1860-1947 : Entre Unité italienne et naissance du courant autonomiste
L’historiographie de la fin du XIXe siècle fait de la Sicile à la fois une héritière du féodalisme et une terre de révolution, l'île réactionnaire et indolente et la région rebelle[1]. L'île est à la fois la première pierre de l'Unité italienne, fortement marquée par l'héritage de Garibaldi, et une terre contrôlée par les puissants propriétaires fonciers.
En effet, à partir des élections de 1874, la classe moyenne délaisse l'ancienne élite dominante pour voter en faveur de la gauche. Les réformes de 1883 donnent à cette classe moyenne un pouvoir accru que Di Rudini tente de limiter par un nouveau code électoral.
L'île au début du XXe siècle reste l'une des bases italiennes des luttes sociales, comme l’Émilie, la Lombardie et la Toscane[1].
Après le débarquement allié en Sicile, un gouvernement militaire d'occupation dirigé par le général Alexander, secondé par Francis Rennell Rodd et Charles Poletti, est mis en place jusqu'au 11 février 1944 et le transfert de la gestion administrative au gouvernement provisoire de Salerne. Il s'appuie sur le clergé et les notables plutôt que sur les forces politiques, même antifascistes, afin de garantir le calme dans l'île[3],[4] et remplace les préfets et podestats des grandes villes[5]. Ainsi sont nommés préfets le socialiste Francesco Musotto à Palerme, les démocrates chrétiens Arcangelo Cammarata puis Salvatore Aldisio à Caltanissetta, Antonio Pancamo à Agrigente, Paolo D'Antoni à Trapani, Giovanni Cartia à Raguse, Luigi Stella à Syracuse, Antonino Stancanelli à Messine, Ferruccio Bruno à Enna, Antonino Fazio à Catane.
Au sortir de la guerre, l'île est tentée par le séparatisme, à travers le Mouvement pour l'indépendance de la Sicile, mais la création le d'une commission pour un statut autonome de la Sicile par le gouvernement italien d'Alcide De Gasperi, à laquelle les indépendantistes refusent de participer, la réforme agraire conduite par le communiste Fausto Gullo, et le retour en force des partis de masse, font perdre son importance à ce courant[6].
La Démocratie chrétienne est créée en Sicile, premier territoire italien libéré, isolé du reste du pays, autour de deux valeurs : l'opposition au séparatisme et à la mafia. Au lendemain du débarquement allié, l'ancien bras droit de Luigi Sturzo, Salvatore Aldisio réunit des militants antifascistes catholiques, anciens de l'Action catholique, est créé le 16 décembre 1943 chez Giuseppe Alessi, la DC dont la direction est occupée par Aldisio, Alessi, Bernardo Mattarella, Pasquale Cortese et Antonio Pecoraro. Plus progressiste à son origine que le Parti populaire, défendant l'indépendance de l'île sans séparatisme, adoptant avec les communistes, une réforme agraire, le démembrement des fiefs et la création de structures publiques, la DC perd sous l'influence de Franco Restivo, proche des milieux agraires, sa dimension réformatrice[7]
Trois camps politiques se partagent alors l'électorat : les partis réactionnaires, regroupant agrariens, monarchistes, séparatistes, populistes et libéraux, la Démocratie chrétienne rassemblant la classe moyenne et supérieure émergente, et les partis de gauche, PSI et PCI, plus paysans qu'ouvriers[11].
Dans la continuité du Parti populaire italien de Luigi Sturzo, lequel influencera une large partie des dirigeants de la Sicile d'après-guerre (Alessi, Aldisio, Scelba, Milazzo…), la Démocratie chrétienne s'impose comme le parti principal : de 20 % des suffrages en 1947, elle emporte 31 % des voix en 1951, puis 38% en 1955 et 1959, et 42 % en 1963. Sans majorité absolue, la DC, par anticommunisme, s'allie à la droite plutôt qu'à la gauche[11] sous les présidences de Giuseppe Alessi, Franco Restivo et Giuseppe La Loggia[12]. Liée aux forces les plus conservatrices, la DC abandonne la perspective de réformes ambitieuses de l'île que l'autonomie pouvait laisser espérer concernant notamment l’agriculture, les administrations publiques locales et les infrastructures de transports[11]. Avec la Vénétie et une partie de la Lombardie, la Sicile présente dans la deuxième moitié du XXe siècle d'une des continuités politiques les plus fortes d'Italie[1].
Après avoir soutenu le parti agrarien depuis 1860, puis les séparatistes dans les années 1940, la mafia s'allie à la DC, la première étant traditionnellement anticommuniste, la seconde cherchant des appuis pour construire un parti de masses, d'autant que le système de vote préférentiel encourage le « vote d'échange », monnayant une voix contre des faveurs. Les élus sollicitent aussi parfois les hommes de main pour leur protection, contre une part de l'argent de la Caisse pour le Midi et des marchés publics, voire de protection contre les juges et les policiers[14]. Quand Pasquale Almerico secrétaire de la section de Camporeale refuse sa carte à un chef mafieux, il est exécuté, et le secrétaire provincial Giovanni Gioia accueille le criminel[15].
Dans les années 1950, les partis de masse cherchent à élargir leur électorat en substituant son personnel politique à la hiérarchie sociale traditionnelle en laissant moins d'importance à l'Église. Menée nationalement par Fanfani à partir de 1954, et incarnée localement par les « Jeunes Turcs » (Giovanni Gioia, Antonino Pietro Gullotti, Salvatore Lima…), la DC opte pour une stratégie interclassiste et un renouvellement de son appareil politique, ce que copient ensuite les autres grands partis. Afin de mieux s’imposer parmi les classes moyennes et le monde rural, la DC fait une plus grande place à la petite bourgeoise et les classes moyennes au détriment des notables, à des hommes d'appareil plus jeunes, souvent originaires des périphéries urbaines, redevables entièrement à leur parti et aux appuis du pouvoir central qui maitrise les carrières partisanes et électives. « Administration de banlieue ou rurale, secrétariat provincial, chef-lieu de province, région, parlement national formaient le parcours type d’une carrière politique réussie », au détriment des professions libérales. Le nombre des militants du parti augmente, les secrétaires des fédérations provinciales accentuent leurs pouvoirs[11]. Les fanfaniens siciliens recrutent les leaders des autres courants : Mattarella à Trapani, Calogero Volpe à Caltanissetta, Margherita Bontade à Palerme, et la quasi-totalité des parlementaires. Seuls Aldisio, Alessi, Restivo et Scelba tentent de rester indépendants. La présidence de Giuseppe La Loggia, en 1956, marque l'hégémonie du courant fanfanien[16].
Durant deux décennies, la DC contrôle non seulement les instances politiques locales mais aussi les structures publiques et parapubliques (administrations, services, associations catégorielles, fédérations professionnelles). Les élites aristocratiques ou économiques traditionnelles sont reléguées au second plan, tel les descendants des nobles palermitains représentant localement un courant réformiste face à la figure de Salvatore Lima[11]. En s'ouvrant à des affairistes ou des intrigants, la DC perd son aspiration anti-mafia initiale[7].
Les votes siciliens sont traditionnellement ancrés à droite, la gauche n'obtenant jamais plus d'un tiers des voix. La DC, et principalement la tendance de Giulio Andreotti, minoritaire au niveau national, domine un demi-siècle de politique sicilienne marquée également par l'attachement aux personnalités autant qu'aux partis. Pour autant, moins réactionnaire que le reste du Mezzogiorno, la Sicile vote en faveur du divorce en 1974 et de l'avortement en 1981, exprimant sa tradition laïque et d'émancipation des femmes[17]. Elle reste également une terre de luttes sociales, notamment paysannes, à l'instar des grèves des ouvriers agricoles journaliers en 1968 contre lesquels la police charge à Avola, tuant deux ouvriers et en blessant quarante-huit autres[1].
En 1958, Silvio Milazzo, démocrate chrétien, proche de Scelba et de Sturzo, prend la tête de la région contre le candidat du courant fanfanien, avec une coalition soutenu par les communistes, les socialistes, les monarchistes, les néo-fascistes et des démocrates-chrétiens dissidents.
Affaiblie par le milazzisme[18], la DC reprend en 1960 la présidence de la Région en la confiant au monarchiste Benedetto Majorana della Nicchiara, auparavant vice-président de Milazzo[12]. Mais son gouvernement ne tient qu'un an, et sa démission après la défection du MSI, ouvre une période de plusieurs mois durant laquelle l'ARS ne parvient pas à élire un président, alors qu'au niveau national la DC hésite à s'allier à la gauche ce que condamnent l’Église[19] et les libéraux de Gaetano Martino en menaçant la stabilité du gouvernement Fanfani[20] : en , le socialiste Mario Martinez est élu contre le DC Natale Di Napoli, mais démissionne aussitôt[21] ; fin juin, communistes, socialistes et néofascistes élisent le socialiste Corallo qui ne peut gouverner réellement[22]. Finalement, en septembre, la DC s'allie à la gauche non-communiste sous la présidence du DC Giuseppe D'Angelo[20].
Aux élections de 1971, la droite se renforce et l'extrême-droite double son score. Le PCI local, dirigé par Achille Occhetto, reste exclu du gouvernement régional mais participe à la gestion de l'Assemblée, que les communistes Pancrazio De Pasquale et Michelangelo Russo président entre 1976 et 1981[12].
Les années 1990 marque l'expression de la crise de légitimité des partis de masse traditionnels, latente depuis une grosse décennie[11]. L'émergence de la lutte contre la mafia pousse en 1991 la naissance de la Rete qui envoie, fort de ces 7,4 % de suffrages, deux de ses fondateurs, Francesco Piro et Leoluca Orlando[12] (lequel avait dirigé Palerme contre une partie de la DC dont il était membre avant d'en démissionner à cause de l'investiture de Salvo Lima aux élections européennes[18]), deux enfants de victimes de la Cosa Nostra, Carmine Mancuso et Claudio Fava, et la photographe Letizia Battaglia[12]. Le de la même année, le gouvernement dissout 18 conseils municipaux en Sicile et Calabre accusés de connivence avec la Mafia[23]. L'opération Mains propres provoque également un fort renouvellement du personnel politique et un éclatement au niveau local des partis de masse, sans profondément bouleverser les équilibres[12].
Depuis 1994 : la permanence du centre-droit
Quand la DC est dissoute, le , percluse dans les scandales, la section sicilienne, dont le dernier secrétaire régional est Sergio Mattarella, détient toujours le pouvoir sur l'île avec 43 % des suffrages aux élections de 1991 et 41 des 90 sièges à l'ARS. Ainsi, le centre droit continue de dominer le paysage politique sicilien[18].
Des réformes instaurent l’élection directe des maires, des présidents des provinces et de la région, accentuant la personnalisation autour de leaders municipaux, et une forme de retour aux notables. Le renouvellement du personnel politique, notamment à Palerme et à Catane, passe par un affaiblissement des périphéries urbaines, une timide féminisation, un rajeunissement, avec un profil type de cadre moyen de l’administration locale ou d'ingénieur sans formation politique et un affaiblissement des professions libérales. Si l'apport de la société civile, considérée comme libre du système de corruption et de clientélisme, est important dans les échelons intermédiaires, les leaders politiques locaux restent des personnalités, notamment de centre-gauche, à l'instar d'Orlando et Enzo Bianco, ayant fait leurs armes au sein des grands partis et transformés ceux-ci, qui s'entourent d'une technocratie[11].
Les femmes sont rares parmi le personnel politique sicilien depuis l'autonomie, et le renouveau d'après 1994 ne change pas la situation. Aucune femme n'a participé à l'écriture du statut régional de 1947 ni à la Consulta, aucune n'a présidé la Région ni l'Assemblée, et entre les premières élections de 1947 et 2007, l'ARS a compté 23 femmes sur 1 260 députés, soit 1,82%, essentiellement communistes ou démocrates-chrétiennes, jamais du PSI ou du MSI. Les députées sont souvent issues de luttes sociales : Gina Mare, Paola Tocco Verducci, Giuseppina Vittone Li Causi, Letizia Colajanni émergent des luttes politiques et syndicales des paysans, mineurs et classes pauvres, les cinq élues de la huitième législature (1976-1981) font écho aux combats en faveur des droits civils, du divorce et de l'interruption volontaire de grossesse, Rita Bartoli Costa et Giuseppina Zacco La Torre, puis Letizia Battaglia incarnent la lutte anti-mafia. Si Paola Tocco Verducci entre dans le premier gouvernement régional comme ministre suppléante au Travail, à la Prévoyance et à l'Aide sociale, puis dans le troisième, comme ministre adjointe aux Transports et aux Communications, il faut ensuite attendre la treizième législature pour voir Marina Noè nommée ministre pour l'industrie en 2001. En 2007, trois femmes sont membres du gouvernement régional (Agata Consoli aux Travaux publics, Rossana Interlandi au Territoire et à l'Environnement et Giovanna Candura à l'Industrie) et quatre siègent à l'Assemblée (Rita Borsellino, Giulia Adamo, Giusi Savarino et Simona Vicari, en remplacement de Giovanni Mercadante)[24]. Malgré l'élection à la mairie de Palerme en 1983 d'Elda Pucci, première femme à diriger une grande ville italienne, seulement deux femmes siègent à l’Assemblée provinciale de Palerme en 1985, 4 sur 50 au conseil municipal en 1993, une seule au conseil en 1997, trois à l’Assemblée provinciale, deux au conseil en 2001 mais aucune à l’Assemblée provinciale[11].
Forza Italia, mouvement créé en 1994 par Silvio Berlusconi, se structure rapidement en un parti implanté nationalement et localement[11]. D'anciens cadres de la DC y adhèrent tout de suite, comme Enrico La Loggia, d'autres fréquentent les diverses formations centristes qui s'inscrivent dans le Pôle des libertés - Pôle du bon gouvernement, le Pôle pour les libertés puis l'alliance Maison des libertés[18]. Il attire à lui l'électorat de la DC et le soutien de la mafia[25]. Lors des élections générales de 1994, le parti de Berlusconi, victorieux nationalement, dépasse les prévisions en s'imposant à Caltanissetta, Syracuse, Catane, Messine, Palerme, les Madonies[26]. En 2001, le centre droit reprend plusieurs villes au centre gauche, notamment à Palerme et Catane, faute pour la gauche d'avoir dépassé la personnalisation de leurs leaders Les électeurs sanctionnent également la proximité du centre gauche avec les anciens partis, et celle du centre droit avec les milieux d’affaires[11].
Crime organisé et brigandage préexistent en Sicile à l'annexion par le royaume de Sardaigne et déjà les rois des Deux-Siciles tentent, entre 1815 et 1860, de renforcer les institutions centrales en délégitimant, au nom du monopole royal de la violence physique légitime, le recours à une coercition privée par les aristocrates et grands bourgeois. Mais c'est à partir de 1860 que le phénomène mafieux est analysé et dénoncé par les autorités[27].
Les collusions entre pouvoir politique et violences mafieuses au profit du maintien de l'ordre établi et des clientèles électorales sont établies dès 1877, et l'enquête sur les « conditions politiques et administratives de la Sicile » de Leopoldo Franchetti, qui soulignait la protection des mafiosi par les dirigeants de l'île, puis dans les premières années du XXe siècle sous la plume de Gaetano Mosca qui dénonce la « mafia en col blanc ». Le rôle social de la mafia alimente les ouvrages sur la question méridionale qui analysent le retard économique et moral du sud de l'Italie notamment par le contrôle criminel des emplois et des ressources publiques[28].
Profitant des nouvelles règles électorales, la mafia place à partir de 1897 ses représentants conseil municipal de Palerme, tel que Salvatore Licata d'Andrea (neveu de Salvatore Licata, chef de la mafia dans la zone des Colli), élu en 1897, en juillet 1900 sur la liste catholique, en septembre suivant sur la liste Camporeale et en 1902 en dernière position sur la liste démocratique de Tasca Lanza et Bonanno, que Salvatore Conti (l'un des chefs de Brancaccio) élu en 1897, en juillet 1900 avec les catholiques et en septembre aux côtés de Camporeale, ou encore Francesco Motisi (Mezzomonreale) et Filippo Vitale (Boccadifalco), chef mafieux de l'Altarello di Baida et proche de Palizzolo[29].
Antonino Cutrera écrit en 1900 :
« L'issue d'une élection est souvent entre [les mains des mafiosi], et c'est donc à eux que l'on recommande les candidats, quelle que soit leur couleur politique, en mettant leur bourse à leur disposition. Il arrive même que le candidat soit un vieil ami dévoué de la mafia.
Dans ce cas, les amis proposent de soutenir la candidature avec enthousiasme et désintéressement. Le mafioso-candidat a quatre tâches à accomplir [...]. Faire le tour de tous les électeurs influents de la circonscription, en promettant des récompenses matérielles ou morales, mais plutôt ces dernières, car l'électeur sait qu'il rend service à un ami qu'il mérite, et donc la faveur qu'il rend n'est jamais perdue, car en cas de besoin, l'ami est toujours un ami et on peut avoir besoin de lui. Une fois cette tâche accomplie, le mafioso passe à une autre opération, encore plus importante : par sa présence dans la salle des élections, il garde un œil sur tous ses amis et adhérents, empêchant les hommes de main de l'opposition de lui enlever ses clients. Une fois le scrutin commencé, les amis se rassemblent et se tiennent prêts à soutenir les contestations en faveur de leur candidat par leur voix et leur présence dans une attitude résolue. En fin de compte, c'est à eux d'improviser une manifestation populaire, pour acclamer leur candidat s'il gagne dans les urnes. »[30]
Le procès pour le meurtre du banquier Emanuele Notarbartolo entre 1899 et 1902 médiatise l'existence mafieuse en Sicile et ses lien avec le monde politique. Le Giornale di Sicilia analyse ainsi la condamnation du député Raffaele Palizzolo comme commanditaire :
« Ce n'est pas seulement la mafia vulgaire et mesquine qui, derrière les haies de nos belles campagnes, ou dans l'obscurité de nos cours crasseuses, exerce ses sanglantes et lugubres brimades ; c'est la mafia aristocratique et puissante, le haut patronage de la délinquance villageoise, la coterie des canailles publiques et privées, le germe délétère qui s'est infiltré dans l'organisme social et politique tout entier ; c'est contre cet ensemble de causes pathogènes que la conscience d'un jury s'est tournée, non par mépris ou par haine régionale, mais par désir du bien commun, par ce sens instinctif de la pitié qui est dans le bien de coopérer à la guérison des maux d'autrui. Le jury de Bologne a surtout condamné inexorablement le principal promoteur de la mafia : le pouvoir politique qui a utilisé la mafia comme un instrument de sa propre et louable utilité, qui en a soutenu les tendances et encouragé l'expansion, par l'intermédiaire non seulement de ses représentants parlementaires, mais aussi du pouvoir judiciaire, souvent asservi au gouvernement à des fins qui ne sont pas toujours justifiées par la raison d'État. »[31]
Les dénonciations de la proximité entre dirigeants politiques et chefs mafieux reprennent, notamment celles du Parti communiste italien (PCI) contre la DC sicilienne. Guerre de clans, meurtres politiques, investigations journalistiques, commissions parlementaires antimafia et enquêtes judiciaires construisent l'idée que cette proximité est une des caractéristiques de la mafia vis-à-vis du reste du crime organisé[28].
La lutte contre la mafia est un argument régulier pour dénigrer des concurrents politiques, renouveler les appareils partisans (comme la mise à l'écart des andreottiens par la gauche de la DC dans les années 1980), justifier des alliances, sans que pour autant les élus soupçonnés ne subissent de sanctions judiciaires ou électorales notables ni que le système soit remis en cause jusqu'à la crise des années 1992-1994[28]. Ainsi, au début des années 1980 la lutte politique contre la mafia est portée par l'opposition communiste et par les syndicats. Les assassinats du président Piersanti Mattarella, puis du préfet Carlo Alberto dalla Chiesa, obligent la Démocratie chrétienne, dont Sergio Mattarella, frère de Piersanti, prend la direction sicilienne, à s'engager contre Cosa Nostra, et à mettre au banc l'ancien maire Vito Ciancimino, au prix d'une profonde dissension entre la droite entourant Giulio Andreotti et la gauche du parti. Le démocrate-chrétien Leoluca Orlando est le premier à endosser un discours clairement antimafia qui le porte à la tête de Palerme soutenu par des alliances politiques « anormales »[33].
Durant la crise des années 1992-1994, l'action des juges palermitains reçoivent un soutien inédit de la population et d’acteurs politiques émergents au nom de la moralisation du personnel politique, jusqu'à ce que le discours de l'excès de pouvoir des juges ne devienne dominant[34] avec la fin de la Première République[33].
Le statut spécial a été modifié par la loi constitutionnelle n ° 2 de 2013, appliquée à partir des élections régionales de 2017 : le nombre de députés régionaux est abaissé à 70, dont 62 élus à la proportionnelle dans les collèges provinciaux sur la base des résultats obtenus par des listes qui obtiennent au moins 5 % des voix au niveau régional. Les 8 sièges de députés restants sont attribués à la liste du président (qui obtient donc sept de ces huit députés, le président de région compris) tandis que le dernier siège est attribué au candidat à la présidence arrivé deuxième.
L'Assemblée est élue pour un mandat de cinq ans, mais en cas de vote de défiance contre le Président, de démission ou de décès de celui-ci, en vertu de la clause simul stabunt, simul cadent introduite en 2001 (littéralement, ils se réuniront ou tomberont ensemble), elle est dissoute en entrainant une élection anticipée.
Branche exécutive
En application de l'article 9 du statut spécial, le gouvernement régional (Giunta Regionale) est présidé par le Président de la région, qui est élu pour un mandat de cinq ans, et est composé du Président et 12 assesseurs régionaux, dont un vice-président. Les assesseurs sont nommés et révoqués par le président depuis 2001, et n'appartiennent pas nécessairement à l'Assemblée. Ils diffèrent des ministres de ce qu'ils ne reçoivent que des délégations du Président pour diriger un bureau ou une agence rattachés à la seule personne morale qu'est la Région, et non la gestion de ministères.
Le président de la Sicile promulgue les lois et règlements régionaux. Il peut recevoir des fonctions administratives spéciales par le gouvernement national.
Le Cabinet régional prépare le budget, nomme les conseils des agences publiques régionales et des entreprises, gère les actifs, élabore des projets de gouvernance et recourt à la Cour constitutionnelle d'Italie s'il pense qu'une loi nationale peut violer les compétences régionales.
La Sicile était divisée en neuf provinces, qui étaient une forme traditionnelle d'administration locale dans la région. Les idées socialistes et démocrates-chrétiennes ont eu une diffusion précoce dans presque toutes les provinces autour de la Première Guerre mondiale . Après la parenthèse fasciste, les partis de gauche ont trouvé leurs bastions dans les provinces agricoles centrales, en particulier dans la province d'Enna, mais sans s'imposer aux élections locales, tandis que la démocratie chrétienne a obtenu des scores élevés dans d'autres parties de la région.
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