La biographie artistique de Cristine Guinamand pourrait commencer en 2001, année où, après qu'un incendie a détruit son atelier et tout son travail des années antérieures, et l'a, également, sérieusement blessée, elle repart en quelque sorte de zéro[1]. Auparavant, après des études à l'école régionale des beaux-arts de Saint-Étienne, où elle a obtenu un diplôme national supérieur d’expression plastique ainsi qu'un diplôme national d’arts plastiques, elle a séjourné, en 1997, à l’école des beaux-arts de Porto, dans le cadre d'un échange Erasmus.
D'abord connue pour sa peinture, Cristine Guinamand a toujours travaillé toutes sortes de matériaux : elle pratique le dessin et, à l’occasion, la gravure, fait de la broderie, réalise des installations, des « reliquaires », des sculptures, voire des « machines »… Mais « ses recherches débordent le cadre technique et elle aime être libre d’aller et venir entre les matériaux[1] » : « La coupe et le débitage des surfaces sont pour [elle] un moyen de contrarier la virtuosité du geste et l’épanchement facile[2]. »
« C’est […] à la ferme que Cristine fit ses premières armes de peintre » écrit Louis Bernard[3]. Il poursuit : « […] à la ferme, les mains travaillent – la tête aussi ! On s’endurcit et s’assouplit à la fois, en passant d’une tâche à l’autre ; les doigts s’agitent, on affûte, "daille", "chapuse" […]. C’est peut-être de cette diversité que lui vint sa propension à enfreindre les règles contraignantes de la peinture, à transgresser les usages. Peut-être aussi de ces outils en rondes bosses que lui vint son goût pour les "Reliefs". Car Cristine ne se sent liée par aucune des contraintes de son art, ni par le support, ni par l’obligation de planéité, ni par la forme même des contours ou des châssis. »
Participant d'un renouveau en France de la peinture — et notamment figurative — avec une génération d'artistes qui ont commencé leur carrière au tournant des XXe et XXIe siècles, Cristine Guinamand a exposé dans plusieurs manifestations mettant en valeur ces peintres et dessinateurs. Ce fut le cas en 2010-2012 avec « La belle peinture est derrière nous », présentée en France et en Turquie, ainsi que, en 2023, avec « Immortelle. La vitalité de la jeune peinture figurative française ». À propos de cette dernière exposition au MO.CO. de Montpellier, Numa Hambursin[4] déclare dans Art Press : « La distinction entre abstraction et figuration est artificielle. Les œuvres de Cristine Guinamand sont figuratives mais des morceaux entiers de tableaux ne sont pas de la figuration[5]. » Et, à la question « Comment la peinture est-elle devenue votre médium de prédilection ? », l'artiste répond :
« […] L'application des couleurs à l'huile sur la toile, parfois sur des supports hétéroclites, est une fête solitaire qui se transforme en partages, échappées ou cauchemars dans lesquels le temps semble arrêté[6]. »
Thématiques
Dans son œuvre, que ce soient des peintures, avec ou sans collages, des dessins, des sculptures ou des constructions diverses (série des « Théâtres » en 2012[7] ou des « Hangars » en 2012-2013[8]), Cristine Guinamand ne cesse de mettre en scène « les thèmes de la vie et de la mort, et des actes qui s’y rattachent symboliquement : le sexe et ses pulsions, la défécation, le voyage…[1] » Cette imagerie mélange à la fois les figures classiques du fantastique — squelettes, apparitions, monstres divers, feux follets, pendus, revenants lubriques… — et des ébauches de paysages, le plus souvent déserts et menaçants — bord de l’eau, coins perdus de montagne ou de forêt, taillis d'arbres désolés. Ces lieux ne sont pas sans rapport avec ceux de son enfance dans la campagne de Haute-Loire, et plusieurs de ses œuvres y font plus ou moins explicitement référence (par exemple, À Échabrac[9], 2007).
Pour décrire ce travail et le lien entre la thématique des œuvres et la technique de l'artiste, Anne Malherbe écrit, dans sa présentation[10] de l’exposition « Sortilège » à la fondation d'art contemporain Salomon : « Cristine Guinamand déverse sur la toile, dans une peinture fluide, posée avec urgence, un univers obscur de sorciers et d’ombres infernales. Visions nocturnes dans lesquelles on devine l’homme, redevenu bête, accomplissant des actes primitifs. L’artiste délivre dans une secousse des obsessions qui sont le fond inavouable de l’humanité. »
Résidences
2007 et 2003 : Urdla[11], édition de lithographies.
Commentaires
« On est face à ce qui semble être au premier abord […] de la peinture de chevalet raffinée (Gustave Moreau ?) ; mais en s'approchant, on se retrouve devant de l'expressionnisme presque abstrait, du Wols transfiguré. Le surréalisme et la peinture automatique ne sont pas loin, mais "aidés". C'est cette spontanéité formelle qui garantit la force et l'émotion de ces œuvres. Dernier point : ces tableaux sont très beaux, et cela n'aurait aucun intérêt s'ils ne racontaient pas des horreurs. »
« Dans ses tableaux au lyrisme flamboyant, Cristine Guinamand arrache aux limbes des fragments épars, pour tenter de reconstituer cette harmonie. Ses images hallucinées deviennent exutoire universel, exprimé par des couleurs sensuelles et juteuses. »
« La violence est […] plus formelle chez Cristine Guinamand, Ronan Barrot et Youcef Korichi, qui composent tous trois des scènes indéterminées, non manifestes, dont on ne peut affirmer avec précision ce qui s'y passe en raison d'un brouillage de l'image par le travail pictural (adjonction d'objets qui attaquent le support chez Guinamand, […]). »
— Richard Leydier, « La belle peinture est derrière nous », Art Press, n° 374, janvier 2011
« Labyrinthe est un mot qui revient souvent dans le vocabulaire de Cristine Guinamand. Il s’agit de labyrinthes de matières et de récits qui foisonnent dans l’univers de cette peintre […]. Car même si son univers est éloigné d’un Jackson Pollock, représentant encore des années plus tard l’exemple de l’artiste se jetant sur sa toile comme dans une arène, Cristine Guinamand s’attaque, avec ses outils, à l’huile. Elle l’empoigne, la découpe, la griffe, la gratte, la perce et y ajoute même des objets pour en accroître la tautologie. Ainsi dans son récit, la reproduction d’une porte est accentuée par l’ajout d’un encadrement, quand la matérialisation de la complexité de la pensée s’enrichit d’un puzzle collé sur la toile. »
— Marie Maertens, journaliste et critique d’art[13], 2012
« Dans l’univers de Guinamand, nous sommes loin de la condition paysanne de Millet. Son territoire, un socle rural peu complaisant s’organise, s’ouvre, se fissure. Subrepticement, un visage immobile nous regarde, frontal. La campagne dessine des silhouettes d’arbres morts, des ombres furtives, souvenirs évanescents, et l’agonie crépusculaire expulse des couleurs incandescentes, d’acides et de feux.
[…]
L’énergie, la foi dans l’œuvre de Cristine Guinamand forgent le caractère trempé d’une peintre des plus croquantes[14] du XXIe siècle. »
2021-2022 : « Le musée fête ses 20 ans - Volet 2 » (Un regard sur la création en Auvergne et Rhône-Alpes, de 1800 à nos jours)[31], musée Paul-Dini, Villefranche-sur-Saône
2019 : Hangars – Cristine Guinamand[8], avec un texte de Jean-Claude Volot, des extraits de lettres de poilus et un texte de l’artiste, Éditions de l’abbaye d’Auberive (ISBN978-2-918160-17-5)
↑Marguerite Pilven, texte introductif de l'exposition « Heureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière », janvier 2012, galerie Olivier Houg, Lyon.
↑Texte de présentation de l'exposition « Sur la terre comme en enfer », Polignac, été 2013.
↑Stéphane Pencréac, Cristine Guinamand, La mort qui tue : [exposition, Ivry-sur-Seine, Trafic galerie, 17 novembre-23 décembre 2007], Ivry-sur-Seine, Trafic galerie, , 22 p. (ISBN978-2-9524852-7-2 et 2-9524852-7-5)
↑Connaissance des Arts, Arts Programme, Art Press…
↑Croquants : nom donné aux paysans en révolte (sous Henri IV et Louis XIII).
↑D'après son poème en introduction du catalogue de l'exposition :
« Au ciel noir, obscur prétendant, tu flambes immuablement. Au vin blanc, les succursales de ta boîte cranienne se consument en gibets, reliques et trophées. Hiératiques tremblements annonçant une route de cendre pour une forêt. […] »
↑Immortelle. La vitalité de la jeune peinture figurative française (catalogue de l'exposition), textes de Numa Hambursin et Amélie Adamo, Milan, SilvanaEditoriale (ISBN9-788836654062).
↑ a et bRegards pluriels (2011-2021 : 10 ans d'acquisitions du musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône), sous la dir. de Sylvie Carlier, éd. Musée Paul-Dini, 2021, p. 132-133 (ISBN978-2-905048-29-5).
↑Avec Gérard Alary, Dominique Albertelli, Anastas, Lydie Arickx, Francis-Olivier Brunet, Manuel Chauveheid, Fabien Claude, Marc Felten, Zlatko Glamotchak, Jacques Harbelot, Karin, Marcel Katuchevsky, Richard Laillier, Michel Madore, Arié Mandelbaum, Antonio Maro, Henri Morez, Paul de Pignol, Vera Pouw, Jean Rustin, Serge Saunière, Sam Szafran, Béatrice Tabah, Isabelle Vialle.
Collectif (Aude Lamorelle, Claudine Grammont, Christian Noorbergen, Bruno Chenique, Kheira Mébrak), Inconscients ! Les artistes et la psychanalyse, Paris, galerie ALFA, , 176 p.
Livre édité à l'occasion de l'exposition collective.
Athénaïs Rézette, Peinture contemporaine. Essai sur la peinture actuelle, suivi de seize textes critiques, Virton, éditions du Comble, , 160 p. (ISBN978-2-9601895-0-6).