Jean-Baptiste[n 1] Greuze est né le à Tournus[n 2] en Saône-et-Loire. Fils d'un entrepreneur et architecte, Jean-Baptiste Greuze fut dès sa plus tendre enfance attiré par le dessin, malgré la volonté de son père qui le destinait au commerce. Il fut soutenu dans sa vocation par le peintre lyonnais Charles Grandon, dont il sera l'élève. Greuze suit son professeur à Paris où il s'installe en 1750. Il devient l'élève de Charles-Joseph Natoire à l'Académie royale de peinture et de sculpture, professeur avec lequel il eut des démêlés.
Aux couleurs claires et lumineuses, à l'attitude légère de la peinture du XVIIIe siècle, Greuze introduit un réalisme d'influence néerlandaise dans la peinture de genre et le portrait français. Par des expressions faciales vives et des gestes dramatiques, ces peintures moralisantes illustrent l'idée selon laquelle la peinture doit se rapporter à la vie. Il capture les détails des décors et des costumes, parle au cœur, éduque les observateurs et cherche à les rendre "vertueux" [4].
Le , il épouse Anne-Gabrielle Babuty, fille d'un libraire du quai des Augustins, François Babuty, dont il expose en 1761 le portrait. Cette même année, il suscite l'engouement du public et de la critique au Salon, avec son Accordée de village[2].
L'année suivante, le , à Paris, son épouse donne naissance à une première fille qu'ils prénomment Anna-Geneviève. Elle embrassa la carrière de son père qu'elle soutiendra jusqu'à sa mort.
Greuze demande le divorce qui est prononcé le , et il se venge de ses déboires matrimoniaux en exécutant un dessin au lavis intitulé La Femme en colère où Anne-Gabrielle a l'apparence d'une furie ; dessin qui est aujourd'hui la propriété du Metropolitan Museum of Art de New-York[5].
Ayant placé sa fortune en rentes sur l'Hôtel de Ville, la Révolution le ruina entièrement.
Mort en sa demeure sise rue des Fossés Saint Denis (qui longeait le boulevard de Bonne-Nouvelle), Greuze repose à Paris au cimetière Montmartre. Depuis 1864, une rue Greuze, voie du 16e arrondissement de Paris, rend hommage à l'artiste. On peut, d’autre part, toujours voir sa maison natale à Tournus, ville qui érigea une statue en son honneur en 1868 (œuvre de Benoît Rougelet, visible place de l'Hôtel-de-Ville)[6].
Sépulture
La tombe de Jean-Baptiste Greuze et de ses filles : Anna-Geneviève (décédée le 6 novembre 1842) et Louise Gabrielle Greuze (décédée le 10 avril 1812), se trouve dans la 27e division du cimetière de Montmartre[7] à Paris.
Une des œuvres les plus connues de Greuze, La Malédiction paternelle, est un diptyque en deux parties : Le Fils ingrat et Le Fils puni. Greuze s'intéressait à ce type de composition, particulièrement propre à faire passer un message émotionnel et moral. Il avait même projeté une série de treize pendants, Basile et Thibaut ou les Deux Éducations, véritable vade-mecum destiné aux pères de famille, qu’il n’a jamais réalisé[8].
Après son Père de famille expliquant la Bible à ses enfants en 1755, sa popularité se confirme avec d'autres scènes de genre à visée morale, comme L'Accordée de village (Salon de 1761, Paris, musée du Louvre), La Piété filiale (Salon de 1763, acquis par Catherine II, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage), Le Fils ingrat, Le Fils puni (esquisses en 1765, Palais des beaux-arts de Lille, tableaux en 1778, musée du Louvre) ou La Mère bien aimée (Salon de 1769, Madrid, collection particulière).
Enfant endormi sur son livre, dit Le petit Paresseux, 1755, huile sur toile, Montpellier, musée Fabre
Le Guitariste ou Un oiseleur qui, au retour de la chasse, accorde sa guitare, Guitariste, Nantes, vers 1757, huile sur toile, 70 × 57 cm, Musée d'arts de Nantes (pendant du précédent)
Portrait de la femme de l'artiste (Ritratto della moglie dell'artista) ou Portrait de jeune fille (Ritratto di giovane Donna), huile sur toile cm. 45 x 37, palazzo Barberini - Gallerie Nazionali d'Arte Antica à Rome, inventaire 2490. Non daté.
Diderot exprime son enthousiasme pour le Portrait de Wille présenté au salon de 1765[18].
En 1769 il est élu à l'Académie comme peintre de genre et non comme peintre d'histoire comme il l'espérait avec son Empereur sévère. À partir de cette date, déçu, il ne participa plus aux Salons jusqu'en 1800[1].
Personnage debout vu de face, sanguine sur papier beige. H. 0,559 ; L. 0,364 m[37]. Beaux-Arts de Paris. Ce dessin représentant un personnage isolé à la sanguine est préparatoire à celui du mari situé à droite de la Réconciliation familiale, une composition d'une facture très achevée à la pierre noire, au lavis brun et d'encre de Chine, conservée à l'Art Museum de Phoenix. Datée vers 1785, elle met en scène le retour de l'époux volage vers sa femme éplorée[38].
La Révolution de 1789 amena la vogue de l'antique et dévalorisa son œuvre, mais le XIXe siècle perpétua la tradition de la peinture sentimentale.
Étude pour Le Fils puni, pierre noire et lavis d'encre de Chine, H. 0,266 ; L. 0,363 m[42]. Paris, Beaux-Arts de Paris[43]. Cette esquisse appartient à un petit ensemble de dessins préparatoires au Fils puni, toile ambitieuse qui fait pendant au Fils ingrat. La composition est dense, ramassée et encombrée de motifs pour donner à voir et à ressentir le drame qui se joue dans la chambre du mourant.
Tête d'enfant regardant avec effroi, sanguine sur papier beige, contre-collé en plein sur carton, H. 0,421 ; L. 0,318 m[44]. Paris, Beaux-Arts de Paris[45]. Cette tête d'expression est importante en ce qu'elle témoigne de l'attention particulière que ne cessa de porter Greuze à l'étude des sentiments. Il s'agit d'émouvoir le spectateur en parvenant à traduire , comme "d'après nature", la première rencontre de l'enfance avec l'horreur de la mort.
Torse d'Homme, nu à mi-corps, pastel sur papier bleu, H. 0,440 ; L. 0,320 m[46]. Paris, Beaux-Arts de Paris[47]. La feuille est une étude préparatoire pour la toile d'histoire : L'Empereur Sévère reproche à Caracalla, son fils, d'avoir voulu l'assassiner. La nudité de l'empereur révèle un corps fatigué et mourant, elle exprime la débilité de ce vieillard fragilisé par la tentative de paricide. Les nombreux détails scrupuleusement étudiés de son corps sont remarquables.
Jeune fille aux deux colombes, plume, encre brune et lavis d'encre de Chine, H. 0,226 ; L. 0,241 m[48]. Paris, Beaux-Arts de Paris[49]. La colombe est un motif ordinaire des scènes d'amour depuis la Renaissance. Greuze accordait de l'importance au motif de l'oiseau comme symbole érotique. Dans cette feuille, d'une plume agile, quelques traits d'encre brune à l'éxécution nerveuse, il nous convie dans l'univers intime et bourgeois de cette jeune fille dont le regard est tourné vers le spectateur.
Les Amants surpris, plume et encre noire, pinceau, lavis d'encre de Chine, H. 0,240 ; L. 0,280 m[50]. Paris, Beaux-Arts de Paris[51]. Il s'agit d'une petite comédie bourgeoise, campée par Greuze à coups de pinceaux au lavis gris, qui rappelle les vaudevilles des foires parisiennes. Dans une chambre, une jeune fille est allongée dans un lit à rideaux, un gandin débraillé se trouve à son chevet. Alors qu'une servante tire le rideau comme pour nous inviter à observer la scène, face à elle, sur une chaise, un petit chien semble excité par ce qui se donne à voir.
Le Charcutier, pinceau et lavis gris, tracé préparatoire à la pierre noire, H. 0,355 ; L. 0,275 m[52]. Paris, Beaux-Arts de Paris[53]. Loin de représenter un charcutier d'après nature, Greuze restitue ici l'image la plus repoussante et avilissante du métier. Ce lavis gris daté des années 1770 est postérieur à l'échec du Septime Sévère de l'artiste au salon de 1769. Les traits du charcutier ne sont pas sans rappeler ceux de Diderot dont il réalisa le portrait un peu plus tôt et qui fut le plus cruel des critiques, composant une diatribe reprise à l'unisson par le public. On pourrait voir dans cette caricature une réponse drôle et amère.
Personnage debout vu de face, sanguine sur papier beige, collé en plein sur le montage ancien, H. 0,559 ; L. 0,364 m[54]. Paris, Beaux-Arts de Paris[55]. Cette sanguine compte parmi les rares dessins préparatoires à La Réconciliation familiale, toile perdue ou qui ne fut jamais réalisée. Greuze s'intéresse ici aux iconographies du retour, il se joue un moment fort de la vie familiale : le retour du mari volage que l'artiste semble faire hésiter entre le repentir et la désinvolture.
Le Songe, dit aussi Jeune femme lutinée par des amours, vers 1775-1780, pinceau et encre grise sur traits de pierre noire sur papier vergé, 22,1 x 37 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts[56].
Dans le romanLa Vallée de la peur (1915), Sherlock Holmes apprend à l'inspecteur MacDonald que le professeur Moriarty possède un tableau de Jean-Baptiste Greuze, intitulé « La Jeune Fille à l'agneau », acquis « quarante mille livres à la vente Portalis[58] » de 1865.
↑Jean-Baptiste Greuze fut baptisé Jean, et non Jean-Baptiste : « Jean, fils légitime du sieur Jean-Louis Greuze, maître couvreur, demeurant au dit Tournus, et de Claudine Roch sa femme, est né le vingt et unième aout mil sept cent vingt cinq, a été baptisé le même jour par moi, vicaire, soussigné... ». Source : Jean-Louis Bourgeois, « Un peintre tournusien : Jean-Baptiste Greuze », revue Images de Saône-et-Loire, n° 35 (novembre 1977), pp. 12-13.
↑Au numéro 5 de l'actuelle rue Greuze. Une plaque commémorative y a été fixée : « Ici est né / Jean BTE Greuze / le XXI Août MDCCXXV ».
↑Greuze a présenté ce tableau d'histoire pour sa réception à l'Académie royale de peinture en 1769. Le tableau fut mal reçu et donna lieu à une controverse. On reprochait à Greuze d'être sorti de la hiérarchie des genres admise à l'époque : peintre de genre reconnu, il n'aurait pas dû prétendre à la qualification plus prestigieuse de peintre d'histoire. C'est d'ailleurs comme peintre de genre qu'il fut admis à l'Académie. Cf. Daniel Arasse, « L'Échec du Caracalla, Greuze et “l'étiquette du regard” », Diderot et Greuze, op. cit., p. 107-119.
Références
↑ a et b(en) Bernice Davidson, Paintings from the Frick Collection, New York, Harry N. Abrams, Incorporated, New York, (ISBN0-8109-3710-7), p. 101
↑ a et bVincent Pomarède, 1001 peintures au Louvre : De l’Antiquité au XIXe siècle, Paris/Milan, Musée du Louvre Editions, , 356 p. (ISBN2-35031-032-9), p. 177
↑Matthew Armstrong (trad. de l'anglais), L’Europe de 1750 à 1870 : par les conservateurs du Metropolitan Museum of Art, Paris, Gründ, , 159 p. (ISBN2-7000-2058-8), p. 30
↑Alain Dessertenne, « Les statues publiques en Saône-et-Loire. 1re partie : les statues aux illustres. », revue trimestrielle Images de Saône-et-Loire no 205 de mars 2021, p. 6-11.
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, De Poussin à Fragonard : hommage à Mathias Polakovits, Carnets d’études 26, Beaux-arts de Paris éditions, 2013, p. 120-122, Cat. 26.
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.102-105, Cat. 28
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.106-107, Cat. 29
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.108-109, Cat. 30
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.110-111, Cat. 31
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.112-113, Cat. 32
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.114-115, Cat. 33
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.116-117, Cat. 34
↑Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°52
↑Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°72
Jean Martin et Charles Masson, Catalogue raisonné de l'œuvre peint et dessiné de Jean-Baptiste Greuze, suivi de la liste des gravures exécutées d'après ses ouvrages, Paris, 1908.
Camille Mauclair, Greuze et son temps, Paris, Éditions Albin Michel, 1935.
Collectif, Diderot et Greuze, Actes du colloque de Clermont-Ferrand () réunis par Antoinette et Jean Ehrard (Université de Clermont II, Centre de recherches révolutionnaires et romantiques), Clermont-Ferrand, Adosa, 1986, (ISBN978-2-86639-049-5)