Connu du grand public par le roman Le Pays où l'on n'arrive jamais, prix Femina1955, il est l'auteur d'une œuvre abondante et singulière, où s'exprime un merveilleux proche du quotidien, dans lequel le rapport à la nature joue un grand rôle. Ses textes sont étudiés au collège, sous forme de courts extraits.
Biographie
André Dhôtel naît le à Attigny[1], et c'est dans ce village qu'il passe ses six premières années. Il écrit les souvenirs de cette époque au voisinage du gué de l'Aisne dans Un jour viendra, en 1972. Le père d'André Dhôtel est nommé en 1907commissaire-priseur à Autun, et la famille le suit. Mais André reviendra pour les vacances dans ses Ardennes natales, à Saint-Lambert où vivaient ses grands-parents. Il pratique alors l'école buissonnière et parcourt la région d'Autun, découvrant la nature, mais regrettant sans cesse les premiers paysages ardennais. D'Autun, il poursuit sa scolarité au lycée Sainte-Barbe à Paris.
Nommé surveillant dès novembre 1918 à Sainte-Barbe, en compagnie du futur chansonnier Raymond Souplex, il prépare en même temps une licence de philosophie. André Dhôtel effectue son service militaire de 1920 à 1923, avec les écrivains Georges Limbour, Roger Vitrac et Marcel Arland. Il fonde avec ce dernier la revue Aventure en 1921, et publie également l'unique numéro de la revue Dès.
Bénéficiant des lacunes d'effectifs dues à la Grande Guerre, il est nommé professeur à l'Institut supérieur d’études françaises d’Athènes en 1924, il découvre ainsi la Grèce et ses îles pendant ses quatre années à l'Institut français d'Athènes. Il n'est pas rare de trouver des personnages grecs ou des expressions hellénophiles dans ses romans. Sur le monde hellénique, il a écrit notamment quatre romans : Ce lieu deshérité, paru à la NRF Gallimard en 1949, Ma chère âme, NRF Gallimard en 1961, L'Île de la Croix d'Or, paru en 1979, Lorsque tu reviendras, Phébus, 1986.
Rentré en France, il est nommé au collège de Béthune en 1928 et publie ses premiers textes poétiques. Nommé ensuite à Provins, il publie en 1930Campements, son premier roman, et s'y marie en 1932 avec la fille d'un négociant en vins, Suzanne Laurent. Leur fils François naît en 1933.
Toutefois, en marge d'une vie de famille sereine et heureuse, sa carrière littéraire stagne. De 1930 à 1940, l'écrivain est refusé par les principaux éditeurs.
De 1935 à 1938, il est en poste à Charolles. Déçu, puisqu'il souhaite ardemment être nommé à Paris ou dans sa banlieue voisine, il sombre dans une profonde dépression et doit être momentanément interné. Le professeur dépressif est, malgré ses demandes, nommé à Valognes en Normandie en 1938 où il rechute mentalement pendant plusieurs mois. Rétabli, il est mobilisé quelque temps en 1940.
C'est finalement grâce à son ami Jean Paulhan qu'il retrouve le chemin de la publication et de l'enseignement apaisé. Paulhan fait accepter son roman Le Village pathétique à la NRF et use de ses relations avec les services académiques pour le faire nommer professeur à Coulommiers en 1943, là où il finira sa carrière professionnelle en 1961. Il y publie presque chaque année un roman et crée la revue 84, en compagnie de Marcel Bisiaux, Jacques Brenner, Alfred Kern, Armen Lubin et Henri Thomas. Son roman David, publié en 1947 aux Éditions de Minuit, reçoit le prix Sainte-Beuve.
Après sa retraite de l'enseignement, il va habiter à Paris et se construit une maison de vacances à Saint-Lambert-et-Mont-de-Jeux, à quelques kilomètres de sa ville natale Attigny. Cette dernière l'honore en 1984 du titre de citoyen d'honneur. Après sa mort, Saint-Lambert-et-Mont-de-Jeux baptise sa rue principale « rue André-Dhôtel ».
André Dhôtel meurt le dans le 15e arrondissement de Paris[1], un an jour pour jour après son épouse, et il est inhumé à ses côtés dans le cimetière de la Ville basse de Provins[2].
L'écrivain
André Dhôtel est un écrivain du merveilleux quotidien, comme le démontre son roman intimiste Bonne nuit, Barbara (1979). Il montre, au-delà des fantaisies propres à chaque personnage, un goût pour la vie des choses, la terre et sa végétation, notamment les milieux ouverts comme la prairie, les champs, les clairières forestières, les vallées observées d'un promontoire ou bien les fleurs, les graminées, les espèces prairiales et leurs hôtes. Il s'inscrit dans la grande tradition ou lignée européenne des romantiques allemands. Les thèmes d'aventures fantastiques ou de confrontations au monde mystérieux, par exemple propres à cette tradition, sont présents dans les romans suivants :
Les Voyages fantastiques de Julien Grainebis, 1958
Le Neveu de Parencloud, 1959-1960.
L'exploration des souvenirs est également calquée sur cette tradition littéraire :
Vaux étranges, 1986 ;
Terres de mémoire, 1979 ;
Lointaines Ardennes, 1979.
André Dhôtel est aussi un excellent connaisseur de la Grèce antique et un admirateur de ces horizons contemporains. Il a étudié avec une pénétration personnelle la philosophie antique durant ses jeunes années[3]. Jeune romancier sans succès, il semble s'opposer tacitement à l'approche philosophique d'Alain, dont les propos subtils sur le bonheur communicatif ou de la communication et l'optimisme pacifiste étaient hégémoniques, si ce n'est à la mode au début de l'entre-deux-guerres. Après avoir subi les souffrances de plusieurs dépressions mentales, parfois graves au point d'être interné à l'asile, André décide de s'adonner à une vie simple, l'étonnement devenant alors une condition émotive de toute quête du corps et de l'esprit et un don pour cette vie simple, ce qui n'empêche pas une conquête ultérieure dans les champs de la création (mythopoïèse) et du désir de savoir ou de sciences (libido sciendi).
Rue André-Dhôtel à Mont-de-Jeux.
La maison d'André Dhôtel à Mont-de-Jeux, dite la « Maison Blanche ».
Salon de sa maison à Mont-de-Jeux, laissé en l'état.
Vue du jardin de sa maison vers la vallée de l'Aisne.
Le plateau de Mazagran, site du livre du même nom.
Citation d'André Dhôtel
« La seule voie d'espoir et de salut, celle de la curiosité et de l'étonnement. Comment serait-on étonné sans trouble et sans mystère ? Et comment vivre si on ne s'étonne jamais ? » Les mots espoir et salut prennent une nette connotation politique et religieuse, si la recherche personnelle ou individuelle s'agrège à un monde collectif ou à une société.
Les papiers personnels, les manuscrits des œuvres littéraires et philosophiques et la correspondance d'André Dhôtel sont conservés aux Archives départementales des Ardennes sous la cote 144J[5]. Après le décès de son père, son fils François Dhôtel a déposé ses archives à la Bibliothèque universitaire d’Angers où des recherches universitaires ont été réalisées autour de l'écrivain. Toutefois, en 2019 François Dhôtel a souhaité revenir sur ce dépôt et faire don du fonds André Dhôtel au Département des Ardennes[6]. Il a complété ce premier don par un deuxième don en 2021 comprenant des pièces de correspondance, des cahiers de notes et des documents relatifs à la passion d'André Dhôtel pour la musique et la nature. Tous ces documents sont librement communicables pendant les horaires d'ouverture de la salle de lecture des Archives départementales.
Le Club des cancres, (récit paru primitivement dans le no 1029 du du Mercure de France) ill. et postface de Jean-Claude Pirotte, Paris, La Table Ronde, 2007.
D’un monde inconnu, ill. de Daniel Nadaud, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2012.
Le Petit Livre clair, Arras, Le Rouge et le noir, 1928 ; Montolieu, Deyrolle & Théodore Balmoral, 1997, (préface de Thierry Bouchard).
La Chronique fabuleuse, Paris, Mercure de France, 1960 ; ce texte et ses avatars cités plus haut peuvent être lus comme des recueils de prose poétique.
La Vie passagère, Paris, Phébus, 1978.
Poèmes comme ça, Cognac, Le Temps qu’il fait, 2000 (préface de Jean-Claude Pirotte).
Essais
L'œuvre logique de Rimbaud, Mézières, Éditions de la Société des écrivains ardennais, 1933.
Rimbaud et la révolte moderne, Paris, nrf Gallimard, 1951.
Saint Benoit-Joseph Labre, Paris, Éditions Plon, 1957.
Le Roman de Jean-Jacques, Paris, Éditions du Sud, 1962.
La vie de Rimbaud, Paris, Éditions du Sud, 1965.
Nord-Flandre Artois-Picardie, texte par André Dhôtel, photographies par Jacques Fronval, Christian de Rudder, Alain Perceval, Jacques Verroust, série Tourisme en France nr 17, Paris, Éditions SUN, 1971.
Jean Follain, série Poètes d'aujourd'hui nr 49, Paris, Éditions Pierre Seghers, 1972.
Jean Paulhan, série Qui suis-je ?, Paris, Éditions La Manufacture, 1986.
La littérature et le hasard, recueil de textes établi et présenté par Philippe Blondeau, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2015.
Entretiens
L'École buissonnière, entretiens avec Jérôme Garcin, Paris, Pierre Horay, 1984
Préfaces/ postfaces
Edmond Dauchot, Ardenne bien aimée, préface d'André Dhôtel, Paris-Gembloux, J. Duculot, 1976
René Henoumont, Edmond Dauchot : le photographe de l'Ardenne d'autrefois, introduction de Georges Vercheval, avec un témoignage de René Henoumont et une postface d'André Dhôtel, Tournai, La Renaissance du Livre, 2000 (ISBN2-8046-0423-3)
Bibliophilie
Le Chemin, pointe-sèche d'Edmond Rigal, arenella Édition
Marie-Hélène Boblet, « Désintéressement et gratuité du récit dhôtelien », dans Françoise Revaz et michel Diègnes (dir.), Le récit minimal : Du minime au minimalisme. Littérature, arts, médias, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012. (ISBN9782878547542). [lire en ligne].
Jean-Claude Cagnon, La jeunesse d'André Dhôtel à Autun (1900-1991), revue « Images de Saône-et-Loire » no 88 (hiver 1991-1992), p. 18.
Christine Dupouy, André Dhôtel. Histoire d'un fonctionnaire, éditions Aden, coll. Le cercle des poètes disparus, 2008
Yves Leclair, Premier inventaire de la valise, Prendre l'air, Mercure de France, 2001
Laurence Motoret, « Le Temps du Dhôtelland », in Sigila no 10, 2002
Patrick Reumaux, L'Honorable Monsieur Dhôtel, 26150 Die, La Manufacture, 1984