Orgue de la chapelle royale du château de Versailles
La chapelle royale du château de Versailles dispose d'un orgue. Le buffet de l'orgue actuellement visible date de 1711 mais la partie instrumentale date de 1995, à la suite d'une reconstruction néo-classique de l'instrument par les facteurs d'orgues Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux. Historique de l'orgueL'orgue initial de la chapelle de 1711Le 10 août 1679, Louis XIV commande à Étienne Énocq (ou Hénocq) un orgue à deux corps séparés (Grand-Orgue et Positif de dos). L'instrument, bien que construit en atelier, ne fut jamais installé. En 1708, les plans définitifs de la chapelle contraignent les facteurs Robert Clicquot, successeur et beau-frère d'Énocq, et Julien Tribuot à tout recommencer, l'architecte Robert de Cotte ayant prévu un buffet en un seul corps. Clicquot et Tribuot reprennent alors la composition de base, mais ne peuvent, faute de place, y envisager les quatre jeux « de transport »[1] initialement prévus. Il est toutefois difficile de déterminer quels éléments de l’orgue d’Énocqs furent réutilisés. L'instrument est un grand huit pieds, avec Bourdon de 16', dans la plus pure tradition française. Il est achevé le 15 avril 1711. Clicquot en reçoit 11 120 livres et Tribuot 6 080 livres. Il comprend trente jeux répartis sur quatre claviers (Grand-Orgue et Positif de quarante-huit notes, sans premier do #, Récit de vingt cinq notes et Écho de trente-deux notes) et pédalier (de trente notes). Le buffet, de couleur blanche et or, conçu par Robert de Cotte en 1710 d'après des esquisses de Philippe Bertrand datant de 1708, est sculpté par une équipe de sculpteurs ornemanistes : Martin Belan, Robert de Lalande, André Legoupil et Pierre Taupin, tous placés sous la direction de Jules Degoullons. Le Buffet prolonge le retable du maître autel et assure un lien avec la « Résurrection du Christ » peinte à la voûte par Charles de La Fosse. Sur les angles figurent deux motifs de palmiers aux chérubins joufflus autour d'un bas-relief représentant le « Roi David jouant de la harpe ». L'orgue prend place au-dessus du maître autel, face à la tribune royale, sur la grande galerie de marbre faisant le tour de la chapelle, de plain-pied avec les grands appartements, au prix de l’occultation de la fenêtre axiale, suivant l'idée formulée de Le Bernin pour la chapelle du Louvre[2]. Cet emplacement imposait la forme ramassée et élevée du buffet unique, sans Positif de dos, forme inhabituelle pour cette époque[3]. L'orgue est inauguré en même temps que la chapelle par François Couperin. L'orgue souffre beaucoup au cours de son histoire. Du fait même de son emplacement, il doit être relevé à plusieurs reprises au cours du XVIIIe siècle. En 1736, Louis-Alexandre Clicquot refait les sommiers du Grand-Orgue et de la Pédale, ajoute un troisième jeu à la Pédale et, sans doute, la Grande Tierce 3 1/5'. Les claviers comportent cinquante notes, sans premier ut#. En 1762-1763, François-Henri Clicquot relève l'instrument, restaure les sommiers dégradés par l’humidité, supprime le Bourdon 16' du Grand-Orgue (dont il se sert des basses pour faire une Montre 16'), remplace la Trompette du Récit par un Hautbois, supprime le Larigot du Positif et y ajoute une Trompette, et remplace le Cornet de l'Écho par une Flûte et une Trompette. À la Révolution, l'orgue a failli être vendu, mais sans son buffet. Il est sauvé grâce à l'intervention de Jean-Louis Bêche, un ancien musicien de la chapelle royale, et du facteur Jean-Antoine Somer (fils de Nicolas Somer, à qui l’on doit l’orgue du Dauphin). Divers documents de l’époque semblent indiquer une modification de la disposition et un nombre de jeux moins important dans l’orgue à la fin du XVIIIe siècle. Il ne serait alors resté que vingt-neuf jeux dont trois à la Pédale. Pierre-François Dallery et Louis-Paul Dallery sont chargés de l'entretien de l'orgue durant la première moitié du XIXe siècle. En 1817 Louis-Paul Dallery effectue des réparations et en profite pour reconstituer, en carton, les emblèmes royaux qui avaient été supprimés en 1794. Il refait la façade, très abîmée, avec le métal de refonte, remplace le Plein Jeu du Grand-Orgue par un dessus de Flûte, ajoute une Flûte au Récit à partir des tuyaux récupérés, et reconstruit les tuyaux de la Montre de façade. On ne sait pas grand-chose des cinquante années qui suivirent, sauf que les mutations simples et les mixtures du Grand-Orgue ont été supprimées, d'autres jeux déplacés et de nombreux jeux de flûtes ajoutés. L'orgue est sous la responsabilité de John Abbey. En 1855, un inventaire mentionne vingt-six jeux répartis sur quatre claviers (Grand-Orgue et Positif de cinquante notes, Récit et Écho trente-quatre notes) et pédalier (de vingt-trois notes). Composition de l'orgue d'Énocq et Clicquot de 1679-1681
Composition de l'orgue Clicquot de 1711
La composition donnée en 1855 et légèrement différente de celle de 1845 en ce qui concerne le nombre de tuyaux du hautbois au récit (34 notes en 1855 et 27 en 1845), le nombre de rangs du cornet au grand orgue (cinq rangs en 1855 et quatre en 1845), ainsi que l'étendue du Grand-Orgue qui, étrangement, est signalée en 1855 comme allant jusqu'à Fa, ce qui n'est pas compatible avec le nombre de touches à ce clavier, cinquante. L'orgue de Cavaillé-Coll de 1873Le 14 février 1872, Aristide Cavaillé-Coll signe un contrat de 27 000 francs pour la reconstruction de la partie instrumentale de l'orgue. L’orgue démonté quitte Versailles le 6 novembre 1872 pour les ateliers de Cavaillé-Coll. Il démonte l’instrument et le reconstruit dans ses ateliers dans un style romantique, adapté aux exigences esthétiques de l'époque. L'instrument construit par Cavaillé-Coll possède vingt-trois jeux répartis sur deux claviers (Grand-Orgue et Récit expressif de cinquante-quatre notes) et pédale (de trente notes) : quatre jeux de l'orgue existant (les basses de Bourdon, un Plein-Jeu et une Doublette incomplète), treize jeux entièrement neufs, sept vieux jeux complètement rénovés et trois autres réparés. Il excède les termes du contrat en ajoutant trois pédales de combinaison aux six déjà prévues. Les sommiers du Grand-Orgue et du Récit sont reconstruits avec deux layes, un nouveau sommier est construit pour les deux nouveaux jeux d'anches de la pédale, et une machine Barker est installée. L'expression affecte la division du Récit ainsi que les deux jeux d'anches de la pédale. Le buffet est scrupuleusement respecté, mais une console détachée est installée en face du buffet, cachant ainsi le bas-relief du roi David. Deux des claviers retirés de la console en fenêtre vont orner l'orgue du Dauphin (conservé depuis 1804 dans la chapelle des étudiants de l'église Saint-Sulpice), à la demande de Charles-Marie Widor. Les travaux sont terminés le 1er février 1873 et reçus par un comité formé d'Ambroise Thomas, Charles-Auguste Quesnel, Camille Saint-Saëns, Charles-Marie Widor, Henri Lambert et Émile Renaud. L'orgue a été inauguré le 21 février 1873 par Camille Saint-Saëns, Charles-Marie-Widor, Henri Lambert et Émile Renaud. Le 20 mai 1878, Aristide Cavaillé-Coll est chargé de relever et d'accorder l'orgue à la suite de travaux de restauration exécutés dans la chapelle. Toute la tuyauterie et tous les sommiers sont vérifiés, nettoyés et réparés, de même que le système de traction des claviers et des jeux. Les travaux, au coût de 1 200 francs, sont achevés le 18 janvier 1879 et sont reçus le 27 janvier 1880. En 1933 l'orgue de Cavaillé-Coll ne parle plus. Cet orgue est transféré au petit séminaire de Châteaugiron sur proposition du chanoine Georges Inry et de l'abbé Yves Legrand. Cet orgue fera l'objet d'un relevage par les facteurs Hellmuth Wolff, Pierre Chéron et Yves Sévère en 1966 avant d'être transféré, lors de la fermeture du petit séminaire, à l'église Saint-Martin de Rennes, par le facteur Yves Sévère où il fera l'objet d'un nouveau relevage en 1999 par le facteur Alain Léon. Composition de l'orgue de Cavaillé-Coll
L'orgue néo-classiqueL'orgue de Victor Gonzales de 1938Vers 1930, l’orgue s’est dégradé et ne peut quasiment plus être joué. Se joue alors une bataille entre Charles-Marie Widor qui soutient les projets de Charles Mutin, successeur de Cavaillé-Coll, et le directeur général des Beaux-Arts, Patrice Bonnet, soucieux d’un retour à l’orgue des Clicquot. En 1936, à l'initiative de Norbert Dufourcq, la majorité des membres de la Commission des Orgues, nouvellement créée, décide de reconstituer l'orgue Clicquot, par la commande d'un nouvel orgue dans le goût néo-classique pour remplacer l'orgue de Cavaillé-Coll, et ce, malgré l'opposition de Widor qui souhaitait une simple restauration de l’orgue (le clavier de Grand-Orgue devenant expressif). Le cahier des charges, établi par Joseph Bonnet, Norbert Dufourcq et Félix Raugel, pour le nouvel orgue comporte les éléments suivants :
L'appel d'offres est lancé au printemps 1934 et l'adjudication à Victor Gonzalez a lieu le 30 septembre 1935 et approuvée le 6 mai 1936. Le coût des travaux est estimé à 216.000 francs et les travaux de fabrication débutent le 10 juin 1936. Malheureusement, la fin des travaux coïncide avec l'Exposition internationale à l'occasion de laquelle Gonzalez est appelé à remonter et augmenter l'orgue du Palais de Chaillot. Les travaux sur l'orgue de la chapelle sont de ce fait ralentis. Le nouvel orgue est mis en fonction en 1938, mais son inauguration, prévue pour 1939, n'a jamais lieu à cause du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. De légères améliorations ont été apportées à la mécanique en 1972 (blocs compensateurs en bout de claviers). Cet instrument comportait encore les sommiers et quelques tuyaux du XVIIIe siècle. Cette phrase se rapporte à l’instrument cavaillé-coll aujourd’hui à l’église saint-Martin de Rennes qui possède les anciens sommiers pédalier et positif/GO des Clicquot ainsi qu’une centaine de tuyaux anciens Clicquot ( bourdon de 16, 8 et 4); En 1989, jugé pas assez authentique, l'orgue de Gonzalez est démonté. En 2001, la mairie de Laroque d’Olmes en fait l’acquisition (du moins la soufflerie, la tuyauterie, la mécanique, les sommiers et les claviers) pour l'église du Saint-Sacrement dans laquelle il est installé en 2005 par la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues de Lodève. Un buffet neuf de style classique en chêne a été construit pour l'accueillir, ainsi qu'une tribune neuve en bois. Ce buffet comprend un Positif de dos dans lequel a été inséré le Positif de Gonzalez qui était à l’intérieur du buffet à Versailles. Cette disposition qui était impossible dans la chapelle royale, correspond mieux à la disposition courante des orgues classiques français du XVIIIe siècle et améliore le rendu sonore. Les tuyaux de la Trompette 8’ du Récit ont été placés en chamade au-dessus de la plate-face centrale. L’orgue a été inauguré le 19 juin 2005 par Philippe Lefebvre. L’achat et la restauration de l’orgue ont été réalisés grâce à l’action de l’Association pour la Restauration de l’Église de Laroque d’Olmes (ARELO) et à des financements publics et privés[4],[5],[6]. Composition de l'orgue de Gonzalez
L'orgue de Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux de 1995L'orgue Gonzalez, dont la composition des jeux était certes convenable, ne correspondait cependant pas à un instrument de facture ancienne, en plus d'être inadapté aux dimensions et à l'acoustique du lieu, tant au niveau des matériaux (métal non martelé), des tailles (trop larges dans les basses et étroites dans les aigus) qu'au niveau du vent (pression très basse). En 1989, une reconstitution scrupuleuse à la manière de Clicquot, soit un retour à l'orgue de 1710 avec ses transformations de 1736 et de 1762, est confiée par Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux en 1994. Les sommiers sont à gravures alternées pour le Grand-Orgue et le Positif, principe certainement mis au point par Robert Clicquot pour suppléer à l'absence de Positif de dos. Les autres plans sonores sont disposés tout à fait traditionnellement : Récit dans la tourelle centrale au-dessus des sommiers du Grand-Orgue et du Positif. La Pédale est placée de chaque côté, perpendiculairement à la façade. Enfin, l'Écho est dans le soubassement au-dessus des claviers. La mécanique est suspendue avec balanciers de rattrapage au Grand-Orgue, au Positif et au Récit, celle de l'Écho est à balanciers et celle de la Pédale à abrégés successifs. La console est en fenêtre et les claviers sont refaits sur le modèle des deux subsistant dans l'orgue du Dauphin et sont rétractables afin de permettre la fermeture du grand volet décoré du roi David. La division d'octave en est, d'ailleurs, particulièrement étroite : 154 mm. Le pédalier « à la française » est restitué avec celui de Houdan pour modèle. Des tuyaux qui avaient été retrouvés, seuls quatre rangs de Plein-Jeu intégrés au Grand-Orgue sont conservés, les autres ayant été soit trop transformés, soit détériorés. La tuyauterie a été reconstituée sur le modèle des quelques tuyaux originaux conservés et sur le modèle de l'orgue Clicquot de l'église St Jacques de Houdan de 1739, et souvent retaillée en raison des problèmes acoustiques de la chapelle. Les métaux sont martelés et rabotés, les mutations simples sont en alliage à 10 % d'étain et de plomb, les premières octaves de trompettes en étain, les tuyaux de bois en chêne. La façade de Dallery a été gardée pour le musée du Château et une nouvelle façade a été reconstruite à l'identique. La console neuve a été reconstruite au modèle de l’originale, avec des claviers de cinquante notes et un pédalier de trente notes à la française (marches courtes). À noter à la Pédale, le ravalement d’anche au La0 joué sur le 1er Ut#. L’orgue a été inauguré les 18 et 19 novembre 1995 par Michel Chapuis. En 2010, Bertrand Cattiaux a effectué un relevage complet de l’instrument. Composition actuelle de l'orgue
ProtectionCette dernière reconstruction historique est reconnue comme étant un modèle du genre. Le buffet seul est classé au titre d'objet par les Monuments historiques, dans la liste de 1862, celle-là même qui officialise la protection du domaine de Versailles.
OrganistesDe 1995 à 2010, Michel Chapuis est titulaire de l'orgue de la chapelle. Il est assisté dans cette tâche de Marina Tchebourkina, concertiste internationale et musicologue, qui réalise plusieurs enregistrements et publie diverses études sur cet orgue. De 2010 à sa mort en novembre 2017, il en reste organiste honoraire. Depuis 2010, quatre organistes et pédagogues français de réputation internationale tiennent l'instrument chacun pendant quatre ans (« par quartiers »), comme sous l’Ancien Régime :
Rayonnement de l'instrumentPlusieurs enregistrements ont été réalisés sur cet instrument. De nombreux concerts ont lieu dans la Chapelle, certains avec l'orgue, notamment organisés par le Centre de Musique Baroque de Versailles et la filiale privée de l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, Château de Versailles Spectacles. Notes et références
Annexes : sources et références supplémentairesEnregistrements
Sources bibliographiques
Autres sources
Articles connexesLiens externes |