Les élections au Parlement de Catalogne de 2021 (en catalan : eleccions al Parlament de Catalunya de 2021, en espagnol : elecciones al Parlamento de Cataluña de 2021, en occitan : eleccions ath Parlament de Catalonha de 2021) ont lieu le dimanche afin d'élire les 135 députés de la XIIIe-XIVe législature du Parlement de Catalogne pour un mandat de quatre ans.
Le scrutin, marqué par une participation en forte baisse, voit le Parti socialiste remporter la majorité relative en voix et en sièges tandis que les partis favorables à l'indépendance de la Catalogne renforcent leur majorité absolue et remportent plus de 50 % des suffrages exprimés. Vainqueur des élections précédentes, Ciutadans perd 83 % de son groupe parlementaire tandis que le parti d'extrême droiteVox devient la quatrième force parlementaire de Catalogne.
Dans un arrêt rendu le , le Tribunal suprême confirme la condamnation de Torra pour désobéissance, ce qui conduit automatiquement à sa destitution de la présidence de la Généralité en application du statut d'autonomie[2],[3]. En conséquence de cette sentence, le vice-président de la Généralité et conseiller à l'Économie et aux Finances Pere Aragonès est chargé d'exercer par intérim les fonctions rattachées à la présidence du gouvernement catalan[4]. Le décret formalisant la substitution de Torra par Aragonés est publié le au Journal officiel (DOGC)[5].
Au lendemain de la prise de fonction du président par intérim s'ouvre une période de dix jours ouvrables pendant laquelle le président du ParlementRoger Torrent consulte les formations politiques en vue de déterminer s'il existe un candidat à la présidence de la Généralité. En raison de la célébration de la fête nationale, ce délai court jusqu'au [6]. Roger Torrent indique par ailleurs le dans une interview que de nouvelles élections seront convoquées le si — comme le prévoient les deux forces politiques au pouvoir — aucun candidat ne parvient à obtenir l'investiture des parlementaires dans le délai imparti, soit deux mois après que la séance plénière a constaté l'absence de candidat[7].
En ouverture de la séance parlementaire du , le président du Parlement confirme qu'aucune candidature ne lui a été soumise, ce qui équivaut à une investiture ratée, ouvrant la période de deux mois à l'issue de laquelle l'assemblée sera automatiquement dissoute[8]. Le décret de dissolution automatique du Parlement est effectivement publié le au DOGC, convoque les électeurs aux urnes le et dispose notamment que le scrutin pourra être reporté s'il n'est pas possible de garantir la protection de la santé des électeurs en raison de la pandémie de Covid-19[9].
Le , le gouvernement catalan annonce qu'il reporte le scrutin au , prenant prétexte de l'évolution de la pandémie de Covid-19. Le tribunal supérieur de justice de Catalogne (TSJC), saisi d'un référé suspension, prononce trois jours plus tard un moratoire sur l'exécution du décret en attendant une audience sur le fond, qui doit se tenir le [10]. La décision est ainsi confirmée et la date initiale maintenue[11].
À travers les 947 communes de Catalogne sont organisés 9 139 bureaux de vote distribués sur 2 800 collèges électoraux, tenus par 27 417 assesseurs. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19 en Espagne, des conditions sanitaires spéciales sont mises en place et une application mobile, 14F, permet de savoir depuis chez soi l'affluence en temps réel à chaque bureau de vote afin d'éviter la foule et de faire la queue[12].
Enjeux
Le Parlement de Catalogne est la législature décentralisée et monocamérale de la communauté autonome de Catalogne, dotée d'un pouvoir législatif en matière régionale tel que défini par la Constitution espagnole et le statut d'autonomie de la Catalogne, ainsi que de la capacité d'investir et renverser le président de la Généralité, et contrôler le gouvernement territorial.
Dissolution du Parlement
Le mandat du Parlement de Catalogne expire quatre ans après la date de son élection précédente, à moins qu'il n'ait été dissous plus tôt. Le président de la Généralité doit déclencher des élections 15 jours avant la date d'expiration des pouvoirs du Parlement, le jour des élections ayant lieu dans les 40 à 60 jours suivant la convocation. Les élections précédentes ont eu lieu le , ce qui signifie que le mandat de la législature aurait expiré le . L'élection devait être déclenchée au plus tard le , jusqu'au soixantième jour suivant la convocation, en fixant la date des élections au plus tard au lundi .
Le président de la Généralité a néanmoins la possibilité de dissoudre le Parlement de Catalogne et de convoquer des élections à tout moment, à condition qu'aucune motion de censure ne soit en cours et que cette dissolution n'intervienne pas avant un an après la précédente. Si un processus d'investiture échoue à élire un président régional dans un délai de deux mois à compter du premier tour de scrutin, le Parlement est automatiquement dissous et une nouvelle élection déclenchée.
Le Parlement est constitué de 135 députés élus pour une législature de quatre ans au suffrage universel direct et suivant le scrutin proportionnel d'Hondt à listes fermées par l'ensemble des personnes résidant dans la communauté autonome où résidant momentanément à l'extérieur de celle-ci, si elles en font la demande.
La Catalogne ne dispose pas de loi électorale propre ; il s'agit, dans ce cas, de la Loi organique du régime électoral général (LOREG) qui s'applique. Le décret de convocation répartit le nombre de sièges à pourvoir conformément à la deuxième disposition transitoire du statut d'autonomie de la Catalogne qui maintient en vigueur la deuxième alinéa de la quatrième disposition transitoire du statut de 1979 disposant que :
« Les circonscriptions électorales seront les quatre provinces de Barcelone, Gérone, Lérida et Tarragone. Le Parlement de Catalogne sera intégré par 135 députés, desquels la circonscription de Barcelone élira un député pour 50 000 habitants, avec un maximum de 85 députés. Les circonscriptions de Gérone, Lérida et Tarragone éliront un minimum de six députés, plus un par tranche de 40 000 habitants, en s'attribuant respectivement 17, 15 et 18 députés. »
Comme dans toute l'Espagne, le vote blanc est reconnu et comptabilisé comme un vote valide. Il est par conséquent pris en compte pour déterminer si un parti a franchi ou non le seuil électoral. En revanche, conformément à l'article 96.5 de la LOREG, seuls les suffrages exprimés sont pris en compte pour la répartition des sièges à pourvoir.
Conditions de candidature
La loi électorale prévoit que les partis, fédérations, coalitions et groupements électoraux sont autorisés à présenter des listes de candidats. Toutefois, les partis, fédérations ou coalitions qui n'ont pas obtenu de mandat au Parlement lors de l'élection précédente sont tenus d'obtenir au moins la signature de 0,1 % des électeurs inscrits au registre électoral de la circonscription dans laquelle ils cherchent à se faire élire, alors que les regroupements d'électeurs sont tenus d'obtenir la signature de au moins 1 % des électeurs. Il est interdit aux électeurs de signer pour plus d'une liste de candidats. En même temps, les partis et les fédérations qui ont l'intention d'entrer en coalition pour participer conjointement à une élection sont tenus d'informer la commission électorale compétente dans les dix jours suivant le déclenchement de l'élection.
Répartition des sièges
Toute candidature qui n'a pas obtenu, au minimum, 3 % des suffrages valides — ce qui inclut les bulletins blancs — dans une circonscription n'est pas admise à participer à la répartition des sièges. La répartition se déroule de la manière suivante :
on ordonne les candidatures sur une colonne en allant de celle qui a reçu le plus de voix à celle qui en a reçu le moins ;
on divise le nombre de voix obtenues par chaque candidature par 1, 2, 3... jusqu'au nombre de sièges à pourvoir dans le but de former un tableau ;
on attribue les sièges à pourvoir en tenant compte des plus grands quotients selon un ordre décroissant ;
lorsque deux candidatures obtiennent un même quotient, le siège est attribué à celle qui a le plus grand nombre total de voix ; lorsque deux candidatures ont exactement le même nombre total de voix, l'égalité est résolue par tirage au sort et les suivantes de manière alternative.
Les sièges propres à chaque formation politique sont attribués aux candidats en suivant l'ordre de présentation sur la liste. En cas de décès, incapacité ou démission d'un député, le siège vacant revient au candidat ou, le cas échéant, au suppléant placé immédiatement derrière le dernier candidat élu de la liste.
Organisées dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les élections sont marquées par une forte baisse de la participation[47]. Celle ci s'établit à 53 %, en baisse de 26 points par rapport à 2017.
Le Parti des socialistes de Catalogne (PSC) mené par Salvador Illa s'impose mais remporte une victoire à la Pyrrhus. La somme des résultats en sièges des différents partis indépendantistes — Gauche républicaine de Catalogne (ERC), Ensemble pour la Catalogne (Junts) et Candidature d'unité populaire (CUP) — les placent en effet en tête, amenant ces derniers à être jugés les grands vainqueurs des élections. En ajoutant le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT), également favorable à l'indépendance, les partis indépendantistes remportent même pour la première fois la majorité absolue des suffrages, totalisant 50,73 % des voix exprimées. Avec 74 sièges sur 135, les trois principales mouvances en faveur d'une indépendance de la région autonome sortent renforcées et devraient conserver sa présidence pour l'un des leurs. Peu avant le scrutin, les trois formations s'étaient ainsi entendues pour exclure le PSC de toute coalition les incluant[48].
Le scrutin est également marqué par l’effondrement de Ciudadanos et, dans une bien moindre mesure, par le recul du Parti populaire. Un double recul qui profite principalement au parti d’extrême droite Vox, qui devient la première formation de « droite nationale » au parlement catalan, où il entre pour la première fois[48].
La situation au lendemain des élections est jugée susceptible de poursuivre la situation de blocage quant aux velléités d'indépendance de la région, avec un renforcement des indépendantistes favorables à l'organisation d'un nouveau référendum reconnu par le gouvernement national, auquel Pedro Sánchez est catégoriquement opposé[48].
Conséquences
À l'ouverture de la XIIIe-XIVe législature le , la majorité indépendantiste obtient cinq des sept places à pourvoir au sein du bureau, dont la présidence qui revient à Laura Borràs de Junts, où la CUP entre pour la première fois. Les deux derniers postes reviennent au PSC, alors que les partis opposés à l'indépendance auraient pu se coordonner pour obtenir un poste supplémentaire en répartissant leurs votes[49].
Le 26 mars, la candidature de Pere Aragonès est rejetée par le Parlement. Celle-ci reçoit seulement 42 suffrages favorables, ceux d'ERC et de la CUP, alors que Junts, en désaccord avec ERC sur la stratégie à mener face au gouvernement espagnol, s'abstient. Les autres partis votent contre[50],[51],[52]. Le 30 mars, au second tour, alors que la majorité relative était nécessaire pour être investi, Aragonès échoue avec le même score. Cet échec ouvre une période de deux mois — décomptée à partir du premier vote — à l'issue de laquelle le Parlement sera automatiquement dissous en l'absence d'une investiture[53]. Le secrétaire général de Junts Jordi Sànchez indique cinq jours plus tard qu'il n'a pas l'intention de spéculer avec la tenue d'un nouveau scrutin et que sa formation permettrait un gouvernement minoritaire d'ERC pour éviter un tel scénario[54].
En raison du caractère férié de la Semaine sainte, les négociations entre la Gauche républicaine et Ensemble reprennent le [55]. Un mois plus tard, Pere Aragonès annonce qu'ERC souhaite constituer seule le gouvernement tout en affirmant vouloir poursuivre les discussions pour une éventuelle coalition mais sans la pression du calendrier électoral, quelques minutes après que le secrétaire général de Junts Jordi Sànchez a affirmé être prêt à assurer quatre voix favorables à son interlocuteur si ce dernier parvenait à un accord d'investiture avec la Candidature d'unité populaire et ECP[56]. Les deux formations reconnaissent que leur désaccord fondamental tourne autour de la coordination de la stratégie indépendantiste, notamment une éventuelle unité d'action de leurs élus au Congrès des députés et la place du Conseil pour la République dirigé par Carles Puigdemont[57]. Jordi Sànchez prévient le qu'il cèdera effectivement quatre suffrages de parlementaires si ERC convainc En Comú d'entrer au conseil exécutif[58].
À l'occasion d'une rencontre entre les dirigeants des deux formations le , Junts indique à ERC ne pas avoir l'intention de permettre l'investiture de Pere Aragonès si ce dernier souhaite gouverner en solitaire[59]. ERC, Junts et la CUP se retrouvent finalement le et s'entendent pour séparer les discussions sur la formation du gouvernement de celles concernant la stratégie d'indépendance, sans que la Gauche républicaine ne renonce à sa volonté de constituer — dans un premier temps — un cabinet monocolore[60]. Un pré-accord pour la mise en place d'un exécutif partagé est cependant annoncé au matin du , à neuf jours de la date limite de dissolution automatique et après 48 h de discussions menées directement par Pere Aragonès et Jordi Sànchez[61].
Une nouvelle session d'investiture, convoquée pour le , se conclut le lendemain par la désignation de Pere Aragonès comme président de la Généralité avec 74 voix favorables[62].
↑Taux incluant les électeurs votant à l'extérieur du territoire de la Catalogne.
Références
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↑(es) Toni Muñoz, « El TSJC notifica a Torra la ejecución inmediata de su inhabilitación », La Vanguardia, (lire en ligne, consulté le ).
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↑(ca) Espagne, Catalogne. « DECRET 114/2020, de 30 de setembre, de substitució del president de la Generalitat de Catalunya. », DOGC, art. 1. (version en vigueur : 30 septembre 2020) [lire en ligne (page consultée le 12 février 2021)].
↑(es) « El Parlament inicia este jueves el plazo de 10 días para consultar si hay candidato a presidente », 20 Minutos, (lire en ligne, consulté le ).
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↑(es) « El Dogc publica el decreto de disolución del Parlament y convocatoria de elecciones en Catalunya », 20 Minutos, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Les élections régionales en Catalogne marquées par le coronavirus, participation en forte baisse à 18 h », France Bleu, (lire en ligne).
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