Le musée d'art et d'histoire de Narbonne, principal musée de la ville, prend place au sein du palais des archevêques de Narbonne et présente des collections de beaux-arts et d'arts décoratifs. Il est particulièrement connu pour ses collections de faïence ancienne et son remarquable ensemble de peintures orientalistes.
Ses collections ne proviennent pas d’un fonds préexistant, mais ont été constituées à partir de 1833 par achats, dons, legs et dépôts[2].
Histoire et bâtiment
C’est à la Révolution qu’apparaît le projet de création d’un Musée public dans le Palais des Archevêques. Le peintre Jacques Gamelin propose en 1792 la création d’un Museum pour accueillir « les tableaux et autres objets d’arts dispersés en divers lieux lors de la confiscation des biens dits nationaux »[3]
Le musée voit le jour en 1833 grâce à l'action d'un érudit narbonnais du nom de Paul Tournal (1805–1872), et grâce à divers dons d'œuvres de la part de particuliers. Il est créé par arrêté du de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne, dont la mission est « de rechercher, de conserver et de classer dans un dépôt public toutes les antiquités relatives à l'histoire du pays et de mettre obstacle à l'enlèvement de ces objets »[4]. Aux achats, dons et dépôts, viennent s’ajouter d’importants legs : Peyre (1859 : tableaux, objets d’art) ; Barathier (1867 : livres, dessins, tableaux, objets d’art) ; Bonnel (1889 : idem) ; source : Archives municipales de Narbonne. Puis legs Tiffy (1977 : objets d’art ; arts asiatiques). Les collections d'archéologie préhistorique et antique qui étaient à l’origine également présentées dans le musée d’art et d’histoire sont aujourd’hui exposées au Musée archéologique de Narbonne qui occupe la majeure partie du Palais-Vieux et qui sera transféré au musée régional de la Narbonne antique (MuRéNa) en 2019. Ces collections primitives se sont vues enrichies par les découvertes issues du site narbonnais du Clos de la Lombarde, en fouille depuis 1974.
Plusieurs salles conservent encore leur aspect original et leur décorations. Ce sont la chapelle de la Madeleine du XIIe siècle, la salle du consistoire, la chapelle Saint Martial, la salle des Synodes et des États du Languedoc du XIVe siècle, la salle d'audience des archevêques, la salle à manger des archevêques et son décor de stucs du XVIIIe siècle, la salle des gardes avec sa cheminée monumentale et son plafond en grisaille et la chambre du Roi du XVIIe siècle, qui possède un plafond à caisson peint par les frères Rodières.
Restaurées en 2004, deux salles sont consacrées à l'exposition des œuvres orientalistes du musée.
Espaces
Situé dans les anciens appartements des archevêques, le musée permet d'admirer d'importants décors mis en œuvre lors des grandes étapes de l'évolution de l'édifice, du XVIIe siècle aux grandes restaurations du XIXe siècle.
cheminée ornée de mascarons ; au-dessus de la cheminée, Saint Joseph portant l’enfant Jésus (1632) de Vicente Carducho (1578-1638), artiste italien, peintre des rois Philippe III et Philippe IV d’Espagne, et peu représenté dans les collections françaises.
quatre grands formats représentent les Consuls de Narbonne de 1596, 1600, 1603 et 1607. Les Consuls, élus pour un an, étaient habituellement au nombre de six et administraient la ville et son territoire. Issus de différents corps de métiers, ils représentaient la communauté des habitants. À l’instar des Capitouls à Toulouse, les Consuls se faisaient portraiturer en groupe, généralement autour d’une figure religieuse.
Elle fut décorée pour accueillir le roi Louis XIII, qui faisait la guerre au Roussillon. Le plafond à l’Italienne, composé de quarante-neuf caissons peints dédiés au thème des neuf muses, fut réalisé en 1633 par les trois frères Rodière, peintres et doreurs narbonnais[5]. Les armes de l’archevêque commanditaire, Claude de Rebé (1587-1659), apparaissent dans différents tableaux. Des boiseries polychromes et dorées, ainsi que des peintures murales accompagnent ce plafond. Au sol est insérée une mosaïque gallo-romaine à labyrinthe, découverte en 1857 au pied des fortifications de la ville.
Parmi les œuvres accrochées, L’Adoration des bergers de Philippe de Champaigne (1602-1674) ; Zorobabel devant Darius de Nicolaes Knupfer (c 1603-1655) ; L’Adoration des bergers de Francesco Solimena (1657-1747) ; La famille de Darius devant Alexandre, attribué à Jacob Jordaens (1593-1678) ; le portrait d’un consul de Narbonne, peint en 1662.
plafonds peints néo-gothiques à motifs géométriques et écussons, réalisés dans les années 1850 par Alexandre Denuelle, d’après des dessins de Viollet-le-Duc[6] ; les parties hautes de cette continuation de l’Hôtel de Ville, ont été décorées dans le style troubadour ; sur la frise, on retrouve les armoiries de la ville et des communes environnantes rattachées au diocèse de Narbonne.
trois imposants meubles présentent 180 pots à pharmacie (fin du XVIe siècle, début du XVIIe) classés monuments historiques, qui sont des dépôts du Bureau de bienfaisance et de l’Hôtel-Dieu de Narbonne ; on y distingue des albarelli, des piluliers, des chevrettes, des pots canons, etc. sur lesquels figurent le nom des plantes médicinales : chicorée, bourrache, rose, etc.
sur les murs, Danse de Noce (1620) de Brueghel (1525/30-1569) ; Diane et ses nymphes surprises au bain par Actéon du peintre toulousain Antoine Rivalz (1667-1735) ; Alexandre le Grand devant le tombeau d’Achille de Giovanni Panini (1691-1765) ; Le Martyre de Sainte-Cécile, fresque de la villa de la Magliana (Rome) attribuée à Raphaël (1483-1520).
du mobilier, des miniatures (bénitiers, montres, boîtes, etc.) et des émaux complètent les collections présentées dans la galerie.
Grande galerie
Jeune femme coiffée d'un turban - XVIIe siècle
Nature morte aux pièces d'orfèvrerie Antonio Tibaldi
Dans l’ancienne chapelle privée de l’Archevêque, à noter le triptyque figurant L’Adoration des bergers, attribué à Jan de Beer (1475-ap. 1520). À la croisée de la voûte, le blason de Pierre de La Jugie, grand bâtisseur et mécène, archevêque de Narbonne de 1347 à 1345.
Oratoire
Le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean - Albert Bouts
Mathieu Barathier (1784-1867), peintre et graveur né à Narbonne, légua toute sa collection d’œuvres et objets d'art au musée. La salle qui porte son nom présente un remarquable ensemble de faïences du XVIIIe siècle : Marseille (soupières en forme de chou-fleur ou de chou-pommé), Montpellier (coffret de mariage de 1730, plat à barbe), Moustiers (bouquetier), Nevers (porte-perruque) et Rouen (plat de grand feu) y sont bien représentées ; mais on trouve également des pièces venant d’Ardus, Cognac, La Tour d’Aigues, Montauban, Sainte-Foy, Toulouse et Varages[7].
plafonds peints néo-gothiques à motifs géométriques et écussons, réalisés dans les années 1850 par Alexandre Denuelle, d’après des dessins de Viollet-le-Duc.
Le Portrait de la femme de l’artiste de George-Daniel de Monfreid (1856-1929) et la Baigneuse surprise en marbre blanc sculptée pour le musée par Alexandre Falguière (1831-1900) complètent l’exposition de cette salle.
décor de stucs du XVIIIe siècle, représentant des trophées de chasse et de pêche, en lien avec la fonction de cette pièce ; on remarque également une figure de lion, allusion possible aux armoiries du dernier archevêque de Narbonne, Arthur Richard Dillon, qui fit décorer cette pièce.
dans les vitrines de l’ancienne salle à manger des archevêques sont exposées des faïences de Marseille, notamment une amusante terrine de la seconde moitié du XVIIIe siècle, dont le couvercle est en forme de canard.
Grand salon
salle de plus de 20 mètres de long, restaurée en 2005 afin de lui redonner son style Second Empire.
parmi les pièces exposées, La Vierge à l’enfant avec saint Bonaventure, saint François, saint Louis et saint Antoine de Padoue, attribuée à Tintoret (1518-1594), tableau dans lequel le donateur Francesco Gherardini est représenté au premier plan[8] ; le Saint André de Jusepe di Ribera (1591-1652) ; le Portrait de Bartolomio Manganoni par Fra Vittore Ghislandi (1655-1743) ; un Paysage de François Boucher (1703-1770) ; l’impressionnant Mendiant « recroquevillé » de Gaspare Traversi (1722-1770) ; un Autoportrait de Hyacinthe Rigaud, natif de Perpignan (1659-1743) ; un Portrait de femme par Donatien Nonotte (1708-1785) ; le Portrait de Mgr Charles Le Goux de la Berchère, archevêque de Narbonne de 1703 à 1719 issu de l’entourage de Bon Boullogne (1649-1717) en arrière-plan duquel on aperçoit une vue de Narbonne au XVIIIe siècle.
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, le musée a constitué un fonds orientaliste avec les œuvres de Benjamin-Constant (1845-1902), Vincent Courdouan (1810-1893), ou encore les Narbonnais Mathieu Barathier (1784-1867) et Hippolyte Lazerges (1817-1887). Le fonds a été considérablement enrichi à la fin des années 1990[9].
Deux salles ont été spécialement aménagées pour la présentation entre autres de Rêverie d’Hippolyte Lazerges (1883) ; Le Caïd marocain Tahami et Odalisque de Jean-Joseph Benjamin-Constant ; Le Harem, scène des Mille et Une Nuits de Fernand Cormon (1854-1927) ; Jeune fille arabe de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) ; Bords du Nil à Marg, effet du soirÉmile Bernard (1868-1941) ; Les toits de Tunis ou Devant la mosquéeAlbert Aublet (1851-1938) ; La Casbah de Tinghir de Jacques Majorelle (1884-1962).
Une partie de l’accrochage est consacré aux artistes pensionnaires de la Villa Abd-el-Tif d’Alger (1907-1962). On y voit la grande peinture Les désenchantées de Roger Bezombes.
À signaler dans la collection de sculptures, deux œuvres atypiques de René Iché données à la ville. Sa première étude de taille directe Étude de lutteurs (1924) et La Petite Danseuse (1954), un petit bronze réalisé l'année même de la mort de l'artiste.
Arts décoratifs
La section d'arts décoratifs du musée comprend entre autres des ensembles de céramique, de mobilier, de miniatures ainsi que des émaux de Limoges. La collection de faïence est particulièrement riche : on y trouve des pièces datant des XVIIe et XVIIIe siècles et provenant de Nevers, Moustiers, Marseille ou encore Rouen.
Bibliographie
Paul Tournal, Catalogue du Musée de Narbonne et notes historiques sur cette ville, Caillard Imprimeur, Narbonne, 1864.
Eugène Fil, Catalogue raisonné des objets d’art et de céramique du Musée de Narbonne, Caillard Imprimeur, Narbonne, 1877
Louis Berthomieu, Catalogue descriptif et annoté des peintures et sculptures, Privat (Toulouse), 1923
Paul Paloque, Catalogue de la céramique au Musée de Narbonne, Narbonne, Commission archéologique, 1951
Jean Lepage, Les arts du siècle dernier à travers les réserves du Musée, Ville de Narbonne, 1981
—, Vingt-cinq ans d'acquisitions (1959-1984), Ville de Narbonne,
—, Lina Bill, Paysagiste méditerranéen 1855-1936, Ville de Narbonne, 1985
Anne Bousquet et Jean Lepage, Dix ans d’acquisitions, dix ans de restaurations (1985-1994), Ville de Narbonne, 1995.
Jean Lepage, Le bon vent et le vent mauvais ; les souffles d'Éole dans les collections publiques françaises, Ville de Narbonne,
—, Le Mirage oriental, Ville de Narbonne,
Aude Pessey-Lux et Jean Lepage, Georges-Daniel de Monfreid, le confident de Gauguin, Somogy, 2003
Jean Lepage, L'Épopée orientale, Somogy,
—, Acquisitions 2005-2006, Ville de Narbonne,
—, Les peintures du musée d’art et d’histoire de Narbonne, Ville de Narbonne, 2009
—, L'Orient fantasmé, Ville de Narbonne,
Société savante
Bulletin de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne
Livret de visite
Narbonne, ville d’art et d’histoire : laissez-vous conter le musée d’art et d’Histoire, Ville de Narbonne,
↑Suzanne Metche, La commission archéologique et littéraire de Narbonne et la formation d’un musée au XIXe siècle (1835-1864), contribution à l’histoire culturelle de la Ville, maîtrise d’histoire de l’art et d’archéologie, Université Paul Valery – Montpellier, 1991.
↑Victor Mortet, « Les antiquités de Narbonne et le projet d’organisation du Museum de cette ville pendant la Révolution », Annales du Midi, 1889, p. 528-573.
↑Sur la naissance du musée et la création de la Commission archéologique de Narbonne, voir Commission archéologique de Narbonne, compte rendu des fêtes du centenaire, Toulouse, Éditions Privat, 1934 ; l’extrait de l’arrêté est cité p. XV.
↑Léonce Favatier, La vie municipale à Narbonne au XVIIe siècle, deuxième partie, 1903, p. 135, Caillard (Narbonne).
↑Sur les travaux de Viollet-le-Duc à Narbonne, voir Henri Pradalier, « Viollet-le-Duc et l’Hôtel de Ville de Narbonne », Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne, t. 39, 1977.
↑Chantal Caillard Pech de Laclauze, Catalogue des faïences méridionales du musée d’art et d’histoire de Narbonne XVIIe , XVIIIe siècle, 1986.
↑(en) F. Salomon – The Remains of Piety: Veronese’s Petrobelli Altarpiece, in Paolo Veronese The Petrobelli Altarpiece, janvier 2009, p. 88-91.
↑Jean Lepage, L’Orient fantasmé, Ville de Narbonne, mars 2011.