Maurice Perrin (évêque)
Maurice Perrin, de son nom complet Paul Marie Maurice Perrin, né le à Grenoble (Isère) et mort le à La Tronche[1], est un ecclésiastique français, archevêque de Carthage et primat d'Afrique de 1953 à 1965. Présent lors de la fin du protectorat français de Tunisie, il a la lourde tâche de devoir gérer le départ des populations chrétiennes du pays jusqu'à la signature du modus vivendi entre le gouvernement tunisien et le Vatican en 1964 qui acte la fermeture de la quasi-totalité des lieux de culte chrétiens. FormationMaurice Perrin naît à Grenoble le . Venu très jeune en Tunisie, il commence ses études au collège Sainte-Marie avant de rejoindre l'Institut Notre-Dame de Grenoble puis le collège des pères jésuites à Beyrouth. Il continue ses études à l'École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, d'où il sort ingénieur en 1927 avant de commencer à travailler dans les mines du Nord. En 1930, il abandonne sa carrière d'ingénieur et entre au grand séminaire de Mutuelleville. Ordonné prêtre en 1936, il est nommé vicaire à la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis avant de devenir secrétaire de l'archevêché en 1940 et aumônier au lycée Carnot. En , il est nommé curé de Sfax puis vicaire général. Archevêque coadjuteur de CarthageLa santé déclinante de l'archevêque de Carthage, Mgr Charles-Albert Gounot ainsi que les polémiques sur son soutien au résident général de France en Tunisie Jean-Pierre Esteva entre 1940 et 1943 incitent le pape Pie XII à nommer l'abbé Perrin comme archevêque coadjuteur le [2]. Nommé le même jour comme évêque d'Utique, il en reçoit la consécration le 28 octobre[3] suivant dans la cathédrale de Tunis. La nouvelle carrière de l'archevêque commence mal puisqu'il est pris à partie à Sfax en . La ville est alors la proie d'affrontements violents entre les forces de l'ordre et les ouvriers grévistes de la Compagnie des phosphates et des chemins de fer de Gafsa. Le prélat est agressé alors qu'il circule à vélo et roué de coups de bâtons[4]. Les ennuis de santé de Mgr Gounot l'amènent à déléguer l'essentiel de ses charges à celui qui doit lui succéder. Il sillonne le pays pour honorer de sa présence les cérémonies religieuses des communautés chrétiennes du pays et bénir les églises nouvellement construites. De même, c'est lui qui est chargé d'accueillir le le nonce apostolique en France, Angelo Roncalli, futur pape Jean XXIII[5]. Le , Mgr Gounot meurt. Mgr Perrin est installé comme archevêque de Carthage et primat d'Afrique le de la même année[3]. Dernières années du protectoratLa situation dans le pays est explosive. En pleine lutte pour l'indépendance du pays, les Tunisiens font face à une violente répression armée à laquelle ils répliquent par des attentats. Le , l'abbé Costa, curé de l'église de l'Immaculée-Conception de Kairouan, est assassiné dans son église. Le , jour de la Pentecôte, Mgr Perrin appelle à l'arrêt des hostilités :
Le , Pierre Mendès France annonce que la France reconnaît l'autonomie interne de la Tunisie alors que l'Algérie plonge à son tour dans la violence dès le . Bien qu'ils apprécient le calme retrouvé, les Européens sont inquiets en apprenant la teneur des accords d'autodétermination signés le . Dans une lettre pastorale datée du , l'archevêque traduit les sentiments de ses paroissiens :
La Tunisie obtient son indépendance le . Première années de l'indépendanceLa « tunisification » entraîne le départ de nombreux fonctionnaires français. Beaucoup d'autres Européens chrétiens quittent le pays, inquiets pour leur avenir, d'autant que certains gestes symboliques traduisent le nouveau rapport de forces qui s'est installé. Dès le , la statue du cardinal Lavigerie qui trônait à l'entrée de la médina de Tunis est déboulonnée. Jugée provocatrice par les musulmans tunisiens depuis son installation en 1930, elle est transférée dans les bâtiments de l'évêché à Carthage. Le , à la demande des syndicats tunisiens, les religieuses qui soignaient les malades à l'hôpital italien depuis 1910 sont renvoyées pour laisser la place à des Tunisiens. Tous les moyens sont bons pour inciter les populations européennes à quitter le pays. De nombreuses licences de transport et de fonds de commerce leur sont retirées[8], l'insécurité à la frontière algérienne est utilisée pour expulser les colons européens qui y vivent, à partir du , pendant que d'autres se voient privés de leurs terres pour cause d'irrigation ou de doute sur les titres de propriété[9]. La tragédie du bombardement de Sakiet Sidi Youssef le entraîne la fermeture de toutes les bases militaires françaises à l'exception de celle de Bizerte. Dans ce contexte de diminution rapide de la population européenne, la présence visible des pratiques chrétiennes est remise en cause. Dès 1959, les processions religieuses font l'objet d'une autorisation administrative qui est refusée à celle qui devait se tenir le 15 août à Tunis. Le , les prêtres de l'église de Kairouan sont expulsés et tous les biens immobiliers saisis[10]. La même année, c'est le prêtre de Kalaat Es-Senam qui se voit ordonner de remettre les clés de l'église[11]. À la suite de la crise de Bizerte en , ce sont encore plusieurs milliers de Français qui quittent le pays. La ville de Ferryville, qui comptait 14 000 chrétiens, n'en a plus que 800 quelques mois après. Les institutions chrétiennes ferment les unes après les autres, faute de fidèles et d'élèves dans les écoles ou faute d'agrément administratif comme le Secours catholique interdit en 1961[12]. Cette disparition de la communauté chrétienne trouve son épilogue dans la signature en 1964 d'un accord bilatéral, le modus vivendi, entre le gouvernement tunisien et le Vatican au bout de cinq ans de négociations. Signature du modus vivendiLe , la rencontre à Rome entre le pape Jean XXIII et le président de la République tunisienne Habib Bourguiba convainc ce dernier que des négociations bilatérales sont nécessaires pour régler le sort de l'Église catholique en Tunisie. Dès le 5 juillet, Mongi Slim est au Vatican pour entamer les entretiens en présence de Mgr Perrin. Une nouvelle visite du président Bourguiba en entérine l'ouverture officielle des négociations à partir du . Une première phase a lieu du 13 au entre Taïeb Sahbani, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, et Mgr Luigi Poggi. Après le décès de Jean XXIII, une deuxième phase se déroule du 10 au et du 23 au . La troisième phase est ouverte le et, le , c'est la signature à Tunis et au Vatican. Le texte paraît au Journal officiel de la République tunisienne le 24 juillet[13]. Cet accord prévoit la cession à l'État tunisien à titre gratuit et définitif des 107 lieux de culte[14] à l'exception de ceux mentionnés en annexe de l'accord (cathédrale et église Sainte-Jeanne-d'Arc de Tunis, église de La Goulette, églises de Grombalia et de Sousse)[15] avec « l'assurance qu'ils ne seront utilisés qu'à des fins d'intérêt public compatibles avec leur ancienne destination ». L'idée directrice est de faire disparaître l'aspect extérieur et visible de l'église et d'entrer en possession de tout ce qui peut être utilisé. L'un des négociateurs romains affirmera que les négociations pour ce modus vivendi furent plus difficiles que celles menées avec des pays de l'Est européen, alors imprégnés de communisme[16]. La nouvelle anéantit les derniers membres de la communauté chrétienne. Le , Mgr Perrin s'adresse à eux dans une lettre publiée dans l'Écho de la prélature :
Le titre d'archevêque de Carthage et de primat d'Afrique est supprimé. Mgr Perrin devient simple prélat de Tunisie et reçoit le titre honorifique d'archevêque titulaire de Nova le . Abattu, il démissionne le [3]. Après la TunisieAprès Tunis, il part pour Bagdad où il est nommé archevêque de la ville et délégué apostolique en Irak le . Ensuite, il est envoyé comme pro-nonce apostolique en Éthiopie avec le titre d'archevêque titulaire de Gurza. Il y reste jusqu'à sa démission le [3]. Il se retire alors en Savoie où il meurt le [2]. Il est inhumé au cimetière Saint-Roch de Grenoble[18]. Notes et références
Liens externes
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