Au tout début, nous trouvons l’étoile mul.TI8.mušen = Erû, « l’Aigle », affectée sans hésitation à α Aql dès la fin du 2e millénaire avant notre ère[14] (voir la constellation de l’Aigle).
Cette étoile est décrite comme « l’étoile qui est au milieu de la tête » de Ἀετός pour les Grecs[15], puis d’Aquila pour les Latins et d’al-ᶜUqāb pour les Arabes[16].
Mais ces derniers connaissent déjà, dans le ciel arabe traditionnel, cette étoile sous le nom de الطائر النسر al-Nasr al-Ṭā’ir, « l’Aigle Volant », qui forme, dans le ciel arabe traditionnel, un couple avec النسر الواقع al-Nasr al-Wāqiᶜ, « l’Aigle Tombant » , qui désigne α Lyr[17], mais il est clair que cet aigle-là, celui qui est identifié à α Aql, et qui appartient aux premiers calendriers arabes de type παράπηγμα ou calendriers de anwā’, est un héritage direct de Mésopotamie par une voie araméenne[18].
Figurant sur l’astrolabe, le nom est très tôt raccourci enالطائر al-Ṭā’ir[19], et peut dès l’an mil passer dans les textes latins, notamment Annazratair chez Llobet de Barcelone, et Altair dans l’école de Gerbert d’Aurillac et chez Hermann de Reichenau[20],[21]. En traduisant les versions arabes de la Μαθηματική σύνταξις de Ptolémée (IXe s.), Gérard de Crémone donne Stellatio Aquile, & est vultur volans[22], et que l’on retrouve sous les formes Atair et vultur volans dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603)[23]. Le nom d'Altaïr a donc traversé les siècles et a fini, à partir du XIXe par s’imposer au détriment de la version latine, Vultur cadens, rencontrée chez Gérard de Crémone (ca. 1175), en français « l’Aigle chéant » et « Aigle volant » chez Hagin le Juif (1270)[24].
En Chine et au Japon
En chinois, α Aql est nommée « Niu Lang » (牛郎), en japonais, « Hikoboshi » (彦星). Au Japon comme en Chine, Altaïr est mentionnée dans la légende de la Tisserande et du Bouvier. La 7e nuit du 7e mois lunaire (七夕), les Japonais fêtent Tanabata et les Chinois Qīxī en l'honneur de ce couple éternel. En astronomie chinoise, elle fait partie de l'astérisme Hegu, représentant un tambour.
Elle est environ deux fois plus grande que le Soleil (2,008 ± 0,006) et 1,86 ± 0,03 fois plus massive que lui[7], et elle est près de onze fois plus lumineuse que lui[9].
Ce qui la caractérise est sa rotation extrêmement rapide : il lui faut 7 heures 46 minutes pour effectuer une rotation[7], là où le Soleil met un peu plus de 25 jours. Altaïr tourne donc à son équateur à la vitesse de 314 km/s[7]. En conséquence, Altaïr est oblongue, aplatie aux pôles et renflée à l'équateur : son diamètre équatorial est au moins 22 % plus grand que son diamètre polaire[25]. L'aplatissement ε est égal à 0,220 ± 0,003, l'inclinaison i entre l'axe des pôles et la ligne de visée est égale à 50,7 ± 1,2° et l'angle de mouvement propre PA est égal à 301,1 ± 0,3°[7].
En 2007, des images de la surface d'Altaïr, dans le domaine du visible, ont été réalisées depuis l'observatoire du Mont Wilson en Californie grâce aux techniques de l'interférométrie en mettant en œuvre quatre des six télescopes du site[26]. Les images obtenues montrent une étoile de couleur bleutée, fortement oblongue ce qui confirme les observations précédentes sur sa vitesse de rotation[10].
Une modélisation à deux dimensions, présentée dans une nouvelle étude publiée en janvier 2020[7],[27] précise ses caractéristiques physiques. Son âge est estimé à environ 100 millions d'années, soit beaucoup plus jeune que ceux donnés précédemment.
Environnement stellaire
Altaïr est une étoile double optique : sa compagne, de magnitude 9,6, ne lui paraît associée que par un effet de perspective.
↑ abcde et f(en) J. R. Ducati, « VizieR Online Data Catalog: Catalogue of Stellar Photometry in Johnson's 11-color system », CDS/ADC Collection of Electronic Catalogues, 2237, 0, (Bibcode2002yCat.2237....0D)
Voir la deuxième colonne du Tableau 1 pour les paramètres stellaires.
↑En raison de sa rotation rapide, le rayon d'Altaïr est plus grand à l'équateur qu'aux pôles ; sa température de surface est également moins chaude à l'équateur qu'aux pôles.
↑(ar/de) Claudius Ptolemäus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Übersetzungen, éd. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, pp. 294-295.
↑(de) Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harr0assowitz, 1961, p. 87.
↑Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, pp. 34, 38 et 115.
↑Roland Laffitte, Le ciel des Arabes..., op. cit., pp. 198-203.
↑Paul Kunitzsch, Arabische Sternnamen in Europa, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1959, pp. 138-139.
↑Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 186.
↑(la) Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 81.
↑(la) Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 16r.
↑ Roland Laffitte, « Les premiers termes empruntés à l’arabe dans les textes français d’astronomie et d’astrologie », Bulletin de la SELEFEA n° 2 (1er semestre 2003), p. 13, n. 18.
↑ a et bKévin Bouchaud, Michel Rieutord, Armando Domiciano de Souza, Daniel Roy Reese et Pierre Kervella, « Une nouvelle jeunesse pour Altaïr. », L'Astronomie, vol. 134, no 141, , p. 34-40 (ISSN0004-6302)