Quelques années après, il en devient l'un des plus jeunes médaillés d'honneur pour son tableau Bibelots du musée de Cluny au Salon de 1886, puis pour son célèbre Le Marmiton (1887). Passionné par le monde de la gastronomie, il peint tout autant la nourriture que ceux qui ont contribué à la préparer. Il décline les marmitons de différentes manières dans La Cigarette ou Le Repos (1892), ainsi que dans La Besogne faite où le jeune commis, affalé sur une chaise, fume négligemment une cigarette (1893). Il poursuit dans la même veine avec Les Cuisiniers (1894), Reflets de soleil (1895) ou encore Bataille de chiens (1896).
Il reçoit la médaille d'or de l'Exposition universelle de 1900 pour trois œuvres majeures : Le Goûter, Bulles de savon et La Servante[4].
Exécutant des œuvres dans le goût hollandais ou flamand, il s'attache à reproduire des scènes d'intérieur. Il se révèle particulièrement habile à rendre l'éclat d'un cuivre, à jouer avec la lumière d'un rayon de soleil qui entre furtivement dans la pièce, offrant à Gérald Schurr de percevoir en lui un « émule lointain du Caravage », pratiquant « des contre-jours savants à la Zurbarán »[5]. Il se distingue par la suite avec des compositions mettant en scène des servantes — variation féminine du thème des marmitons. À la suite d'une visite aux hospices de Beaune effectuée en 1902, il va peu à peu s'intéresser à la vie des religieuses hospitalières. De cette visite vont naître Le Bénédicité (1903), Un coin de lingerie (1907) ou encore La Cuisine (1910).
Travaillant dans ses ateliers parisiens de la rue Legendre et de Bois-le-Roi, rue de la Mairie, il présente l'une de ses dernières œuvres en 1921, La Citronnade, et meurt quelques semaines plus tard à Neuilly-sur-Seine, le .
Son œuvre caractéristique reflète moins l'influence de ses maîtres académiques que l'étude des peintures de Chardin qu'il avait vues au musée du Louvre, et les travaux de contemporains réalistes tels qu'Antoine Vollon et Théodule Ribot. Peintre intimiste, il apporte soin et réflexion à la disposition des éléments du décor et il fait preuve de beaucoup de raffinement et d'exactitude dans le choix des couleurs.
« Une peinture de réalisation heureuse est bien celle de Joseph Bail. Nul effort apparent. D'un angle du tableau à l'angle opposé, la sûreté est égale. Bien faire semble la formule du peintre. Il l'applique avec certitude et succès. »
« Sa virtuosité s'est élevée des caves et des cuisines aux lingeries paisibles et aux discrets réfectoires, et s'amuse à y suivre, d'objet en objet, la caresse des rayons furtifs. »
« Original en diable, ce producteur de chatons malins signait ses toiles Bail, Joseph, comme à l'école primaire. Ce qui est bien caractéristique de l'esprit des pompiers… »
« Joseph Bail complique à plaisir les jeux d'éclairage dans ses intérieurs, mais sa technique de virtuose, sa délicatesse de touche, rendent l'artifice séduisant. »
« While other artists were changing the shape of art through modernist distortions of form, the Bails looked backward, creating a painting style that showed a devotion to the past and reflected the values of former times »
« Il s'est adonné à la peinture de genre et a fait quelques toiles représentant des animaux, mais il doit surtout sa réputation à ses tableaux d'intérieurs. Son talent s'est appliqué à rendre des éclairages heureux et parfois un peu factices. Il excelle à créer dans ses toiles une lumière très vive due à l'éclat rayonnant de quelques points brillants ou à la projection directe du jour extérieur. On ne saurait dire que ce soit du grand art, mais c'est assurément l'expression d'un art original et assez harmonieux. Sa facture est très délicate et son coloris fort juste. »
« Joseph Bail est l'un des meilleurs peintres de cette veine traditionaliste qui se poursuit au milieu des débats sur les couleurs, la peinture de la vie moderne et, bientôt, la déformation de la perspective et l'abandon du sujet. Il poursuit, si l'on peut dire, comme Monet les effets changeants de la lumière, mais sur les chaudrons de cuivre dont la surface polie la réfléchit, dans les offices et les cuisines, dans des natures mortes. Sa peinture renvoie aux scènes intimes de l'École hollandaise… Une peinture pour une société qui, comme elle, va être totalement bouleversée[17]. »
— Anne Foster, L'œuvre de Bail, reflet d'un monde déjà perdu
Récompenses au Salon des artistes français : mention honorable en 1885, médaille de troisième classe en 1886, de deuxième classe en 1887, médaille d'argent en 1889, médaille d'honneur pour Les Dentellières en 1902[28].
↑Gérald Schurr, Le guidargus de la peinture, Les Éditions de l'Amateur, 1996, p. 46.
↑ « Le mois artistique », L'Art et les artistes, avril 1908, p. 34.
↑F.M., « Le Salon des artistes français », L'Art et les Artistes, tome IX, avril-, p. 188 : « [Joseph Bail] peint des Communiantes avec cette perfection un peu froide qui lui est habituelle. »
↑ Raymond Bouyer, « Les salons de 1911 - La peinture », La Revue de l'art ancien et moderne,1911, pp. 452, 457.
↑ « Le Salon des artistes français », L'Art et les artistes, octobre 1921, p. 322.
↑ Musée Louis-Senlecq, catalogue Trésors des collections privées, 1995, n°54 du catalogue.
↑ Musée Eugène-Boudin, catalogue Images de la vie silencieuse - La nature morte au XIXe siècle, 1996, pp. 46, 49.
↑Edmond Aman-Jean, « La peinture au Salon », Art & Décoration, tome XII, juillet-, pp. 49-57.
↑Henry Marcel, La peinture française au XIXe siècle, Alcide Picard et Kaan, 1906, p. 309.
↑Jean-Paul Crespelle, Les maîtres de la Belle Époque, Hachette, 1966, p. 144.
↑Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, Les Éditions de l'Amateur, vol. 1, 1975, p. 65.
↑Gabriel P. Weisberg, « Painters from Lyon: The Bails and the continuation of a popular realist tradition », Arts Magazine, no 55, , p. 6.
Jules Martin, « Joseph Bail », in Nos peintres et sculpteurs, dessinateurs, graveurs - Portraits et biographies, Flammarion, 1897.
C.-E. Curinier (dir.), Dictionnaire national des contemporains, vol. 5, Office général d'éditions, 1905.
Henry Marcel, La peinture française au XIXe siècle, Alcide Picard et Kaan, 1906.
Jean Valmy-Baysse, Joseph Bail : sa vie, son œuvre, collection « Peintres d'aujourd'hui », Paris, Librairie Félix Juven/Société d'édition et de publications, 1910.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999.
Gérald Schurr et Pierre Cabanne, Les Petits Maîtres de la peinture, valeur de demain - 1820-1920, Les Éditions de l'Amateur, 2008.
Monique Riccardi-Cubitt, La vie de Bohème à Bois-le-Roi. Art, politique et naturalisme, Éditions du Puits Fleuri, , 160 p. (ISBN978-2867397219)
Françoise Parize, « Joseph Bail, Jean-Antoine Bail (son père), Franck Bail (son frère), peintres de la vie bourgeoise et de la domesticité », Artistes parisiens à la campagne, « Les beaux jours de Bois-le-Roi », coordination, Pierrette Marne, Association Bois-le-Roi Audiovisuel et Patrimoine, , p. 94-103 (ISBN978-2-9561593-3-9)
Françoise Parize, « Joseph Bail, artiste de Bois-le-Roi », Fontainebleau, la revue d'histoire de la ville et de sa région, Société d'histoire de Fontainebleau et de sa région, no 26,