De son vivant, Natoire était mis à l'égal de François Boucher. Directeur de l'Académie de France à Rome de 1751 à 1775, il jouit d'une grande autorité dans le monde artistique. Comme son maître François Lemoyne, il est le peintre de la grâce, de la volupté et de la joie de vivre. Sa touche chaude et sensuelle est sans doute trop gracieuse pour la peinture d'histoire, trop frivole pour la peinture religieuse. Il reste avant tout comme l'auteur de l'admirable suite de l’Histoire de Psyché pour le salon de la Princesse de l'hôtel de Soubise à Paris, ainsi que des cartons de l’Histoire de Don Quichotte pour la Manufacture de Beauvais, conservés pour la plupart au château de Compiègne.
Issu d'une bonne famille catholique originaire de Lorraine, Charles-Joseph Natoire est né à Nîmes en 1700, fils de Florent Natoire, sculpteur, et de sa femme Catherine Mauric. Son père, après lui avoir donné ses premières leçons de dessin, l'envoie à Paris en 1717 pour compléter sa formation dans l'atelier de Louis Galloche (1670-1761), peintre du Roi et professeur à l'Académie royale de peinture et de sculpture, puis auprès de François Lemoyne, dont l'enseignement le marquera fortement.
Premier séjour romain (1723-1729)
Le 30 août 1721, il obtient le Premier Grand Prix de Rome avec un Manué offre un sacrifice au Seigneur pour obtenir un fils qui fut Sanson. Le 30 juin 1723, il est nommé pensionnaire de l'Académie de France à Rome où il parvient en octobre de la même année. Il exécute une copie de L'enlèvement des Sabines de Pierre de Cortone, un dessus-de-porte représentant Diane pour le Palais Mancini, où l'Académie de France à Rome s'installe en 1725, et remporte en décembre 1725 le premier prix de peinture de l'Académie de Saint-Luc avec un dessin intitulé Mosè che nel ritorno dal monte Sinai si mostra al popolo con faccia risplendente. En 1728, il peint pour l'ambassadeur de France, le cardinal de Polignac, un tableau représentant Jésus chassant les marchands hors du Temple.
Retour à Paris (1730-1751)
Natoire repart pour Paris au début de 1729. Sur le chemin du retour, il passe quelque temps à Venise. Il est agréé à l'Académie royale de peinture et de sculpture le 30 septembre 1730.
Sa réputation s'établit rapidement et il reçoit d'importantes commandes avant même d'être membre à part entière de l'Académie. Dès 1731, pour le château de La Chapelle-Godefroy à Saint-Aubin (Aube) appartenant à Philibert Orry, contrôleur général des finances, qui devait succéder au duc d'Antin comme directeur général des Bâtiments du Roi en 1736, il travaille ainsi à une Histoire des Dieux en neuf tableaux, une Histoire de Clovis en six tableaux, une Histoire de Télémaque en six tableaux et Les Quatre Saisons. Natoire n'achèvera ce travail qu'en 1740. En 1732, il exécute également trois dessus-de-porte aux sujets tirés de l'Ancien Testament pour l'hôtel du duc d'Antin à Paris.
En juin 1734, il participe à l'Exposition de la Jeunesse de la place Dauphine avec une Galathée. Cette année-là il reçoit sa première commande royale pour la chambre de la reine au château de Versailles et il est reçu membre de l'Académie le 31 décembre avec un Vénus commande à Vulcain des armes pour Énée. Dès lors, il exécute de nombreuses commandes royales, pour les petits appartements du château de Fontainebleau, pour le cabinet et la salle à manger du Roi au château de Versailles, pour le château de Marly, pour la Bibliothèque royale, etc.
En 1735, Natoire exécute le premier carton de la célèbre série de tapisseries de l’Histoire de Don Quichotte réalisées par la Manufacture de Beauvais pour le fermier généralPierre Grimod du Fort (1692-1748)[1]. En 1737, il reçoit la commande du cycle de l’Histoire de Psyché pour le salon ovale de la Princesse, réalisé par Germain Boffrand à l'hôtel de Soubise à Paris, l'une de ses créations les plus remarquables. À partir de 1741, il réalise les cartons de l’Histoire de Marc-Antoine pour la Manufacture des Gobelins.
En 1747, il s'exerce à un genre qui lui restera peu familier, le portrait, avec un Louis, dauphin de France. Il se montre plus à l'aise dans la peinture religieuse avec des toiles telles que Saint Étienne devant les docteurs portant de faux témoignages contre lui, peinte en 1745 pour la chapelle Saint-Symphorien de l'église Saint-Germain-des-Prés. Il participe aussi au remarquable décor illusionniste de la chapelle de l'hôpital des Enfants-Trouvés (1746-1750), construit par Germain Boffrand dans l'île de la Cité à Paris et malheureusement détruit au XIXe siècle.
En 1747, il participe au concours organisé par le nouveau directeur général des Bâtiments du Roi, Le Normant de Tournehem, avec le magnifique Triomphe de Bacchus du musée du Louvre.
Second séjour romain (1751-1777)
En 1751, Natoire est nommé directeur de l'Académie de France à Rome. Cette nomination, aussi prestigieuse qu’elle soit, va néanmoins sceller la fin de sa carrière. Éloigné de la Cour, Natoire ne deviendra pas Premier peintre du Roi, se voyant préférer ses rivaux, Carle van Loo puis François Boucher. En outre, il va quasiment cesser de peindre. En revanche, il se montre, au moins dans les premières années, un directeur actif, poussant les pensionnaires à multiplier les envois et leur recommandant de dessiner la campagne romaine.
Anobli en avril 1753, il reçoit, en 1755, l'ordre de Saint-Michel, qu'il attendait avec impatience[2].
Durant son second séjour romain, sa principale réalisation personnelle est la fresque de l’Apothéose de saint Louis au plafond de l'église Saint-Louis-des-Français (1754-1756). Mais, au moment où le néo-classicisme est en train de devenir à la mode, le parti du peintre, qui s'inspire du plafond de Sebastiano Conca à Sainte-Cécile, semble manquer d'originalité et de force, et lui vaut de vives critiques.
Natoire va ensuite se borner à réaliser de nombreux dessins de la campagne romaine, mais peu de toiles. Il devient de plus en plus dévot. En 1767, l'architecte Adrien Mouton, chassé de l'Académie[3], lui intente un procès qu'il finira par gagner en 1770, Natoire se voyant condamner à 20 000 livres de dommages et intérêts ainsi qu'aux dépens. Il est accusé d'erreurs administratives et le nouveau directeur général des Bâtiments, le comte d'Angiviller, le met à la retraite d'office en juin 1775. Il se retire à Castel Gandolfo où il meurt deux ans plus tard.
Mort et Gloire de Saint Clément IX (Rospigliosi). Collaboration avec Antonio Bicchierai. Non exposé. Accademia Nazionale di San Luca (Académie Nationale de Saint-Luc). La vérification n’a pu être effectuée (fermeture Covid).
Morte e gloria di san Luigi lX – Apothéose de Saint Louis, 1756. Huile sur toile. Rome, Chiesa di San Luigi dei Francesi (église Saint-Louis-des-Français) Voûte.
Peinture mythologique et allégorique
Cycle de l’Histoire des Dieux, 9 tableaux, 1731-1735, commandé par Philibert Orry :
Premier cycle de l’Histoire de Psyché, 4 tableaux, 1734-1735, commandé par le fermier général Louis Denis Lalive de Bellegarde (1679-1751) pour le château de la Chevrette :
L'entrée solennelle de Monseigneur de Pâris à Orléans, 1745, commandé pour la résidence de campagne des évêques d'Orléans à Meung-sur-Loire, Orléans, Bibliothèque municipale.
L'apothéose de saint Louis, 1756, Brest, musée des Beaux-Arts (esquisse).
Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste[15], sanguine, H. 25,5 ; L. 17,8 cm. Ce dessin a été réalisé pendant les années de pensionnat de Natoire à l'Académie de France à Rome, à partir de 1723. Il peut s'agir d'une copie d'après une œuvre non identifiée d'un peintre classique, mais il est tout aussi probable qu'il s'agisse d'une composition de fantaisie. Ses feuilles de jeunesse sont très appréciées des amateurs contemporains comme Mariette, Lempereur et le marquis de Calvière[16].
Etude pour la tête de Vénus[17], sanguine et rehauts de blanc sur papier beige, H. 20,2 ; L. 20,5 cm. Ce dessin se rattache à la dernière des quatre commandes confiées à Natoire par le contrôleur général des finances, Philibert Orry : l'Histoire de Télémaque. Il s'agit d'une étude préparatoire pour la figure de Vénus dans Vénus donne l'Amour à Calypso (Natoire, vers 1739, musée Pouchkine, Moscou)[18].
Amour offrant une pomme à Vénus[19], sanguine, lavis de sanguine et rehauts de blanc sur papier beige, H. 24,7 ; L. 36,5 cm. Ce dessin a été exécuté par Natoire pendant la décennie 1735-1745, alors qu'il prend part à des chantiers importants, à l'embellissement de plusieurs demeures particulières et réalise de nombreux tableaux de cabinet. Il est à rapprocher du Réveil de Vénus (Cummer Museum of Art and Gardens, Jacksonville, Floride), daté et signé de 1741[20].
Etude d'homme assis de profil à gauche, tenant la jambe gauche des deux mains[21], sanguine, lavis de sanguine et rehauts de blanc sur papier beige, H. 54,0 ; L. 40,6 cm. Ce dessin a été réalisé par Natoire pendant ses six mois cumulés d'enseignement à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, entre 1738 et 1751. Les professeurs de l'Académie devaient "poser" le modèle, mais également le dessiner ou le modeler, afin de fournir des exemples aux élèves. Cette feuille est donc un dessin d'après nature destiné à l'enseignement[22].
La cascade des jardins de la villa Aldobrandini à Frascati[23], graphite, pierre noire, plume, encre brune, lavis brun et d’encre de Chine, aquarelle bleue, rouge et grise et gouache blanche sur papier beige, H. 33,1 ; L. 47,1 cm. Ce dessin comporte une annotation de la main de l'artiste qui confirme la date et le lieu représenté[24].
Saint Jérôme, vers 1745, sanguine et légers rehauts à la craie blanche sur papier beige, 33,9 x 27,7 cm[25].
Enfant debout, le genou droit appuyé sur un rocher, vers 1735-1740, sanguine et rehauts à la craie blanche sur papier beige, 32,9 x 23,2 cm[26].
Notes et références
↑Dix cartons sont conservés au château de Compiègne. Deux de ces cartons n'existent pas sous forme de tapisserie. En revanche trois des neuf tapisseries de cette série exposées à Aix-en-Provence renvoient à des cartons disparus : c'est notamment le cas de celui qui fut exposé au Salon de 1742.
↑Il était de tradition de l'accorder au directeur de l'Académie de France à Rome.
↑Il refusait de présenter un billet de confession au moment de Pâques, ce qui manifestait probablement des convictions jansénistes.
↑Renaissance du Musée de Brest, acquisitions récentes : [exposition], Musée du Louvre, Aile de Flore, Département des Peintures, 25 octobre 1974-27 janvier 1975, Paris, , 80 p.
↑Musée du Louvre, « La Pêche », sur collections.louvre.fr, .
↑Ferdinand Boyer (1892-1976), « Documents inédits sur la tenture de Don Quichotte par Natoire (Aix-en- Provence, Compiègne, Louvre) », 1955, tome 5, fascicule 19, p. 67-72(lire en ligne)
↑Sous la direction d'Emmanuelle Brugerolles, François Boucher et l'art rocaille dans les collections de l'Ecole des beaux-arts, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 2003-2006, p. 210-213, Cat. 48
↑Sous la direction d'Emmanuelle Brugerolles, François Boucher et l'art rocaille dans les collections de l'Ecole des beaux-arts, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 2003-2006, p. 214-217, Cat. 49
↑Sous la direction d'Emmanuelle Brugerolles, François Boucher et l'art rocaille dans les collections de l'Ecole des beaux-arts, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 2003-2006, p. 218-220, Cat. 50
↑Sous la direction d'Emmanuelle Brugerolles, François Boucher et l'art rocaille dans les collections de l'Ecole des beaux-arts, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 2003-2006, p. 221-223, Cat. 51
↑Emmanuelle Brugerolles (dir.), Dessiner la lettre, écrire le dessin, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, , 248 p. (ISBN978-2-84056-813-1), p. 32-39
↑Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°48
↑Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°49
Voir aussi
Bibliographie
François Wedrychowski, Charles-Joseph Natoire, dessins de paysage, mai 2015 (ISBN978-2-9552634-0-2).
Charles-Joseph Natoire, catalogue d'exposition, mars-juin 1977, Musées d'Art et d'Histoire de la Ville de Nîmes éd., réimpr. 1987 (ISBN978-2-9023-0944-3).
Charles Joseph Natoire 1700-1777, L'Histoire de Marc Antoine, Actes Sud & Musée des Beaux-Arts de Nîmes, 1998 (ISBN978-2-7427-1962-4).
Colin B. Bailey (dir.), Les Amours des dieux. La peinture mythologique de Watteau à David, Fort Worth et Paris, Kimbell Art Museum et Réunion des musées nationaux, 1991.
F. Boyer, Catalogue raisonné de l'œuvre de Charles Natoire, peintre du roi, Archives de l'art français, t. XXI, 1949.
J. Claparède, Les Dessins romains de Charles Natoire, Musée, Montpellier, 1960.
Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2003 (ISBN978-2-2210-4810-8).