Le Livre de poche

Le Livre de poche
Repères historiques
Création (il y a 71 ans)
Fondée par Henri Filipacchi
Fiche d’identité
Forme juridique Autre SA à conseil d'administration
Statut Éditeur élément d'un groupe d'édition
Slogan « On ne peut pas vivre sans un livre dans la poche. »
Siège social Paris (France)
Spécialités tous types
Langues de publication Français
Diffuseurs Librairie générale française
Société mère Hachette Livre
Site web livredepoche.com
Préfixe ISBN 978-2-253Voir et modifier les données sur Wikidata
Environnement sectoriel
Principaux concurrents J'ai lu, Pocket, Folio, 10/18

Le Livre de poche (parfois abrégé LDP) est, à l'origine, le nom d'une collection littéraire apparue le sous l'impulsion d'Henri Filipacchi et éditée par la Librairie générale française, filiale de Hachette depuis 1954.

Création

Format déjà ancien

Les livres de poche dont le principe est de tenir dans une poche, existaient depuis le XVIIe et le XVIIIe siècle : les livres de colportage sont des ouvrages qui par leur format et dans une certaine mesure leur conception rappellent le livre de poche actuel. Dans les années 1830, certains éditeurs de Bruxelles, pour des raisons politiques et de censure, publient de petits livres. Vers la fin des années 1840 en France apparaissent les « livres à 4 sous » (20 centimes). Dès 1856, la maison d'édition Michel Lévy frères crée la « collection Michel Lévy » à un franc et en petit format mais deux fois plus grand que le in-16° actuel. Avant 1900, des collections destinées aux publics féminins proposent des formats élégants illustrés in-24° (chez Alphonse Lemerre, Édouard Dentuetc.). Dans les premières années du XXe siècle, la collection Nelson publie des ouvrages de petit format (in-32°), cartonnés, toilés et recouverts d'une jaquette illustrée.

Du format populaire au poche

En 1905, Fayard lance le « Livre populaire », romans populaires à 65 centimes de petit format et en 1916 les éditions Jules Tallandier commercialisent une collection concurrente appelée « Livre de poche », des romans populaires encore moins chers, dont Hachette devra d'ailleurs racheter le nom, comme « Le Livre Plastic », collection créée en 1948 par Marabout[1]. La maison d'édition allemande Tauchnitz fut sans doute le précurseur du format poche moderne, dès 1841. Imitant cette dernière, en 1932, une autre maison allemande, Albatross Books, crée la première collection moderne de livres de poche[2], suivi, en 1936, par la maison britannique Penguin Books qui se spécialise également dans la publication de livres au format poche. L'éditeur américain Simon & Schuster lance sur le même modèle en 1939 les justement nommés « Pocket Books (en) »[3]. Mais le succès rencontré par Le Livre de poche tient à la conjonction de ce nouvel objet de consommation avec l'époque et la demande populaire et estudiantine d'un livre bon marché, surtout que la France traverse une crise du livre en 1949 qui voit le prix du papier exploser : solution économique, en 1953, Le Livre de poche est six fois moins cher qu'un ouvrage grand format grâce à un papier en bobines peu coûteux[4], à une reliure arraphique[5] d'une nouvelle machine, le perfect binder, qui fabrique un brochage résistant avec le dos du volume collé, et à une couverture recouverte d'un vernis transparent qui la rend résistante[6]), un livre désacralisé donc, présenté sous des couvertures rappelant les affiches de cinéma, mais néanmoins véhicule d'une littérature de qualité.

Une légende veut que Filipacchi ait eu l'idée de ce format en voyant un jour un soldat américain acheter un livre dans une librairie française, et le déchirer en deux pour qu’il puisse entrer dans les poches de son blouson[7],[8].

Henri Filipacchi réussit à convaincre ses amis éditeurs Albin Michel, Calmann-Lévy, Grasset et Gallimard (via Guy Schoeller) de s'associer à son projet et de devenir ainsi les « pères fondateurs » du Livre de poche qui selon son vœu doit publier le texte intégral de grands auteurs tombés dans le domaine public[9].

Les libraires sont d'abord réticents face à ce « livre industriel » au prix agressif qui risque de faire chuter leur chiffre d'affaires et qui est présenté en libre service sur un tourniquet placé près de l'entrée de leur boutique, ce qui est ressenti comme une menace à leur vocation culturelle[10].

Le succès commercial s'explique aussi par sa présence hors des seuls réseaux de libraires classiques : dès la fin des années 1950, Hachette distribue cette collection dans les premiers supermarchés, les stations services, les drugstores, les kiosques de presse, etc.

Évolution

Le est édité le premier ouvrage du Livre de poche[11]. Il s'agit de Kœnigsmark de Pierre Benoit (no 1), suivi par Les clés du royaume de A. J. Cronin (no 2), Vol de nuit d'Antoine de Saint-Exupéry (no 3) et Ambre de Kathleen Winsor (no 4). Les illustrations originales des couvertures sont parfois signées. Certaines de ces premières éditions comportent des préfaces. Les premiers numéros sont principalement des rééditions d'ouvrages à succès, remettant au goût du jour certains titres comme Un amour de Swann de Proust ou Les Mémoires du cardinal de Retz[11].

Chaque quinzaine, 3 titres sortent. Puis la fréquence augmente. Huit titres sont publiés par mois en 1955 puis 12 au milieu des années 1960.

Les premiers exemplaires sont tirés en moyenne à 60000 exemplaires[11]. Très vite, il devient un fait de société. De 8 millions d'exemplaires en 1957-1958, les ventes passent à 28 millions en 1969[12].

De nombreuses collections viennent compléter l'offre initiale au fil des années (classique, exploration, chrétien, thrillers…).

Le réseau de distribution Hachette (25 000 points de vente en 1965) participe au succès de l'entreprise.

Ce succès inspire des concurrents. En 1958, J'ai lu est créé par Flammarion. En 1962, Presses Pocket est créé par les Presses de la Cité. Gallimard se retire de la Librairie générale française et crée Folio en 1972[13].

Avec près d'un milliard de volumes diffusés depuis sa création et plus de 18 millions d’exemplaires vendus en 2012, il demeure la première collection de poche française de grande diffusion[13].

Aujourd'hui, filiale de Hachette (plus exactement de Hachette Livre) depuis 1954, Librairie générale française a restructuré son organisation. La raison sociale de l'entreprise est Librairie générale française tandis que Le Livre de poche en est la marque commerciale. En raison de la notoriété de cette marque, la société est souvent appelée Le Livre de poche. D'ailleurs, l'adresse postale communément employée par l'entreprise pour sa communication interne et externe est : Librairie générale française (Le Livre de poche) 31, rue de Fleurus 75278 Paris Cedex 06.

Identité visuelle (logotype)

Le premier logo se déclinait sur fond rouge, bleu ou noir.

Numérotation

Chaque livre possède une numérotation unique située au bas du dos. Voici une liste des 10 premiers titres parus dans la collection :

Au départ, des titres comme Les Clés du royaume ou encore Ambre sont édités avec deux numéros, soit respectivement 2*, 2** et 4*, 4**. Cette idée est cependant abandonnée peu après et les livres sont classifiés en volume. Un volume simple portait un seul numéro tandis qu'un volume double en portait deux et un volume triple trois. Pour déterminer si un livre est considéré comme volume simple, double ou triple (plus rare), cela dépendait du nombre de pages. Un volume simple comprenait aux environs de 250 pages, un volume double aux environs de 500 pages et un volume triple aux environs de 700 pages. Le nombre de pages était donc fixe et la fonte s'adaptait en fonction de la longueur du récit. Ainsi, un volume simple était vendu 150 anciens francs[14] tandis qu'un volume double était au prix de 250 anciens francs en 1955[15]. Ce système de numérotation s'arrêta après le no 1707 (Au nom du fils d'Hervé Bazin) en 1966. Les livres portent depuis un seul numéro. De plus, le nombre de pages n'est plus imposé et la tarification est variable.

Certaines des différentes collections lancées au fil des ans utilisent toujours ce numérotage, si bien que des titres arrivent à des numéros au-delà de 37000 (chiffres 2004). Il existe cependant des trous de numération. Par exemple, aucun livre n'a été édité entre 1728 et 1800, 1804 à 1809, 1811 à 1820, 1822 et 1823, 1826 à 1907 ou encore entre 9799 et 9827, 9829 à 9921, 9923 à 9999, 10047 à 10999, 11010 à 11698, 11700 à 11999, 12005 et 12006, 12013, 12016, 12020 à 13026, 13028 à 13030, 13032 à 13112, 13115 à 13122, 13324 à 13499, et des plages de 100 à 500 numéros consécutifs sont réservées à des collections précises. La plage 7000 à 7300 est par exemple dédiée aux titres de science-fiction tandis que les thrillers sont sortis entre 7400 et 7699 puis entre 17000 et 17100[16]. Les « Livre de poche chrétien » ont par contre eu leur propre numération, celle-ci commençant par un A suivi d'un numéro.

Certains livres ont également changé de numérotation après une réédition. Révolte sur la Lune de Robert Heinlein a par exemple été publié avec le numéro 7032 en 1978 puis avec le numéro 34220 en 2016 à la suite d'une réédition[17].

De ce fait un certain désordre s'est créé au fil du temps.

Une nouvelle numérotation a été reprise à partir du numéro 30000 en 2004, même si certaines rééditions ressortent avec des numéros plus anciens[16].

Autres collections

En dehors des romans, d'autres collections sont sorties sous le même format :

Couverture

Exemple de couverture récente : la réédition en 2006 du Traité d'athéologie de Michel Onfray aux éditions Le Livre de poche.

Dans les 2 000 premiers numéros, on retrouve la majorité des classiques français. Du no 1 au no 1800 (1967), les couvertures, souvent signées Maurice-Charles Raymond (1912-1982), ou Jean-Claude Forest, sont du style « affiche peinte » caractéristique. Des artistes peintres comme Claude Schürr et Claude Roederer y ont également contribué. Ensuite elles se modernisent. Pierre Faucheux a donné également des couvertures célèbres notamment pour Paroles de Jacques Prévert.

Réactions

À l'origine, l'initiative est dénigrée par certains qui y voient l'émergence d'une sous-culture mais la contestation se lève surtout quand le poche se tourne vers le débat d’idées, avec les collections Idées ou Archives[7]. Le philosophe Hubert Damisch dénonce dans le Mercure de France en 1964 une « culture de poche » et « une entreprise mystificatrice puisqu'elle revient à placer entre toutes les mains les substituts symboliques de privilèges éducatifs et culturels ». Dans Les Temps modernes en 1965, un débat plus serein s'engage et Jean-Paul Sartre s'interroge : « Les livres de poche sont-ils de vrais livres ? Leurs lecteurs sont-ils de vrais lecteurs ? ». Des auteurs dénoncent la banalisation de leur travail et une « subversion aux loisirs des nantis »[21],[22].

À l'inverse Jean Giono écrit en 1958 : « Je considère aujourd'hui le Livre de poche comme le plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne ». La collection abolit en effet les privilèges éducatifs et amorce un processus de démocratisation de la lecture[23].

Aujourd'hui, les auteurs modernes sont plutôt flattés de cohabiter avec les grands écrivains du passé[21]. Le livre de poche leur permet d'être plus longtemps en librairie.

Quelques chiffres

Le capital de la Librairie générale française, société anonyme, est détenu à 60 % par Hachette-Livre et, à hauteur de 40 %, par les Éditions Albin Michel[11]. Le Livre de poche détient 23,3 % du marché et en est le leader ()[11].

  • 5 200 titres à son catalogue au [24]
  • plus de 20 000 titres publiés depuis 1953[24]
  • plus de 1 milliard de volumes diffusés depuis l'origine[24]
  • 400 nouveautés par an[24]
  • plus de 18 millions d'exemplaires vendus en 2012[24]

De nombreux livres ont été vendus à plusieurs millions d'exemplaires. On peut citer, sur la base de chiffres de 2012[25] :

L'auteur le plus vendu est Agatha Christie avec plus de 40 millions de volumes et est suivie d'Émile Zola avec 22 millions d'ouvrages vendus (chiffres 2008)[26].

Hommages

À l'occasion de son cinquantenaire, une exposition consacrée au Livre de poche nommée Le Livre de Poche a 50 ans a eu lieu au Centre Georges-Pompidou du au [27].

Références

  1. Ellen Constans, Ouvrières des lettres, Presses Universitaires de Limoges, , p. 27
  2. (en) Michele K. Troy, « Behind the Scenes at the Albatross Press: A Modern Press for Modern Times », in: J. Spiers (éd.), The Culture of the Publisher's Series, Volume One, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 202.
  3. Roger Chartier, Jacques Revel, Histoire de la France. Choix culturels et mémoire, Éditions du Seuil, , p. 205
  4. Les feuilles d'un même ouvrage n'ont à l'origine pas tous la même nuance de prix.
  5. reliure arraphique, sur larousse.fr
  6. Guillemette de Sairigné, L'aventure du « Livre de poche » : l'enfant de Gutenberg et du XXe siècle, Librairie générale française, , p. 21
  7. a et b Denis Lefebvre, « Le 9 février 1953 : lancement du Livre de Poche », sur Historia,
  8. « Culture : la folle histoire du livre de poche », sur Franceinfo, (consulté le )
  9. Pascal Fouché, L'Édition française, Electre, , p. 12
  10. Yvonne Johannot, Quand de livre devient poche, Presses universitaires de Grenoble, , p. 109
  11. a b c d et e « 5 choses que vous ignorez sur le Livre de Poche », sur Les Echos, (consulté le )
  12. Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer 2013, p. 9
  13. a et b Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer 2013, p. 11
  14. « Le 9 février 1953, naissait le Livre de Poche », sur SudOuest.fr (consulté le )
  15. Cronin, Les Clés du royaume, Librairie générale française, 2e trimestre 1955, 500 p., p. 4e de couverture
  16. a et b « Poche Librairie Générale Française », sur bibliopoche.com (consulté le )
  17. « Révolte sur la Lune », sur bibliopoche.com (consulté le )
  18. 1953-2013. Soixante ans du Livre de poche [lire en ligne]
  19. « Poche Chrétien Librairie Générale Française », sur bibliopoche.com (consulté le )
  20. a b et c Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer 2013, p. 45-46
  21. a et b Ça m'intéresse, septembre 2008.
  22. Roger Avau, La jeunesse d'un baby boomer (chronologie 1955-1975), L'Encre du temps, , p. 38
  23. Pascale Goetschel, Histoire culturelle de la France au XXe siècle, Documentation française, , p. 24
  24. a b c d et e Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer 2013, p. 41
  25. Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer 2013, p. 43-44
  26. Joseph Vebret, Friandises littéraires, Ecriture, , p. 122
  27. Centre Georges-Pompidou, « Le Livre de Poche a 50 ans », (consulté le )

Bibliographie

  • Bertrand Legendre, « Les débuts de l’édition de poche en France : entre l’industrie et le social (1953 – 1970) », Mémoires du livre / Studies in Book Culture, vol. 2, no 1,‎ (ISSN 1920-602X, lire en ligne, consulté le )
  • Livre de poche, Le Livre de Poche : 60 ans et l'histoire ne fait que commencer, Paris, Librairie générale française, , 47 p. (lire en ligne)
  • L'Aventure du Livre de poche (L'enfant de Gutenberg et du XXe siècle) par Guillemette de Sairigné : livre de poche publié hors commerce en 1983 à l'occasion du 30e anniversaire de la collection
  • Yvonne Johannot, Quand de livre devient poche, Presses universitaires de Grenoble, 1978

Voir aussi

Liens externes