Mathurin Moreau, qui doit son prénom à son grand-père paternel, serrurier à Dijon, naît au 7, rue Monge (alors encore nommée rue Saint-Jean) du mariage du sculpteur Jean-Baptiste-Louis-Joseph Moreau et Anne Marianne Richer, originaire de Besançon où son père, Mathieu Richer, est de même sculpteur[1]. Ses frères Hippolyte et Auguste sont également sculpteurs.
Il obtient une médaille de seconde classe à l’Exposition universelle de 1855 à Paris, puis une médaille de première classe en 1878. En 1897, il est couronné par une médaille d'honneur au Salon[2] dont il devient membre du jury durant l'Exposition universelle de 1900 à Paris. Il y expose alors un buste en marbre blanc représentant Ismaël, fils d'Abraham et Agar (après son buste en marbre de Carrare et bronze de 1875, intitulé : Ismaël, candeur).
Entre 1849 à 1879, Mathurin Moreau collabore avec la fonderie d’art du Val d'Osne et, actionnaire, en devient l’un des administrateurs, mais, observe Pierre Kjellberg, « le règne de Napoléon III est aussi celui des garnitures de cheminées, et ces ensembles jusqu'alors fort rares se multiplient et figurent souvent dans les catalogues d'éditeurs de bronze » : la Liseuse de Mathurin Moreau participe de cet engouement[3]. L'artiste fournit également des modèles à la Compagnie des bronzes de Bruxelles et expose à l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie dans les années 1880.
En 1880, l'artiste reçoit une prime lors du concours pour l'érection d'un monument allégorique de La Défense de Paris au rond-point de Courbevoie (rond-point à l'origine du quartier de la Défense), mais c'est à Louis-Ernest Barrias qu'est attribuée la commande.
À partir de 1879 et jusqu’à sa mort, Mathurin Moreau est élu maire du 19e arrondissement de Paris — créé en 1860 après annexion des communes de Belleville et La Villette — où la rue Priestley prendra le nom d'avenue Mathurin-Moreau en vertu de l'arrêté du . La revue satirique Les Hommes d'aujourd'hui lui consacre son n°183, le portrait-charge dessiné par Henri Demare en couverture le montrant portant l'écharpe tricolore et pointant du doigt une statue allégorique de la loi dont le socle écrase le clergé, « allusion à ses opinions socialistes libérales tournées vers le libre-pensée »[4]. Il célèbre de nombreux mariages : le tableau peint par Henri Gervex en 1884 et accroché dans la salle des mariages de la mairie représente Mathurin Moreau célébrant le mariage civil de son fils.
Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1865 et promu officier du même ordre en 1885[2].
Dans le cadre de sa collaboration avec les fonderies du Val d’Osne, Moreau produit une centaine de modèles d’objets décoratifs et de statues de séries qui figurent dans le catalogue de ces ateliers[7]. On y trouve des candélabres et girandoles, des fontaines et vasques, des statues (La Fidélité, L’Union, Crépuscule, Aurore…), des torchères, des statues religieuses (Saint-Pierre, Saint-Joseph, Ange…) et des Vierges (Vierge de Rome, Vierge de Lourdes, Vierge Immaculée…)[8], des monuments funéraires. Il exécuta, au début de l'électricité, de nombreuses lampes signées.
Les statues, en fonte de fer, sont recouvertes d'un enduit imitant le bronze.
Deux autres, la fontaine des Quatre éléments[18] et la fontaine des Quatre saisons[19] se trouvent dans la ville espagnole de Valence. La première, différente, sort des fonderies de Tusey ; seuls les angelots, ajoutés ultérieurement dans le bassin et symbolisant les 4 éléments[20], sont de Moreau.
Sur la place du Rossio (Don Pedro IV), à Lisbonne, se trouvent, depuis 1889, deux fontaines de ce type[21] ; leur particularité réside dans l'ajout de 4 sirènes[22] dans le bassin. Celles-ci tiennent des cornes d'où jaillissent des jets d'eau dirigés vers la grande vasque.
Fontaine monumentale, à Angers, jardin du Mail[23],[24].
Fontaine Godillot à Hyères, érigée en 1898, elle a été entièrement rénovée en 1995[25]. La fontaine Argence, place Jean-Moulin à Troyes, lui est identique[26].
À Liverpool, se trouve une copie non conforme (manquent les 4 putti et sommet différent), de la fontaine de Boston[30],[31], fondue par W. T. Allen &Co.
Fontaine « La Naissance de Vénus » d’Esterel-Plage, aménagée au rond-point de la Fontaine, a elle été offerte à la ville de Saint-Raphaël par Albert Planchar d'Argelet, marchand de biens parisien et promoteur du lotissement d'Estérel-Plage, le [34],[35].
Fontaine de l'Enfant à la rame, fonte du val d'Osne, 1868, localisée square Planchon à Montpellier[36]. Un autre exemplaire est localisé place Georges-Duthil à Foix[37], un autre de même, en même temps qu'un candélabre Jeune page, dans la cour du 83, rue Daguerre, adresse où vécut la cinéaste Agnès Varda qui montre les deux œuvres dans son film Daguerréotypes (1975)[4]. L'exemplaire appelé fontaine Belardy qui se trouvait à Montaut (Pyrénées-Atlantiques) a été volé en [38].
Fontaine de la place du marché à Pointe-à-Pitre, les aménagements d’une conduite d’eau potable, débutés en 1872 sont achevés l'année suivante et elle est inaugurée le en présence du gouverneur Marie Gabriel Couturier (1830-1898), qui laissa son nom à la fontaine. La statuette qui surmonte les deux vasques, Jeune Fille à la corbeille, est l'œuvre de Moreau[39]. La fontaine qui ne fonctionnait plus depuis les années 1970 a fait l’objet d’une restauration et symboliquement d’une remise en eau en juin 2006[40]. Elle a de nouveau été remise en eau en décembre 2020 après un nouvel arrêt de 4 ans.
Vénus, fonte du Val d'Osne, Angers, jardin du Mail à l'entrée par l'avenue Jeanne d'Arc.
Fontaine de l'Été, fonte du Val d'Osne, Montélimar.
Fontaine de l'Été, fonte du Val d'Osne, Jussey[41].
Fontaine de l'Été, fonte du Val d'Osne, place de l'église, Breuches-les-Luxeuil.
Fontaine des Moissons (allégorie de l'Été), Maizières.
Fontaine de Vénus, fonte du Val d'Osne, place de la République, Limoux[47].
Enfant égyptien aux deux urnes dit « Le Bolomig » (« Petit Bonhomme »), d'après l'original en fonte du Val d'Osne conservé en mairie, place Gabriel-Péri, Douarnenez[48].
La Mutualité, fonte du Val d'Osne, place Jean-Baptiste-Duchasseint, Thiers (1913).
Fontaine de la place des Célestins à Lyon ; posée en 1858 devant le théâtre, elle a été détruite en 1957 pour permettre un réaménagement partiel de la place.
Œuvres de Mathurin Moreau dans les fontes du Val d'Osne en France
Fontaine « L'Été », Genève, place Édouard-Claparède[57].
Chili
L'Été, fonte du Val d’Osne, Parque Isadora Cousiño, Lota[58].
L'Enfant à la rame (autre exemplaire en fonte du Val d'Osne, 1868, de l'œuvre localisée ci-dessus à Montpellier, Paris et Foix), Patio de los naranjos, palais de La Moneda, Santiago[59].
Fontaine décorée de Neptune et Amphitrite[65] (modèles de la fontaine de Tourny acquis séparément par Matias Cousiño(en) au XIXe siècle). Statues cédées par la famille à la ville de Santiago qui a inauguré la fontaine en 2002.
Cologne, 1864, h. 5,50 m, Paris, gare du Nord[78]. Les entablements de la façade sont surmontés de huit statues en pierre de grandes villes européennes dont Cologne de Moreau.
Cariatides, Paris, Opéra Garnier[79]. Le pavillon de la façade arrière comporte des portes monumentales, donnant accès au vestibule des voitures, qui sont encadrées de cariatides d'Élias Robert au sud, et de Mathurin Moreau au nord. Elles brandissent d’une main une palme de bronze tendue vers l’aigle impérial et maintiennent de l’autre une couronne de laurier.
La Fée aux fleurs, plâtre au Salon de 1853, puis bronze au Salon de 1853, musée des beaux-arts de Dijon[83].
L’Océanie, « sauvage farouche aux fortes mamelles, armée d'un casse-tête, vêtue de peaux de bêtes et escortée d'un kangourou », lit-on dans le Guide du visiteur de l'Exposition universelle de 1878[84] où elle est présentée, cette statue fait partie d’un groupe d’allégories des Six Continents qui ornait initialement le décor de la cascade du palais du Trocadéro. Fondue par Antoine Durenne, elle est exposée depuis 1986 sur le parvis du musée d'Orsay à Paris[85]. Roger Boulay restitue : « Mathurin Moreau avait fait la connaissance, dans l'atelier d'Antoine Durenne, d'un sculpteur familier de la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit de Charles-Romain Capellaro (1826-1899) qui fut déporté à l'Île des Pins à la suite de sa participation à la Commune de Paris. Un don de quelques massues kanak fait au musée des Colonies par ses descendants témoigne de son passage : elles ont pu inspirer Moreau pour le casse-tête indubitablement kanak que brandit L'Océanie »[86].
Statue des Exilés, modèle plâtre, Salon de 1889, médaille d'or à l'Exposition universelle de 1889, no 3765, acquis par l'État. En dépôt au musée du Havre, détruit en 1944 pendant la Seconde Guerre mondiale. Une édition réduite bronze (don de l'auteur, 1908) est conservée au musée des beaux-arts de Dijon. La statue en marbre qui figurait dans les jardins du Carrousel à Paris a été déposée en 1964 et installée dans le parc au Chambon-Feugerolles en 1965, puis réaffectée au musée d'Orsay en 1986[87].
Petit Amour versant de l'eau dit « l'enfant à l'urne », jardin de l'hôtel Groslot d'Orléans.
Statue de saint Vernier, patron des vignerons de la haute vallée de la Loue, à Ornans, statue en fonte de fer sur une fontaine lavoir, dite fontaine du Seult. Le modèle de cette statue a été sculpté par Mathurin Moreau sous le titre Automne en 1866, et fondue par les Fonderies du Val d'Osne en 1880.
L’Agriculture, statue en fonte dorée (h. 1,87 m) sur la place aux foires du Faou. Figure du Monument à la mémoire de MM. de Pompéry, « initiateurs du progrès agricole en ce pays », inauguré lors de la fête du comice agricole en 1884 par Édouard de Pompéry pour Louis-Charles, son père, et Théophile et Henry, ses frères.
Cérès ou L'Été, fontaine Laboureau, place du Général de Gaulle, Avallon[89].
Auguste-Beauté, dit Auguste-Acanthe, Boudouresque (1835-1905), chanteur d'opéra et peintre de marines, buste en bronze, Marseille, cimetière Saint-Pierre.
Pierre-Toussaint Thévenot (1805-1868), officier de la Légion d'honneur, directeur de l'École normale d'instituteurs de Dijon (1829-1868), buste en bronze, 1870, École normale d'instituteurs de Dijon.
Attribué à Mathurin Moreau, Ismaël, buste en marbre blanc, localisation inconnue.
Monument
Monument à Jeanne d’Arc, groupe équestre en fonte, œuvre de Pierre le Nordez qui a modelé le cheval alors que l’héroïne est de Mathurin Moreau. Comme toutes les statues de ces deux sculpteurs, elle a été fondue par la fonderie du Val d'Osne (Haute-Marne). Ce modèle figure à Montebourg, elle a été donnée par MgrAlbert Le Nordez, évêque de Dijon, à sa ville natale et inaugurée en . Une autre statue équestre de Jeanne d’Arc, par les mêmes artistes, se trouve à Alise-Sainte-Reine près de l’embranchement de la route d’accès au mont Auxois, elle est datée de 1901[123]. Il en existe également à proximité du sommet du Ballon d’Alsace, inaugurée en , à Rognonas dans les Bouches-du-Rhône, au centre culturel Ahcene Chedli de Skikda (Algérie). Le Monument aux morts de Gandrange[124] est orné de la même statue. De fait, il en existe des dizaines d'exemplaires, dont Saint-Germain-sur-Moine (Maine et Loire) où (don du maire), installée le , elle fut inaugurée en tant que Monument aux morts sur la place du Château de Mondement le . Plus tardive encore, celle de La Chapelle-Saint-Laurent (Deux-Sèvres) date de 1936[125].
Monument aux morts de 1870, ou Monument de la Résistance en l'honneur des défenseurs, Dijon, place du Trente-Octobre et de la Légion d'honneur, inauguré le . Le bas-relief sur la tour (sous la statue de Paul Cabet, il représente deux soldats dont l'un blessé et une femme tenant un enfant en ses bras) est de Mathurin Moreau[126].
Vierge de Rome, fonte du Val d'Osne, 1876, boulevard Louis-Sicre, Castelsarrasin[127].
Monument à Sadi Carnot, 1899, Dijon, place de la République. Monument dû aux sculpteurs dijonnais Moreau et Paul Gasq, et à l'architecte Félix Vionnois.
Monument à Pierre Joigneaux, 1898, Beaune, square des Lions. Le groupe est composé d'une colonne supportant le buste de Pierre Joigneaux. À gauche, une jeune femme personnifiant la Côte-d'Or et tenant une palme se tourne vers le buste. Un comité central est créé en 1893 à Paris pour l'érection du monument, sous la présidence de M. Mazeau, sénateur de la Côte-d'Or. Le groupe réalisé par Mathurin Moreau est exposée au Salon des beaux-arts à Paris en 1897. Le piédestal est édifié en 1898 par E. Louvain et Cie, maîtres carriers et entrepreneurs à Comblanchien d'après le devis dressé le par M. Deschamps, architecte de la ville de Beaune. Le monument fut inauguré le [128].
Monument à Bossuet, installé en 1904 en la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, puis déplacé en 1921 en extérieur (chevet) de l'église Saint-Jean. Le musée Bossuet de Meaux en conserve la maquette. La Foi et La Raison, les deux statues en bronze, œuvres de Mathurin Moreau qui flanquaient le piédestal portant la statue de Bossuet, celle-ci œuvre de Paul Gasq, ont été fondues par le régime de Vichy en 1943[131].
L’Éducation d’Achille, vase d’ornement exécuté en collaboration avec l'ornemaniste Auguste Madroux, il est offert par Napoléon III au cercle des patineurs pour le prix du concours international de tir aux pigeons organisé par le cercle en 1867. Réalisé par la Maison Christofle. Acquis par les musées nationaux en 1982, il est conservé à Paris au musée d’Orsay[135].
↑Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française au XIXe siècle, tome troisième, Librairie ancienne Honoré Champion, 1919, pp.478-481.
↑ Hippolyte Gautier et Adrien Desprez, Le guide du visiteur - Les curiosités de l'Exposition de 1878, Librairie Ch. Delagrave, Paris, août 1878, page 48.
↑Henri Chabeuf, « Éloge de Mathurin Moreau », Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, années 1910-1913, quatrième série, tome XII, Nourry, libraire-éditeur, Dijon, 1914, pages 99-103.
Nicolas Fétu, Index analytique des objets d'art et d'archéologie existant en 1892 dans les églises, hospices, couvents, places et établissements publics de la ville de Dijon, Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or, imprimerie Eugène Jobard, Dijon, 1892 (lire en ligne).
Henri Chabeuf, « Éloge de Mathurin Moreau », Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, années 1910-1913, quatrième série, tome XII, Nourry, libraire-éditeur, Dijon, 1914 (lire en ligne).
Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française au XIXe siècle, tome troisième, Librairie ancienne Honoré Champion, 1919 (lire en ligne).
Laurent Baridon, Les monuments publics érigés à Dijon entre 1789 et 1914, mémoire de maîtrise sous la direction de Roland Recht, Université de Bourgogne, 1987.
Philippe Poirier et Loïc Vadelorge, « La statuaire provinciale sous la troisième République, une étude comparée : Rouen et Dijon », Revue d'histoire moderne et contemporaine, n°42-2, avril-, pp.240-269.
Pierre Kjellberg, Encyclopédie de la pendule française du Moyen Âge au XXe siècle, Les Éditions de l'Amateur, 1997.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.9, Gründ, 1999.
Guillaume Peigné, Dictionnaire des sculpteurs néo-baroques français (1870-1914), Paris, CTHS, coll. « Format no 71 », , 559 p. (ISBN978-2-7355-0780-1, OCLC828238758, BNF43504839), p. 369-379.