L’activité maritime et portuaire n'a cessé de dégrader le milieu naturel depuis la fin du XIXe siècle[3]. Dès 1849, la canalisation de la Seine maritime, ce cours aval qui avait donné son nom au département, réduisait le parcours RouenLe Havre de cinq jours à huit heures[4]. Les aménagements du port du Havre décidés à la fin du XXe siècle dans le cadre d'un projet intitulé Le Havre port 2000 entraînent en 2002 la disparition partielle d'une zone de halte fréquentée par les oiseaux migrateurs et située sur des terrains appartenant à la Compagnie industrielle maritime[5]. La CIM est le dépôt de pétrole alimentant une des plus grandes raffineries d'Europe, la raffinerie de Normandie, qui est une propriété de Total. Des mesures compensatoires au profit de la faune aviaire sont décidées[3]. Parmi celles-ci, est prévue la création d'un îlot qui remplace aussi les nombreux bancs de sable qui ont fini par disparaître.
Le site choisi est un point central du banc du Ratier, haut-fond rocheux d'environ 24 ha qui découvre entièrement à marée basse ses galets et ses vasières sauf dans sa partie nord, appelée la Cailloutière ou banc du Cailloutis et arasée[6] en 1939[7], ainsi que dans son prolongement vers l'ouest, appelé les Ratelets, lesquels s'étirent sur plus de 4 km[8] jusqu'au méridien de Sainte-Adresse et de l'embouchure de la Touques. Sur l'ensemble du banc s'étend alors une moulière, aujourd'hui déclassée[9] mais toujours fréquentée par des pêcheurs à pieds[10], où les femmes et enfants de pêcheurs de Hennequeville, de Villerville, de Honfleur et même de Fiquefleur[11] sont venus pendant des générations[12] pratiquer en bateau une cueillette au couteau et au râteau[13]. Les nasses à anguilles continueront d'être posées aux alentours jusqu'à leur interdiction, en 2008, en raison des taux de dioxine et de PCB[14].
L'île est construite par le Grand port maritime du Havre[15] à 700 m à l'ouest de l'extrémité de la digue du Ratier. Celle ci, achevée en 1939[7] après deux années de travaux[6], est un enrochement rectiligne et submersible orienté plein ouest délimitant depuis la côte de Honfleur le bord sud du chenal d'entrée dans la Seine dans le prolongement de la rive artificielle de Berville-sur-Mer. Les travaux mettant le site à l'abri des marées les plus hautes sont terminés en [16]. Ils n'ont pas été très différents de ceux qui, deux fois l'an, consistent à déposer les produits de dragage sur le site dit du Kannik ou Kannick (« petite décharge » en breton) au large de la digue de Port 2000 et au sud du Grand Placard, site qui, à l'entrée de la rade de La Carosse, s'est élevé en dix ans de 8 m et depuis 1990 affleure 2 m sous la mer[17].
Les autres infrastructures compensatoires sont la délimitation, au milieu des dunes du littoral de Gonfreville-l'Orcher, d'une zone de halte pour oiseaux migrateurs ou « reposoir », achevée en et complétée d'une vanne en [18], et une nouvelle surface intertidale. Celle ci est créée entre 2003 et 2005 en draguant un méandre de 2 800 m en amont et en aval du pont de Normandie dans la partie nord du lit du fleuve à distance de la Grande vasière de Sandouville mais elle demande des interventions renouvelées. À la fin de l'année 2009, le GPMH aura investi trente neuf millions six cent mil euros pour l'ensemble des travaux à vocation écologique, dont huit[19] pour la seule île du Ratier. Un peu moins de dix pour cent de ce budget a été provisionné[19].
Le Ratier désigne ici le platier que la marée basse dégage au pied de la Pointe du Heurt, sur la côte à 1 km au sud ouest de Villerville.
« Des grandz rochers ou griefve mort se attire : Ratier est l’un, de peril place et sente, [...] Mais non voulant le roy son secret taire A composé, de trespure substance, Port gracieux et havre salutaire[20]. »
L'île du Ratier tire son nom du banc du Ratier, alias Rattier, qui n'est pas un banc de sable mais, comme le banc d'Amfard[22], son jumeau aujourd'hui intégré à la rive nord du fleuve, et comme la Gambe d'Amfard, que depuis 2005 longe la digue de Port 2000, un écueil plat[23], submergé à marée haute par 1,40 m d'eau[18]. Une légende publiée sinon inventée en 1858 fait de ce banc rocheux caparaçonné de moules le corps d'un « roi des mers », le géant Ratir, capitaine de pirates pétrifié par une fée pour lui avoir désobéi[24]. Radhari, de rad, conseil, et hari, armée, est un anthroponymegermanique à l'origine du toponymeRatiéville, Ratiervilla en latin du XIIIe siècle[25].
« Et tu ne crains rien le Banc de Ratier ; mais tu seras bien pres de luy [...][41] »
— Recommandation d'un manuel de navigation de la fin du XVe siècle au pilote entrant en Seine.
L'île s'élève au milieu de la rade de La Carosse, partie maritime de la crique de Rouen, au large de la côte de Grâce, précisément à 2 530 m des bunkers de la plage de Cricquebœuf, presque plein Nord. Elle est séparée du rivage par une fosse peu profonde, la Fosse sud, que ferme partiellement la digue du Ratier. Cet enrochement rectiligne et submersible, où se sont noyés plusieurs promeneurs ou pêcheurs à pied[42] et où le s'échouait en feu le pétrolier britannique Ott Garth[43], s'étire à distance de l'île sur 4 680 m vers l'extrémité orientale de la plage du Butin, sur la côte honfleuraise du pays d'Auge dont il est séparé par une passe large de 340 m.
L'île est longue de 350 m et, selon les cotes CMH, culmine à 10 m[18], soit l'équivalent d'un immeuble de quatre étages. Cinq cent quarante quatre mil tonnes d'un mélange de gravier et de sable, issu des dragages effectués lors de la construction de Port 2000[15], forment deux îlots, ouest et est, reliés par un cordon septentrional qui dessine entre eux une lagune[18]. L'îlot ouest, le plus large, parce qu'au vent, l'est de 200 m[18]. Le pourtour est renforcé par les cinquante sept mil tonnes d'un enrochement dressé 2 m au-dessus du niveau moyen de la mer, presque autant en dessous, sauf le long de la lagune, ce qui doit permettre au rivage de celle ci d'évoluer naturellement[18]. Il délimite une surface d'un hectare et demi[18]. La marée basse découvre un ensemble de cinq hectares[18].
L'approche de l'île, soit un quart de mille marin, est interdite au public, a fortiori tout débarquement. Les trafics marchand au nord de l'île, entrée de l'estuaire, et plaisancier, autour de l'île, sont toutefois importants[62].
J. D. Goss Custard, « Modelling porposed mitigation areas for shorebirds : a case study of the Seine Estuary, France. », in Biological Conservation, t. 123 (205), p. 67-77, Elsevier, Londres, 2004 (ISSN0006-3207).
Gérard Debout, Christophe Bessineton, Christophe Aulert & Pascal Galichon, « Conception d’ilots reposoirs pour les oiseaux marins dans l’estuaire de la Seine », in Travauxt. 828, p. 103-105, Fédération nationale des travaux publics, Paris, (ISSN0041-1906).
« Opération SE8 bis : suivi du reposoir dans l'île », in Rapport d'activité, Maison de l'estuaire, Le Havre, 2006, 50 p.
Rééd. in Patrick Triplet, Æstuaria – Cultures et développement durable, no 17 "Manuel d’étude et de gestion des oiseaux et de leurs habitats en zones côtières", p. 705-729, coll. Paroles des Marais Atlantiques, Estuarium, Cordemais, (ISBN978-2-9528512-9-9) (ISSN1958-0770).
↑Fabrice Gallien, « Les actions du GONm dans l estuaire de la Seine », in Le Petit cormoran, no 13, p. 4-5, Groupe ornithologique normand, Caen, 2003.
↑Gérard Rocamora & Marc Thauront, Les zones importantes pour la conservation des oiseaux en France, LPO, Rochefort sur mer, 1994 (ISBN2-11-087987-4), 339 p.
↑J. Aribaud, « Interdiction de la pêche des anguilles dans les eaux maritimes littorales du département de la Seine Maritime et dans le fleuve Seine en vue de la consommation et de la commercialisation », Préfecture de Seine maritime, Le Havre, 23 janvier 08.