Guy Sacre ne considère pas les Quatre poèmes, op. 3 et op. 8, comme des cycles de mélodies mais « des recueils, à peine unis par la poésie de Régnier. À peine, car il n'est pas de poète plus versatile, dans le fond comme dans la forme[5] ».
Le départ
Le premier poème, Le départ, évoque les « regrets du marin résolu qui a pour toujours quitté l'aimée[6] ».
Damien Top remarque que le thème de la mer ne pouvait qu'attirer Roussel, ancien élève de l'École navale, et souligne combien « l'itération rythmique traduit [...] bien le jeu des vagues[7] ».
Gilles Cantagrel voit dans cette mélodie la houle bercer le voyageur mélancolique, « sur une pulsation de croches à », et note qu'une « formule rythmique syncopée introduite par une quinte descendante accuse ce mouvement de flux et de reflux du sentiment amoureux ; varié, il se retournera un moment à l'annonce d'une mort heureuse, l'amour au cœur[6] ».
Vœu
Le deuxième poème, Vœu, est en rêve l'offrande à l'aimée « d'un paysage et de « la grande voix sourde de la mer qui se lamente »[6] ».
La mélodie présente un « récitatif flexible, par instants rompu en quasi parlando ». Pour Gilles Cantagrel, « les légers mouvements chromatiques de l'accompagnement et les triolets, souvent en trois-pour-deux, suggèrent quelque vague-à-l'âme latent sous l'apparente douceur[6] ».
Le jardin mouillé
La troisième mélodie, Le Jardin mouillé, est « un joyau de l'œuvre de Roussel, et un sommet de la mélodie française[8] ».
Le poème est constitué de cinq quatrains, traités par le compositeur en « autant de petites scènes impressionnistes [dont] l'unité sonore [...] est assurée par un continuum de doubles crochesstaccato égrenant les minutieuses gouttes d'eau [...] régulièrement ponctuées par des quartes et des quintes creuses ». Gilles Cantagrel remarque que l'émotion croît (tempo plus animé, intervalles plus grands, harmonie plus modulante) jusqu'à la strophe médiane, « où il semblerait qu'une présence vienne briser la solitude mélancolique de celui à qui il ne reste plus qu'à se replier dans le silence[6] ».
Dans cette œuvre contemporaine des Jardins sous la pluie de Debussy, Damien Top admire le portrait tracé, « dont les gouttelettes ruissellent si délicatement[7] ».
Madrigal lyrique
La dernière mélodie du cahier, Madrigal lyrique, rend hommage, en de « longues phrases alanguies », à « la belle inaccessible dans une déclamation très modérée[6] ». Trois cellules rythmiques au piano (croches, triolets, doubles croches) contrastent de façon plus ou moins serrées, « changeantes comme les climats du poème et les modulations qui donnent l'impression d'une improvisation[6] ».
La durée moyenne d'exécution de l'ensemble du cahier est de quatorze minutes environ[9].
Nicole Labelle, Catalogue raisonné de l'œuvre d'Albert Roussel, Louvain-la-Neuve, Département d'archéologie et d'histoire de l'art, Collège Érasme, coll. « Publications d'histoire de l'art et d'archéologie de l'Université catholique de Louvain » (no 78), , 159 p.