Les voiries de Paris étaient des dépotoirs, des dépôts publics ou particuliers d'ordures ménagères, d'immondices, de matières fécales humaines et animales et d'animaux morts, dus à l'activité de la ville de Paris, situés à l'intérieur ou en périphérie immédiate de la ville, qui ont existé du Moyen-Âge au XIXe siècle.
Historique
Le besoin de tels dépôts se fit sentir dès que les hommes se sont réunis en un certain nombre dans un espace limité. Au cours du Moyen-Âge, les habitants de chaque rue, obligés au balayage du devant de leurs maisons, louaient en commun un tombereau qui devait amener ensuite les immondices hors la ville. À partir du règne de Philippe Auguste, les voiries, ou décharges publiques, étaient nombreuses et situées à peu de distance de l'enceinte de Philippe Auguste et ont laissé des traces plus durables par l'accumulation des débris qui y furent apportés et formèrent des éminences dont on peut encore retrouver des traces.
Malgré plusieurs ordonnances rendues, en particulier de 1348 à 1350, les voituriers vidaient leur tombereaux à l'intérieur de la ville, au milieu des places un peu vastes au lieu de conduire les ordures dans les champs. Ainsi, à la fin du XIVe siècle, la place Maubert était tellement encombrée d'ordures et infectée, que les marchands des Halles cessèrent d'y venir, chassés par la puanteur. Plusieurs maisons devinrent inhabitées et dans d'autres régnaient des maladiespestilentielles. En 1389, la place fut déblayée et en 1392 une ordonnance interdit, sous peine d'une amende de 40 sous, de porter sur la place de Grève, pendant la nuit et d'y amasser « les fientes des latrines et les boues des égouts »[1]. En 1395, le corps des voituriers est créé. Ces voituriers sont chargés d'enlever, dans des tombereaux, les immondices de Paris et de les conduire aux différentes voiries.
Par la suite, les voiries furent placées hors des portes de la ville[1]. Jusqu'au règne de François Ier, à Paris, les matières fécales étaient transportées chaque jour aux décharges publiques[2]. En 1724, Henri Sauval[3] indique dans son chapitre sur les boues de Paris : « Tous les ans il se lève 100 000 francs pour charier les boues de Paris, cependant il n'y a point de ville plus boueuse, ni si sale, et quoi qu'on ait assez fait de proposition pour le rendre net, jamais elles n'ont été écoutées, ou parce que la chose passait pour impossible ou parce que c'est un revenu considérable pour quelques Grands qui en profitent ».
L'enceinte de Paris ayant été considérablement reculée sous le règne de Charles V et de Charles VI, et les anciennes voiries s'y trouvant renfermées, il fallut en former de nouvelles. Leur nombre fut porté à six.
la deuxième de faible dimension au sud de l'actuelle place Pasdeloup transformée en bastion vers 1610[7].
la troisième près de la porte du Temple dans un quadrilatère entre les rues Béranger et Charlot, le boulevard du Temple et la place de la République aménagée en bastion en 1631-1641. Ce monticule nommé «Bastillon » sur le plan de Bâle de 1550 est représenté couvert de moulins sur le plan de Mérian de 1615[8].
la quatrième était entre la porte du Temple et la porte Saint-Martin, et porte maintenant la rue Meslay et le boulevard Saint-Martin. Sa trace est visible par la surélévation des trottoirs restés au niveau de l'ancienne butte au-dessus de la chaussée creusée pour adoucir la pente. Avant la création du boulevard en 1670, la voirie avait été aménagée en bastion en 1609[9].
la cinquième, la butte aux gravois, était placée entre la porte Saint-Denis et la porte Montmartre. La butte fut partiellement urbanisée à partir de 1513 puis un nouveau quartier établi à partir de 1620 après destruction des constructions lors du siège de 1590. Entre-temps le bord de la butte fut aménagé en bastion en 1634-1635. Le monticule porte l'actuel quartier de Bonne-Nouvelle. Le flanc nord de la colline fut arasé en 1709 pour permettre le passage des véhicules sur le boulevard de Bonne-Nouvelle en contrebas[10].
Ces monticules étaient relativement élevés car tous les plans anciens les représentent couverts de moulins à vent.
Ils donnèrent même des craintes dans quelques circonstances où l'on pouvait appréhender un siège, par l'avantage qu'ils auraient pu donner à l'artillerie des assiégeants. C'est pourquoi les quatre premiers furent aménagés en bastions.
D'après un manuscrit de 1636[11], Paris possédait 9 voiries :
À la fin du XVIIe siècle, Paris ne comptait plus que trois voiries qui recevaient des déjections solides et liquides de ses habitants : les voiries de Montfaucon, du faubourg Saint-Germain et du faubourg Saint-Marceau. Pourtant Henri Sauval[3] en 1724 indique que les boues sont toujours présentes dans Paris : « Ces boues au reste sont noires, puantes, d'une odeur insupportable aux Étrangers, qui pique et se fait sentir à 3 ou 4 lieues à la ronde. De plus cette boue, outre sa mauvaise odeur, quand on la laisse sécher sur de l'étoffe, y laisse de si fortes taches qu'on ne saurait les ôter sans emporter la pièce, et ce que je dis des étoffes se doit entendre de tout au reste, parce qu'elle brûle tout ce qu'elle touche ; ce qui a donné lieu au proverbe : "Il tient comme boue de Paris" ». Vers 1760, la voirie de Montfaucon fut désignée comme principale décharge de la ville et éloignée de 300 mètres de son ancien site proche de l'ancien gibet et reportée au pied des Buttes-Chaumont dans un quadrilatère situé approximativement entre les actuelles rue de Meaux, avenue Secrétan, rue Édouard-Pailleron et Avenue de Laumière.
Devant l'incurie de l'administration, en 1825, les habitants du quartier de la rue de Ménilmontant, qui demandaient depuis longtemps la translation de la voirie, prirent le parti de se faire justice eux-mêmes. Ils fermèrent la voirie et en expulsèrent violemment les tombereaux. Plus tard, les voiries furent réduites à 3 grands dépôts placés à l'entrée de Vincennes, à Montrouge et à Clichy. En 1831, elles furent supprimées et les immondices furent livrées directement à l'industrie. Une ordonnance indiquait : « Les produits du nettoiement doivent être transportés à 2 000 mètres de barrières de Paris, sur des terrains dont l'entrepreneur doit se pourvoir, à ses frais risques et périls, en se conformant aux lois et règlements relatifs au établissements insalubres ». Les anciennes voiries urbaines et publiques sont désormais transformées en dépôts privés disséminés dans les communes rurales. Les immondices y sont transportées par bateaux ou par tombereaux et livrés à l'agriculture sous le nom de gadoues.
Le dépotoir ouvert en 1845 quai de Metz pour évacuer les vidanges vers la voirie de Bondy par le canal de l'Ourcq fut supprimé en 1900 lorsque le tout-à-l'égout fut généralisé. Ce fut la dernière décharge parisienne[5].
Listes de voiries
Liste non exhaustive des voiries de Paris :
Voirie de l'Est, également nommée petite Voirie, qui était située à l'emplacement de la rue du Marché-Popincourt.
Basse Voirie : C'est ainsi que l'on nommait au début du XVIIe siècle un endroit où l'on déposait les boues et les immondices, et qui était situé où se trouve à présent la rue du Clos-Georgeau, près de celle Sainte-Anne, maintenant Helvétius