Jeanne Émilienne Berthe Petit dite Suzanne Derval [ 1] , [ 2] , née le 28 janvier 1865 dans le 12e arrondissement de Paris [ 3] et morte à une date indéterminée après février 1940 , est une actrice de théâtre et demi-mondaine de la Belle Époque dont la carrière artistique est documentée de 1889 à 1911.
Biographie
Jeanne Emiliène[ note 1] Berthe Petit naît en 1865 à Paris, fille d’un tonnelier[ 1] . Devenue couturière, elle se marie en 1883 avec Jules Carpentier, un vannier de Maisons-Alfort. Les époux divorcent en 1889 à la requête du mari. Cette même année, son pseudonyme, Suzanne Derval, apparaît dans la presse.
Tararaboum-Revue en 1893 .
Avant d'entrer au théâtre, Suzanne Derval est modèle pour Charles Chaplin et Carolus-Duran dont on dit qu'elle est leur modèle préféré[ 4] , [ 5] .
Elle étudie la tragédie avec Talbot . « Artiste intermittente » selon Paulus [ 6] , elle débute sur scène au Concert Européen dans les revues de Jules Jouy vers 1889 , au Jardin de Paris ; puis aux Variétés , dans le rôle de Léæna dans une reprise de La Belle Hélène , l'opéra bouffe de Meillac et Halévy en 1890 [ 7] et dans les revues d'Hector Monréal et Henri Blondeau ; à La Cigale dans la revue Sur la Butte d'Albert Pajol en 1891 [ 8] , [ 9] et au Concert parisien [ 10] .
En 1891 -92 , elle a brièvement pour amant Bidard alias Hayères qui escroque les demi-mondaines en leur promettant le mariage, et dont le procès en février 1893 où l'on peut apercevoir à peu de frais les Reines des scènes parisiennes, fait grand bruit[ 11] .
Aux Menus-Plaisirs , elle chante le rôle d'Angèle dans Bacchanale , opérette de Bertal , Lecocq et Hervé en 1892 [ 12] et elle y triomphe, en remplaçant Émilienne d’Alençon , avec la danse serpentine dans Tararaboum-Revue de Paul Terrier et Alfred Delilia [ 13] , [ 14] . Elle passe aux Mathurins en 1893 . Elle joue dans la Revue Sans-Gène de Monréal , Blondeau et Delilia [ 15] et dans Mademoiselle ma femme aux Menus-Plaisirs en 1894 [ 16] , dans la revue Allume ! Allume ! au Parisiana en 1894 [ 17] , dans des rôles parfois très dévêtus[ 5] , [ 18] .
En 1895 , elle donne Le Coucher d'Yvette , pantomime de Francisque Verdellet, accompagnée d'une musique d'Eugène Arnaud . C'est ce qu'on appelle à l'époque un déshabillé de théâtre[ 19] , ancêtre du strip-tease , crée par Blanche Cavelli , en 1894. À Georges Montorgueil venu l’interviewer, elle déclare : « le transparent n'est pas pour me déplaire, mais entendez ce transparent qui simplement se rose au contact, comme si, timide, il rougissait des frôlements[ 20] . »
En 1897 , le journal Gil Blas publie une liste de « théâtreuses », des femmes « autrefois amuseuses » mais « devenues artistes », dans laquelle on rencontre notamment les noms de Liane de Pougy , Émilienne d’Alençon , Renée de Presles, Blanche de Marcigny, Mathilde Castera, Léo Guyon, Suzanne Derval et Rose Demay [ 21] , [ 22] .
Fin 1897 , elle passe aux Variétés dans Paris qui marche , revue d'Hector Monréal et Henri Blondeau , musique d’Henri Chatau [ note 2] , avec pour partenaire Juliette Méaly , Germaine Gallois , Ève Lavallière , Amélie Diéterle , Émilienne d’Alençon et Rose Demay [ 23] , [ 24] , [ 25] , [ 26] , [ 27]
Elle figure dans le premier fascicule illustré, dans la série intitulée Les Reines de Paris chez elles , publiée en 1898 , aux côtés des artistes, des reines de beauté et des demi-mondaines : Clémence de Pibrac , Albany Debriège , Cléo de Mérode , Liane de Pougy , Émilienne d'Alençon qui montre une frontière floue entre cabaret et demi-monde [ 28] . Elle apparait aussi dévêtue dans la revue Paris-Chansons à l'Eldorado [ 29] .
En 1898 , au théâtre des Variétés , elle joue dans la revue de printemps Le Tour du Bois de Gaston Serpette , livret de Oudot et de Gorsse et le rôle de Clara dans une reprise d'Un chapeau de Paille d'Italie de Marc Michel et d'Eugène Labiche [ 30] , [ 31] . Elle passe aussi dans la revue du Parisiana [ 32] . En 1899 , elle passe à l'Olympia dans Les Sept Péchés capitaux de Maurice de Marsan , musique d'Henri Hirschman [ 33] , [ 34] .
En 1900 , elle joue dans une reprise de La Poudre de Perlinpinpin des frères Cognard au Chatelet [ 35] . En 1901 , elle crée un rôle dans En fête ! , comédie d'Auguste Germain à l'Athénée [ 36] , [ 37] .
En 1902 , Suzanne Derval triomphe dans la Revue des Variétés de Paul Gavault et Adrien Vély , avec Albert Brasseur , Max Dearly , Juliette Méaly et Ève Lavallière [ 38] ; dans Hé ! Hop ! au Casino de Paris [ 39] ; elle joue le rôle de la commère dans la revue C'est d'un raid ! de P.-L. Flers , musique de Charles Raiter , à la Scala [ 40] .
En 1903 , elle passe dans la Revue à Poivre à la Scala [ 41] . Elle joue dans des reprises des opérettes d'Offenbach , elle passe à l'Olympia en 1905 dans Les Saisons de la Parisienne d'Alfred Curti et Louis Varney [ 42] , [ 43] ; au Casino de Paris , et dans la Revue du Centenaire aux Variétés en 1907 [ 44] . En 1908 , elle est la commère de la revue V'la le Potin mondain de Paul Fargue et Paul Faron à la Comédie-Royale [ 45] ; en 1910 , dans la revue de Nozière et Mirande à la Comédie-Royale [ 46] .
En 1911 , elle crée quelques pièces de Sacha Guitry à la Renaissance : Feu de paille [ 47] , Un beau Mariage où elle tient le rôle d'une cocotte [ 48] , [ 49] , [ 50] , [ 51] puis quitte définitivement la scène. Elle a alors 46 ans.
En 1927, Suzanne Derval s'installe à Cannes, dans une maison qu'elle vient d'acquérir rue Clémenceau. On perd définitivement sa trace après qu'elle l'a revendue, en février 1940[ 1] . Elle avait alors 75 ans.
Vie privée
Le journal Gil Blas , sous-entend une relation avec Liane de Vriès , allusion aux plaisirs saphiques que les courtisanes se plaisent à exalter dans leurs écrits[ 52] .
Suzanne Derval est l'amie de Colette et lui aurait inspiré le personnage de Léa de Chéri [ 53] , [ 54] , [ 55] , [ 56] . Elles fréquentent toutes les deux le « cercle des arts et de la mode », Villa d'Eylau .
Suzanne Derval invite Willy et sa femme Meg Villars , chez elle à Trouville-sur-Mer , en 1910 [ 57] , [ 58] .
Iconographie
Suzanne Derval a été immortalisée par les peintures de Charles Chaplin [ 59] et Carolus-Duran [ 4] , [ 5] .
Elle est croquée par le caricaturiste André Rouveyre [ 60] , [ 61] ,
Notes et références
Notes
↑ Et non Émilienne, d'après son acte de naissance.
↑ qui compose notamment pour cette revue, la célèbre chanson, Frou-frou .
Références
↑ a b et c Dominique Salva, « Madame X…, dite Suzanne Derval, demi-mondaine », sur Enquêtes d'identité , 4 août 2022 (consulté le 23 décembre 2022 )
↑ Le krach Bidard. Deuxième représentation. Le XIXe siècle , 26 février 1893, p. 3, à lire en ligne sur Gallica
↑ Acte de naissance n° 221 (vue 8/16) sans mentions marginales. Archives en ligne de la Ville de Paris, état-civil du 12e arrondissement, registre des naissances de 1865.
↑ a et b Georges Montorgueil , Les Déshabillés au théâtre , 1896 (lire en ligne )
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↑ « Comoedia », sur Gallica , 1er août 1920 (consulté le 14 décembre 2020 )
Bibliographie
: documents utilisés comme source pour la rédaction de cet article :
Le Monde artiste puis "illustré" , Paris, 1862-1914 (lire en ligne ) , lire en ligne sur Gallica
L’Europe artiste , Paris, 1853-1904 (lire en ligne ) , lire en ligne sur Gallica
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Stéphane Tralongo, « Du côté de Cythère. Le “demi-monde” des actrices de Marcel Proust », Revue d'études proustiennes , vol. Proust au temps du cinématographe : un écrivain face aux médias, no 4, 2016 , p. 155-178 (lire en ligne , consulté le 8 décembre 2020 ) .
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