Né au sein d'une famille de banquiers, Georges Mathieu s'oriente d'abord vers des études de droit, de lettres et de philosophie. Dès 1942, il se tourne vers les arts plastiques et réalise ses premières peintures à l'huile. Il exerce pendant quelques années le métier de professeur avant de se lancer dans une carrière artistique. En 1946, il réalise sa première exposition à Paris au Salon des moins de trente ans.
En 1947, il expose au Salon des réalités nouvelles des toiles à la texture faite de taches directement jaillies du tube, revendiquant la paternité du dripping, technique attribuée à Janet Sobel en 1944 et développée par Jackson Pollock dès 1945, les couleurs étant, dans le cas de Mathieu, écrasées par le doigt de l'artiste dès 1944. Il participe cette même année au 14eSalon des surindépendants.
À partir de 1954, il crée une multitude de tableaux, souvent lors de performances ou happenings minutées devant un public, qui mettent en valeur la rapidité et la virtuosité du geste. Ainsi, en 1956 au théâtre Sarah-Bernhardt à Paris, Mathieu, devant près de 2 000 spectateurs, crée un tableau de 4 × 12 mètres en utilisant au moins 800 tubes de peinture (cette toile intitulée Hommage aux poètes du monde entier disparaît en 1968 lors de l'incendie de son atelier[3] du 11 bis, avenue Léopold-II[4].). Outre-Atlantique, la diffusion de ses créations fait l'objet d'entraves importantes. En 1958, à New York, il tente également de créer des œuvres en public, mais cela lui est interdit. Il en vient à peindre en solitaire dans les galeries de son hôtel. Les galeries new-yorkaises refusent de l'exposer. Cette ostracisation de la part des institutions et des galeries américaines durera jusqu'à sa mort[5].
En 1973, il réalise son unique œuvre architecturale. À la demande de l'industriel Guy Biraud, fabricant de transformateurs, il dessine les plans d'une usine à Fontenay-le-Comte[6]. L'usine Mathieu qui en résulte est un ensemble original en étoile à sept branches inégales, et dont le pourtour intégralement vitré est vu par l'artiste comme un moyen de lier le lieu de travail à la nature environnante.
Années 1980
À partir de 1980, son œuvre peint témoigne d'une nouvelle maturité où il rompt avec les derniers vestiges de classicisme et abandonne alors la figure centrale, en même temps que sa palette se fait plus vaste. Grâce à la médiation de Paul Facchetti et Rodolphe Stadler, plusieurs rencontres et une correspondance animée ont eu lieu depuis la fin des années 1970 entre Georges Mathieu et Rolf Lauter, conservateur de la galerie de Margarete Lauter à cette époque. L'amitié qui a commencé a ensuite conduit à une vaste rétrospective à Mannheim en 1980 avec plus de 60 œuvres de 1944 à 1979[7]. Cette amitié a abouti à de nombreux projets communs jusqu'en l'an 2000 et à l'invitation de Mathieu à l'Université de Heidelberg pour une conférence célèbre[8].
1968: il dessine la nouvelle marque de la Manufacture de Sèvres[18]. Mise en service en 1970, elle est toujours utilisée de nos jours pour marquer les pièces de Sèvres. Le dessin reprend le monogramme de Louis XV au double « L », le nom Sèvres, et les deux derniers chiffres de l'année de fabrication de la pièce.
En 1956, Georges Mathieu est invité à réaliser une exposition à Londres, occasion à laquelle il décide de peindre, notamment des tableaux de grand format. L'atelier initialement prévu étant trop exigu, Georges Mathieu s'installe en pleine rue, étalant pinceaux, couleurs et matériel divers à même le sol, captant ainsi l'attention des passants. Le critique d'art Toni del Renzio note alors minute par minute chaque geste, coup de pinceau, changement de couleur, et mouvement de recul du peintre pour mieux saisir l'ensemble[28],[29]. Au bout d'une performance de 113 minutes, la toile de La Bataille de Hastings est achevée.
Genèse de La Bataille de Hastings peinte le 23 juin 1956
Calligraphie blanche au pinceau (17h 00)
Calligraphie rouge au pinceau (17h 04)
Calligraphie bleue au pinceau (17h 07)
Calligraphie rouge au chiffon (17h 08)
Violet au tube (17h 10)
Blanc au tube (17h 11)
Blanc et violet au pinceau (17h 12)
Jaune au tube et travail au pinceau (17h 15)
Cramoisi au pinceau (17h 18)
Violet et bleu ciel au tube (17h 21)
Rouge de cadmium au tube (17h 24)
Jaune d'or au tube (17h 27)
Bleu ciel au pinceau (17h 28)
Bleu outremer au tube (17h 29)
Cramoisi au tube (17h 31)
Blanc au tube (17h 32)
Cramoisi au tube (17h 35)
Cramoisi au pinceau (17h 37)
Noir au pinceau (17h 38)
Rouge de cadmium au tube (17h 41)
Dessin au pouce (17h 42)
Rouge au pinceau (17h 43)
Noir au tube (17h 46)
Blanc au tube (17h 47)
Dessin avec la paume de la main, jaune et jaune d'or au tube (17h 48)
Violet et bleu outremer au tube (17h 49)
Rouge de cadmium et bleu outremer au tube (17h 51)
Bleu ciel au tube (17h 53)
Violet au tube (17h 54)
Bleu outremer au tube (17h 56)
Jaune d'or au tube (17h 57)
Rouge de cadmium au tube (17h 58)
Rouge de cadmium à la main (18h 00)
Bleu outremer au tube (18h 01)
Noir au tube (18h 02)
Rouge au tube (18h 03)
Mathieu dit « Maintenant commence la partie difficile. » Rouge au pinceau (18h 04)
Bleu ciel au tube (18h 07)
Bleu outremer et bleu ciel au tube (18h 09)
Rouge de cadmium au tube (18h 10)
Blanc au tube (18h 12)
Violet et bleu outremer au tube (18h 14)
Noir au pinceau (18h 15)
Jaune et jaune d'or au tube (18h 16)
Blanc au tube (18h 18)
Dessin avec la main (18h 19)
Dessin avec un vêtement trempé dans du bleu (18h 23)
Rouge au tube (18h 24)
Jaune d'or et noir au tube (18h 26)
Jaune pâle au tube (18h 30)
Jaune d'or au tube (18h 33)
Jaune pâle, rouge de cadmium et noir au tube (18h 35)
Jaune d'or et cramoisi au tube (18h 37)
Noir au tube (18h 38)
Bleu outremer au tube (18h 39)
Blanc au tube (18h 40)
Mathieu dit « Le tableau est terminé. » (18h 53)
Cette chronologie rend concrète la genèse d'une œuvre en temps réel. Elle a ainsi permis au public de suivre le déroulement sur la toile de la bataille de Hastings. Le tableau final est une huile sur toile, d'environ 200 × 500 cm, conservée aux Abattoirs de Toulouse[30].
Autoportrait esthétique et spirituel composé de documents de et sur Georges Mathieu rassemblés par lui-même.
Notes et références
↑Né Georges Victor Mathieu, dit parfois « Georges Victor Mathieu d'Escaudœuvres ». L'ajout de la mention « d'Escaudœuvres » à son patronyme reposerait sur une question posée par Georges Mathieu lui-même : « Suis-je le dernier héritier des Sires Gérard et Jean, chevalier d'Escaudœuvres et bienfaiteurs de l'abbaye de Prony, en même temps, comme on l'a toujours prétendu dans la famille de ma mère, que le descendant de Godefroy de Bouillon… » dans son livre Désormais seul en face de Dieu (1998), mais elle ne figure pas sur sa fiche sur le site de l'Académie des beaux-arts.
↑Georges Mathieu, Le privilège d'être : précédé d'un entretien inédit avec Christine Blanchet-Vaque, Paris, Les Éditions Complicités, 2006 (initialement publié en 1967 aux éditions robert morel, à forcalquier), 158 p. (ISBN978-2-35120-004-9 et 2-35120-004-7).
↑« Incendie criminel au domicile du peintre Georges Mathieu », Le Monde, .
↑William Chevillon, À la découverte de Fontenay-le-Comte, La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques, , 128 p. (ISBN9782491575007), p. 121-122
↑Rolf Lauter, Georges Mathieu: Retrospektive. Bilder, Gouachen, Aquarelle und Zeichnungen aus den Jahren 1944-1979. Galerie Lauter, Mannheim 25. Januar - 19. April 1980. [1]
↑Conférence en 1996. Mathieu était enthousiaste à propos de la "ville du romantisme".
↑Affiches qui furent le thème d'une exposition proposée au cours de l'été 1970 en l'église Saint-Étienne d'Azé, à l'initiative du père Gabriel Duru, membre de la communauté de prêtres de Lugny. Une mise en scène qui satisfit l'artiste, qui écrivit : « Cette exposition de mes affiches dans votre église et l'intérêt que vous manifestez à l'endroit de mon œuvre – intérêt que vous avez fait partager aux visiteurs – me touchent infiniment plus que si l'inauguration de ces mêmes affiches avait eu lieu au Metropolitan Museum de New York ou quelque lieu plus prestigieux encore ! ». Source : Vacances culturelles, article de Fernand Nicolas paru dans la revue « Images de Saône-et-Loire » n° 6 d'octobre 1970, pp. 28-29.
↑Georges Mathieu, Désormais seul en face de Dieu, L'Âge d'homme, , 349 p. (ISBN978-2-8251-1144-4, lire en ligne), « Le Massacre des 269 Coréens », p. 251