l'esprit de réglementation en France »[87]. « L'adresse au Sénat, projet de loi Palikao »[86]. La Gazette de France, « Attentat contre le roi de Prusse »[88]. Le Grand Journal [89] « Une aventure de Garibaldi »[90], L'Avenir national« Les Fêtes de Dante »[91],[92], La Gironde « Voyage à Caprera » [93],[94], Le Nain jaune[95]« Le roi et la reine de Prusse »[N 14], « L'Histoire anecdotique et biographique de la Société des gens de lettres depuis sa fondation »[96]. Mornand avait, pour publier, du mal à trouver un journal correspondant à ses opinions profondes, sa dernière grande collaboration a été pour l'Époque dirigée par Frédérick Terme. « La partie politique est confiée à M. Félix Mornand dont le nom si honorablement connu reste attaché à de sérieuses créations en journalisme, est spécialement chargé des informations extérieures. On a beaucoup remarqué pendant la guerre d’Allemagne et d'Italie les correspondances qu'il avait su réunir pour L'Époque, celle de Monsieur Kaempfen entre autres »[97]. Sur la guerre d'Italie [98]. Le berceau des Rothschild à Francfort[99]. Description de Camillo Cavour[100]. À propos du préfet de Côme et de Messine Lorenzo Valerio[101]. Sur la question romaine[102]. Bismarck et le projet de loi prussien [103]. Le pseudonyme de Félix Mornand était simplement : Daniel[104], ainsi le trouve-t'on dans, par exemple, des feuilletons intitulés « Courrier de Paris » de L'Europe de Grégory Ganesco[105]. En date du (duel de deux journalistes) et . « ...vous décrire quelques salons où l'on cause, les plus brillants, celui de Madame de Lamartine » [106]. Chroniqueur à l'IllustrationFélix Mornand fut un des premiers collaborateurs de l’hebdomadaire L'Illustration, journal universel, aux côtés du fondateur Jean-Baptiste-Alexandre Paulin[107]. C’est surtout dans ce recueil, un les plus accrédités de ce temps, qu’il œuvra le plus. « Les lecteurs de l’Illustration ont eu le plus clair de cet esprit fin, net et précis »[108]. Le premier numéro parut le , et ses articles chaque semaine sur la vie de la société au dix-neuvième siècle étaient anonymes avant la loi sur l’obligation de la signature en 1850. Mornand faisait partie des écrivains qui collaborèrent le plus fréquemment à L’Illustration[109],[110]. Il dirigea pendant quinze ans la chronique littéraire [N 15], et fut un des plus fermes soutiens de L’Illustration[111]. Monsieur Félix Mornand, juge titulaire au journal L’Illustration, comme l'écrit Louis Ratisbonne, où il tient d’une main ferme et bienveillante le sceptre de la critique littéraire[112]. « Lisez les vieux chroniqueurs. Ils écrivent comme on écrit une lettre et non comme on écrit un livre. Vous comprendrez en les étudiant que pour bien faire une chronique il faut de l’esprit de la raison et du cœur, de la raillerie sans amertume, du bon sens sans lourdeur, de la délicatesse sans afféterie, de la distinction et du goût sans que toutes ces qualités-là se compliquent de l’idée de talent. Si vous pensez à trouver du talent à celui qui vous raconte la journée de la veille, il écrit un livre ; ce n'est plus une causerie. Il faut une urbanité exquise et familière, de la grâce, un sérieux-enjoué et un enjouement sérieux, de la gaîté sans rien de trivial, des anecdotes pourvu qu’on n’ait pas l’air de les exposer ; il faut de la verve et du laisser-aller ; il faut savoir sa langue sans avoir l’air de l’avoir apprise, et avoir la science des sous-entendus, des phrases inachevées, des demi-mots ; il faut suivre la syntaxe sans avoir l’air de se douter des règles. En un mot, les chroniques sont des lettres à l’adresse du public : elles doivent avoir la vraie, l’aimable éloquence épistolaire, à la démarche aisée et naturelle. En disant ce que doit être la chronique, j’ai fait l'éloge de la manière de M. Félix Mornand.» Paul d'Ivoi[113]. Directeur politique et rédacteur en chef d'un nouveau journal, Le Courrier de ParisFélix Mornand fut un pionnier : on a trop oublié cette période de 1851 à 1859, pendant laquelle la presse n’osait ni formuler un blâme, ni maintenir une opinion, ni insinuer un conseil ; l’autorité n'aurait point accepté la copie même littéraire, d'un homme froid ou simplement indifférent. Or, écrit Jules Richard[114], Mornand, à qui ce silence pesait et qui le disait tout haut, et qui ne se gênait pas pour dire que le droit de la pensée est imprescriptible et que personne n'a la puissance d’enchaîner l'idée, après des années d'attente et des démarches sans nombre, avait fini par trouver un bailleur de fonds, M. Prost[N 16], disposé à aider de ses capitaux le réveil de la presse. Ce banquier acheta le à l'abbé Jacques-Paul Migne son dernier journal La Vérité [115] moyennant l’autorisation de substituer au titre de la Vérité celui de Courrier de Paris, organe du parti démocratique, rédacteur en chef, Félix Mornand avec pour collaborateur Charles Blanc et le frère de celui-ci, Louis Blanc, pour correspondant à Londres. Les rédacteurs en étaient : Ferdinand Prévost [116], Victor Henri Fillias [117], Glorieux de Villiers [118] et Marie Eugène de Gyvès[N 17]. La Revue française salua la parution du journal : Le Courrier de Paris vient de publier son premier numéro [N° spécimen – ]. Nous y signalons tout d'abord le goût des articles sérieux et honnêtes, et d'une littérature tout autre que celle qu'on nous sert trop souvent çà et là[119]. Comme d’autres écrivains, Charles Sauvestre remarqua le grand attrait de ce journal par l’organisation d'un vaste système de correspondances établi sur des bases nouvelles. Et, tout aussi important, chaque jour une chronique parisienne par Paul d'Ivoi ; des nouvelles courtes et littéraires[120]. George Sand y avait publié sous forme d'une lettre « à Félix Mornand » son roman Courrier de village, en feuilleton sur dix numéros, du 1er septembre au 20 octobre 1857[N 18]. En six mois, Mornand avait fait réussir le plus important des journaux de l'année, lance Firmin Maillard. Très bien fait dès le début, il a inauguré chez nous un système de journal qui se rapproche plus de L’indépendance belge que des autres journaux. Entré franchement dans les rangs de l'opposition, ce journal devint bientôt dans ses limites un des plus ardents défenseurs de la cause démocratique, son vrai porte-drapeau, et compter sur un dévouement et sur un appui autres que ceux du Siècle et de la Patrie. Le chiffre de son tirage et de ses abonnés s’éleva immédiatement, et dès lors, le succès parut lui être assuré. Le Ministre de l’Intérieur d’alors s’en inquiéta [114]. Seulement trois mois après la parution du Courrier de Paris , la vente sur la voie publique lui fut retirée (on sait qu’elle consiste à pouvoir vendre le journal dans ces petits kiosques qui décorent les boulevards ; elle est très importante pour les journaux du soir). On fit enlever à Mornand sa rédaction en chef. M. Prost [N 19], le banquier - qui en avait fait les fonds était intelligent mais il n’était pas brave jusqu'à l’héroïsme, - vint trouver Mornand et lui dit : « A partir d'aujourd’hui je change la ligne politique du journal ». Et le Courrier de Paris en arriva à donner, pour ainsi dire, satisfaction entière au Pouvoir en reléguant M. Félix Mornand à la direction de la partie littéraire, et en mettant à sa place, comme directeur de la partie politique, M. Cheron de Villiers [121], acquis au régime[122]. Alfred Darimon confirme : Par un dénouement des plus inattendus, le Courrier de Paris a publié hier et aujourd'hui [] une série d'articles d’Émile de Girardin intitulée : L'Opposition constitutionnelle, dans lesquelles, approuvant la conduite des députés sermentistes, il trace le programme d'une politique nouvelle, exprimant en somme : alliance entre l'Empire et la liberté ou libéralisation sans changement de régime[123]. Plusieurs écrivains quittèrent alors le journal : MM. Charles-Louis Chassin et Ferdinando Petruccelli della Gattina furent les premiers, puis Louis Ulbach, L. d’Ornant et Eugène Pelletan. D’où entrefilet de Mac Scheehy [124] dans L’Union :« Félix Mornand déclare à ses lecteurs qu’il était étranger depuis la fin d’aout dernier à la politique. L’article du Courrier de Paris du 6 décembre 1857, en forme de programme, semble s’être donné pour mission de travestir toutes les missions sincères et graves qui ont des organes dans la presse. Il a soulevé chez le fondateur même du journal la répulsion et le désaveu. » [125]. Polémiques retentissantes entre grands journaux : Le Siècle, Le Constitutionnel, L'Observateur belge[N 20] et La Presse dont Émile de Girardin était directeur[126],[127]. Le Journal amusant note le : « J'annonçais dans un précédent numéro du que M. Félix Mornand s'était retiré du Courrier de Paris. Il n'en est rien. M. Mornand doit, par traité, son concours de surveillance à la partie littéraire de ce journal, mais il ne doit pas son nom. Je suis heureux d'annoncer cette bonne nouvelle à tous les jeunes littérateurs qui s'étaient habitués à ce goût éclairé, à ces excellents conseils, et particulièrement à cette rare urbanité » [128]. Félix Mornand quitta tout à fait le Courrier de Paris en qui cessa deux ans après[129]. L'Opinion nationaleF. Mornand passa en 1859 au tout-nouveau quotidien politique du soir, L'Opinion nationale [10] où le demandait son fondateur Adolphe Guéroult[N 21] dont le XIXe siècle a écrit : « En ces temps-là où le reportage n’existait pas, où l’information à outrance ne tenait pas lieu de tout le reste, il suffisait dans un journal d’un homme de ce talent pour en faire la fortune. » [130]. En 1859, Mornand jouissait déjà d’une grande renommée parmi les autres principaux rédacteurs : Alexandre Bonneau [131], Paul Mathieu Laurent, Jean-Augustin Barral, Edmond About, Jules Levallois, Francisque Sarcey, Hector Malot, Jacques Babinet, Victor Meunier, Jules-Antoine Castagnary... Rédigée par Mornand, l'Opinion nationale s’éleva rapidement à quelques milliers d’abonnés et devait en rester là mais c’était l’année 1860 où, - tandis que la France négligeait les échos lointains du mouvement d’un certain Garibaldi au sud de l’Italie (la fameuse Expédition des Mille), Félix Mornand, qui avait connu Garibaldi et gardait pour lui une profonde estime, une sorte de culte, suivait passionnément ses mouvements et, persuadé que cet aventurier était un grand homme, il était en rapport, sinon avec le général, du moins avec ses compagnons, sur les opérations qui se projetaient dans ce petit clan d’insurgés. Chaque jour, Mornand harcelait son rédacteur en chef à prendre parti en faveur de cette insurrection, le suppliait ; mais, pour Guéroult, soutenir un rebelle contre le pouvoir établi paraissait exorbitant, vis-à-vis des Tuileries notamment. Quand il s’y résigna, il ne le regretta pas car la une de son journal vantait précisément l’entreprise du condottiere lorsqu’à quelques jours de là, celui-ci entrait en triomphateur à Naples. Ce fut comme un coup de foudre et l’Opinion nationale passa en un mois à 25 000 abonnés[132]. La partie politique était traitée par Monsieur Guéroult « avec l'autorité que donne l'esprit absolu d'indépendance » souligne le Charivari. M. Félix Mornand ne s’occupe à l'Opinion nationale que des questions de politique étrangère déplore J.-F. Vaudin [133] : « Encore ne les traite-t-il que dans des entre-filets très laconiques. C'est regrettable pour le journal ». L'aperçu est incontestable, malgré cela, - en plus du régulier Bulletin de l’extérieur, des Correspondances particulières du journal et des Dépêches télégraphiques[134] seulement incombés à Mornand, de longs articles ponctuels apparurent tout de même avec sa signature au hasard de ce quotidien. L'un se rapportant à Victor-Emmanuel II [135] ; l'autre rectifiant la vérité, intitulé Le Siècle et la Savoie [136] ; ou encore, la copie de la lettre de l'archevêque de Bordeaux à son clergé avec l'exemple d'Ab del Kader élevé à l'école de la tolérance française à la suite des derniers évènements en Syrie ; l'Appel de François II à la guerre civile[137], publié par L'Union et Le Monde, prouvant que François II « ne se contente pas de défendre Gaète, mais qu’il excite officiellement ses ex-sujets à l’insurrection et à la lutte contre la volonté nationale . — F. Mornand » ; et, victoire, la reproduction du discours adressé au Corps législatif applaudissant « la part plus large faite à nos travaux et à notre responsabilité »[138],[N 22]. C’est sous forme de lettre « à mon cher Guéroult » que Mornand envoyait de Milan, de Turin, ou de Venise au journal les détails les plus précis sur les affaires[N 23],[N 24]. En un an[139], L'Opinion Nationale avait pris un essor considérable : « journal très bien documenté, tourné vers l’étranger ; par sa rédaction d'une grande qualité, sa tenue et son sérieux, il peut être mis sur le même pied que le Journal des débats, Le Temps, la Gazette de France sous l'Empire » [11]. Mais Félix Mornand, pour divergences politiques avec son directeur, se vit devoir rompre avec le faux-libéralisme de l'Opinion nationale et publier haut et fort à ses lecteurs son désaccord dans L'Opinion nationale du 7 aout 1861 et La Gazette de France du 8 août 1861 :
Lettre si dignement démocratique et libérale par laquelle Félix Mornand s’est séparé de l’Opinion nationale pour rester fidèle à toutes ses convictions [140]. Écrivain voyageurLe voyage a marqué le début de la carrière de journaliste de Félix Mornand au ministère de la Guerre : envoyé en mission à Constantine, il s'est donné ensuite de pérégriner jusqu’à Biskra en notant la description des lieux, les personnes rencontrées, les anecdotes, son regard sur la colonisation et le peuplement de l’Algérie, avec des données déchiffrées sur sa production agricole et minérale pour les années 1845 à 1847[141].
Louis Énault relate dans le Constitutionnel du 14 novembre 1856 : « Ce récit commence sous la tente, avec l’hospitalité patriarcale du chef de tribu, qui reçoit, le chibouque à la main ; nous allons camper dans les douars, Mornand est assis dans la maison de poil (ainsi s’appelle la tente). »
— Pierre Véron, Le Monde illustré, , p. 379. Dans un article dédié à Laurence Sterne, auteur du « Voyage sentimental à travers la France et l'Italie » A sentimental Journey through France and Italy (1768), Félix Mornand lui reproche : « Toi, ô bon Yorick [alter ego de Laurence Sterne], tu as inventé les impressions de voyage, flairé une mine riche et productive mais quel triste parti ta veine littéraire a tiré de cette trouvaille ! pourquoi ton livre terminé offre-t-il l’aspect désolant d’une terre antique mutilée ? » Et il poursuit : « Quand on voyage... »[N 25], achevant par ces mots : « Ma profession de foi est : je dirai ce qu'ont vu mes yeux, ce qu'ont entendu mes oreilles ; pas un mot de plus ni de moins »[142]. Mornand appréciait par contre l’humour, la bonhomie, la sensibilité de l’écrivain irlandais dans ses autres livres, qualités dont lui-même était investi comme l'a remarqué la critique : « Et tous ses voyages, Félix Mornand les écrit comme il les a exécutés, il les raconte d’une plume alerte et fine : il y trouve des sujets de chroniques, d’observation enjouées ou doucement sérieuses, d’esquisses neuves et piquantes. Des renseignements pris à vol d’oiseau, mais exacts ; rapports pleins d’informations curieuses recueillies de visu et sérieusement instructifs » Louis Ratisbonne[143].
— Pierre Véron, Le Monde illustré, Courrier de Paris, , p.134. Il étonne encore :
— Taxile Delord, Le Charivari, « Ce cher gros Bourguignon, tant embarrassé dans sa démarche, n’en était pas moins un ubiquiste acharné. Je l’ai rencontré aux quatre coins des pays où le vent politique soufflait. Il s’en allait avec sa désinvolture empâtée, mais il voyait tout, il savait tout, rien ne l’arrêtait pour marcher au triomphe de l’idée libérale à laquelle il avait voué sa laborieuse intelligence. » Charles Bataille[144]. Un autre de ses collègues, Louis Ratisbonne dans Journal des débats[145] expose les conditions dans lesquelles Félix Mornand produit ses livres de voyage[N 26] En 1862, l'homme de lettres se mit, pour prendre un peu de repos, à passer ses étés à Bade où il fut prié par Charles Lallemand [146] de rédiger l’Illustration de Bade[147],[148],[N 27]. Tels : « Rapports de Bade » [149] à mon cher Villemot »[150]. Ou encore « Souvenirs des bords du Rhin » [151], aux tombes du poète Friedrich von Schiller et du dramaturge August von Kotzebue.
— Jules Claretie, le Figaro, . L'homme
— Paul Féval, le Siècle, 20 juin 1867. Les faitsFarouchement défenseur, par exemple, de sa propre liberté de penser : « Le Journal de Bruxelles a cité, la semaine dernière, parmi les convives d’un récent grand dîner donné au Palais-Royal par le prince Napoléon III, M. Félix Mornand. Ce fait est compétemment inexact ainsi que notre collaborateur et ami, M. Mornand l’annonce par une lettre que le Journal de Bruxelles contient dans son numéro d’aujourd’hui. ». De même, dans une lettre adressée au Nain jaune qui lui avait attribué une opinion approbative du Trésor littéraire [152], Félix Mornand repousse la responsabilité personnelle d’une opinion qu’il a émise comme rapporteur devant la Société des gens de lettres : « Un rapporteur est seulement l’interprète de la réunion délibérante qu’il a charge de porter la parole en son nom »[153].
— Félix Mornand in l’Opinion nationale, 19 février 1861[154]. Le zèle de Félix Mornand est clamé par Maitre Victor Lefranc au juge du tribunal à la vente du Courrier de Paris[155] en ces termes : Avez-vous compté les tribulations, savez-vous bien ce que c’est que fonder un journal ? avez-vous compté les labeurs, les responsabilités, les veilles et les insomnies qui surmènent et écrasent le malheureux qui porte cet atlas de papier sur ses épaules ? vous rougirez de lui marchander cette légitime indemnité[156],[N 28]. Prodigue avec ses amis : le bal de Mornand a été célèbre lorsqu'à 31 ans, héritant inopinément d'une grand-tante, il invita somptueusement le Tout-Paris qui « y courut avec entrain », raconta largement Henry de La Madelène[157],[158]. Dès le premier numéro du Courrier de Paris, il déclare qu’« il veut vivre en bons termes avec tout le monde et ne pas mettre flamberge au vent [attaquer un combat] pour de puériles susceptibilités d’écrivains. Le journalisme n’est point une arène, et nos plumes des instruments de pugilat »[159]. Un jour, il dut se battre en duel au pistolet, rapporte encore Paul Féval[160]; il le fit avec une intrépidité rare. Son adversaire fut blessé à l’épaule, mais ce fut Mornand qui tomba malade… de chagrin. C. Lecat de Bazancourt et moi nous eûmes toutes les peines du monde à l’empêcher de se bruler la cervelle sur le terrain même de la rencontre. Très dévoué à Lamartine[N 29], il fit partie en 1858 du comité de Paris pour la souscription nationale, en faveur de laquelle il milita activement[68].,[N 30]. Souscripteur également au monument à élever pour Paul Bert[161] et pour celui de Henry Murger[162]. Par égard pour Chateaubriand, il souscrivit en la faveur d'une nièce du vicomte, Eudoxie Péan de la Roche-Jagu pour ses Mémoires de compositrice[163]. Alors en butte aux tracasseries des agents de l'administration, un journaliste rappelle dans une lettre à l'ex-ministre de l'Intérieur, Victor de Persigny « l'entremise de deux de mes coreligionnaires politiques, mon illustre défenseur Jules Favre et mon honorable ami Félix Mornand[164]». S'est lu dans l'Illustration de Bade à propos de la généreuse mesure qui a attribué spontanément à tous auteurs d'ouvrages représentés au théâtre de Bade des droits non exigibles selon la législation existante : « Tout métier est rude et celui de chroniqueur a ses aspérités et ses difficultés comme tout autre, mais il y a plaisir à l'exercer quand on a à rapporter de tels actes. — Félix Mornand » [165]. Honorant le livre de M. de Charnages , La Recherche du Bien[166], il se révèle en quelque sorte : « Je trouve dans ce livre, en petit nombre, mais de forte trempe et de bon aloi, les pensées d’un esprit sérieux et élevé qui, plaçant son point de départ dans la raison, cet appui que Dieu a accordé à l’homme, montre tout ce que l’on en peut tirer pour la conduite de la vie. Le style n’est pas inférieur à la pensée dans ce noble et remarquable écrit. » Nous devons louer, d’une façon particulière, souligne Ernest Gebauer[167], le chapitre : Félix Mornand — La Vie de Paris au chapitre intitulé : Comme on meurt à Paris ! « Écrites avec une sensibilité vraie, ces quelques pages protestent énergiquement contre la fosse commune, contre la dispersion des restes d’un objet aimé »[168]. « Nous ignorons si Félix Mornand possède des décorations, tout ce que je puis affirmer, c'est que sa vie politique a été noble et irréprochable comme sa vie privée. — Anatole de La Forge »[160]. Un article d’Albert de la Fuzelière dans L'Événement du 18 août 1872 relate l’importance pour Mornand de rendre honneur à ses amis (en l’occurrence Auguste de Belloy[169]. Soldat depuis longtemps aguerri aux luttes du journalisme dit-on, je le vois encore, remémore Charles Bataille, traverser nos boulevards de son pas lourd, méditatif et grave, ses puissantes épaules affaissées comme celles du bœuf qui poursuit sans trêve le sillon commencé. À ses dernières heures, torturé par la pensée qu’il laissait un fils sans fortune[170]. Ceux qui font les livres en vivent toujours de plus cruels que ceux qu’ils écrivent[171]. Dans L'Époque[172], les souvenirs de son collaborateur :
Comme écrivain politique, sa sincérité fut incontestable, lit-on dans le journal libéral Le Sémaphore, on a pu dire de lui qu'il fut pour la liberté un ami de la veille, du jour et du lendemain. Il avait énormément produit. Reporté dans ce journal[173], ceci :
— Grégory Ganesco, Le Nain jaune Le journaliste, explique Jules Richard alias Thomas Jules Richard Maillot, doit tout savoir à peu près et à peu près tout savoir ; il doit pouvoir écrire un article partout et sur tout : en voyage, sur un champ de bataille mais il faut qu’il ait du talent. Le public qui le lit ne doit pas s’apercevoir qu'il n’a eu que vingt minutes pour griffonner deux cents lignes ; le public est un maître qui ne voit que le résultat, qui ne veut pas connaître les efforts, qui trouve tout naturel qu’on l’amuse, qu’on l’intéresse ou qu’on l’instruise tous les jours et qui vous oublie avec la plus grande indépendance de cœur, le jour où, fatigué, vieilli, usé, le journaliste se retire, non pour planter des choux, mais pour soigner son coffre détérioré et son esprit surexcité par des veilles prolongées et des travaux hâtifs. C’est de cette grande maladie qu’est mort Félix Mornand, de la maladie qui détruit à la fois la lame et le fourreau. J’ai rappelé qu’il avait fondé et fait réussir Le Courrier de Paris[174] ; cela ne l'avait pas rendu plus riche, car depuis nous l'avons revu à l'Opinion nationale, à l'Europe[175], au Siècle, en dernier lieu, à l'Époque, luttant toujours, écrivant sans cesse, jusqu’au jour où le mal a été le plus fort[176]. Félix Mornand est mort en pleine activité à 52 ans. Le Figaro avait annoncé une semaine avant l’inquiétude qu’il causait à ses amis sur le mauvais état de sa santé mais rien ne pouvait faire prévoir une fin si prompte. Les facultés intellectuelles étant déjà éteintes en lui à la Maison Dubois où le docteur Favrot [177] qui le soignait depuis des années l'avait fait transporter [178]; et où il succomba le soir-même sans souffrir, des suites d’une attaque cérébrale. « L’âme de ce penseur avait tué son corps »[160]. ReconnaissanceL'affluence était énorme hier à l'enterrement de Félix Mornand d'après Figaro[179]. La foule de ses confrères des divers journaux auxquels il avait collaboré, s'était réunie au 200, Faubourg Saint-Denis où la chapelle a été trop petite ; beaucoup ont dû demeurer dans la cour. Une messe en musique a été chantée pour le repos de l'âme du défunt. Après l’absoute, le convoi s’est dirigé vers le cimetière Montmartre où a eu lieu l’inhumation. Dans ce long cortège recueilli, toute la presse parisienne à quelque parti qu'elle appartienne ; la Chambre des députés, le Barreau, les Ecoles, l'Armée et l' Émigration polonaise comptaient là aussi de nombreux représentants[160]. Parmi le public nombreux, nous avons remarqué Carnot et Garnier-Pagès, Grousset, Tony Révillon, [les écrivains] Vitu, de La Fizelière, [journalistes] Castagnary, Henry de Pène, Cayla, Alexandre Weill, l'économiste Cochut, Nadar. Devant la tombe, Paul Féval, au nom de la Société des gens de lettres, a retracé la vie si noble et si laborieuse de Mornand; il a rappelé que né riche il était mort pauvre en consacrant sa fortune à désintéresser les créanciers de son père. « Polémiste ou critique, il combattait vaillamment, mais les blessures qu’il faisait n’étaient jamais empoisonnées. Comme journaliste politique, Mornand avait une sérieuse et considérable valeur qui lui conquit d’illustres amitiés, Garibaldi et Ratazzi le pleureront comme un frère. Au-dessus de l’écrivain, il y avait l’homme sans peur et sans reproche, le galant homme, autant par ses rares qualités de caractère que par les dons de l’esprit »[180]. Ce que nous louerons surtout dans ses chaleureuses paroles , écrit Le Siècle, c’est la part faite aux qualités morales du défunt, à son indépendance d’opinion, à son désintéressement, à sa loyauté chevaleresque et à cette bonté intelligente qui lui valut l’estime de tous, même celle de ses adversaires politiques, car il n’avait pas d’ennemis. Nous l'avons vu chaque jour à l'œuvre pendant vingt ans, car avant d'être son collaborateur, nous avions l'honneur d'être son ami. Manin, Cavour, Ary Scheffer [qui vait fait un portrait de Daniel Manin], Eugène Cavaignac, Lamartine, Victor Hugo, avaient pour lui autant d'estime que d'affection. Anatole de la Forge[181].
L'Illustration écrit au lendemain de l'inhumation : Dans les dernières années, entrainé par des convictions ardentes et inébranlables, Félix Mornand s’était principalement voué au journalisme politique. De prime abord, on sentait qu’on avait affaire à un homme, dans toute la belle et noble acception du mot. Parmi les amis nombreux réunis pour lui rendre les derniers devoirs, pas un qui ne partageât cette pensée avec nous. Georges Bell[182]. Pierre Véron, lui aussi reconnait, dans le Monde illustré à la même date: « Il paraissait cependant taillé en Hercule, ce pauvre Mornand, lui, voyageur infatigable, il avait pris un embonpoint anormal. Écrivain distingué, libéral convaincu, âme dévouée, Félix Mornand ne laisse que des sympathies. » Félix Mornand était un de ces hommes dont il ne faut pas attendre la mort pour en faire l’éloge. Cœur noble et loyal, talent multiple, rompu au travail, et ne lui ayant demandé que les moyens d’existence, il est mort quand la plume lui est tombée des mains. — Paul Gravier[183]. « Félix Mornand était un de ces hommes dont il ne faut pas attendre la mort pour en faire l’éloge. Cœur noble et loyal, talent multiple, rompu au travail, et ne lui ayant demandé que les moyens d’existence, il est mort quand la plume lui est tombée des mains ». — Paul Gravier[183],[N 31]. Son cher ami, Frédérick Terme résume dans L'Époque : La mort de Félix Mornand enlève à la politique un de ses plus nobles athlètes, à la littérature un de ses plus excellents adeptes, à nous-mêmes notre maitre.
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Notes et référencesNotes
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