Les élections législatives portugaises de 2011 (en portugais : Eleições legislativas portuguesas de 2011) se sont tenues le , afin d'élire les 230 députés de la douzième législature de l'Assemblée de la République du Portugal.
Conformément à la Constitution, le président de la République, Aníbal Cavaco Silva, reçoit alors tous les partis représentés, dans l'ordre croissant[18]. La majorité des formations de gauche préconise alors la convocation d'un scrutin anticipé pour le dimanche 5 juin[19],[20],[21], tandis que les sociaux-démocrates proposent la réalisation des élections dès le 29 mai[22]. Selon la loi électorale, le scrutin ne peut se tenir moins de 55 jours après l'annonce de sa convocation par le chef de l'État[23]. Après avoir réuni le Conseil d'État[24], Aníbal Cavaco Silva annonce le 31 mars la tenue des élections pour le 5 juin[25].
Dès le , l'agence de notation financièreFitch Ratings dégrade la note de la dette publique portugaise de trois crans, la laissant juste au-dessus du stade « spéculatif »[34], ce qui conduit Pedro Passos Coelho à affirmer qu'il soutiendra le gouvernement s'il demande l'aide extérieure de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI)[35], un jour après que le ministre des Finances, Teixeira dos Santos, ait affirmé la nécessité de recourir à l'assistance internationale mais qu'il ne disposait pas de la « légitimité » pour le faire[36]. Le lendemain, le président du PPD/PSD confirme que s'il prend la tête du gouvernement, il fera appel à l'aide extérieure[37], s'attirant de sévères critiques de José Sócrates[38], tandis que Jerónimo de Sousa renvoie PS et PPD/PSD dos-à-dos[39]. Finalement, Teixeira dos Santos fait savoir le 6 avril que le gouvernement a l'intention de faire appel à l'assistance financière internationale, dénonçant parallèlement comme cause de cet appel le rejet du plan d'austérité par les députés[40]. José Sócrates déclare le soir même qu'il a déjà fait la demande auprès de la Commission européenne, et qu'il en a avisé le chef de l'État[41].
Les premières manœuvres
Deux jours plus tôt, le BE avait annoncé la tenue d'une réunion avec la direction du PCP, alimentant les rumeurs d'une alliance à gauche du PS[42], une idée rapidement rejetée par le secrétaire général du Parti communiste[43] mais soutenue par un courant du Bloc[44]. À l'issue de cette rencontre, les dirigeants des deux formations affirment simplement « de multiples convergences dans le domaine économique et financier », sans annoncer de coalition[45].
Les 9 et 10 avril, le PS organise pour sa part sont dix-septième congrès national à Matosinhos, au cours duquel le parti fait la démonstration d'une unité sans faille[46],[47], y compris autour de son secrétaire général[48],[49],[50], attaquant clairement le PPD/PSD qu'il rend responsable de la crise et de l'appel à l'aide financière[51], ce à quoi Pedro Passos Coelho répond en déclarant que « Malheureusement, le PS nous a habitués à rendre tout le monde plus responsable que lui »[52]. Il annonce ensuite, sur sa page Facebook, que l'ancien candidat indépendant à l'élection présidentielle du 23 janvier 2011, Fernando Nobre, qui avait recueilli 14,1 % des suffrages, mènera la liste sociale-démocrate dans le district de Lisbonne et que, en cas de victoire, il prendra la présidence de l'Assemblée de la République[53], une décision contestée à gauche et dans son propre camp[54],[55].
À l'occasion d'une interview télévisée le 11 avril, le chef de l'opposition récuse toute responsabilité dans le déclenchement de la crise et attaque durement le chef du gouvernement, en l'accusant d'avoir démissionné « quand il a su qu'il n'y avait plus d'argent, qu'il laissait l'État sans argent pour payer ses engagements internationaux » et qu'il « préférait voir les autres régler ce problème »[56]. Il ajoute toutefois qu'il souhaite constituer un « gouvernement d'union », y compris avec les socialistes, mais sans José Sócrates, qui n'a « aucune capacité de dialogue »[57]. Il défend ensuite une vision résolument libérale, car selon lui la croissance ne pourra revenir que grâce au secteur privé et à la baisse des dépenses publiques[58].
Le lendemain, le ministre des Affaires étrangères Luís Amado ferme la porte à toute alliance avec la CDU et/ou le BE en déclarant que « comme on l'a vu au cours dernière législature », il est « absolument impossible » d'envisager une coalition gouvernementale stable à gauche, et donc que « naturellement », un gouvernement majoritaire ne peut être formé « qu'à la droite du PS »[59]. Le 16 avril, Fernando Nobre relance la polémique concernant son choix comme candidat en déclarant, dans un entretien à l'hebdomadaire Expresso qu'il n'a pas lu le programme social-démocrate, affirmant sa confiance en Pedro Passos Coelho, et qu'il ne siégera comme député qu'à la seule condition de présider l'Assemblée[60].
L'appel à l'unité du 25 avril
Le 25 avril, jour anniversaire de la révolution des Œillets, le président Cavaco Silva, relayé par son prédécesseur Jorge Sampaio[61], a appelé les différentes formations politiques à ne pas compromettre, au cours de la campagne, leur capacité à constituer une coalition gouvernementale, rappelant que « il est impérieux de créer des espaces d'entente qui assurent des solutions stables et crédibles de gouvernement »[62]. Semblant lui faire écho, le président du CDS/PP, a demandé le même jour aux partis de « baisser leurs bannières partisanes »[63]. De son côté, le Premier ministre, reconnaissant l'importance des déclarations présidentielles, affirme appeler depuis longtemps au dialogue et que de nombreuses situations auraient pu être évitées si le paysage politique se trouvait dans cet esprit[64]. L'ancien candidat socialiste à l'élection présidentielle de janvier, Manuel Alegre, s'est déclaré, quelques jours plus tard, critique de cette intervention du chef de l'État, rappelant que le gouvernement est formé dans le cadre de l'Assemblée, issue de la volonté des électeurs[65].
Le refus d'une grande coalition
Dès le lendemain, lors d'une entretien télévisé, il se dit prêt à négocier et s'allier avec les sociaux-démocrates, avec qui un accord est « possible et souhaitable », et ce « qui que soit le chef » du parti, ajoutant qu'aujourd'hui plus que jamais, le pays a besoin que les formations politiques puissent s'entendre et définir une « zone de consensus »[66], une offre rejetée par Pedro Passos Coelho, pour qui une alliance gouvernementale ne peut se constituer qu'après les élections, dont il souligne le rôle de clarification de la situation politique actuelle, précisant que s'il était amené à former le futur exécutif, celui-ci serait ouvert « à d'autres partis et même jusqu'à des personnalités qui n'ont pas de cartes d'adhérent »[67]. Une semaine plus tard, le président du CDS/PP, Paulo Portas, rappelle qu'il défend « un gouvernement de changement », excluant de facto la constitution d'une coalition entre les deux formations de centre droit et le PS[68].
Le CDS, un troisième parti qui se renforce
Après avoir désigné Paulo Portas comme « candidat au poste de Premier ministre », à l'instar de Sócrates et Passos Coelho, à la fin du mois d'avril[69], le Parti populaire entame une ascension dans les sondages à compter du 13 mai, les enquêtes d'opinion le situant aux alentours de 13 % d'intentions de vote, ce qui constituerait son meilleur résultat depuis 1976.
L'ancien président du PPD/PSD et désormais commentateur politique sur la chaîne TVI, Marcelo Rebelo de Sousa, dénonce, à cet égard, une « mauvaise situation pour le pays », car avec un tel score, les deux principaux partis seraient à égalité et « qui dirigerait le Portugal ? Le CDS ! » alors que, selon lui, Paulo Portas n'est pas une alternative à l'actuel chef du gouvernement, comme il tente de le montrer[70]. Ces déclarations ont été condamnées par le député européen Nuno Melo, vice-président du CDS/PP, qui lui demande d'être digne dans ses fonctions et contenir ses propos[71].
Au soir du 20 mai, alors que se déroule le dernier débat télévisé, opposant José Sócrates et Pedro Passos Coelho, Portas intervient devant la presse afin de se présenter comme une « alternative », affirmant que « beaucoup de socialistes ne veulent plus de Sócrates et beaucoup de sociaux-démocrates ne veulent pas primer le PSD » et accentuant ses différences avec les deux grandes formations, que ce soit sur le gel des pensions ou les grands projets d'infrastructures[72]. Quatre jours plus tard, il appelle les électeurs à donner au CDS/PP « plus de votes que le PCP et le BE réunis », un score nécessaire pour ce qu'il appelle une « majorité de changement sérieux »[73].
« Défendre le Portugal – Construire l'avenir » « Defender Portugal – Construir o futuro »
Augmentation du taux de scolarisation des jeunes et renforcement de la qualification des Portugais, par l'appui à la rénovation du parc scolaire et des conditions de travail dans les écoles
Consolidation de l'investissement dans les énergies renouvelables (pour atteindre l'objectif de 31 % d'énergies renouvelables dans l'énergie totale consommée) et efficience énergétique
Affirmation du secteur exportateur
Investissement dans la science
Agenda numérique
Simplification et modernisation de l'administration
Consolidation et qualification des réseaux de soins et d'équipements sociaux
« Pour une politique patriotique et de gauche » « Por uma política patriótica e de esquerda »
Renégociation immédiate de la dette portugaise
Intervention conjointe des autres pays affrontant des problèmes d'endettement similaires
Diversification des sources de financement
Renforcement des investissements publics, tournés vers l'industrie, l'agriculture et la pêche
Utilisation intégrale de toutes les ressources nationales
Défense et reconstruction d'un secteur public économique fort et dynamique
Fort investissement dans les très petites, petites et moyennes entreprises, dynamisation et défense du marché intérieur
Débats télévisés
Le , la liste des débats entre les candidats à la présidence du Conseil des ministres est dévoilée. Comme l'avait réclamé le Parti social-démocrate, le Parti populaire et le Bloc de gauche[79], il n'y aura que des face-à-face.
Avec un taux de participation historiquement bas, de moins de 60 % des inscrits, le centre droit remporte une nette victoire en décrochant près de 130 députés, soit plus de 56 % des sièges, et un peu plus de 50 % des voix. Tandis que CDS/PP, poursuivant sa progression entamée en 2009, obtient son meilleur score depuis 1983, le PPD/PSD surpasse le résultat attendu dans les derniers sondages et égale en sièges le résultat obtenu en 2002 par José Manuel Durão Barroso. S'il parvient au pouvoir, il s'agira cependant de son plus faible résultat en voix depuis le premier mandat d'Aníbal Cavaco Silva, en 1985. Sur les vingt circonscriptions du pays, le parti de Pedro Passos Coelho en remporte dix-sept, dont Lisbonne et Porto, qui lui avaient échappé en 2009, ainsi que les Açores, pourtant gouvernées par les socialistes depuis 2000.
La défaite du PS est sévère, puisqu'il perd la première place dans onze districts, et passe sous la barre des 30 % des suffrages exprimés, une première depuis le scrutin de 1991. Cependant, il ne s'agit pas de son plus mauvais résultat, qui remonte à 1987, lorsqu'il accusait 30 points de retard sur le PPD/PSD. Il est même battu dans la circonscription de Castelo Branco, celle de José Sócrates, qu'il dominait depuis 1995.
À l'extrême-gauche, le résultat est contrasté. D'un côté, le BE recule très fortement, perdant la moitié de ses députés et retrouvant son niveau de 2005, où il avait cependant obtenu un point de plus dans un contexte de participation plus élevée. Il est à nouveau dépassé par la CDU, qui progresse d'un député et conserve ainsi son niveau habituel. Dans son ensemble, la gauche portugaise accuse un retard de dix points sur le centre droit, soit le plus important depuis les majorités absolues sociales-démocrates d'Aníbal Cavaco Silva, dans les années 1990.
Réactions
À la suite des premiers résultats, qui donnent à une hypothétique coalition entre le PPD/PSD et le CDS/PP la majorité absolue, et au PS un score en deçà des 30 % des voix, José Sócrates annonce qu'il renonce à diriger son parti et souhaite sagesse, courage et justice à Pedro Passos Coelho[82]. Ce dernier annonce peu après qu'il fera tout pour former un gouvernement jouissant d'une majorité absolue[83]. Il est rejoint dans cette optique par Paulo Portas, qui affirme que son parti est prêt à s'allier avec le PPD/PSD, tout en se félicitant de la progression de son parti, qui améliore encore son score[84]. À l'extrême-gauche, si Jerónimo de Sousa se félicite de la petite progression de la CDU et déclare que « la lutte sociale sera inévitable et la CDU y participera »[85], Francisco Louçã admet que le résultat du BE, en fort recul, est une défaite, mais que « l'on apprend de ses défaites » et que le Bloc n'est pas vaincu[86].
Formation du gouvernement
Dès le lendemain, avant même le décompte des voix des expatriés et la proclamation officielle des résultats, le président Cavaco Silva demande à Passos Coelho de former le XIXe gouvernement constitutionnel, lui intimant d'agir « avec célérité » afin de constituer un cabinet disposant d'un « appui parlementaire consistant »[87].
Notes et références
Notes
↑14 députés proviennent du PCP, 2 proviennent du PEV.