La bataille des Tombettes a lieu le , pendant la Chouannerie. Elle s'achève par une victoire décisive des républicains qui marque la fin de l'insurrection en Ille-et-Vilaine.
Du Boisguy décide donc d'évacuer le pays de Fougères pour rallier les divisions de Vitré, de La Guerche-de-Bretagne et de la Mayenne pour y rassembler toutes les forces disponibles et contre-attaquer en force[4],[6]. Dans ses mémoires, l'officier chouan Toussaint du Breil de Pontbriand écrit : « Du Boisguy, voyant qu'il ne pouvait résister à toutes ces forces, prit la résolution d'évacuer momentanément le pays de Fougères et de n'y laisser que quatre compagnies, pour faire la petite guerre, tandis qu'il irait chercher des renforts. Son intention était de former une petite armée et de revenir ensuite fondre sur les colonnes ennemies qui auraient occupé son pays. [...] Il avait renvoyé ses compagnies dans leurs paroisses, pour leur donner le temps de faire leurs préparatifs pour cette expédition, et indiqué un lieu de rassemblement ; mais, à la guerre, les dispositions les mieux prises sont souvent dérangées par les plus petits incidents ; il en eût bientôt la preuve »[4],[6].
Forces en présence
Les effectifs ne sont pas connus avec précision et varient selon les sources. Du côté des républicains, l'officier chouan Toussaint du Breil de Pontbriand affirme dans ses mémoires que le général Charles Dumoulin dispose de 4 500 hommes à Saint-James et que la garnison de la ville de Fougères compte au moins 1 000 hommes[4],[6]. D'après les sources républicaines, la colonne du général Dumoulin ne compte que 500 à 600 hommes à la mi-janvier[1], mais elle a par la suite reçu des renforts[7]. En 1840, l'historien militaire Patu-Deschautschamps écrit que les troupes de Dumoulin, fortes initialement de 400 hommes au moment du combat de Saint-James, ont ensuite été renforcées par 400 à 500 hommes[2]. Cette colonne est alors constituée de soldats de la 24e demi-brigade légère et de la 72e demi-brigade de ligne[8].
Le récit le plus détaillé de la bataille est donné par l'officier chouan Toussaint du Breil de Pontbriand, dans ses mémoires[Note 2]. Beau-frère d'Aimé Picquet du Boisguy, Pontbriand commande alors dans la région de Dinan et n'est pas présent à ce combat. D'après son récit, les premiers accrochages débutent lorsqu'un détachement républicain sorti de Fougères rencontre quatre compagnies royalistes en route pour rejoindre le rassemblement ordonné par du Boisguy[4],[6]. Après un combat d'une demi-heure, les chouans mettent en fuite les patriotes, leur tuent 18 hommes et les poursuivent jusqu'aux abords de Fougères[4],[6]. La garnison de cette ville intervient et fait une sortie qui repousse les chouans[4],[6]. Puis, lorsque du Boisguy arrive sur les lieux avec le gros de ses forces, les républicains battent à leur tour en retraite et se replient à l'intérieur des murs de la ville[4],[6].
Le plan de du Boisguy est cependant contrarié par cet affrontement, qui lui a fait perdre plusieurs heures[4],[6]. Il décide alors de reporter au lendemain sa marche sur le pays de Vitré et de rétrograder sur le bourg de Parigné, afin d'y passer la nuit et d'y prendre des cartouches qu'il a fait confectionner pour sa troupe[4],[6].
Cependant le bruit de la fusillade alerte la colonne du général Dumoulin, alors en marche sur la route de Saint-James à Fougères[4],[6]. Au lieu-dit la Violette, au sud de Poilley, celui-ci surprend et met notamment en fuite quelques chouans occupés à faire des cartouches[11]. Dumoulin déploie ensuite ses troupes en bon ordre sur une position avantageuse au lieu-dit des Tombettes, entre le manoir de la Vieuville et le château du Bois-Guy, et y attend les chouans[4],[6].
La rencontre se produit peu après. Les troupes de Dumoulin étant face à lui et la garnison de Fougères dans son dos, du Boisguy constate qu'il lui est impossible d'éviter le combat et décide de tenter une percée[4],[6]. Le chevalier de Saint-Gilles est chargé de mener la pointe de l'assaut[4],[6]. Les chouans attaquent en force sur leur aile droite et bousculent les républicains, mais ils se retrouvent rapidement à court de munitions[4],[6]. Les républicains attaquent alors de tous côtés et mettent leurs adversaires dans une déroute complète[4],[6]. La plupart des chouans parviennent cependant à s'enfuir[4],[6]. Dans ses mémoires, Toussaint du Breil de Pontbriand estime que si l'attaque de Saint-Gilles n'avait pas réussi, « ils allaient être entourés et auraient fait des pertes énormes, car la garnison de Fougères s'était mise en marche aux premiers coups de fusil et leur eût fermé toute retraite. L'affaire était terminée quand elle arriva »[4],[6].
Les sources républicaines donnent peu de détails sur le combat, mais confirment qu'il se termine par une fuite générale des chouans, qui se sauvent grâce à la nuit et à la proximité de la forêt de Fougères[11],[8]. Le général Dumoulin fait état d'« une pleine et entière déconfiture »[13]. Il affirme dans son rapport que le 1er bataillon de la 24e demi-brigade légère a emporté à la baïonnette une « espèce de camp retranché » et que les « brigands » ont été mis en déroute après un combat d'une demi-heure[8]. Dans une lettre, le brigadier républicain Mauduit écrit : « Nous les poursuivions de si près, que la bourre des fusils leur brûlait dans le ventre »[12].
Après le combat, du Boisguy rallie une partie de ses forces à Parigné[4],[6]. Dumoulin fait cesser la poursuite et reprend sa marche sur Fougères, où il arrive dans la soirée[4],[6]. Le lendemain, il fait fouiller la forêt de Fougères[8].
Pertes
Les pertes ne sont pas connues avec exactitude. Dans ses mémoires, Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que les chouans perdent 50 hommes, dont le chevalier de Lambilly[4],[6]. La nuit suivante, du Boisguy ne peut rallier que 1 000 à 1 200 hommes à Parigné[4],[15].
Du côté des sources républicaines, le brigadier Mauduit affirme que les chouans perdent plus de 1 000 hommes, tués ou blessés, sur un effectif estimé entre 1 500 et 1 600[12]. Les administrateurs d'Avranches écrivent que des lettres particulières vont jusqu'à faire état de 800 tués[Note 3],[13]. Cependant dans un bref rapport[Note 4], le chef d'état-major de la subdivision d'Ille-et-Vilaine annonce un bilan plus mesuré 50 « brigands » tués[5]. Le Journal de Paris du 12 pluviôse (1er février), évoque également un bilan de 50 chouans fusillés et de 500 autres faits prisonniers[12],[Note 5].
Conséquences
Le combat des Tombettes marque la fin de la Chouannerie en Ille-et-Vilaine. Le 25 janvier, soit le jour même de la bataille de Tombettes, le chevalier Charles Thierry de La Prévalaye, commandant des forces royalistes dans le département, écrit au général La Barollière qu'il accepte les conditions de paix du général Gabriel de Hédouville[17]. Le 30 janvier, il fait sa soumission et commence le licenciement de ses troupes[17]. La date et les circonstances de la reddition d'Aimé Picquet du Boisguy ne sont cependant pas clairement établies par les sources.
Dès le lendemain de sa défaite aux Tombettes, du Boisguy est informé de la pacification de l'Anjou et d'une partie de la Bretagne[4],[15]. Il aurait alors écrit au général Dumoulin pour lui annoncer son intention de déposer les armes et obtenir un sauf-conduit pour se rendre à Rennes sans danger[11],[5]. Cependant ce dernier se serait borné à lui adresser l'« arrêté des Consuls » pour réponse[5]. La mère de du Boisguy, Bonne Joséphine Françoise du Boislebon, écrit alors le 31 janvier au général La Barollière pour lui réclamer des passeports[5],[Note 6].
D'après l'historien Charles-Louis Chassin, Madame de Marigny — née Marie Anne de Châteaubriand, sœur de François-René de Chateaubriand, et veuve de François Geffelot, seigneur de Marigny[18] — se joint à ces démarches et obtient de la part du général La Barollière des conditions favorables pour du Boisguy[5]. Il cite notamment une lettre envoyée anonymement à la mère de ce dernier :
« Vous connaissez tout l'intérêt que j'ai pris en toute occasion pour ce qui vous regarde et votre fils. Dans le moment même, je vais encore vous en donner une preuve. S'il veut se détacher du parti royaliste, je lui promets, en mon nom et en celui des généraux La Barolière et Hédouville, la place de chef de bataillon ou d'escadron, à son choix, dans les troupes de la République. Il est essentiel qu'il se décide sur-le-champ. Håtez-vous de prévenir des malheurs incalculables, qui menacent votre pays. Vous connaissez Bonaparte, vous savez qu'il n'a jamais rien entrepris sans réussir. S'il ne réussit pas à pacifier ce pays, il le soumettra. Ce grand homme n'a jamais parlé en vain. Dans ce moment, que ne ferait-il pas avec toute la puissance dont il est revêtu[5] ! »
Cette indulgence en faveur des chouans est notamment dénoncée par le maire de Fougères, Julien Loysel, qui dans un courrier adressé le 19 pluviôse (7 février) aux administrateurs du département, s'alarme des arrêtés du général La Barolière qui autorise les chouans à conserver leurs armes :
« On se sent soulevé d'indignation quand on voit un général soi-disant républicain, M. Labarolière, tromper l'espérance des bons citoyens par les mesures indécentes qu'il vient de prendre le 8 de ce mois, ainsi que j'en suis informé par le commandant de cet arrondissement, homme que je crois dans de bons principes et digne de l'estime et de la confiance des hommes libres. M. du Boisguy est allé à Rennes et, par l'entremise de la femme Marigny, la plus puante aristocrate que je connaisse, femme dont Labarolière est sans cesse entouré, a obtenu des lettres pour le commandant de Fougères, en forme d'arrêtés, qui règlent la manière dont doit se faire ce qu'on a l'indignité d'appeler le licenciement des légions de rebelles[19],[10]. »
Le 14 février, le capitaine Wanderwal, commandant de l'arrondissement de Fougères, faire rendre public la proclamation du général La Barolière[20],[10]. Celle-ci demande aux chefs de légion d'opérer le licenciement de leurs troupes et de dresser un état nominatif de tous leurs hommes[20]. Elle autorise les chouans à garder leurs armes chez eux, mais précise qu'ils ont interdiction de sortir armés de leur commune ou de leur domicile sous peine d'arrestation[20]. Par la suite, La Barolière fait ajouter que 12 francs seront remis aux chouans pour chaque « bon fusil de munition » remis aux autorités[20],[5]. Il promet également qu'« il ne sera inquiété personne pour ses opinions » et que le « culte sera libre en totalité, qu'on inquiétera en aucune manière les prêtres de toutes les espèces »[20].
Sous la Restauration, la direction générale du ministre de la Guerre fixe la fin de la durée du service de du Boisguy à la date du 4 février 1800[10]. Selon Toussaint du Breil de Pontbriand, du Boisguy fait sa reddition au général Brune le 18 février, à Rennes[4],[15],[21],[10]. Pontbriand, alors commandant de la division de Dinan, signe lui-même un traité de paix le 11 février 1800 à Plancoët, qui est ratifié deux jours plus tard au château Chesne-Ferron, à Saint-Carné, près de Dinan[22]. D'après le récit laissé dans ses mémoires[Note 7], il rencontre à cette occasion le général La Barollière qui l'informe que du Boisguy résiste toujours dans la région de Fougères et le prévient que « s'il ne se soumettait pas dans peu de jours, il ne lui serait fait aucun quartier »[22]. Pontbriand se rend alors à Rennes le 16 février, où il obtient un sauf-conduit du général Brune[22]. Il rejoint du Boisguy le lendemain, et le convainc de déposer les armes en lui apprenant la pacification du Morbihan[22],[15],[20]. Le 18, ils se rendent tous deux à Rennes auprès du général Brune qui leur fait « le meilleur accueil »[15],[20]. Au nom du Premier Consul, il offre à du Boisguy le grade de général de brigade et à Pontbriand celui de colonel, mais tous deux déclinent[15],[20]. Du Boisguy demande, sans pouvoir l'obtenir, la levée du séquestre sur les biens de sa famille, mais obtient la libération de 122 royalistes, dont 92 détenus dans les prisons de Rennes[15],[20]. Le lendemain, il refuse à nouveau une place d'officier dans l'armée républicaine en déclarant : « Ce serait changer de parti, général, et je crois que l'honneur le défend »[15],[20]. Du Boisguy et Pontbriand sont ensuite autorisés à regagner leurs domiciles[15],[20].
Finalement le 11 ventôse (2 mars), le maire Loysel annonce au commissaire du gouvernement « avec bien de la satisfaction, que la reddition des armes s'effectue enfin depuis deux jours »[10],[23]. En un mois, 400 fusils sont remis aux autorités[5]. Du Boisguy dépose lui-même un « bon fusil » et reçoit un certificat de rentrée le 15ventôsean VIII ()[24],[10],[Note 8]. Il se rend ensuite à Paris avec son frère, où il est maintenu sous surveillance par la police[5].
« Le général de brigade Dumoulin me rend compte par sa lettre du 6 pluviôse, qu'il vient d'exterminer les brigands (ce sont ses propres expressions) près du château de Duboisgny, dans la commune de Perigné, à deux lieues de Fougères. L'ennemi, qui avait réuni des forces considérables, était commandé par Duboisgny. Il a soutenu le feu pendant une demi-heure; mais nos braves du 1er bataillon de la 24e demie-brigade légère, ont fondu à la bayonnette dans l'espèce de camp retranché que les brigands occupaient, et ont couvert la terre de leurs morts. Les débris de la colonne ennemie ont été poursuivis jusqu'à Fougères, et sans l'obscurité de la nuit et la forêt, il n'échappait pas un homme.
Les normans abandonnent Duboisgny et cherchent à rentrer chez eux ; quelques bretons sont venus faire leur soumission ; c'était des conscrit enlevés de force. Le général Dumoulin me marque qu'il les a fait conduire à Fougères, entre les mains du commandant.
P. S. Je reçois dans le moment de nouvelles dépêches du général Dumoulin, qui me rend compte qu'à la suite de la journée du 5, les chasseurs balayerent la forêt de Fougeres.
Le 6, ils poursuivirent les chouans, en blessèrent un très-grand nombre, et les habitans des communes de la Selle et du Rocher-Portail, assomment tous ceux qui se présentent de leurs côtés. Le nommé Descure a passé à Carnet avec quatorze hommes se dirigeant vers la ci-devant Normandie. A Saint-Ouin, vingt-cinq conscrits ont déposé les armes ; dans le canton de Saint-James, quinze sont venus implorer leur pardon. Duboisgny s'est retiré dans la ci-devant Bretagne, avec fort peu de monde[14],[8]. »
« Cependant l'arrivée du général Dumoulin avec son corps d'armée fit penser à du Boisguy qu'on avait l'intention d'occuper si fortement son pays qu'il ne pourrait plus agir. Rien n'était plus vrai, car il lui arriva 1 200 hommes de recrues et le général Dumoulin partit lui-même de Saint-James avec 2 000 hommes pour aller au-devant d'un renfort de 1 800 hommes qui lui arrivait d'Avranches et qu'il ramena avec lui à Saint-James.
Du Boisguy, voyant qu'il ne pouvait résister à toutes ces forces, prit la résolution d'évacuer momentanément le pays de Fougères et de n'y laisser que quatre compagnies, pour faire la petite guerre, tandis qu'il irait chercher des renforts. Son intention était de former une petite armée et de revenir ensuite fondre sur les colonnes ennemies qui auraient occupé son pays. Il ignorait encore la pacification de l'Anjou et comptait marcher d'abord sur Vitré, pour réunir cette division et celle de La Guerche, puis, revenir par le Bas-Maine, dont il espérait rallier toutes les forces. Il avait renvoyé ses compagnies dans leurs paroisses, pour leur donner le temps de faire leurs préparatifs pour cette expédition, et indiqué un lieu de rassemblement ; mais, à la guerre, les dispositions les mieux prises sont souvent dérangées par les plus petits incidents ; il en eût bientôt la preuve.
Le 6 février, un détachement de la garnison de Fougères sortit pour faire une battue dans les environs. C'était le jour désigné pour le rassemblement ; quatre compagnies qui s'y rendaient rencontrèrent ce détachement, et, après un combat qui dura une demi-heure, elles le mirent en déroute et le poursuivirent jusqu'aux faubourgs de la ville, en lui faisant éprouver une perte de dix-huit hommes. Un corps d'environ mille hommes sortit de la ville et repoussa ces quatre compagnies, mais, à la vue de du Boisguy, qui s'était mis en marche au bruit de la fusillade, cette troupe rentra dans la ville en bon ordre, en entretenant un feu bien nourri, que les Royalistes furent surpris d'entendre après qu'ils se furent retirés. Du Boisguy ne réfléchit pas à cette circonstance. Il avait le projet de passer, ce jour-là même, dans la division de Vitré, par la droite de Fougères ; mais ces petites actions avaient pris une partie du jour, et il devait prendre des cartouches qu'il avait fait confectionner à Parigné, — ses soldats en manquaient ; — il remit donc son départ au lendemain et résolut d'aller coucher à Parigné. Il prit la route de la Vieuxville, mais, en arrivant au lieu dit des Tombettes, où il s'était déjà battu plusieurs fois, il rencontra toute une armée rangée en bataille, qui l'attendait dans une excellente position.
C'était le général Dumoulin qui se rendait à Fougères. Au bruit du combat, il avait rassemblé ses troupes, qui formaient une masse de quatre mille cinq cents hommes, et, jugeant bien à la direction du feu que les Royalistes allaient se retirer de son côté, il s'étendit de manière à les envelopper. Dès ce premier moment, du Boisguy vit qu'il était impossible d'éviter le combat. Il prit sur-le-champ le seul parti qui pût le sauver, qui était de percer la ligne de l'ennemi, sur la droite, pour se frayer un passage. Bertrand de Saint-Gilles, chargé de la première attaque, poussa si vivement les troupes qu'il avait en face de lui, qu'il les força à reculer et même à changer de front. Du Boisguy s'élança dans ce passage avec toutes ses troupes ; mais les cartouches leur manquèrent, et bientôt, attaquées de tous côtés, par le général Dumoulin, elles furent rompues, et la déroute, compète, si bien que du Boisguy ne put rallier à Parigné, la nuit suivante, que mille à douze cents hommes. Il perdit cinquante hommes dans cette affaire, dont le brave chevalier de Lambilly, qui périt victime de son humanité, en voulant sauver un soldat blessé qu'il emportait sur ses épaules. Il était major de la division et fut extrêmement regretté.
Ce fut Saint-Gilles qui fraya le chemin aux Royalistes au milieu des colonnes ennemies ; si son attaque n'avait pas réussi, ils allaient être entourés et auraient fait des pertes énormes, car la garnison de Fougères s'était mise en marche aux premiers coups de fusil et leur eût fermé toute retraite. L'affaire était terminée quand elle arriva. Le général ne fit pas poursuivre les vaincus et continua sa marche sur Fougères, où il arriva le soir même[6],[4]. »
« Enfin, le général Dumoulin, toujours à leur poursuite, les a surpris le 6, au matin, dans la commune de Parigné, à une lieue et demie de Fougères, les y a taillés en pièces et en a fait une pleine et entière déconfiture ; telles sont les expressions du général. Des lettres particulières portent le nombre des morts à huit cents[13]. »
« La colonne de Dumoulin a, dans la journée, mis les brigands en déroute ; 50 sont restés sur la place et, parmi eux le nommé La Grenade... Les Chouans ont été entièrement défaits à Parigné ; Saint-Roch a été blessé et on ne sait ce qu'est devenu Du Boisguy[5]. »
— Extrait du rapport du chef d'état-major de la subdivision d'Ille-et-Vilaine, le 26 janvier 1800.
« Mon fils désire que je me rende auprès de vous dans ce moment-ci, pour traiter des affaires de la dernière conséquence. Je vous prie donc de m'envoyer un passeport pour moi et ma femme de confiance ; vous le mettrez sous le nom de Picquet et Desbois. Mon fils a écrit, il y a deux jours, au commandant de la place de Fougères pour lui dire que, « la suspension d'armes ayant lieu partout, on ne devait point se battre dans ce pays. » Pour toute réponse, on lui a envoyé l'arrêté des Consuls. Ayez donc la bonté d'écrire de suite au commandant de la place de Fougères pour qu'il cesse les hostilités pendant dix jours, afin que je puisse me rendre à Rennes. Si je puis sauver mon pays, je me trouverai heureuse[5]. »
— Lettre adressée au général La Barollière le 31 janvier 1800, signée Madame Desbois-Lebon-Duboisguy.
« Dès le lendemain, du Boisguy reçut des lettres qui lui annonçaient la pacification de l'Anjou et de presque toute la Bretagne, en sorte qu'il se trouvait dans la position la plus critique.
Ce fut le 17 février que son beau-frère Pontbriand arriva près de lui et le décida à l'accompagner à Rennes, après l'avoir assuré que rien n'était plus vrai que la pacification de la Vendée, de la Bretagne et de l'Anjou.
Le 18, ces deux officiers ne rendirent à Rennes chez les général Brune, qui leur fit le meilleur accueil. Il offrit à du Boisguy, de la part du Premier Consul, le grade de général de brigade, et celui de colonel, à Pontbriand, s'ils voulaient prendre du service dans les troupes de la République. Ils refusèrent l'un et l'autre. Du Boisguy le pria seulement de faire lever le séquestre apposé sur les biens de sa famille : « Si le séquestre a été mis pour cause d'émigration, cela n'est pas en mon pouvoir, dit le général, mais, Messieurs, si vous avez besoin d'argent, je suis autorisé à vous donner ce que vous désirerez. » — « Si nous acceptions votre offre, général, répondit du Boisguy, vous nous mépriseriez vous-même. » — « Nous vous demandons, dit Pontbriand, la liberté de tous nos camarades détenus dans les prisons de Rennes, Fougères et Vitré. » — « Pouvez-vous m'en donner les noms? » demanda le général. — « Nous vous les donnerons demain, » répondit Pontbriand. — « Venez donc déjeuner avec moi demain matin et apportez votre liste, » dit Brune en les saluant.
Le lendemain, ils se rendirent à l'invitation du général, qui leur dit encore pendant le repas : « Je regrette beaucoup, Messieurs, que vous n'acceptiez pas l'offre que je vous au faite de prendre du service ; je vous réponds de la bonne réception que vous auriez du Premier Consul ; ce sont des hommes comme vous qu'il lui faut. Vous ne connaissez pas ses intentions? » — « Ce serait changer de parti, général, et je crois que l'honneur le défend, » dit du Boisguy. Le général n'insista plus.
Après le déjeuner, Pontbriand lui remit une liste de cent-vingt-deux Royalistes détenus, dont quatre-vingt-douze étaient dans les prisons de Rennes. Ce furent les seuls dont ils purent se procurer les noms. Plusieurs étaient poursuivis par la justice criminelle, et l'instruction de leurs affaires, fort avancée ; mais, comme c'était pour les faits relatifs à la guerre civile, le général donna les ordres nécessaires pour les mettre sur-le-champ en liberté. Ses pouvoirs étaient si étendus qu'il put enjoindre aux tribunaux d'annuler toutes les procédures commencées contre eux. A la prière de du Boisguy et de Pontbriand, il leur accorda de porter eux-mêmes les ordres pour faire mettre en liberté ceux qui se trouvaient à Rennes, et il prescrivit à un de ses aides de camp de les accompagner dans les prisons.
Ce fut là le seul moment de bonheur qu'ils eurent pendant cette dernière guerre. Ils prirent ensuite congé du général Brune et retournèrent dans leurs maisons, qui avaient été entièrement dévastées depuis le renouvellement des hostilités[15],[20]. »
« Je soussigné, commandant de l'arrondissement, atteste et certifie que le nommé Aimé-Casimir Picquet, natif de Fougères, domicilié à Parigné, âgé de 24 ans, taille 5 pieds 2 pouces et demi, cheveux, barbe et sourcils noirs, yeux bruns, nez gros, bouche moyenne, la lèvre supérieure un peu relevée, figure ronde assez vermeille, allant à Paris, m'a remis un bon fusil de munition ce jour 15 ventôse an VIII et a signé ; Aimé-Casimir Picquet[24]. »
Charles-Louis Chassin, Les pacifications de l'Ouest 1794-1801-1815 : Du dix-huit fructidor au Concordat et à l'invasion, t. III, Paris, Paul Dupont, , 803 p. (lire en ligne).
Félix Jourdan, La Chouannerie dans l'Avranchin, t. II, Imprimerie de L'Avranchin, , 271 p. (lire en ligne).
Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , 839 p..
Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, (réimpr. 1994), 371 p. (ISBN978-2-906064-28-7, lire en ligne).
F. L. Patu-Deschautschamps, Dix années de guerre intestine : présentant le tableau et l'examen raisonné des opérations des armées royalistes et républicaines dans les départements de l'ouest, depuis le mois de mars, 1793 jusqu'au Ier août 1802, Gaultier-Laguionie, , 635 p. (lire en ligne)
Paul-Marie du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy : Fougères-Vitré, Basse-Normandie et frontière du Maine, 1793-1800, Paris, Honoré Champion éditeur, (réimpr. La Découvrance, 1994), 509 p. (lire en ligne).
Émile Sageret, Le Morbihan et la Chouannerie morbihannaise sous le Consulat : Le Morbihan au début de l'an VIII — La fin de la Période révolutionnaire, t. I, Librairie Alphonse Picard & fils. Éditeur de la Société d'Histoire Contemporaine, , 716 p. (lire en ligne).
Jules Tintou, Soldats limousins de la Révolution et de l'Empire, Paris, Lemouzi, , 170 p. (ISBN978-2307006008).