Noël Louis Jean Dorville[1] est le fils de l'illustrateur et graveur Noël Dorville (1874-1938) et de Valentine Aragon, fille d’un industriel en tuilerie et céramique de Massy[2]. Des carnets de résultats scolaires du jeune garçon, qui ont été conservés[2], le situent en 1914 « déjà excellent en arts plastiques ». Il entre après ses études secondaires à l'École nationale supérieure des arts décoratifs où il a pour maître Paul Renouard et où il se lie d'amitié avec son condisciple Claude Autant-Lara. Il en vient ainsi à fréquenter le Théâtre Art et Action, dirigé par les parents du futur cinéaste. Si, pour la pièce lyrique Jeanne d'Arc de Charles Péguy qui y est donnée, il est l'un des musiciens[3], il y est en 1919 décorateur[4].
En , par le bateau Leopoldina à destination de New York, Jean Dorville part aux États-Unis où, résidant essentiellement à Philadelphie, il dessine pour la presse et réalise des croquis de mode pour les grands magasins. De retour en France par le Mauretania en 1922, l'année 1923 le voit à Gargilesse où il peint en compagnie de Léon Detroy[2].
Jean Dorville épouse en 1924 Suzanne Cambier dont les attaches familiales, se situant à Cry-sur-Armançon (Yonne), expliquent la part bourguignonne de la peinture de notre artiste, avec des paysages allant de Cry-sur-Armançon à Semur-en-Auxois. Mais en 1927, il rencontre la danseuse étoile du Théâtre du Châtelet Irène Tilly-Jacquin (née le à Levallois-Perret d'un agent de change et d'une professeure de piano, et décédée le ), et choisit de divorcer pour l'épouser[2]. Il devient ainsi le beau-frère de la comédienne Hélène Gerber, née Simone Jacquin, mère du comédien et acteur Michel Aumont[2].
Le soutien, à partir de 1927, de deux mécènes - Jacques Hinstin(de), proche collaborateur d'André Citroën, et le Marquis de Dampierre - ouvre à notre artiste le monde des galeries parisiennes (première exposition personnelle en 1928) et lui offre l'aisance d'aller peindre à Aix-en-Provence, à Cassis (Bouches-du-Rhône) et à Cosne-sur-Loire où sont ses racines parentales. Si là se situe sa brève période cubiste avec la composition et l'illustration par la gouache des Poèmes mécaniques, l'intérêt initié à Philadelphie pour le dessin de mode (dont la participation au Salon de la mode par les artistes en 1926[5] énonçait la persistance) ne se dément pas puisqu'en 1933 Jean Dorville se lie par contrat professionnel à la Maison Siegel et Stockman et qu'en 1945 encore, il participe avec Christian Bérard à l'élaboration du Théâtre de la Mode[2].
L'année 1945 marque le début de la relation de Jean Dorville à l'impression. En même temps qu'il expose chez Lucy Krohg, il fait l'apprentissage de la lithographie où son œuvre maîtresse sera en 1947 le grand in-folio des Ponts de Paris, puis vient le temps de l'adaptation pour la presse de romans en feuilletons illustrés. Il travaille ainsi sur le livre La dextre du grand maître et c'est sur l'invitation de l'auteur, Konstantine Gamsakhurdia, que notre artiste se rend en U.R.S.S. en 1964[2],[6].
La consultation du fonds Dorville conservé aux archives municipales de Beaune révèle l'ampleur de l'œuvre poétique, mêlée de récits autobiographiques (comme celui de son voyage aux États-Unis qu'il titra en une sorte de verlan: Naej Ellivrod au pays de l'Euqiréma), que notre artiste rédigea et cependant ne publia jamais[2]. Aussi la part littéraire de son éclectique personnalité reste-t-elle à explorer.
Poèmes mécaniques, quinze textes de Jean Dorville (1927-1928) illustrés par les gouaches cubistes de l'artiste et préfacés par Max Jacob. La composition par Jean Wiéner d'une musique pour la présentation scénique des Poèmes mécaniques[3] aboutira à la création par Jean Dorville en 1970, à l'auditorium de Levallois-Perret, d'un spectacle avec Jean-Jacques Aslanian et Jean Wiéner[2].
Éditions d'art
Les douze ponts de Paris, suite de douze lithographies originales de Jean Dorville (1947). Cet ensemble en grand in-folio a inspiré à Jacques Prévert, préfacier, son poème qui est joint, « Encore une fois sur le fleuve le remorqueur de l'aube a poussé son cri… », Éditions R. Guillard, Paris, 1947[3],[8].
Exposition organisée à l'occasion des États généraux du désarmement, Cercle Volney, Paris, mai 1963.
Galerie Guillet, Paris, novembre-.
Réception historique et critique
« Il devient en 1921 le familier et l'ami des grands artistes qui marquèrent cette époque: Jean Cocteau, Jean Wiéner, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Georges Auric, Francis Poulenc, Henri Sauguet, Jean Oberlé, Francis Carco, Colette, Marcel L'Herbier: c'est la grande époque du Bœuf sur le toit. Tous ces gens, illustres aujourd'hui, formaient une sorte de camarilla créative, disparate et unie. La spontanéité, la camaraderie, l'amitié et la liberté d'expression marquent leurs œuvres. Tout ceci, lié à la fréquentation de Picasso, explique l'esprit dans lequel furent créés les Poèmes mécaniques. Puis Jean Dorville est retourné aux paysages et à la fréquentation des ponts de Paris. Piéton de Paris, Jean Dorville reste un témoin marquant de cette époque déjà lointaine où le cœur des artistes battait au rythme de la grande ville. » - Claude Robert[3]
« Jean Dorville a abordé tous les genres, toutes les techniques, sans jamais, sauf une brève période cubiste, se laisser entraîner par une école, une tendance quelconque. C'est toujours avec sa propre sensibilité qu'il s'est exprimé en toute liberté. » - Irène Tilly-Dorville[2]