L'Autre…L'autre...
Logo présent sur la pochette de l'album.
Albums de Mylène Farmer Singles
L'autre... est le troisième album de Mylène Farmer, sorti le chez Polydor. Composé de dix titres, ce disque est entièrement écrit par Mylène Farmer et composé par Laurent Boutonnat. Bien qu'elle continue d'évoquer des thèmes comme la mort, la religion ou le sexe, la chanteuse se livre davantage sur ses émotions et ses doutes, reconnaissant le besoin de l'autre. Salué par la critique et porté par le succès des singles Désenchantée, Regrets (en duo avec Jean-Louis Murat), Je t'aime mélancolie et Beyond My Control, l'album reste classé no 1 durant 20 semaines et s'écoule à plus de deux millions d’exemplaires, demeurant la meilleure vente d'albums de la chanteuse. Il devient, à terme, le deuxième album féminin le plus vendu en France, après D'eux de Céline Dion, paru en 1995). Le premier extrait, Désenchantée, est également sa meilleure vente de singles (plus de 1 300 000 exemplaires). Grâce à cet album, Mylène Farmer remporte le titre de l'« Artiste français ayant vendu le plus de disques dans le monde » aux World Music Awards et a droit à un nouvel article dans le Livre Guinness des records. HistoireGenèseEn 1989, portée par le triomphe de son album Ainsi soit je... (disque de diamant pour plus d'un million d'exemplaires vendus)[2], Mylène Farmer effectue sa première tournée, immortalisée sur l'album Mylène Farmer en concert qui sort en . Mylène Farmer profite de cette période pour s'intéresser à la peinture et pour lire Pierre Reverdy, Emily Dickinson et Emil Cioran[5]. S'ensuivent l'écriture et l'enregistrement d'un nouvel album, pendant près de six mois[6]. SortieL'album L'autre… sort le , annoncé par le single Désenchantée qui connaît un énorme succès : no 1 du Top 50 durant 9 semaines, Désenchantée sera la chanson la plus diffusée de l'année 1991 en France[7]. Dès sa sortie, l'album connaît lui aussi un véritable triomphe, se classant no 1 des ventes durant 20 semaines[8]. Drame chez PolydorC'est à cette époque, le [10], qu'un drame se produit au sein des locaux de Polydor. Mylène Farmer prendra alors beaucoup de distance vis-à-vis de son personnage public, en se faisant de plus en plus discrète dans les médias[12]. PochetteLa pochette de l'album, signée par Marianne Rosenstiehl, présente Mylène Farmer allongée, les cheveux courts, fixant l'objectif devant un fond blanc.
Sur son dos est posé un grand corbeau noir. Elle déclarera : « Le corbeau s'est imposé à cause de son aspect paradoxal. Considéré comme un oiseau de mauvais augure, il est, dans ce cas, protecteur. D'ailleurs, en Afrique noire, c'est le symbole de cet animal. Et, dans La Genèse, Noé ne l'utilise-t-il pas comme un messager ? J'aimais ce paradoxe, cette opposition de sa noirceur et de ma blancheur »[13]. La silhouette de ce corbeau apparaîtra également sur les supports des quatre singles de l'album. Liste des titres
Description des chansonsEntièrement écrit par Mylène Farmer, l'album reste dans la même lignée que le précédent : « L'amour et la mort sont mes thèmes de prédilection, c'est la peur du lendemain, une certaine mélancolie, une tristesse… Peut-être que mon regard a changé, mes mots aussi, par rapport à ce que j'ai pu vivre entre-temps »[17]. « Je suis beaucoup plus impudique dans cet album que dans le précédent. Le sexe, c'était le rempart. Parler de ce que je ressens dans mon cœur et dans mon âme, c'est de la mise à nu »[18]. La mélancolie est effectivement présente dans la plupart des textes, comme en témoignent les titres de certaines chansons (Désenchantée, Regrets, Je t'aime mélancolie, Il n'y a pas d'ailleurs). Si, contrairement aux albums précédents, l'enfance n'est pas évoquée, la religion l'est à plusieurs reprises[5], souvent dans des formes de rejet comme dans Agnus Dei, où elle fait état d'excommunication, ou Désenchantée (« Si le ciel a un enfer, le ciel peut bien m'attendre »). La sexualité est, quant à elle, évoquée dans Pas de doute (un texte à double sens l'éjaculation précoce) et Beyond My Control. Signant l'intégralité des musiques, Laurent Boutonnat poursuit dans un registre pop, alternant ballades (L'autre, Regrets, Il n'y a pas d'ailleurs, Nous souviendrons nous), titre enjoués (Désenchantée, Je t'aime mélancolie, Pas de doute) et musiques plus sombres (Agnus Dei, Psychiatric, Beyond My Control). Des voix masculines sont présentes sur près de la moitié des titres, sous forme de chant (Agnus Dei, Regrets) ou de samples (Psychiatric, Beyond My Control), laissant ainsi plus de place à « l'autre ». Agnus DeiL'album s'ouvre avec un titre mystique qui fait référence à l'Agnus Dei, une prière chrétienne issue de l'Évangile selon Jean signifiant « Agneau de Dieu » en latin et désignant Jésus-Christ dans son rôle de victime sacrificielle. Après une longue introduction musicale, la chanteuse utilise un vocabulaire religieux propre au catholicisme (« extrême-onction », « génuflexion », « hérésie », « impie », « excommuniée »...) dont tous les couplets commencent par les mots « De mutilation, en... ». En guise de refrain, elle intègre la prière latine (« Agnus Dei qui tollis peccata mundi, Miserere nobis, Miserere nobis »), qui est ici interprétée par Christopher Thompson[5]. Elle déclarera s'être inspirée du film Les Diables, de Ken Russel[6], un film dont l'action se déroule sous l'Inquisition et qui dénonce l'intolérance religieuse et les préjugés sur la sexualité[19]. DésenchantéeInspirée par l'ouvrage Sur les cimes du désespoir du philosophe roumain Emil Cioran[5], Mylène Farmer écrit Désenchantée, un texte dans lequel elle évoque une « perte d'illusion permanente »[20] mais qu'elle ne qualifie pas de triste pour autant : « Rien ne tient, de nos idéaux, de nos espoirs. Pourtant, ce n'est pas triste. Une énergie, comme une révolution, la fin des leurres peut-être »[3]. La noirceur des paroles (« Nager dans les eaux troubles des lendemains, attendre ici la fin », « Flotter dans l'air trop lourd du presque rien, à qui tendre la main », « Plus rien n'a de sens, plus rien ne va », « Tout est chaos, à côté ») est contrebalancée par une rythmique très dynamique à base de piano et de synthétiseurs, et laisse par moments entrevoir quelques notes d'espoir (« Pourtant, je voudrais retrouver l'innocence », « Je cherche une âme qui pourra m'aider »), tout en rejetant l'idée de trouver ce salut dans la religion (« Si le ciel a un enfer, le ciel peut bien m'attendre »). L'autreIntroduit par une douce mélodie de piano, ce titre, dont le texte évoque le besoin de l'autre, est la première chanson lente de l'album. Demandant à plusieurs reprises dans le refrain « Mais qui est l'autre ? », ce dernier prend tour à tour la forme d'un ami, d'un ange (« Je veux croire alors qu'un ange passe, qu'il nous dit tout bas "Je suis ici pour toi", et toi c'est moi ») ou d'une autre entité (« Toi et moi du bout des doigts, nous tisserons un autre. Un autre moi, une autre voix, sans que l'un chasse l'autre »). La chanteuse confirmera : « Cela peut être l’autre moi, l’autre, le compagnon. J’ai pris ce mot pour évoquer beaucoup de choses dont certaines ne sont pas visibles et planent au-dessus de nous. Pour ce qui est de la chanson, elle parle de la présence très volatile de quelqu’un. C’est quelqu’un en particulier pour moi mais qui n’a pas de nom, qui n’a pas de chair »[20]. La phrase « En toi ma vie s'est réfugiée » rappelle un vers de Prière à la mort, de la poétesse et psychanalyste allemande Lou Andreas-Salomé[21]. Je t'aime mélancolieSur une musique dynamique, Mylène Farmer écrit Je t'aime mélancolie, un texte sarcastique dans lequel elle assume son goût pour la mélancolie (« J'ai comme une envie de voir ma vie au lit », « Un long suicide acide, je t'aime mélancolie », « Sentiment qui me mène à l'infini, mélange du pire, de mon désir »). Les couplets sont prononcés à la manière d'un rap, un genre musical qui n'avait pas encore explosé en France lors de la sortie de l'album (Bouge de là de MC Solaar, considéré comme le premier tube rap en France[23], ne connaîtra le succès qu'au cours de l'[24]). L'ingénieur du son Thierry Rogen déclarera s'être inspiré du titre Lovely One des Jackson 5 pour la rythmique de ce morceau[25]. PsychiatricCe titre, déjà présent sur la face B du single Allan (live) sorti en , est proposé ici dans une version remixée. Mylène Farmer dira : « Laurent a complètement développé et refait Psychiatric. La nouvelle version est encore plus... "clinique" »[20]. Rendant hommage au film Elephant Man de David Lynch, ce morceau, entièrement en anglais et comportant de nombreux bruitages inquiétants, est principalement instrumental : la voix de l'acteur John Hurt est samplée tout au long de la chanson, répétant plusieurs fois « I'm a human being, I'm not an animal ». Les seuls mots chantés par Mylène Farmer sont « It's easy this time to loose my mind »[5]. La chanteuse expliquera avoir écrit cette chanson après avoir vu un documentaire sur un asile d'aliénés en Grèce où les internés étaient abandonnés, livrés à eux-mêmes et réduits à un statut d'animal[26]. « C’est un univers qui me fascine… Du moins cette imagerie de la psychiatrie. C’est passionnant parce que bouleversant et incompréhensible »[20]. RegretsEn 1989, Mylène Farmer déclare apprécier Jean-Louis Murat, un jeune chanteur peu connu du grand public[27]. Elle lui adresse une lettre, qui sera la première d'une correspondance qui durera un an[28], et écrit ensuite Regrets en s'imaginant chanter cette ballade avec lui. Dans ce texte très romantique, elle évoque sous la forme d'un dialogue les sentiments d'un couple frappé par la mort de l'un des deux (« Debout la tête ivre de rêves suspendus, je bois à nos amours infirmes », « Au vent que je devine, nos lèvres éperdues s'offrent des noces clandestines »). Le vers « Au vent que je devine » est emprunté au poème Grain blanc de Pierre Reverdy, issu du recueil Sources du vent publié en 1929[7]. Pas de douteSur une musique enjouée, ce titre est un pamphlet contre la gent masculine et offre un texte à double sens[5], pouvant évoquer à la fois la fuite d'un homme face aux problèmes mais également l'éjaculation précoce (« Tu précipites, moi je prends mon temps », « Pas de doute ainsi c'est sans doute une fuite, mais te décharger de tout c'est illicite »), l'impuissance (« Tout n'est qu'une vaine mise en scène, tes faux départs sont toujours les mêmes ») et la routine sexuelle (« Tes va et vient sont toujours les mêmes »), égratignant ainsi la virilité de l'homme (« Ton point de vue tordu sur le sexe faible s'effondre un rien dans un cas pareil »). Selon Mylène Farmer, « Pas de doute fait partie du cycle Libertine, Pourvu qu'elles soient douces. Là encore j’ai sûrement certains comptes à régler avec la gent masculine. C'est une façon de ne pas se prendre au sérieux pour la chanson un peu différente du reste de l’album »[20]. Il n'y a pas d'ailleursMalgré son titre et sa mélodie lente et sombre, ce titre se révèle finalement assez optimiste[5], la chanteuse s'adressant à une personne malheureuse (« Tant de jours, de nuits trop brèves, ces soupirs que tu achèves, sans y croire ») en essayant de lui redonner espoir (« Pour renaître de tes cendres, il te faudra réapprendre, aimer vivre, rester libre », « Il n'y a pas d'ailleurs, tu sais que ta vie c'est ici »). Un extrait du texte (« Délaisser tes amertumes, te frayer jusqu'à la lune un passage ») semble inspiré de la nouvelle Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall d'Edgar Allan Poe[29]. La fin de la chanson est marquée par l'apparition d'une snare, rappelant une marche militaire[5]. Beyond My ControlCe texte, qui fait référence au roman Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, relate une histoire d'amour passionnelle qui finit dans le sang[20] à la suite d'infidélités répétées (« Je n'comprends plus pourquoi j'ai du sang sur mes doigts », « Lâche! C'est plus fort que toi, toujours en cavale », « C'était plus fort que moi, même si je sens là l'effroi envahir tout mon être »). Selon la chanteuse, ce titre « a une écriture plus cinématographique que les autres. Ce sont des images assez précises et rapides, comme ça, qui suggèrent tout de suite un état. C'est vrai que j'imagine tout à fait le scénario »[30]. Nous souviendrons nousCette chanson lente est dotée d'une musique très douce, dont certains accords de piano reprennent ceux de Désenchantée. Le texte fait office de bilan sur la vie et ses rencontres[5] et note que, malgré l'importance de ces rencontres (qui symbolisent « l'autre »), la solitude et les doutes finissent toujours par reprendre le dessus (« Nos vies sont des larmes d'aquarelle, nous ne sommes reliés qu'à nous-mêmes », « Et si je perds la foi, en nous, en tout, c'est bien malgré moi, nulle prière. A chacun de nos pas je doute de tout, nous souviendrons-nous de nous ? »). Le vers « Aux vies qui s'abaissent à voir la mienne, je sais qu'il me faudra prendre congé d'elles » semble inspiré du poème 273 du recueil Une âme en incandescence d'Emily Dickinson[31]. Accueil critique
SinglesQuatre chansons sont sorties en single : Désenchantée, Regrets, Je t'aime mélancolie et Beyond My Control. DésenchantéeDésenchantée sort en single le , soit trois semaines avant l'album L'autre.... Réalisé par Laurent Boutonnat, le clip est tourné en Hongrie, dans une usine désaffectée de Budapest et dans la plaine Apaj Puszta[41]. Cet univers carcéral dans lequel finit par souffler un vent de révolte s'inspire, entre autres, du roman Oliver Twist de Charles Dickens et de son adaptation en film par David Lean, mais aussi du tableau La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix[42]. Disque d'or[43], no 1 du Top 50 durant 9 semaines, Désenchantée est la chanson la plus diffusée de l'année 1991 en France[7] et connaît également le succès dans plusieurs pays, s'écoulant à plus de 1 300 000 exemplaires[44]. Elle demeure un des titres les plus emblématiques des années 1990 et parvient à traverser les générations, demeurant la chanson de Mylène Farmer la plus écoutée sur les plateformes de streaming. RegretsLa ballade Regrets, en duo avec Jean-Louis Murat, sort en single le [7], alors que Désenchantée continue de figurer parmi les meilleures ventes de disques et que l'album est toujours no 1 du Top Albums. Le clip, en noir et blanc, a été tourné dans le cimetière juif de Salgótarjáni út, un cimetière abandonné de Budapest, en Hongrie[5]. Le scénario onirique, dans lequel un homme retrouve son amante disparue, a été écrit par Mylène Farmer et Laurent Boutonnat. La chanson connaît le succès, atteignant la 3e place du Top 50 où elle reste classée durant 16 semaines (dont 10 semaines dans le Top 10)[45], et est certifiée disque d'argent[43]. Je t'aime mélancolieJe t'aime mélancolie sort en single le dans une version raccourcie et remixée[7]. Réalisé par Boutonnat, le clip présente la chanteuse sur un ring pour un combat de boxe française. Le match est entrecoupé de passages chorégraphiés de la chanteuse entourée de dix danseuses, dans des tenues signées Jean-Paul Gaultier. Le titre connaît le succès, atteignant la 3e place du Top 50[46] où elle reste classée durant 17 semaines (dont 8 semaines dans le Top 10), et la 2e place des diffusions radio[47]. Beyond My ControlAprès les sonorités pop de Désenchantée, la douceur de Regrets et le côté percutant de Je t'aime mélancolie, Mylène Farmer choisit Beyond My Control, un titre plus sombre, en tant que dernier extrait de l'album. Le single sort le [7] dans une version légèrement raccourcie et remixée. Réalisé par Boutonnat, le clip crée le scandale à sa sortie et la plupart des chaînes décident de le censurer en raison de scènes jugées trop sexuelles et trop sanguinolentes[48] (des loups dévorant une charogne, des ébats sexuels, un baiser ensanglanté, la chanteuse en train de brûler sur un bûcher...). Malgré cette polémique, la chanson connaît le succès, atteignant la 8e place du Top 50[49] et la 2e place des diffusions radio[50]. Classements et certificationsEntré directement no 1 du Top Albums dès sa sortie, L'autre... reste classé no 1 des ventes durant 20 semaines[8].
Certifié disque de platine au bout d'un mois pour plus de 300 000 ventes, il obtient un double disque de platine au bout de cinq mois[51] et dépasse le million de ventes au début de l'année 1992, lui permettant de décrocher un disque de diamant[9]. À l'étranger, l'album connaît également le succès, se classant dans plusieurs pays européens, et permet à la chanteuse de devenir une star en Russie[57]. Double disque de platine en Belgique pour plus de 120 000 ventes[58], il est également certifié disque d'or en Suisse. En , Mylène Farmer remporte alors le titre de l'« Artiste français ayant vendu le plus de disques dans le monde » lors de la cérémonie des World Music Awards[5].
Crédits
Liens externesNotes et références
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