Roger Martin du GardRoger Martin du Gard
Roger Martin du Gard est un écrivain, romancier, dramaturge, novelliste, diariste et épistolier français né le à Neuilly-sur-Seine[Note 1] et mort le au château du Tertre, à Sérigny (Orne). Il est lauréat du prix Nobel de littérature de 1937. BiographieFamilleRoger Martin du Gard est né dans une famille d'ancienne bourgeoisie originaire du Bourbonnais à la fin du XVIe siècle[2], issue de Jean Martin (mort en 1720), marchand, bourgeois d'Isserpent, (Allier). Pierre Martin (1667-1768), fermier d'Isserpent et receveur de la baronnie de Châtel-Mortagne-Arfeuilles, acquiert le domaine du Gard en 1739 et se fait appeler Martin du Gard pour se distinguer de ses frères[3]. Jacques Martin du Gard (1733-1810), était maire d'Arfeuilles, conseiller général de l'Allier. Louis Martin du Gard (1828-1896), était receveur des domaines à Nancy, (Meurthe-et-Moselle). Prosper Martin du Gard (1828-1896), était avoué près le tribunal de la Seine. Roger, né le au 69, boulevard Bineau à Neuilly-sur-Seine, est le fils de Paul Martin du Gard (1856-1924), avocat à la cour d'appel de Paris[4] et de Madeleine Wimy, la fille d'un agent de change de la Bourse de Paris[5]. Les étudesEn 1892, il entre en qualité de demi-pensionnaire à l'École Fénelon, institution catholique où l'enseignement de Marcel Hébert le marque profondément[6]. Ses résultats sont insuffisants ; il préfère la lecture des « feuilletons bon marché » aux leçons dispensées[7]. En , il entre au lycée Condorcet. Devant les mauvais résultats de son fils, son père décide alors de le mettre un semestre en pension, de janvier à , à Passy, chez un jeune normalien, Louis Mellerio. Il rattrape son retard en latin, grec et grammaire, travaille l'art de la composition afin d'être fin prêt pour valider son année de rhétorique à la rentrée d'octobre. Il entre alors comme externe au lycée Janson-de-Sailly où il rencontre le jeune Gaston Gallimard[8]. Il découvre sa vocation d'écrivain en se liant à un jeune garçon de deux ans son aîné, Jean Werhlé, pendant l'été qu'il passe à Maisons-Laffitte en 1891[7]. Les tragédies en vers qu'écrit déjà son ami lui font connaître, à dix ans, son premier choc esthétique : « Aussitôt au lit, j'ai tiré le cahier de sous mon traversin, et me suis mis à lire. J'avais les yeux brouillés de larmes. Première révélation de la poésie[7]… » À compter de ce jour, le jeune Roger ne laissera pas de noircir des cahiers de « poèmes sentimentaux », toujours accompagné d'un « petit dictionnaire de rimes »[9]. Il ne se dégagera de cette fiévreuse obsession lyrique qu'à l'âge de dix-sept ans lorsqu'il lira, suivant les conseils de l'abbé Hébert, Guerre et Paix de Tolstoï[10]. Il obtient en 1898 son baccalauréat, dans la série Philosophie, avec mention passable, et décide, le temps de confirmer sa volonté d'écrire et d'obtenir l'assentiment d'une famille réticente, de s'inscrire à la Sorbonne pour passer une licence ès lettres[11]. Il ne se présente pas aux examens la première année et échoue lorsqu'il les passe l'année suivante, en . Il décide alors, quelques jours plus tard, de pallier son sentiment d'échec en préparant le concours d'entrée à l'École des chartes[12]. Il est reçu le [13]. À ce sujet, il dira plus tard « [qu'il] était rentré à l'École comme on entre sous une porte cochère pendant une averse : pour attendre »[5]. Malgré un redoublement et l'interruption d'une année, en 1902-1903, pour son service militaire à Rouen[Note 2], il obtient son diplôme d'archiviste paléographe en , après avoir soutenu une thèse sur les ruines de l'abbaye de Jumièges[11]. Il évoque son passage à l'École des chartes dans le roman Devenir (publié à compte d'auteur) dont un des personnages est un élève chartiste peu assidu[14]. Au sortir de l'École, le , il épouse Hélène Foucault (1887-1949), fille d'Albert Foucault, avocat du barreau de Paris, propriétaire du château du Tertre à Sérigny, dans l'Orne[15]. À vingt-cinq ans, il est désormais prêt à affirmer son désir d'être écrivain. L'écrivainPremières œuvresIl s'attelle à la préparation d'un roman dès le début de son voyage de noces en Afrique du Nord, début 1906 : Une Vie de saint. L'année suivante, naît sa fille Christiane (1907-1973)[15]. La publication de son roman Jean Barois en 1913 lui permettra de se lier d'amitié avec André Gide et Jacques Copeau : refusé par Bernard Grasset, son manuscrit est transmis par son ami d'enfance Gaston Gallimard à Jean Schlumberger, puis à Gide, son livre étant finalement édité à la jeune maison d'édition de la NRF dont il devient le premier succès[16]. Dans l'étonnant « roman dossier » qu'est Jean Barois, Roger Martin du Gard ne cherche pas à démontrer. Il n'émet aucun jugement, il ne condamne pas, il n’absout pas : il décrit avec une volonté d'objectivité l'évolution de la religion contemporaine avec le modernisme qui semble en saper les fondements ou la séparation des Églises et de l'État en 1905. Avec ses documents authentiques ou fictifs qui s'y trouvent insérés, la seconde partie constitue aussi la première représentation littéraire de l'Affaire Dreyfus et du procès Zola qui lui est lié. De la même façon qu'elle est aussi une des premières représentations littéraires de la crise moderniste. Charles Moeller oppose le Jean Barois de Roger Martin du Gard à l'Augustin de Joseph Malègue dans Augustin ou le Maître est là, un peu comme Victor Brombert, le critique américain. Pour Brombert, le retour à la foi d'Augustin « n'est pas un retour soumis au bercail » (« is not a submissive return to the fold »), mais « une reconquête durement remportée à travers la souffrance et la lucidité » (« a reconquest hard won through pain and lucidity »), et qui n'est pas « une abdication de l'intelligence[17] ». Moeller pense que la foi avec laquelle renoue Jean Barois est du fidéisme[18]. Pour le théâtre, il écrit Le Testament du père Leleu (1913), farce paysanne qui semble avoir inspiré G. Puccini pour la composition de son opéra Gianni Schicchi. La mise en scène de cette farce par Jacques Copeau, qui venait alors d'ouvrir le théâtre du Vieux-Colombier, marque le début d'une amitié très forte, grâce à laquelle Martin du Gard envisage la réalisation de pièces satiriques dans le cadre d'une Comédie nouvelle dont il développe une première vision. Cependant, ces perspectives ne connaissent pas un aboutissement, en raison des refus successifs qu'oppose J. Copeau aux propositions et essais de Roger. Celui-ci revient alors vers le roman. Mobilisé en 1914, il est affecté comme fourrier à un groupe automobile de « Transport matériel » attaché au premier corps de cavalerie[19]. Témoin des atrocités du front, il ne veut pas écrire sur le sujet mais exprime son pacifisme idéaliste dans ses lettres et son journal de cette époque[20]. Les ThibaultAprès la Première Guerre mondiale, Roger Martin du Gard conçoit le projet d'un long roman-fleuve (ou « roman de longue haleine ») dont le titre initial était Deux frères. De fait, le roman en huit volumes qui sera finalement intitulé Les Thibault va l'occuper des années 1920 à 1940, date de publication du dernier volume, Épilogue. De nombreux souvenirs d'enfance vont marquer cette saga, notamment de l'époque, entre 1890 et 1895, où il habita Maisons-Laffitte dans une maison de l'avenue Albine, au no 26 qui porte actuellement une plaque gravée de marbre blanc sur un des deux piliers du portail. À travers l'histoire de Jacques et Antoine Thibault qui sont liés à la famille de Fontanin, le romancier fait le portrait d'une classe sociale, la bourgeoisie parisienne, catholique ou protestante, universitaire, mais aussi en révolte dans le cas de Jacques Thibault, apprenti écrivain qui découvre le socialisme. Conçus comme une conclusion à une œuvre dont la réalisation menaçait de durer trop longtemps, les deux derniers volumes sont consacrés à la disparition des deux héros et mettent l'accent sur la Première Guerre mondiale. L'Été 1914 décrit la marche à la guerre que ne peuvent empêcher ni les socialistes, ni les autres groupes pacifistes : révolutionnaire de cœur, Jacques Thibault ne saura que se sacrifier en lançant sur les tranchées un appel à la fraternisation des soldats allemands et français. Racontant la lente agonie d'Antoine Thibault gazé pendant le conflit, Épilogue évoque la « marche à la paix » et s'interroge sur les propositions du président Wilson qui aboutiront à la création de la Société des Nations. En 1930 paraît Confidence africaine, une histoire d'inceste entre un frère et une sœur. Ce livre joue un rôle dans le roman épistolaire de Katherine Pancol, Un homme à distance (Albin Michel, 2002). La notoriétéC'est en 1937, juste après la publication de L'Été 1914, que Martin du Gard se voit attribuer le prix Nobel de littérature. Après un long séjour en Italie, il passe la majeure partie de la guerre 1939-1945 à Nice, avant d'aller se réfugier à Piérac, dans l'Aude. De 1941 à sa mort, il travaille à un roman resté inachevé, Les souvenirs du lieutenant-colonel de Maumort, dont une édition procurée par André Daspre sera publiée en 1983 sous le titre Le lieutenant-colonel de Maumort. En , il s'installe dans un appartement au 10, rue du Dragon (Paris), après avoir remis de l'ordre au château du Tertre occupé par des soldats allemands. En 1949, Roger Martin du Gard traduit, conjointement avec son auteur Dorothy Bussy, l'unique roman de l'écrivaine, Olivia, chez Stock. Publiées peu après la mort d'André Gide, les Notes sur André Gide évoquent une des amitiés les plus importantes et enrichissantes qu'ait connues cet admirateur de Tolstoï, de Flaubert et de Montaigne. La Bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard regroupe ses « Œuvres complètes », parues en 1955 en deux volumes. Roger Martin du Gard étant alors toujours en vie, on lui confia donc la sélection des textes à publier. Seule L'Une de nous, nouvelle sous forme dialoguée, parue chez Grasset en 1910, est exclue par l'auteur : épisode d'une monographie intitulée Marise et abandonnée ensuite par Martin du Gard, celui-ci la décrit comme « une nouvelle d'un naturalisme suranné, d'une sensiblerie et d'un mauvais goût déplorables »[21]. Cet opus a été mis au pilon à sa demande. Au terme d'une vieMarie Rougier (1901-1998), l'amie du couple Martin du Gard, professeur au lycée de jeunes filles de Nice, devient la secrétaire et la confidente dévouée du romancier, veillant en particulier sur tous ses papiers et les éditions qu'il souhaitait préparer[22]. Roger Martin du Gard repose avec sa femme au cimetière du Monastère de Cimiez sur les hauteurs résidentielles de Nice. Il avait songé, dès 1921, sur la dalle de sa tombe dont il a dessiné la forme, faire inscrire l'expression latine « Sum quod eris », formule s’adressant au passant signifiant « Je suis ce que tu seras »[23], mais il n'en fut finalement rien. L'œuvre posthumeSoutenue par l'engagement d'un groupe d'admirateurs, universitaires pour la plupart, la publication de ses œuvres posthumes complexifie sa figure d'écrivain. De nombreux textes posthumes à caractère autobiographique vont faire apparaître Martin du Gard comme un styliste spontané, attentif aux autres, parfois jovial. Commencé pendant la Première Guerre mondiale, son Journal décrit une vie familiale parfois difficile, raconte les réussites de l'amitié, fait la revue critique des textes contemporains et permet d'approcher la vie littéraire de l'époque : précédé de « souvenirs », il a été publié par C. Sicard sous la forme de trois gros volumes. Ce sont également les joies de l'amitié ainsi que les aléas de la vie littéraire autour de la Nouvelle Revue française que mettent en lumière les très nombreuses lettres regroupées désormais dans de passionnants volumes de correspondances (avec : André Gide, Jacques Copeau, Eugène Dabit, Georges Duhamel, Jean Tardieu et Albert Camus, à côté d'une Correspondance générale en dix volumes). Commencé en 1941, considéré d'entrée de jeu comme posthume et inachevé par l'écrivain, le roman centré sur la figure de Maumort est un texte prolifique dont le manuscrit occupe désormais dix-huit volumes au Département des manuscrits de la BNF. Une première édition a paru en 1983 sous le titre Le Lieutenant-colonel de Maumort dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade. Ce volume minutieusement composé et annoté par André Daspre a obtenu le prix de l'édition critique, l'année de sa publication (1983). Une ré-édition de ce texte dans la collection blanche de Gallimard a eu lieu en 2008. La fable peut se résumer ainsi : « enfermé dans une toute petite partie de sa demeure normande occupée par un détachement de l'armée allemande, le vieux colonel à la retraite commence à tenir son journal (qui devient un journal de la défaite et de l'Occupation et lui permet d'évoquer différentes figures nazies). Mais, progressivement, il va se mettre à développer des souvenirs qui prennent la forme de mémoires ». Maumort raconte ainsi de manière suivie sa jeunesse, sa formation, sa vie sexuelle et sentimentale, sa carrière militaire au Maroc qui lui fait rencontrer Lyautey. Soucieux de l'équilibre de son œuvre complète et désireux de constituer un pendant à son grand roman centré sur la figure de Jean Barois mais fait de fragments génériquement divers (scènes de type théâtral, lettres, extrait de journal intime, discours oratoire…), Roger Martin du Gard va également utiliser plusieurs formes internes pour Maumort : ainsi, au journal et aux mémoires du vieux colonel vont s'ajouter des nouvelles et des Lettres à Gévresin. À travers ses fragments narratifs et les très nombreuses fiches de régie qui appartiennent aussi pleinement à cette œuvre en constant devenir, ce roman est marqué par un caractère de modernité flagrant, mais cet ensemble monumental vise aussi à évoquer l'esprit d'une génération intellectuelle que le discours pétainiste au pouvoir à partir de 1941 allait charger de tous les maux. Des nouvelles figurent aussi parmi les écrits posthumes (La Noyade intégrée au volume du Lieutenant-colonel de Maumort, et Genre motus publiée à part) ; elles s'inscrivent dans la continuité de celles que l'écrivain avait publiées de son vivant (Confidence africaine). Hommages et distinctions
Œuvres
Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiBibliographie
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