Sabine Chwast est la dernière de douze enfants. Le père est architecte[2]. Il n'aime pas le prénom donné à sa fille, et décide de l'appeler Yanka, un nom qu'elle gardera par la suite. Ne supportant plus un milieu familial étouffant et l'antisémitisme des Polonais, largement développé après la déclaration d'indépendance vis-à-vis de l'Empire russe, elle décide au milieu des années 1920 de quitter son pays natal. Au gré des rencontres, elle gagne successivement Dantzig, Koenigsberg, Berlin, Bruxelles pour finalement arriver en France, à Nancy, où elle entreprend des études en histoire de l'Art. Elle est également militante du Bund, « le mouvement ouvrier juif antisioniste »[3].
Elle fait la connaissance d'un jeune étudiant juif de Russie, Miron Zlatin, qui prépare un diplôme d'études supérieures agronomiques à l'université de Nancy. Ils se marient le . Le couple n'a pas d'enfant. En 1929, Miron et Sabine acquièrent une ferme avicole actuellement rue Miron-Zlatin à Landas dans le Nord. Après quelques difficultés, l'exploitation se révèle un succès. Ils sont naturalisés le .
La résistante
En , la guerre éclate et Sabine décide de suivre des cours de formation d'infirmière militaire à la Croix-Rouge à Lille.
En 1940, Sabine et son mari fuient pour Montpellier, et Sabine travaille comme « infirmière de la Croix-Rouge à l'hôpital militaire de Lauwe »[4]. Elle est ensuite renvoyée à cause des lois antisémites. Elle s'engage alors auprès de l'Œuvre de secours aux enfants (OSE)[4]. Elle travaille, bénévolement[5] à la préfecture de l'Hérault comme « assistante sociale »[6].
Sabine Zlatin protégea des enfants juifs. Avec l'abbé Prévost notamment elle s'occupa de cacher des enfants sortis «des camps d'Agde et de Rivesaltes»[7]. Elle-même sortit des enfants de ces camps, jusqu'en 1941[8], qui furent, grâce à l'OSE, passés en Suisse, aux États-Unis grâce aux Quakers ou dans divers centres[9]. C'est ce même homme qui mit à la disposition de Sabine et de son mari « une colonie de vacances » à Palavas pour les enfants dont ils s'occupaient[10]. En a lieu une grande rafle et Sabine contacte la préfecture pour demander la libération des moins de quinze ans, qui est obtenue[8]. Les jeunes passent alors par Palavas avant d'être envoyés dans diverses maisons. Au début de l'année 1943 elle est convoquée par le secrétaire général, Roger Fridrici, à la préfecture. On lui demande alors de s'occuper « d'un groupe de dix-sept enfants qui sont encore à Campestre près de Lodève ». Fridrici lui suggère de partir avec eux pour la zone italienne, et lui dit que la préfecture s'occuperait des papiers[11]. Sabine part alors à Chambéry avec les enfants qui partiront finalement à Izieu. Sabine déplace son lieu d'accueil en et à Izieu, en , est fondée la colonie des Enfants d'Izieu qui abrite des enfants juifs. La colonie est un lieu de passage dans un réseau de sauvetage composé d'autres maisons, de familles d'accueil ou encore de filières de passage en Suisse. Au moins 105 enfants, juifs pour la plupart, y sont accueillis à partir de . Certains ne restent que quelques semaines, d’autres quelques mois. Cet endroit est choisi en 1943 car la zone est alors sous autorité italienne et que les juifs y sont moins menacés[12]. Les Zlatin peuvent compter sur Pierre-Marcel Wiltzer, le sous-préfet, sur « le maquis de l'Ain » et sur le « réseau lyonnais du père Chaillet » pour s'occuper de quatre-vingts enfants[10]. Sabine sauva également des enfants tsiganes.
Le , la Gestapo de Lyon dirigée par Klaus Barbie, arrête les 44 enfants de la colonie et les sept éducateurs présents. Sabine est absente, sentant venir le danger, elle est allée à Montpellier pour demander à l'abbé Prevost de l'aider à disperser la colonie. Après la rafle, Sabine Zlatin rejoint Paris où elle s'engage dans la Résistance. Elle essaie de sauver les enfants d'Izieu et essaye même d'entrer en contact avec Darnand[13]. À la Libération, elle est nommée hôtelière-chef du Centre Lutetia, responsable de l'organisation de l'accueil des déportés à leur retour des camps. En juillet1945, plus d'un an après la rafle, Sabine Zlatin apprend que les enfants arrêtés le ont été exterminés à Auschwitz ; seule une encadrante de la maison d'Izieu, Léa Feldblum, également déportée à Auschwitz, en reviendra vivante[14].
Le , Miron est déporté, avec Théo Reiss et un autre adolescent d'Izieu, Arnold Hirsch, depuis la gare de Bobigny dans le convoi no 73 jusqu'à Reval (aujourd'hui Tallinn en Estonie). Il est détenu à la prison Paterei et travaille dans une carrière. Il est fusillé par les SS fin , avant l'arrivée des troupes soviétiques.
Après la guerre, elle rend hommage aux enfants d'Izieu chaque année et fleurit le monument commémoratif élevé en 1946 à Brégnier-Cordon grâce à une souscription nationale placée sous l’égide du Général de Gaulle[23].
Après la fermeture du Lutetia, en , elle s'installe définitivement à Paris. Elle s'adonne à la peinture, signant ses toiles du nom de « Yanka », le surnom que lui avait donné son père.
Une rue Sabine-Zlatin est créée dans le 7e arrondissement de Lyon. En 2012, le conseil municipal la renomme « rue Sabine-et-Miron-Zlatin »[26],[27],[28].
Une rue de Villeurbanne porte le nom de Sabine Zlatin.
Sabine Zlatin figure en uniforme d'infirmière sur un mur peint lyonnais intitulé Lyon, la santé, la vie.
En 2017, le nouveau collège de Belley (Ain), qui reçoit les enfants du village d'Izieu, est baptisé « Collège Sabine-Zlatin »[29],[30].
En 20, une émission de France Culture en 2 parties réalisée par Yaël Mandelbaum, 2023
En 2023, une troupe de comédie musicale nommée les Brosters créent un spectacle musical Encrées mettant en avant le destin de Sabine Zlatin[31].
↑Alain Jakubowicz et Stéphane Nivet, « Sabine Chwast-Zlatin. La force d'âme d'Izieu », dans "Vous étiez belles pour l'éternité" : elles ont témoigné au procès Barbie, Lyon, Le Progrès, (ISBN978-2-35999-035-5), p. 36-37.
Alain Jakubowicz et Stéphane Nivet, « Sabine Chwast-Zlatin. La force d'âme d'Izieu », dans "Vous étiez belles pour l'éternité" : elles ont témoigné au procès Barbie, Lyon, Le Progrès, (ISBN978-2-35999-035-5), p. 36-37.
Yanka Zlatin, Survivants, Paris, . Dessins et gravures de Monique Frélaut. Près de quarante portraits de survivants accueillis au Lutétia.
Sabine Zlatin, La Dame d’Izieu (mémoires), Paris, Gallimard, 1992. Avant-propos de François Mitterrand. Y compris sa déposition au procès de Klaus Barbie et les témoignages de l’institutrice de la colonie (Gabrielle Perrier aujourd’hui Gabrielle Tardy) et d’un ancien pensionnaire (Samuel Pintel).
Serge Klarsfeld, Les Enfants d’Izieu, une tragédie juive, Association des Fils et Filles des déportés juifs de France, 1984.
Rolande Causse, Les Enfants d’Izieu, Paris, Seuil, rééd. 1994 (livre pour enfants). Y compris un témoignage de Sabine Zlatin.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, article Yanka Zlatin, Paris, Gründ, 1999.
Articles de presse
Patrick Jarreau, « La journée nationale de la déportation. “Les enfants d’Izieu sont le symbole même de tous les juifs de France exterminés sous le régime de Vichy” déclare M. Mitterrand », Le Monde, .