Au niveau des chefs comme de celui des militants, les deux plus forts contingents de membres du PPF proviennent d'anciens du Parti communiste français et des ligues nationalistes (notamment des Croix-de-feu, lassés de la modération du colonel de La Rocque), de l'Action française, de la Solidarité française et quelques personnes issues du francisme de Marcel Bucard, comme Vauquelin des Yveteaux, chargé de la propagande au PPF. En définitive, « Aux origines du PPF, on retrouve donc les deux courants de la fusion qui caractérise le premier fascisme : l’extrême gauche révolutionnaire et le nationalisme anti-parlementaire », selon la théorie de Michel Winock[2].
Plus précisément, les premiers dirigeants du PPF seront issus des groupes suivants :
Les « clans » Doriot en région parisienne et Sabiani à Marseille. Jean Médecin, maire de Nice, est présent à la constitution du PPF et le soutiendra au début, avant de s'en distancer [3].
Un noyau dur qui se connaît depuis le « complot de l’Acacia » (au deuxième semestre 1933), qui a réuni, autour des néo-socialistes (qui le quitteront fin 1933), dont d’anciens membres du PCF (Paul Marion, Victor Arrighi), des membres d’extrême droite (Jean-Marie Aimot, Claude Jeantet) en vue d’un État fort[4].
Puis des intellectuels d'extrême-droite tels que le médecin eugéniste Alexis Carrel, Paul Chack et Abel Bonnard, qui participent à l'élaboration du programme économique en 1937.
Le PPF connaît un démarrage très rapide en 1936 et 1937, dopé par l’anticommunisme croissant en réaction au Front populaire. Gabriel Le Roy Ladurie réunit autour du parti une équipe d'intellectuels. Le PPF et Jacques Doriot suscitent alors un grand espoir chez ses partisans : Jacques Benoist-Méchin dit : « Je n'hésite pas à affirmer qu'aucun parti politique français ne disposa jamais d'un pareil potentiel intellectuel »[5]. De même, Pierre Pucheu écrit : « Je n'ai pas connu, dans notre génération, d'homme ayant reçu à tel point du ciel, des qualités d'homme d'État »[6]. Outre ses soutiens intellectuels et militants, le PPF bénéficie du financement par le grand patronat par l’intermédiaire en particulier de Pierre Pucheu et de Gabriel Le Roy Ladurie (directeur de la banque Worms). La haute banque, y compris juive, est très présente : « dont la Banque Vernes, la banque Rothschild Frères, la Banque L. Louis-Dreyfus, la Banque Lazard, la BNCI et la Banque de l'Indochine »[7]. Ainsi, quand une grève éclate en aux usines Berliet de Vénissieux, un « comité pour la reprise du travail » chez Berliet est créé par le P.P.F. lyonnais, dont les activités sont financées par le patronat local[8].
Le PPF intègre ensuite de plus en plus de militants issus des classes moyennes (au détriment des ouvriers) et des chefs venus de la droite nationaliste (alors que les chefs issus de la gauche dominaient en 1936). En effet, Doriot ne développe pas un programme communiste national, mais plutôt, sous l’influence de jeunes technocrates et du fascisme, un programme reprenant les idées d’une société technocratique, corporatiste et planiste.
Le parti lance des organisations satellites comme à la fin de l'année 1937 l'Union sportive de la jeunesse française (USJF), présidée par le champion de natation Jacques Cartonnet[9],[10].
La crise du PPF après Munich
Mais ce succès du PPF semble n’être qu’un feu de paille pour deux raisons :
De même, la modération du Front populaire, surtout face aux cris d'alarmes du PPF [3], puis son reflux avec l'arrivée de Daladier au pouvoir en 1938 entraîne le retrait du soutien du grand patronat, symbolisé par la démission de Pierre Pucheu en 1938[7], et plus largement d'une partie importante de ses membres des classes moyennes (dans les Alpes-Maritimes, les commerçants voient même d'un bon œil les congés payés qui leur apportent un tourisme neuf[3]).
Par conséquent, « À la veille de la guerre, le parti de Doriot est en pleine déconfiture »[2]. Doriot tente de réagir à cette crise en donnant une dimension nationaliste de son parti en 1939 et 1940. Le , la France entre en guerre au côté de la Grande-Bretagne, et Doriot est mobilisé. Il affirme que le but des Alliés doit être de supprimer la puissance allemande, mais il ajoute que Staline est tout autant l'ennemi que Hitler. Il espère que l'après-guerre verra s'installer l'ordre nouveau dont il rêve, avec une carte de l'Europe redessinée au détriment de l'Allemagne et de l'URSS. Choqué par le pacte germano-soviétique, il s'en prend à l'Allemagne hitlérienne et lors du conseil national du il déclare qu'au traité de paix, « la France devrait réclamer la possession de la rive gauche du Rhin pour se mettre à l'abri de toute agression ultérieure »[11]. Quand la Wehrmacht passe à l'offensive le , le PPF appelle à serrer les rangs pour défendre le sol national et le sergent-chef Doriot se bat sur la Loire entre les 17 et , récoltant une Croix de guerre avec citation à l'ordre du corps d'armée[12].
Programme et organisation du PPF
Le programme institutionnel du PPF n'est pas intrinsèquement fasciste, mais plutôt corporatiste et proche de nombreuses réformes préconisées par les non-conformistes des années 30, notamment du planisme. le parti prétend ainsi conserver les institutions républicaines, sans exclure, toutefois, de modifications [13] : « Nous restons républicains », car s'agissant d'un changement de régime « la question ne paraît pas mûre pour l'instant »[14]. Cette possibilité de changer le régime dans un sens plus autoritaire attire à lui des éléments de droite radicale, y compris d'anciens militants de l'Action française, déçu par l'immobilisme de Maurras. Concernant le parlement, il réclame seulement que les assemblées soient ramenées à un rôle de contrôle et laissent l'exécutif diriger le pays[15] ; plus tard, l'« État populaire français » transformera les Chambres en assemblées corporatives et consultatives, où seront représentés les grands intérêts économiques et sociaux, métropolitains et coloniaux, nationaux et régionaux. Il se prononce pour une plus grande décentralisation du pouvoir, en faveur des régions[2].
Doriot évoque les trois leviers essentiels, selon lui, de l'État moderne : le conseil des provinces, le conseil des corporations, le conseil de l'empire. Le conseil des corporations peut évoquer la chambre des faisceau et des corporations fondée par le fascisme en Italie mais la fondation de régions et de gouverneur de région préfigure une réforme mise en place par la Ve République. Concernant le conseil des régions, il développe l'idée que c'est dans le cadre régional que se regroupent les organisations économiques et sociales, les associations patronales et syndicales, pour lesquelles le département représente un cadre étriqué : « La région permettrait de concentrer les moyens d'action du pays, d'éviter l'éparpillement des efforts ; elle permettrait aux 25 grands commis de l'État de faire une œuvre constructive de longue haleine, où les 90 préfets, prisonniers des politiciens locaux, ne peuvent réaliser que la mise en route de petits travaux d'intérêt local » ; le conseil des provinces aurait pour tâche de « guider, coordonner, inspirer le travail de nos provinces, auprès du gouvernement »[16].
Au niveau idéologique, le PPF se caractérise principalement par son anticommunisme et son nationalisme (motif de l'exclusion de Sabiani du Parti d'unité prolétarienne). En 1938, une affiche du PPF appelle Daladier, au nom des « Nationaux » qui le « soutiennent », à procéder à « la dissolution du Parti communiste »[17]. Le programme du parti ne contient pas explicitement de mesures d'exclusion des Juifs ; mais après la mort d'Alexandre Abremski, ami juif de Jacques Doriot en et le départ en de Bertrand de Jouvenel dont la mère était juive[18], le parti se laissa influencer par des discours antisémites. Alors que plusieurs «banques juives» comme les banques Rothschild, Lazard et Worms comptaient parmi les bailleurs de fonds initiaux du PPF[19], lors du congrès du parti en Afrique du nord en , on commença à discuter de la « question juive », Victor Arrighi parlant de chasser les Juifs d'Afrique du Nord[20]. Jusqu'en 1938, la direction du PPF se garde de verser dans l'antisémitisme, expliquant que le parti a mieux à faire que s'en prendre aux Juifs, ou a fortiori de les défendre — tout en laissant les sections algériennes et marocaines développer un antisémitisme raciste et virulent[3]. Mais à partir de l'automne de cette année-là, les positions évoluent rapidement : l'influence du nazisme s'affirme. En revanche, dans les Alpes-Maritimes, le PPF est dès sa création xénophobe - l'antisémitisme y prend de l'ampleur à partir du printemps 1938, lorsque Claude Popelin descend à Nice transmettre les consignes nationales[3].
Sur le plan historique, le parti entend rompre les vieux clivages et unir le pays au lieu de le diviser : le futur « État populaire français jettera dans un même creuset pour les fondre et les rénover, toutes nos grandes traditions : celle des rois capétiens et des Jacobins, toutes nos grandes réformes, celles de Richelieu, de Colbert, de Napoléon, de la IIIe République ; toutes nos grandes idées, celles de Saint-Simon, de Fourier, de Proudhon, de Le Play, de La Tour du Pin ; tous nos grands noms, de Jeanne d'Arc à Clemenceau »[18]. Le PPF dépose à quelques jours d'intervalle deux couronnes, l'une au pied de la statue de Jeanne d'Arc, l'autre au mur des Fédérés[21].
Sur les plans organisationnel et formel, le parti refusa de se doter d'une organisation paramilitaire, ce qui le distingue du nazisme (avec les SS et les SA) et du fascisme (avec les squadristi). Néanmoins, à Marseille, il en fut très proche : Simon Sabiani fit organiser les « gars de la bande » à Paul Carbone et François Spirito, deux gangsters associés, en « phalanges prolétariennes », lesquelles étaient composées de marins, dockeurs ainsi que de chômeurs[22]. Joseph Darnand, membre du groupe terroriste de la Cagoule, organise le service d'ordre du PPF dans les Alpes-Maritimes, mais Victor Barthélemy, rédacteur en chef de L'Émancipation nationale et futur membre fondateur du Front national, et secrétaire général de l'une des deux fédérations des Alpes-Maritimes (l'autre secrétaire étant Marcel Philip, père de l'acteur Gérard Philipe) lui demande finalement de quitter ces fonctions fin 1936 afin de ne pas compromettre le PPF avec les actions illégales de la Cagoule[3]. Le PPF soutiendra toutefois Darnand lors de son arrestation en 1938.
Il y eut toutefois, au PPF, des rituels inspirés du fascisme, en particulier le salut quasi similaire au salut romain (repris par les fascistes et les nazis), le cri « en avant, Jacques Doriot ! », ou encore l'existence d'un drapeau et d'un serment de fidélité[22]. Le serment du PPF porte « Au nom du peuple et de la patrie, je jure fidélité et dévouement au Parti populaire français, à son idéal, à son chef - je jure de consacrer toutes mes forces à la lutte contre le communisme et l'égoïsme social »[22]. Par ailleurs, des organisations de jeunesse sont créées (les «Pionniers de Doriot» rassemblent les enfants de 6 à 14 ans)[3].
Sur le plan sociologique, la volonté d'unir des classes, et le recrutement à partir d'une base dirigeante d'origine communiste des éléments nationalistes de droite n'est pas sans rappeler en Italie la naissance du parti fasciste à partir d'une base socialiste et syndicaliste révolutionnaire de nationalistes et anciens combattants.
Sur le plan humain, le PPF ambitionne de façonner un homme nouveau, qui doit avoir « le goût du risque, la confiance en soi, le sens du groupe, le goût des élans collectifs ».
Si le programme du PPF d'avant-guerre n'est pas spécifique du fascisme[23], certaines thématiques apparues en 1937 et 1938 vont dans le sens d'un rapprochement avec le fascisme et le national-socialisme : volonté de créer un homme nouveau, corporatisme, association de l'anticommunisme et de l'anticapitalisme, culte du chef, nationalisme. S'ajoute à cela le soutien financier de l'Italie qui semble indiquer une parenté idéologique. Mais le PPF se distingue du PNF et du NSDAP par l'absence de recours à des moyens paramilitaires comme ceux du squadrisme ou des SA et la revendication assumée d'un système totalitaire fondé sur un parti unique. D'autre part, le PPF, en particulier sous l'influence de Doriot, est profondément pacifiste et non-expansionniste, ce qui le distingue fortement des partis fascistes. Interdit puis recrée après l'armistice, le PPF prônera la mise en place assumée d'un État totalitaire mais avant 1940, un seul parti français, le parti franciste de Marcel Bucard se réclame du Parti fasciste de Benito Mussolini. En définitive, l'historien Jean-Paul Brunet estime que la « doctrine » et la « sociologie » du PPF en font un parti « fasciste » dès 1936[24].
Le PPF, principal parti collaborationniste (1940-1945)
Historique du PPF entre 1940 et 1945
En 1940, le PPF est interdit en zone sud, mais Doriot relance son activité politique de plusieurs manières.
Doriot se rapproche d'Adrien Marquet, député néo-socialiste avec qui il entretient d'excellentes relations ; Marquet devenu ministre de l'intérieur complote avec lui une révolution de palais qui porterait le PPF au pouvoir ; Laval est averti et le Marquet est remplacé par Marcel Peyrouton, ancien franc-maçon et républicain à poigne, hostile au PPF[25].
En , Doriot lance son journal, Le Cri du peuple (qu'il aurait voulu appeler L’Humanité nouvelle) (tirage : autour de 50 000 en moyenne).
Le PPF poursuit son activité camouflée au sein d’autres mouvements (Jeunesse, Jeunesses impériales françaises, etc.).
Enfin, dès , Doriot recrée le PPF, mais c’est sa participation à la LVF qui va permettre d’obtenir une légalisation de la part des Allemands en .
Le PPF va alors devenir l’un des deux principaux partis collaborationnistes, grand rival du RNP de Marcel Déat. Tandis que le RNP tente d’unifier les partis collaborationnistes autour de lui, le PPF mène une ligne plus exclusive, centrée sur la forte personnalité de son chef.
Les principales différences de fond entre PPF et RNP :
Le style : le RNP est plus « intellectuel » et théoricien, le PPF est plus jeune et violent.
Les idées : le RNP qui veut édifier une IVe République totalitaire dénonce les campagnes contre les francs-maçons alors que le PPF est violemment anti-maçonnique ; le RNP, constitué majoritairement de socialistes venus à la collaboration par pacifisme est davantage motivé par l'intégration continentale dans une unité européenne et socialiste.
L’empire : le RNP s’intéresse peu à l’outremer, et abrite en son sein des nationalistes algériens, contrairement au PPF, fort en Afrique du Nord.
Le PPF sera ouvertement antisémite. Une ligne qu’il suit en fait depuis 1938-1939 alors qu’il ne l’était pas à ses débuts (parmi les premiers dirigeants, Abremski était juif ; les grandes banques juives le soutiennent au début autant que les banques protestantes ou les catholiques). La mort accidentelle d’Abremski en 1938 ôtera à Doriot toute inhibition à ce sujet.
Jacques Doriot, qui multiplie les gestes de bonne volonté à l'égard des Allemands jusqu’à s’engager personnellement dans la LVF pour aller combattre sur le front russe, n’aura de cesse d’espérer que les Allemands lui confient le pouvoir en France. En vain. Le , il réunit à cet effet à Paris un « Congrès du pouvoir » de 7 200 délégués (qui s’achève par de violents heurts entre les membres du PPF et la police parisienne selon Lambert et Le Marec). Mais les Allemands sont, à ce moment, partisans de la création en France d’un parti unique au sein duquel se fonderaient les mouvements collaborationnistes et qui serait sous le contrôle de Marcel Déat. Ce sera le Front révolutionnaire national (FRN) dans lequel le RNP jouera un rôle moteur et auquel le PPF refuse de se joindre (hormis Jean Fossati, qui sera exclu du PPF pour cette raison).
En 1943 et 1944, le PPF tente de se militariser en créant les Gardes françaises, unités de protection contre les attentats sans cesse plus nombreux qui touchent le Parti, ses dirigeants, ses militants et leurs familles. Mais les Gardes françaises seront un échec. Elles ne recevront pas d'armes, ou très peu de la part des Allemands, et ne bénéficieront que très tard d'un entraînement militaire. En 1944, le Parti met sur pied des Groupes d'action pour la justice sociale destiné à protéger les familles des militants et faire la chasse aux réfractaires au STO. Ces groupes sont plus communément appelés les Groupes d'Action du PPF ou GAPPF. Ces groupes vont échapper au contrôle du Parti pour ne plus travailler qu'au profit du Sipo/SD. Ils livrent des résistants et des Juifs à la Gestapo, comme le GAPPF de Cannes. Mi-, les membres du PPF se regroupent à Nancy pour échapper aux représailles. Début septembre, ils passent en Allemagne, installés sur l'île de Mainau, où, le , Jacques Doriot devient – enfin – le chef d’un « Comité de libération de la France » auquel se joignent une partie des personnalités collaborationnistes réfugiées en Allemagne. Jacques Doriot est tué par un avion sur le territoire de la commune de Menningen, le [26]. Après sa mort, le bureau politique du PPF confie la direction du parti à Christian Lesueur, nommé secrétaire général, titre cédé par Victor Barthélémy[27].
Relations avec l'Ambassade d'Allemagne
Progressivement, Doriot entre en relation avec les Allemands, qui lui apportent l'appui et les ressources matérielles nécessaires pour rester dans la course. Cependant, les Allemands ne soutiennent pas le PPF, car ils ne souhaitent pas l'émergence d'un mouvement politique puissant qui rendrait à la France sa force : le , Hitler demande en effet à son ambassadeur en France, Otto Abetz de faire en sorte que la « France reste faible » et que « tout soit entrepris pour susciter la division interne », affirmant qu'il n'y a « aucun intérêt à soutenir réellement des forces völkisch ou nationales en France »[28]. Suivant les directives de Berlin, Abezt va donc travailler à maintenir la division des partis collaborationnistes pour empêcher que l'hégémonie d'un mouvement national et autoritaire de type fasciste ou national-socialiste susceptible de rendre à la France sa force ; Otto Abetz écrit en 1942 qu'il faut contrer les initiatives de Jacques Doriot car « il pourrait finir par s'imposer et susciter une mystique nationale capable de rénover la France dans le sens national-socialiste »[29] et il suscite et soutient donc des concurrents au PPF. De plus, Abetz, en tant qu'ancien social-démocrate, se sent plus proche de Marcel Déat et du RNP où prédominent les socialistes, d'autant que ces derniers sont venus à la collaboration par pacifisme et volonté d'intégration européenne alors que le PPF est suspecté de concevoir davantage la collaboration comme une alliance entre partenaires. Quand l'ambassade cherchera tardivement à unifier les mouvements collaborationnistes, ce sera sous l'égide de Marcel Déat et l'Allemagne ne soutiendra Doriot qu'une fois chassée de France à la fin de la guerre.
Profil et organisation du PPF (1936-1939)
1) Origine politique des membres du PPF : En (au 1er congrès du PPF), sur 625 (ou 623 ?) membres :
En , sur 130 000 membres, le PPF aurait compté 35 000 anciens communistes (soit 27 % des membres) (Pascal Ory, Les collaborateurs). En fait alors que les anciens communistes sont nombreux en région parisienne, l’extension en province se fait en recrutant des membres des ligues. C'est plus particulièrement net en dehors de l'agglomération parisienne. La section de la Côte-d'Or, jugée représentative de la province, comptait une moitié de militants issus du mouvement de La Rocque, un tiers venus l'Action française, et seulement 10 % venus du Parti communiste ou de la SFIO[31].
2) Origine sociale des membres du PPF[32] : Au Congrès de 1936 :
ouvriers : 49 %
classes moyennes : 43 % (dont employés de bureau : 21 % ; et ingénieurs, entrepreneurs, professions libérales : 21 %).
(source : idem). « Après 1936, la base du PPF en France et Algérie fut de plus en plus constituée de membres des classes moyennes tout comme les cadres de mouvement et les responsables du bureau politique et du comité central »[7].
Selon Pierre Milza (voir bibliographie), l'embourgeoisement du PPF et son corollaire, l'abandon des revendications sociales osées, seraient encore plus rapides dans le parti de Jacques Doriot que dans celui de Mussolini (ce qui est nié par de nombreux historiens du fascisme italien qui pensent que la conjonction monde ouvrier agricole et industriel avec le fascisme est indéniable au moins jusqu'en 1940).
3) Effectifs du parti : vers 100 000-120 000 membres (selon Dieter Wolf, Jean-Paul Brunet) à 60 000 (selon Philippe Burrin, Winock) à l’apogée vers 1937-début 1938. Le PPF jouira de quelques forts bastions historiques : la région parisienne, Marseille (après ralliement de Simon Sabiani et son Parti d’action socialiste) et par extension la Côte d'Azur (Nice).
Secrétaire général (jusqu’en 1939) : Henri Barbé (membre du bureau politique du Parti communiste à partir de 1927, l’un des quatre dirigeants en 1929-1930, exclu du PCF en 1934, secrétaire général du PPF de 1936 à 1939.Quitte le PPF vers 1939. Sous l’occupation : rejoint le RNP, à la Libération il participe à la revue anticommuniste Est & Ouest[réf. nécessaire]).
Chef Afrique du Nord : Victor Arrighi (membre du Parti communiste, directeur de la Banque ouvrière et paysanne du PCF. Puis radical-socialiste de 1930 à 1936. Au PPF en 1936, puis le quitte vers 1938-1939).
Porte-parole : Paul Marion (membre du Parti communiste, 1922), du comité central du PCF (1926), secrétaire de la section Agit-prop. En 1927-1929, à Moscou, il appartient au bureau de propagande du Komintern. Rompt avec le PC en 1929, rejoint la SFIO puis l’USR, pacifiste de gauche néo-socialiste (Notre temps). Puis rejoint le PPF (1936) ou il sera rédacteur en chef de L'Émancipation nationale puis de La Liberté. Après 1940 : sera ministre de l’information au gouvernement de Vichy, ultra-collabo).
Jules Teulade (membre du Parti communiste, secrétaire de la Fédération CGTU du bâtiment, délégué du Profintern en 1926-1928, écrit dans L’Humanité. Puis membre du bureau politique du PPF (1936), collabore à La Liberté, L’Émancipation nationale, Le Cri du peuple. Également codirigeant du Comité ouvrier de secours immédiat de 1942 à 1944).
Alexandre Abremski (ancien conseiller municipal communiste de Saint-Denis. Ami juif de Jacques Doriot qu’il suit en 1934. Mort accidentelle en 1938).
Marcel Marschall (ancien conseiller municipal communiste de Saint-Denis. Suit Doriot en 1934. Devient maire de Saint-Denis et conseiller général de la Seine. En 1948 : condamné à mort mais non exécuté).
Autres membres du bureau politique en 1937-1940 : (source principale : Robert Soucy, Fascisme français ?). De 1937 à 1939, le bureau politique du PPF, au départ peuplé d’anciens communistes, va de plus en plus accueillir des nationalistes (qui domineront à partir de 1938) :
Pierre Pucheu (normalien, secrétaire général du Comptoir sidérurgique, ex-Croix-de-feu. Au PPF en 1936, il lui apporte des subsides patronaux. Quitte le PPF en 1938. Après 1940 : sera ministre de l’intérieur du gouvernement de Vichy. Démissionne en opposition au retour de Laval en 1942. Rejoint l'Afrique du Nord mais il est fusillé compte tenu de sa collaboration policière avec les Allemands).
Jean Le Can (riche entrepreneur en BTP bordelais qui a construit le port de Bordeaux. Quitte le PPF en 1938).
Robert Loustau (ingénieur des mines, catholique, membre d’Ordre nouveau puis des Croix-de-feu. Au PPF en 1936, il rédige le programme économique et social du PPF qui mélange corporatisme et technocratie. Il quitte le PPF vers 1938-1939. Après 1940 : sera directeur de cabinet de Pierre Pucheu au gouvernement de Vichy).
Bertrand de Jouvenel (politiquement situé sur l’aile gauche du parti radical, il écrit en 1930 Vers les États-Unis d’Europe, travaille à La République (journal radical-socialiste). Puis il fonde « Lutte des jeunes » (1934). Il adhère au PPF (1936 à 1939), membre du bureau politique en 1938, puis quitte le PPF en 1939. Après 1940 : attitude ambigüe, favorable à la collaboration au début, puis opposé à la fin. Ami de Drieu la Rochelle).
Ramon Fernandez (1894-1944, écrivain de gauche membre de la NRF, de la SFIO (1925) puis partisan du communisme et du Front populaire, membre du CVIA[réf. nécessaire]. Puis au PPF en , membre du bureau politique du PPF en 1938 et jusqu'à sa mort en 1944. Après 1940 : écrit dans la NRF, La Gerbe).
Simon Sabiani (membre du Parti communiste jusqu’en 1922, puis député socialiste indépendant, partisan d’un socialisme national, fonde le Parti d’action socialiste (PAS), parti absorbé par le PPF en 1936, ami des truands de Marseille. Devient en 1938 vice-président et membre du bureau politique du PPF, pendant la guerre, il gère notamment le bureau marseillais de recrutement de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF), dont il est le secrétaire général.).
Émile Masson (au bureau politique du PPF en 1938).
Maurice Touze (au bureau politique du PPF en 1938).
Autres responsables PPF (1936-1940) (Chebel d’Appollonia, Robert Soucy)
Bertrand de Maud'huy (financier à la banque Worms, ancien membre du cabinet d’Aristide Briand, puis proche du PDP démocrate-chrétien, puis responsable des VN des Croix-de-feu, puis au PPF en 1936. Membre du comité central dès 1936.).
Alfred Fabre-Luce (radical rénovateur, rédacteur du Plan du , rédacteur en chef de L’Europe Nouvelle, revue de la féministe Louise Weiss. Au PPF en 1936, puis le quitte en 1938-1939. Après 1940 : pétainiste mais opposé au STO. Il sera plus tard pour un représentant du libéralisme).
Jean-Marie Aimot (ex-Franciste et ex-Ami du Peuple. Membre du comité central du PPF vers 1937. Après 1945 : écrira dans Défense de l'Occident).
Georges Deshaires (?) (ex-PCF. Membre du comité central du PPF vers 1937).
Marius Paquereaux (maire communiste d'Athis-Mons (1928-1931), membre du bureau politique du Parti communiste(1922). Exclu du PCF en 1930. Puis membre du comité central du PPF vers 1937. Abattu en 1944 par la résistance communiste).
Maurice Lebrun (Joseph Serre dit) (communiste, secrétaire de rédaction à L’Humanité. Puis membre du comité central du PPF vers 1937 et administrateur de L'Émancipation nationale. Après 1940 : reste au PPF).
Camille Fégy (secrétaire de rédaction de L'Humanité. Rallie le PPF en 1936 ; rédacteur en chef de La Liberté. Après 1940 : rédacteur en chef de l’hebdomadaire La Gerbe).
Maurice-Yvan Sicard journaliste de gauche, antifasciste. Rejoint le PPF en 1936, rédacteur en chef de L'Émancipation nationale. Après 1945, sera écrivain sous le nom de Saint-Paulien.
Lucien Mangiavacca (militant PCF de Marseille, suit son ami Sabiani au PPF).
Pierre Andreu (groupe Ordre nouveau, sorélien) : il quitte le PPF dès car le juge pas assez à gauche (cf. biographie de Drieu La Rochelle).
Marcel Ouette (dirigeant des Jeunesses communistes de Saint-Denis, puis rallie le PPF).
Pierre Dutilleul (secrétaire de la fédération communiste du Nord. Dirigeant du Secours ouvrier international. Rejoint le PPF en 1936. Après 1940 : membre du bureau politique du PPF, président de la commission centrale de contrôle politique du PPF).
Armand Lanoux, rédacteur au journal doriotiste La Liberté.
Profil et organisation du PPF entre 1940 et 1944
Jeunesses populaires françaises : en , le PPF fédère les organisations de jeunesse du PPF ou proches (UPJF, JIF, etc.) au sein des Jeunesses populaires françaises. Chef : Roger Vauquelin des Yvetots[34].
Presse :
zone sud : L’Émancipation nationale. Rédacteur en chef : Maurice-Yvan Sicard (au PPF depuis les années 1930).
zone nord : Le Cri du peuple. Rédacteur en chef : Albert Clément (PCF, rédacteur en chef de « La Vie ouvrière » de la CGT de 1929 à 1939. Après 1940 : rallie le PPF. Abattu en 1942 à Paris par des résistants communistes). Les lecteurs y retrouvent aussi les dessins de Dubosc, ancien caricaturiste de L'Humanité.
l’influence du PPF est également relayée dans la presse grand public, au Petit Parisien (viaClaude Jeantet) (qui tire 500 à 600 000 exemplaires pendant la guerre) et à Paris-Soir (viaPierre-Antoine Cousteau) (Pascal Ory, les Collaborateurs).
Les fascistes italiens donnent à la presse du PPF, par l'intermédiaire de Victor Arrighi, une somme de 300 000 F.
Membres du PPF collaborationniste : vers 20 000 (Handzourtel et Buffet) ou 30 000 maximum en 1943 (Azéma dans le livre dirigé par Winock).
Profil sociologique du PPF collaborationniste : ouvriers, classes moyennes urbaines, réactionnaires. Bien implanté en Afrique du nord. Parti plus jeune, violent, ouvertement fasciste que le RNP.
Profil politique du PPF collaborationniste : En 1942 (au « Congrès du pouvoir » de Doriot), sur 7 200 membres présents (venus de la région parisienne) :
Secrétaire général : Victor Barthélemy (ancien membre du Parti communiste, un des dirigeants du Secours rouge, puis passe au PPF, à la LVF, secrétaire général du PPF de 1941 à 1944. Après 1945, il devient cofondateur en 1972 et secrétaire général (entre 1972 et 1978) du Front national de Jean-Marie Le Pen).
Roger Vauquelin des Yvetots, collaborateur de L'Appel, de La Gerbe, du Pilori et du Cri du peuple (ancien attaché du ministère de la santé publique, venu du Francisme, des Comités de rassemblement antisoviétiques et de la Cagoule, il sera condamné en aux travaux forcés à perpétuité[36]),
Albert Beugras (fils d’industriel, ingénieur chez Rhône-Poulenc, chef de l'un des services de renseignement du PPF),
Jean Fossati (rédacteur au journal à « La Presse libre » de la Fédération républicaine, chef des VN des Croix-de-feu d’Alger (1934-1935), va au PPF (1936), secrétaire du PPF d’Alger. Après 1943, il fut secrétaire du PPF (1943). Mais rejoint le Front révolutionnaire national, créé par le RNP, concurrent du PPF, donc exclu du PPF été 1943).
Fernand Soupé (ouvrier, membre du comité central du Parti communiste, maire PCF de Montreuil. Après 1940 : rejoint le PPF en 1941. Il échappe à une exécution par la résistance),
Pierre Celor (membre du bureau politique du Parti communiste à partir de 1928, délégué auprès du Komintern, l’un des quatre dirigeants du PCF en 1929-1930. Exclu du PC en . Après 1940 : adhère en 1941 au RNP, puis au PPF en 1942, membre du bureau politique et secrétaire adjoint chargé des problèmes corporatifs au PPF).
Pierre Thurotte (conseiller municipal SFIO de Saint-Quentin en 1927-1933, membre suppléant de la CAP du parti socialiste SFIO, délégué national à la propagande du mouvement pacifiste et antifasciste Amsterdam-Pleyel. Après 1940 : membre du bureau politique du PPF, secrétaire national à la propagande).
Vincent (Émile Bougère dit) (collaborateur de l'Humanité. Rallie le PPF et devient chef de son bureau de presse sous l’occupation).
Autres personnalités membres du PPF sous l’occupation
La proportion des anciens communistes dans cette liste n'est pas proportionnelle à celle de l'ensemble du PPF.
Edmond Chambon (membre du Parti communiste et secrétaire de la CGTU du Rhône. 1941 : se rallie au PPF).
Joseph Damiani, garde du corps du directeur allemand de l'OPA (Office de placement allemand) de la Canebière à Marseille. Condamné à mort à la Libération. Gracié, il passera onze ans en prison, puis se fera connaître comme écrivain et cinéaste sous le nom de José Giovanni.
Raymond Dirr (maire de Pierrefitte-sur-Seine). Avait quitté le PCF en 1934 avec Doriot. Membre du PPF. Tué par les FTP communistes en .
Lucien Larbaudière (adjoint au maire de Pierrefitte-sur-Seine, Raymond Dirr). Membre du PPF.
Marcel Gire (responsable du Secours rouge international, puis candidat du parti communiste à Gannat aux législatives de 1936. Après 1940 : inspecteur régional du PPF. Tué par la résistance communiste en 1944).
Paul Guérin (médecin), ancien de l'Action française qu'il a quitté en 1930, des Croix-de-feu, collaborateur de Je suis partout depuis 1931, puis adhérent du PPF avant et après 1940. Président des groupements corporatifs français du PPF, antisémite. Victime d'un attentat en [38]).
Henri Jacob (membre du comité central du Parti communiste, délégué au comité exécutif de l’Internationale communiste. Après 1940 : au RNP en 1941, puis passe au PPF en 1943, rédacteur au « Cri du Peuple »).
Autres personnalités sympathisantes du PPF sous l’occupation
Maurice Laporte (1er secrétaire général des Jeunesses communistes en 1920-1923. Quitte le PC en 1925. Devient très anticommuniste dans les années 1930. Après 1940 : collaborateur de la presse doriotiste mais n’aurait pas adhéré au PPF).
Louis-Ferdinand Céline, écrivain. Sans jamais être membre du Parti, exprimera ouvertement son soutien au PPF et à Jacques Doriot sous l'Occupation[39].
↑ abcd et eMichel Winock (dir), Histoire de l'extrême-droite en France, p. 178-182.
↑ abcdef et g[Schor 1986] Ralph Schor, « Le Parti Populaire Français dans les Alpes-Maritimes (1936-1939) », Cahiers de la Méditerranée, vol. 33, no 1, , p. 99-125 (ttp://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1986_num_33_1_988 [sur persee]).
↑[Benoist-Méchin] Jacques Benoist-Méchin, De la défaite au désastre, t. 1, Albin Michel, , p. 54.
↑[Decaux 2000] Alain Decaux, Morts pour Vichy, éd. Perrin, .
↑ abc et dSoucy, Fascismes français ?, page 320). Le PPF reçoit aussi quelques subsides italiens.
↑Nicholas Atkin, Frank Tallett, The right in France: from Revolution to Le Pen, I. B. Tauris, (rééd. 2003), p. 204.
↑(en) Joan Tumblety, Remaking the Male Body : Masculinity and the uses of Physical Culture in interwar and Vichy France, Oxford University Press, 2012, p. 195. (L'auteure évoque faussement l'Union des jeunesses sportives françaises/UJSF)
Tal Bruttmann, « Du militantisme à l’action. L’activisme antisémite des ultras de la Collaboration », Revue d'Histoire de la Shoah, Paris, Mémorial de la Shoah, no 198 « L'antisémitisme français sous l'Occupation », , p. 179-193 (ISBN978-2-91696-607-6, lire en ligne).
Laurent Kestel, La conversion politique : Doriot, le PPF et la question du fascisme français, Paris, Raisons d'agir, coll. « Cours & travaux », , 232 p. (ISBN978-2-912107-65-7, présentation en ligne).
(en) Paul Schue, « The Prodigal Sons of Communism : Parti Populaire Français Narratives of Communist Recruitment for the Spanish Civil War and the Everyday Functioning of Party Ideology », French Historical Studies, vol. 24, no 1, , p. 87-111 (DOI10.1215/00161071-24-1-87).
Dieter Wolf (trad. Georgette Chatenet), Doriot, du communisme à la collaboration [« Die Doriot Bewegung »], Paris, Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », , 487 p.
Le Parti populaire français, Vichy et le fascisme en France
Michel Dobry (dir.), Le Mythe de l'allergie française au fascisme, Éditions Albin Michel, 2003.
Simon Epstein, Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Albin Michel. Histoire », , 622 p. (ISBN978-2-226-17915-9).
Robert O. Paxton (trad. Claude Bertrand, préf. Stanley Hoffmann), La France de Vichy – 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points-Histoire », (réimpr. novembre 1999) (1re éd. 1973), 475 p. (ISBN978-2-02-039210-5).