Intuitivement, un ensemble compact est « petit » et « fermé », au sens où l'on ne peut « s'en échapper ». Si l'on forme une suite de points de cet ensemble, ses éléments ne peuvent pas beaucoup s'éloigner les uns des autres et se concentrent sur certaines valeurs. Cet article propose une approche de la compacité dans le cadre restreint des espaces métriques, où elle est équivalente à la compacité séquentielle.
Un espace est dit compact s'il est séparé et quasi-compact. Or la définition usuelle de la quasi-compacité est équivalente à la suivante, qui correspond mot pour mot à celle de la compacité séquentielle, à une différence près : on remplace les suites par des suites généralisées[1] :
Un espace quasi compact est un espace topologique dans lequel toute suite généralisée possède au moins une sous-suite généralisée convergente.
Quelques contre-exemples suffisent à se convaincre que cet ajout du mot « généralisée » est très important. Les plus connus sont :
Il existe cependant des liens entre ces deux notions via celle, multiforme, de compacité dénombrable (parfois sous certaines hypothèses, toujours vérifiées lorsque l'espace est métrisable) : voir l'article détaillé.
Par ailleurs, tout compact « assez petit » est séquentiellement compact. Sous l'hypothèse du continu, ce « assez petit » se traduit par : « ayant au plus autant d'éléments que ℝ ». Plus précisément (et sans l'hypothèse du continu) :Tout quasi-compact de cardinal inférieur ou égal à ℵ1 est séquentiellement compact[3],[4].
Propriétés
Tout espace fini ou, plus généralement, tout sous-espace réunion finie de parties séquentiellement compactes d'un même espace, est clairement séquentiellement compact.
Dans un espace séparé, de même que toute partie compacte est fermée, toute partie K séquentiellement compacte est séquentiellement fermée, c'est-à-dire stable par limites de suites (toute suite de points de K qui converge a sa limite dans K), mais pas nécessairement fermée : par exemple [0, ω1[ n'est pas fermé dans [0, ω1].
Toute partie séquentiellement fermée (et a fortiori toute partie fermée) d'un espace séquentiellement compact est séquentiellement compacte, de même que tout fermé d'un (quasi-)compact est (quasi-)compact.
De même que l'intersection de toute suite décroissante de compacts non vides, l'intersection de toute suite décroissante de parties séquentiellement compactes Fn non vides est non vide. En effet, choisissons pour tout n un élément un de Fn. La suite (un) admet une sous-suite convergente dans F0. Pour tout n, la sous-suite est à valeurs dans Fn à partir d'un certain rang et comme cet ensemble est séquentiellement fermé, il contient la limite.
Soient f une application continue (ou même seulement séquentiellement continue) sur un espace séquentiellement compact K et (yn) une suite de points de f(K), avec yn = f(xn), alors la suite (xn) admet une sous-suite convergeant vers un élément X de K. Par continuité, la suite des images converge vers f(X) qui appartient à f(K).
Soit X le produit d'une suite (Xi)i∈ℕ d'espaces séquentiellement compacts et soit (xj)j∈ℕ une suite d'éléments de X (une suite de suites). À partir de n0(j) = j, on construit par récurrence une suite d'extractrices np, chacune extraite de la précédente et telle que dans Xp, la suite converge vers un certain xp(pour extraire de np une sous-suite np+1 vérifiant cette condition, on utilise la compacité séquentielle de Xp), puis on pose (pour tout entier naturel p) φ(p) = np(p) (dans le cas d'un produit fini X0×…×Xm–1, il n'est pas nécessaire d'appliquer ce procédé diagonal : on peut prendre simplement φ = nm). Cette extractrice φ donne alors une suite extraite de (xj)j∈ℕ qui converge par construction vers l'élément (xp)p∈ℕ de X, ce qui achève la preuve.
Soit S = {0, 1}ℕ l'ensemble des suites à valeurs dans {0, 1}. Le compact T = {0, 1}S n'est pas séquentiellement compact. En effet, T s'identifie à l'ensemble, muni de la topologie de la convergence simple, des applications de S dans {0, 1}, or on peut construire une suite (fn)n∈ℕ de telles applications dont aucune sous-suite (fφ(j)) n'a de limite. Il suffit pour cela de définir fn par : fn(s) = sn pour tout s. Pour toute extractrice φ, considérons l'élément s de S tel que sn= 1 si n = φ(j) pour un entier j pair et sn= 0 pour toutes les autres valeurs de n. Alors, la suite des fφ(j)(s) = sφ(j) vaut alternativement 1 et 0 donc n'a pas de limite, ce qui prouve que la sous-suite (fφ(j)) de (fn)n∈ℕ n'a pas de limite dans T.
Partie relativement séquentiellement compacte
Une partie A d'un espace topologique X est dite relativement séquentiellement compacte si toute suite à valeurs dans A possède au moins une sous-suite qui converge dans X. Cette notion est à rapprocher de celles de compacité relative et de compacité dénombrable relative mais l'adhérence d'une partie relativement séquentiellement compacte[7] ou même d'une partie séquentiellement compacte[8] n'est pas nécessairement séquentiellement compacte.
Espaces métriques compacts
De très nombreux problèmes de topologie et d'analyse fonctionnelle se posent dans le cadre des espaces vectoriels normés de dimension quelconque, ou plus généralement des espaces métriques. L'outil principal est alors la notion de suite convergente. Dans le cas où l'on dispose d'une distance sur l'espace, on peut tirer de la compacité de nombreuses informations et l'on peut la caractériser à l'aide du théorème fondamental suivant.
une partie est dite bornée si elle est incluse dans une boule ;
les boules fermées constituent des exemples simples de fermés bornés, mais d'autres ne sont pas « en un seul morceau » (voir connexité pour la formalisation de cette notion). Ainsi la réunion de deux boules fermées est encore un fermé borné, ou également l'ensemble de Cantor ;
Cette réciproque est cependant vraie lorsque l'espace métrique est la droite réelle, le plan usuel, ou plus généralement un espace vectoriel réel de dimension finie muni d'une norme :
Théorème de Borel-Lebesgue — Dans ℝn, les compacts sont les fermés bornés.
L'article « Théorème de Borel-Lebesgue » en donne une démonstration à partir de la notion de compacité mais on peut aussi en donner une à partir de celle, équivalente ici, de compacité séquentielle :
Un espace métrique est dit propresi toutes ses boules fermées sont compactes ou, ce qui revient au même, si ses compacts sont ses fermés bornés. Le théorème précédent est optimal au sens suivant :
Théorème de compacité de Riesz — Un espace vectoriel normé réel[10] est propre (si et) seulement s'il est de dimension finie.
La partie « si » se ramène, par équivalence des normes, à la caractérisation des compacts de ℝn, fournie par le théorème de Borel-Lebesgue.
Un espace métrique X est dit précompact si toute suite dans X possède une sous-suite de Cauchy. Il est donc immédiat que X est séquentiellement compact si et seulement s’il est précompact et complet.
↑(ps) Raymond Mortini, Topologie, théorème 7.2 p. 32 (Mortini emploie, comme les anglophones, le mot « compact » pour désigner nos quasi-compacts.)
↑ a et bIl est difficile de construire un espace séparé séquentiellement compact séparable de cardinal strictement supérieur à la puissance du continu : ZFC n'y suffit pas, mais n'exclut pas qu'il en existe. (en) « Size of the closure of a set », sur math.stackexchange.
↑(en) Peter Nyikos, « Sequential extensions of countably compact spaces », Topology Proceedings, vol. 31, no 2, , p. 651-665 (lire en ligne) et (en) Ofelia T. Alas et Richard G. Wilson, « When is a Compact Space Sequentially Compact? », Topology Proceedings, vol. 29, no 2, , p. 327-335 (lire en ligne) donnent des théorèmes plus récents assurant qu'un quasi-compact ou un dénombrablement compact « suffisamment petit » (en divers sens) est séquentiellement compact.
↑Pour les cas intermédiaires ω₁ ≤ κ < ℭ, voir (en) Eric van Douwen(en), « The Integers and Topology », dans Kenneth Kunen et Jerry E. Vaughan, The Handbook of Set-Theoretic Topology, North Holland, (lire en ligne), p. 111-167, Th 5.1 et 6.1.
↑(en) Charles Castaing, Paul Raynaud de Fitte et Michel Valadier, Young Measures on Topological Spaces : With Applications in Control Theory and Probability Theory, Springer, , 320 p. (ISBN978-1-4020-1963-0, lire en ligne), p. 83.