Maurice Chabas, troisième des quatre enfants de Charles Oscar Chabas et de son épouse née Marguerite Ferrus, naît au 1, rue de la Casserie à Nantes dans une famille de commerçants drapiers cultivés ; son père, peintre amateur, encourage la vocation artistique de ses deux fils Maurice et Paul, tandis que leur frère aîné, Charles, reprendra l'affaire de commerce familial, le magasin à l'enseigne Le Rat goutteux situé dans le quartier du Bouffay, à l'angle du cours des 50-Otages et de la rue de la Barillerie[2]. Maurice effectue ses études secondaires au lycée Georges-Clemenceau, puis est élève d'Alexandre-Jacques Chantron à l'Académie des Beaux-arts de Nantes avant son service militaire dans un régiment de zouaves à Chalon-sur-Saône[3].
Peintre de chevalet et d'art monumental, Maurice Chabas est un artiste prolifique. Il débute au Salon des artistes français de 1885 où il présentera ses œuvres jusqu'en 1913. Il y découvre Pierre Puvis de Chavannes qui l'influencera par son style et ses sujets. Il expose aussi au Salon des Amis des beaux-arts de Nantes de 1890 à 1907, et à divers salons d'inspiration chrétienne.
Artiste sensible et mystique, il adhère aux pensées développées par Joséphin Peladan et participe à tous les Salons de la Rose-Croix de 1892[4] à 1897. Il y rencontre Alphonse Osbert, membre du groupe des Inquiets (plus tard appelé l'Éclectique) qui y expose en 1894 et dont certaines œuvres lui sont proches par l'inspiration et la technique[5]. Ses peintures symbolistes se parent de titres aux noms évocateurs d'un idéal mystique qu'il pense être nécessaire à l'être humain : Celsa (Phase extatique) ou Mélété (Mélodie du soir-sensation de calme et de recueillement). Sa notoriété s’étend et, dès 1895, son œuvre est l'objet d'une exposition à la galerie des Arts réunis, avenue de l'Opéra à Paris. Le divisionnisme lui fait adopter un style moins classique pour ses paysages de rêve et ses ciels éthérés. Parallèlement, il réalise de nombreux décors comme celui de la mairie de Montrouge en 1884, et de la mairie 14e arrondissement de Paris en 1889.
En 1895, il obtient la commande de la décoration du buffet de la gare de Lyon-Perrache avec quatre grandes toiles marouflées représentant des Allégories à la gloire de la soierie lyonnaise[6].
En 1898, il remporte le concours ouvert pour la décoration de la salle des mariages de la mairie de Vincennes. Il y réalise un ensemble de sept toiles marouflées en 1902[7]. Il demeure alors au no 3 rue Joseph-Bara à Paris.
La même année, il réalise la toile de Marseille pour la grande salle du restaurant Le Train bleu de la gare de Lyon à Paris.
En 1915, il fait la connaissance en Belgique de Gabrielle Castelot, née à Anvers en 1888, mère de deux garçons, André Castelot (né en 1911), qui deviendra un historien de renommée, et Jacques Castelot (né en 1914), qui sera comédien. De cette union naîtra plus tard une fille, Germaine Chanteaud-Chabas, qui sera également férue d'astronomie.
La déclaration de la Première Guerre mondiale les force à quitter la Belgique pour se réfugier en Angleterre, puis ils rentrent en France au cours du dernier trimestre de l'année 1914 et résident au no 42 rue de Lubeck à Paris. Maurice Chabas s'oriente dès lors vers une simplification stylistique, soumise à une pensée spirituelle et cosmique qui aboutit vers 1920 à une abstraction totale, dont il présentera les travaux à Nantes en 1925, ainsi qu'à la galerie Devambez en 1913, laquelle édite un recueil de lithographies accompagné d'un texte du peintre, Vers l’Amour suprême, destiné à élever les âmes et les aimanter vers les états supérieurs de la « vie universelle ».
Il participe aux Salons et aux Expositions universelles de Paris en 1900 et de Bruxelles en 1910. En , il reçoit Judith Gautier dans son atelier de Neuilly-sur-Seine, celle-ci étant la seule femme peintre à avoir obtenu une dérogation pour exposer au Salon de la Rose-Croix ; leurs entretiens sont d'ordre spirituel. En 1918, il vient vivre au 8, avenue Saint-Philibert à Paris et y résidera jusqu'en 1925, année où il s'installera définitivement au 3, rue de la Paroisse à Versailles[3].
Il devient membre du Salon d'automne, ainsi que de la Société idéaliste et de la Société moderne, et expose au Carnegie Institute of Pittsburgh. Il restera fidèle à un spiritualisme exalté qu'il défend encore en 1935 dans une lettre au directeur des Beaux-arts[9] : « L'Humanité actuelle a besoin d'un idéal supérieur. Nous ne pouvons plus vivre dans le déséquilibre créant la dysharmonie qui mène à la destruction et à la mort. Il faut l'Esprit pour donner la vie à la matière et aux œuvres. »[10]. Son ami Alphonse de Chateaubriant lui écrit la préface de son ouvrage Sur les Routes du Lot qu'il a entrepris en 1935 à la demande d'un autre ami, l'écrivain Anatole de Monzie (1876-1947), sénateur et député du Lot, ancien ministre. En 1937 meurt Paul, son frère cadet. Bien que vivant modestement, il renâcle à se séparer de ses toiles. C'est dans ces années-là qu'il fait la connaissance de Jean Marchand, dit « Mercator », avec lequel il aura des entretiens d'ordre spirituel.
Sur la fin de sa vie, il ne peint plus pratiquement que des sujets religieux dans une grande luminosité vaporeuse qui tend vers l'abstraction. Il ne voit pratiquement plus personne et vit replié loin des siens, et s'éteint ainsi le chez lui à Versailles.
Le sculpteur Jacques Louis Robert Villeneuve a modelé son portrait en buste de bronze, acquis en 1917 (Paris, Archives nationales)[11]. Myriam Reiss-de-Palma a réalisé le catalogue raisonné de l'artiste, où elle recense 903 numéros, dont 873 sont illustrés dans son ouvrage.
Œuvres
Illustrations
Vers l'amour suprême, recueil de lithographies, Éditions de la galerie Devambez, 1913.
Psaumes d'amour spirituel, préface de Camille Flammarion, Éditions de la Revue contemporaine, 1920, 219 p.
Gabrielle Castelot, Flamme divine, préface d'Édouard Schuré, illustration de Maurice Chabas, 1922.
Les Trois activités humaines. Esprit scientifique et sentiment religieux. Occultisme et mysticisme. Leurs rapports avec les états sociaux et l'évolution humaine, six dessins à la plume et au lavis de Maurice Chabas, 1928.
Roger Toziny, Montmartre et sa commune libre, photographies de Maurice Chabas, Éditions la Vache enragée, 1934.
Sur les routes du Lot, préface d'Alphonse de Chateaubriant , Paris, Éditions Gigord, 1936 ; réédition en 2005.
Pinson-Buzon, La Joie intérieure, préface de Jean Albert-Sorel, illustration Maurice Chabas, 1946.
Estampes
Les Amis des Artistes, 1916, affiche, Devambez, Paris, 9,06 × 148,84 cm.
Exposition d'art décoratif en faveur de l'aiguille française et du soldat dans la tranchée, 1917, réalisée au profit d'une œuvre caritative, bibliothèque université de Montréal, Canada.
Femme et enfant, dessin à la mine de plomb, craie blanche sur papier ;
Idéal pays, paysage imaginaire, 1896, huile sur toile.
Lyon, gare de Lyon-Perrache : Allégories à la soierie Lyonnaise, vers 1895, quatre huiles sur toile marouflées ornant la salle de restaurant de la brasserie, plusieurs toiles ont disparu au cours de travaux de transformations[Quand ?].
Moirans, église Saint-Pierre et Saint-Paul, Saint-Pierre, cinq toiles marouflées de l'abside[14].
Abside de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul de Moirans
Mairie du 14e arrondissement de Paris, salle des mariages, trois huiles sur toile marouflées insérées dans les boiseries intitulées Les Fiançailles, Le Repas de noces et La Famille[16].
« Chabas, dans son tableau de l'Erracité, nous transporte en plein monde astral avec sa grande chevauchée des âmes dans l'immensité éthérée. Il est un des premiers à voir carrément abordé l'occulte avec son pinceau. » - Comte Léonce de Larmandie[30]
« De tous les paysages de Maurice Chabas émanent la sérénité, la paix, comme un détachement suprême. Les choses semblent avoir perdu leur matérialité. Leur beauté tend au désir du beau absolu, de celui qui sera à la fois harmonique et géométrique ; leur apaisement prédispose au silence mental nécessaire pour percevoir le verbe caché sous les apparences. » - Léon de Saint-Valéry[31]
« Maurice Chabas apporte quelques-unes de ses apparitions séraphiques irradiantes comme des fleurs de feu et de larges paysages dont le calme harmonieux s'épanouit comme la plus sereine musique de l'été, paysages si calmes que l'impression en est religieuse autant que celles des belles figures de Maurice Denis ou des orageuses méditations de Georges Desvallières. » - Le Mercure de France[32]
« La qualité de l'exécutant et celle du penseur sont égales chez Maurice Chabas. Ce peintre est un voyant, mais qui voit juste. La qualité de ses ciels, traversés de nuées empourprées, rose feu, jonquille, émeraude à tendre lointain, il les a sillonnés de courses d'anges. L'Edgar Poed'Ulalume ou d'Israfil eut été ravi de ces peintures. Mais aussi quelques grands décorateurs d'Italie, un Tiepolo ou quelque matérialiste ne voulant vois dans l'œuvre d'art que sa valeur d'exécution loueraient cette très habile polychromie et cette sorte de vérité du vol des habitants du ciel. Prestige où la technique a autant de part que la création esthétique. » - Gustave Kahn[33]
« Tandis que Paul Chabas, chaque matin, besognait en faisant joliment tremper les charmes enfantins de son jeune modèle dans les criques paisibles de Belle-Île-en-Mer, Maurice, avant de se mettre à peindre, "contemplait". Je le verrai toujours les bords de son chapeau rabaissés sur les yeux, la tête levée, la barbe au vent, s'imprégnant de l'âme du paysage, de cette terre, de cette eau, de ce ciel qu'il allait faire revivre de ses doigts de magicien... Il y avait entre les deux frères l'abîme qui sépare le peintre de l'artiste. » - André Castelot[34]
« Maurice Chabas cherche "la réalisation d'un idéal supérieur et revendique le titre d'artiste idéaliste" comme l'expriment bien les titres de ses toiles. Ses premiers paysages (les bords de la Loire, les gorges du Lot,, les côtes bretonnes) sont s'abord classiques puis, dans la région parisienne, prennent un ton divisionniste. Il brosse alors de grandes décorations (L'Art de la soie à la gare de Lyon-Perrache) qui présentent d'harmonieuses surfaces centrées par une dominante vive. Sa période la plus intéressante est celle des "compositions philosophiques" dont les grands rythmes effleurent l'abstraction. » - Gérald Schurr[35]
« Maurice Chabas, tel un Prométhée des temps modernes, se voyait comme ce porteur d'étincelle qui se doit par son art, ses écrits et sa parole d'offrir au monde la chaleur et la richesse de son message spirituel. Il s'engageait ainsi à participer à la construction d'un univers futur meilleur. On ne peut comprendre l'esthétique complexe de cet artiste si l'on ne garde pas en permanence à l'esprit la singularité de ses convictions, le caractère messianique et prométhéen de sa pensée. L'œuvre de Chabas se rattache donc aux tendances idéalistes et symbolistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Imprégné de mysticité, le peintre s'appliqua inlassablement à la transmettre par le biais de son art... La forme étant pour lui soumise au message spirituel, Maurice Chabas cherchait à transmettre la multiplicité de formes de divin en multipliant son apparence. Le message spirituel habite l'œuvre de l'artiste ; lui seul permet de comprendre un œuvre qui, au-delà de la forme mais à travers lui, tente d'atteindre à une "autre lumière". » - Myriam de Palma[3]
« Proche de Pierre Puvis de Chavannes, il partage un goût pour la narration contemplative qui évoluera vers un symbolisme dont toute la puissance de suggestion s'allie à une pensée, oscillant de l'Antiquité à un idéal mystique. Son militantisme intellectuel ne freine pas une œuvre dont le succès ne cesse de croître dans les années 1920. L'artiste est admiré et fêté à chacune de ses nombreuses expositions en France et à l'étranger. Sa foi en une humanité religieuse et spirituelle s'assombrira lorsque éclatera la Seconde Guerre mondiale. Cette quête de perfection imprègne tout son œuvre. Son esthétique complexe et multiforme est la conséquence de ses convictions spiritualistes qu'il cherche à intégrer dans sa peinture. Des premières peintures proches de l'impressionnisme à la presque non-figuration, sa peinture est indépendante de toute conviction stylistique. D'où sans doute ces expérimentations simultanées, de la division de la touche sous-tendue par un vif chromatisme, à un synthétisme à partir de larges aplats de couleurs puissamment cernés. Une simplification de la forme s'imposera dans son désir de transmettre les mystères du christianisme. » - Lydia Harambourg[36]
↑ abcdefgh et i Myriam de Palma, Maurice Chabas, peintre et messager spirituel (1862-1947), Somogy Éditions d'art, 2009.
↑ Jean-Jacques Lévêque, « 1892 : Le Salon de la Rose-Croix, une secte », La Belle Époque, ACR Édition internationale, Courbevoie, 1991, p. 234.
↑Jean-David Jumeau-Lafond, Les Peintres de l'âme, le Symbolisme idéaliste en France, [catalogue de l'exposition éponyme au Musée d'Ixelles], 1999.
↑Œuvres non localisées depuis les travaux de rénovation[Quand ?].
↑Les fresques réalisées par Maurice Chabas à la mairie de Vincennes pour la salle des mariages ont été classées monument historique en 1982. Sur la façade sud, six tableaux marouflés évoquent l'histoire de Vincennes : on y reconnaît le donjon, la porte du village, l'obélisque du bois, le polygone d'artillerie, la vallée de la Marne et l'hôtel de ville. La façade nord est occupée par un décor mural de vingt-cinq mètres de long, représentant le lac Daumesnil. Ces tableaux aux tons doux et fondus sont environnés de boiseries, de vitraux et de plafond à caissons.
↑Renaissance du Musée de Brest, acquisitions récentes : [exposition], Musée du Louvre, Aile de Flore, Département des Peintures, 25 octobre 1974-27 janvier 1975, Paris, , 80 p.
Gustave Kahn, « Maurice Chabas », L'Art et les artistes, n°9, avril 1913.
Collectif, Maurice Chabas organise une exposition, [réf. incomplète].
Gustave Kahn, Maurice Chabas, éditions Galerie Devambez, Paris, 1922.
Maurice Chabas et Gustave Kahn, Maurice Chabas - Le calme et la poésie dans la nature, catalogue d'exposition, plaquette in 12°, Bruxelles, galerie des Artistes français, , 10 p.
André Castelot, Maurice Chabas, éditions Galerie Bernheim-Jeune, 1952.
Germaine Chanteaud, « Maurice Chabas », Revue d'Histoire du XIVe arrondissement de Paris, 1963.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.3, Gründ, 1999.
Snoeck-Ducaju, Les Peintres de l'âme, Gand, 1999.
Agnès Noblet, Jean-Philippe Bouilloud, Sylvie Camet, Un Univers d'artistes, Éd. l'Harmattan, 2003, 548 p. (ISBN2-747554-17 1).
Myriam de Palma, « Maurice Chabas (1862-1947) et les mondes de l'au-delà », Bulletin de la Société de l'art français, 2004, pp. 379-398.
Myriam Reiss-de-Palma, Maurice Chabas (1862-1947), catalogue raisonné de l'artiste et thèse en histoire de l'art, Paris IV Sorbonne, (présentation en ligne).
Françoise Daniel, Les peintres du rêve en Bretagne - Autour des symbolistes et des Nabis du musée, éditions du musée des Beaux-Arts de Brest, 2006.
Myriam de Palma, Maurice Chabas, peintre et messager spirituel (1862-1947), Somogy Éditions d'art, 2009.
Sylvie Carlier, Le symbolisme en Rhône-Alpes - De Puvis de Chavannes à Fantin-Latour, 1880-1920, éditions du musée Paul-Dini, Villefranche-sur-Saône, 2010.
Enzo Barillà, La magia di Nettuno nell'arte simbolista, Enzo Barillà, 2019 (consulter en ligne).