ChristologieLa christologie est la discipline de la théologie dogmatique chrétienne qui étudie la personne, la doctrine et l’œuvre de Jésus-Christ[1]. Elle traite plus particulièrement de la nature de Jésus et de son rapport à Dieu : Jésus est-il le fils de Dieu, le fils adoptif, un être purement humain ou purement divin ? Les questions christologiques jouent un rôle déterminant dans tous les domaines de la théologie chrétienne : la Création ; le péché ; la transcendance ; la sotériologie. Aucune théologie chrétienne ne fait l'économie de l'interrogation sur la personne du Christ et sa résurrection. Cette étude part notamment des titres donnés à Jésus dans le Nouveau Testament, tels que Christ, Seigneur, Fils de Dieu, Messie et, par conséquent, réfléchit à l'identité du Christ et à la signification du titre de Christ. Les grandes définitions dogmatiques au cours des IVe et Ve siècles, par les conciles œcuméniques, n'ont pas épuisé le sujet. Elles en marquent cependant une étape essentielle. La réflexion théologique sur le Christ a continué non seulement durant toute la période patristique, mais encore à l'époque médiévale, à la Renaissance et à l'époque moderne. Actuellement, les discussions sont toujours actives en Allemagne, aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Afrique[Où ?], en Amérique latine[Où ?], en Inde… L'articulation entre « Jésus » et « Christ » ne va pas de soi ni au même rythme pour tous les chrétiens. À ce débat s'en ajoute un autre : celui de l'interaction entre la théologie et la philosophie. La christologie et le Nouveau TestamentLe principe sous-jacent de la christologie est que le Nouveau Testament permet de cerner la réalité de Jésus-Christ, que ce soit explicitement ou implicitement[2]. Elle se réfère pour la compréhension de sa nature divine aux titres qui lui sont donnés par ses disciples, tels que « Fils de l'Homme » ou Messie[2]. La distinction s'est imposée au XIXe siècle entre le Jésus de l'histoire et le Christ de la foi[Note 1]. Dans le premier cas, si l'on fait référence à « Jésus », on parle de Jésus de Nazareth, homme inscrit dans une époque et un territoire, que l'on pense pouvoir connaître à travers diverses sources écrites. Durant une première période, l'historien comme le théologien d'aujourd'hui distingueront ce qui relève des « sciences sacrées » et des « sciences religieuses »[3]. Dans le second cas, lorsqu'on parle de « Christ », on évoque le Jésus de la foi chrétienne, comme « Christ et Seigneur », c'est-à-dire Jésus-Christ. Le mot « Christ » désigne l'oint, l'élu de Dieu. Χριστός, christos en grec, signifie « enduit », « oint », puis « qui a reçu l'onction sainte » ; il renvoie à « Messie », translittération du mot hébreu מָשִׁיחַ, mashiah. Christologie haute et christologie basseOn a parfois différencié la « christologie haute » (ou « élevée ») et la « christologie basse », en fonction du point de départ de l'exposition de la foi. Ces deux approches ne sont pas incompatibles[4]. Christologie hauteLa « christologie haute » étudie le Christ en partant de sa position élevée dans les cieux, c'est-à-dire de sa divinité, de sa préexistence et de son éternité ; sa méthode d'analyse dessine un mouvement descendant. Cette forme de christologie est traditionnelle, comme l'explique Henri Blocher[5]. Pour Raymond Brown, elle conçoit Jésus comme appartenant à la sphère de la divinité et applique, par exemple, un titre comme « Fils de Dieu » pris au sens littéral, impliquant alors une origine divine à l'exclusion de toute métaphore. De même, le titre « Seigneur » est pris au sens fort et devient une titulature cultuelle, à partir du terme de politesse initial qu'il est au temps de Jésus (avec le sens de « maître »). Cette christologie, au contraire de christologies dites adoptianistes, inclut généralement la perception de la préexistence de la divinité de Jésus[6]. Christologie basseLa « christologie basse » décrit un mouvement ascendant : elle part de Jésus en tant qu'homme et des événements de sa vie pour comprendre qui est le Christ[7]. Raymond E. Brown note qu'elle applique à Jésus une titulature issue de l'attente messianiste de l'Ancien Testament, voire de la période intertestamentaire, qui n’impliquent pas nécessairement la divinité. Elle utilise des termes comme « messie », « serviteur », « prophète », « seigneur » ou encore « fils de Dieu » qui est alors une désignation métaphorique du roi comme représentant de Dieu. Ce type de titres n'exclut néanmoins pas pour autant l’idée de la divinité de Jésus[6]. Christologies ontologique et empiriqueLe théologien protestant Raphaël Picon propose quant à lui la distinction « christologie ontologique/christologie empirique », qui lui semble préférable en ceci qu'elle n'induit aucun jugement de valeur[8]. Le débat historiqueDes chercheurs allant de Rudolf Bultmann[Note 2] à Adela Yarbro Collins[9] ont argué que le développement trinitaire provenait de l'irruption des « pagano-chrétiens » dans le christianisme débutant face aux « judéo-chrétiens ». L'école anglo-saxonne[10] reformule la question sous deux aspects :
Dans ce contexte, aussi bien la christologie d'Arius (qui lance le débat conciliaire) que celle d'Athanase qui le clôt mais aussi des christologies angéologiques plus particulières comme celle des Témoins de Jéhovah ou celles de l'Islam, s'abreuveraient à la même source. HistoriqueLes premiers sièclesL'Église ancienne se définit comme « les enfances du christianisme » selon le mot du pasteur André Trocmé[12], c'est-à-dire avant l'instauration d'un christianisme d'État dont le « président » serait l'empereur de Constantinople[13]. Auparavant, le débat christologique est la règle, y compris entre les quatre évangiles et les épîtres de Paul de Tarse, comme le montre le père Boismard[14]. Aucune centralité susceptible de régulation n'existe alors[15]. Chaque évêque est maître chez soi (surtout dans les grandes communautés de chrétiens comme celle d'Égypte dont Arius est issu) sauf à dépendre d'un métropolite qui ne sera instauré qu'en 325, à l'imitation de la situation égyptienne, la seule « Église » comptant 100 épiscopes[16]. Le concile régional est une habitude comme le montre un concile antérieur réuni en Anatolie à l'instigation d'Eusèbe de Césarée vers 322[Note 3]. La question des origines du christianisme est problématique en soi, selon qu'on se réfère à la théologie dogmatique de telle ou telle Église ou aux diverses écoles d'historiens[Note 4] ; Jésus-Christ est considéré comme l'unique Sauveur[17]. Pourtant, si la conscience de cette réalité ne fait aucun doute, la formulation ne va pas sans tâtonnements. Les Pères de l'Église fondent alors leur réflexion sur les textes de la Bible, regardés comme un ensemble cohérent dont les différentes parties se complètent[Note 5]. Durant plusieurs siècles, l'alternance des opinions et des doctrines[18] amène les théologiens à définir avec une précision de plus en plus fine le dogme de leur Église. Le débat christologique n'est pas le seul fait des élites et peut nourrir de vives controverses chez les individus les plus humbles[Note 6] : un sermon[19] de Grégoire de Nysse à ses fidèles de Constantinople, à la fin du IVe siècle, en atteste en dépit et contre la dogmatisation commençante : « Dans cette ville, si vous demandez de la monnaie à un boutiquier, il ne tardera pas à disputer avec vous de la question de savoir si le Fils est engendré ou incréé[Note 7]. Si vous interrogez le boulanger sur la qualité de son pain, il vous répondra que “le Père est supérieur au Fils”[Note 8] et si vous demandez au garçon de bain de faire son office, il vous affirmera que le Fils a été créé ex nihilo[Note 9],[20]. » Nombre de christologies se sont développées entre le Ier et IVe siècle, ce dont témoignent une foule d'apocryphes publiés à cette époque[21]. Avant 70, voire 135, le christianisme doit être considéré entièrement comme une forme de judaïsme dont il va s'extraire et se différencier progressivement[22]. Le débat entre diverses écoles de pensée, qui disputent et parfois s'excommunient[Note 10], y est donc la règle, comme le reflète le Talmud qui voit le début de la mise par écrit de la Mishnah dans cette période. La question principale[23] posée dans ces christologies concerne les modalités de la paternité divine dont parle Jésus évoquant son « Père du ciel ». On médite « qui me voit voit mon père »[24] en tâchant d'élaborer les conditions dans lesquelles ce phénomène serait possible. Elles se répartissent en trois catégories selon la façon dont les éléments de cette paternité sont compris : les christologies angéologiques, les christologies différentialistes et enfin celles qui considèrent que le Christ est un homme choisi par Dieu. Le mot « Christ » est la traduction grecque du terme Messie issue de l'espérance de la restauration de la royauté (indépendante) d'Israël tel que l'idéal en est fixé par la figure de David dans l'Ancien Testament[25]. Dans cette configuration, les diverses métaphysiques établissent un dosage subtil entre le concept de daimon[Note 11], le concept de royauté - entendu tantôt comme souveraineté, tantôt comme autorité - et l'humanité de Jésus. Il n'y a cependant pas de consensus sur cette identité entre les doctrines professées par ces premières communautés messianistes et une orthodoxie qui se constitue progressivement et se finalise plus tardivement, pouvant de ce fait difficilement servir d'étalon[26]. Marie-Émile Boismard, O.P, en expose différentes raisons[27] : la préoccupation de ces écoles de pensée consiste plutôt à raisonner une métaphysique et à construire une théologie[Note 12] qu'à établir des articles de foi immuables. Le concept de confession de foi[Note 13] ne se fait jour qu'au concile de Nicée en 325[28]. Par ailleurs, le statut divin de l'Esprit-Saint n'est défini qu'au concile de Constantinople, en 381. Ensuite, suivre Jésus, c'est s'attacher à une personne selon le modèle des disciples suivant un maître pharisien[29] et non croire des vérités immuables. Enfin, dans sa christologie de Paul, Boismard souligne les diverses acceptions du mot divinité qui désignent tantôt le Dieu unique de la Bible, tantôt l'Esprit, acteur de l’inspiration. Christologies angéologiquesDans cette configuration, la nature spirituelle prédomine et la nature humaine disparaît. Le Christ, donc Jésus, est un être intermédiaire entre Dieu et les hommes, un « envoyé »[Note 14] parfois conçu comme un ange. DocétismeL'incarnation n'est pas envisagée comme le fait de partager l'humanité commune, celle d'un homme né d'une femme (Paul de Tarse), mais comme une apparence d'humanité incarnée en une chair céleste. C'est la base des christologies docètes. Cette configuration est notamment celle du gnosticisme, courant religieux des IIe et IIIe siècles qui y ajoute un dualisme hérité de Mani. Le Père est inconnaissable, le Fils en donne une idée aux hommes ; il est le Sauveur Céleste. Cette christologie est connue par Basilide le gnostique qui prêche entre 117 et 161 à Alexandrie. Dans ce courant, on notera l'apollinarisme, développé par Apollinaire de Laodicée (315-392) qui fait un Grand Ange du Christ, c'est-à-dire une stricte émanation de Dieu le Père. Le Valentinisme[Note 15] au Ve siècle est issu de ce courant. Christologie différentialisteLe Christ, c'est-à-dire Jésus, est inférieur à Dieu mais y participe : c'est la théologie d'Arius qui juge l'égalité entre le Fils et le Père incompatible avec le monothéisme. Il affirma l'absolue transcendance du Père mais lui reconnaît une ressemblance (en grec : homoios qui donne homoiousiens). PostéritéCette formule est imposée par l'empereur arien Constance, fils et successeur de Constantin. Aèce d'Antioche, diacre en 357, au temps de l'évêque Georges d'Alexandrie, développe une théorie plus avancée dans une synthèse de 47 propositions, le syntagmion. Il fait de l'inengendré la caractéristique de la transcendance divine. Il en résulte que, du point de vue de l'essence, le Fils et le Père ne peuvent entretenir aucune ressemblance. Le Père et le Fils sont donc dissemblables (en grec : anomios) et ses disciples nommés « anoméens »[31]. Il est surnommé « l'athée », dénoncé et connaît des exils successifs, en 358 et 360. Amnistié par l'empereur Julien, il revient à Constantinople et retrouve Eunome son disciple. Il y meurt en 366. Eunome de Cyzique[32], en Cappadoce, disciple et secrétaire d'Aèce, n'est connu que par les écrits de son adversaire Basile de Césarée. Il développe et systématise l'ensemble des doctrines d'Aèce dans son Apologie. Il utilise le syllogisme et les catégories d'Aristote avec une grande précision ce qui témoigne d'une éducation philosophique. Il est diacre en 358 et devient évêque de Cyzique. Eunome meurt en 394. Basile de Césarée et Grégoire de Nysse ont chacun écrit un Contre Eunome. Cette polémique continuera longtemps après la mort d'Eunome tant sa technicité de raisonnement impressionnait. Il peut être considéré comme la source de l'unitarisme chrétien. Le Christ est un homme choisi par DieuCes christologies défendent un strict monothéisme. MonarchianismesLe monarchianisme est originaire d'Asie Mineure, avant qu'apparaisse la théologie du Logos, représente dans un premier temps une réaction contre les courants gnostiques du christianisme vers le milieu du IIe siècle[33]. Le monarchianisme est la conception divine de la plupart des chrétiens de cette époque[34]. Le monarchianisme exalte la monarchie divine et un strict monothéisme, effaçant la distinction entre les Personnes[Note 16], selon l'idée qu'un homme et Dieu ne peuvent avoir quoi que ce soit de commun mais qu'ils peuvent entretenir des rapports plus ou moins proches. Adoptionisme ou monarchianisme dynamiqueL'adoptionisme médite sur Fils de Dieu au filtre de ce verset du psaume 2 : « celui-ci est mon fils bien-aimé », cité par Jean dans le récit du non-baptême[Note 17] de Jésus. Le psaume 2[35] est dit « psaume du couronnement » et fait directement référence à la liturgie de l'onction des rois d'Israël. Pour l'adoptionisme, le Christ est un homme divin, le fils « adopté » par Dieu[36]. Cette christologie est une forme d'unitarisme avec lequel elle partage l'opposition à la théologie du Logos. Parmi ses tenants, on trouve notamment Paul de Samosate dans la seconde moitié du IIIe siècle[37]. Patripassianisme ou monarchianisme modalisteLe monarchianisme modaliste ou modalisme[Note 18] a pour point de départ non plus la réflexion sur l'être du Christ mais la réaction à ceux qui envisagent une distinction numérique de Dieu. Les modalistes défendent l'unicité de Dieu ; toute distinction réelle en lui leur semble une partition ; les trois états étant de simples « modes » de la Divinité. Ils s'opposent également aux théologies du Logos[38]. L'indistinction des Personnes, amène l'idée que c'est le Père (patris) qui aurait éprouvé la souffrance (passus) sur la croix[39]. Suivant le patripassianisme, le Fils est une théophanie du Père et n'est donc pas une personne distincte quoique cette théophanie s'incarne en un homme. Une variante se développe au IIIe siècle : le sabellianisme, du nom du théologien qui la développe à Rome, Sabellius. Selon lui, le Père, le Fils et l'Esprit sont une seule et même personne qui se manifeste progressivement sous ces trois aspects[40]. Dans sa postérité se trouve la compréhension majoritaire de la trinité dans les Églises de la Concorde de Leuenberg[pas clair]. MontanismeLe montanisme est une doctrine qui tire son nom de Montan ou Montanus de Phrygie, un charismatique phrygien qui entame son ministère dans la seconde moitié du IIe siècle. La christologie de Montanus est en rapport avec la formation du Canon du nouveau testament ; les discussions concernant cette élaboration se déroulent entre théologiens orientaux et occidentaux. La plupart des orientaux sont contre l'inclusion du corpus johannique (évangiles, épîtres et apocalypse) qui leur semble trop récent pour être authentique. Les montanistes refusent même la théologie du Jésus Logos[Note 19] d'où le nom d'« alogiens » qui leur est donné. En ce qui concerne le paraclet dont la venue est annoncée en Jean 15:26[41], Montanus affirme qu'il est ce consolateur. Les premiers conciles œcuméniques : de Nicée I à ChalcédoineL'élaboration dogmatique équivaut à l'instauration d'une orthodoxie qui n'existe pas auparavant, comme le montre le conflit théologique entre l'école d'Alexandrie et celle d'Antioche[42]. La question des origines du christianisme est problématique en soi, selon qu'on se réfère à la théologie dogmatique de telle ou telle Église ou aux diverses écoles d'historiens[Note 4] ; Jésus-Christ est considéré comme l'unique Sauveur[17]. Pourtant, si la conscience de cette réalité ne fait aucun doute, la formulation ne va pas sans tâtonnements. Les Pères de l'Église fondent alors leur réflexion sur les textes de la Bible, regardés comme un ensemble cohérent dont les différentes parties se complètent[Note 5]. Durant plusieurs siècles, l'alternance des opinions et des doctrines[18] amène les théologiens à définir avec une précision de plus en plus fine le dogme de l'Église. Cette évolution se traduit dans les quatre premiers conciles œcuméniques, depuis le premier concile de Nicée (325) jusqu'à celui de Chalcédoine (451). Si le nombre fait la vérité, les définitions du concile de Chalcédoine fondent aujourd'hui encore les confessions de foi des courants majoritaires des principales communions chrétiennes (catholiques[43], anglicane, réformée, luthérienne, évangélique, orthodoxe). Le débat christologique reste ouvert dans les églises luthéro-réformées[44] tandis que certaines églises évangéliques[45] s'affirment vigoureusement unitariennes. L'essentiel des débats porte sur la Trinité chrétienne, puis, ultérieurement, sur la divinité et l'humanité en Jésus-Christ. Ces deux réflexions sont dissociés l'une de l'autre dans la tradition chrétienne majoritaire de l'époque comme le montrent les christologies des Églises des deux et trois conciles[46]. Élaboration de la doctrine (325-451)En 325, le premier concile de Nicée, convoqué par Constantin Ier, répond à la question suivante : « Quelles sont les relations de Jésus avec son Père du ciel ? ». Sous l'influence d'Athanase d'Alexandrie, la question devient : « Le Christ est-il consubstantiel à Dieu ? ». Le concile, réuni pour juger Arius, du fait de ses démêlés théologiques avec son évêque Alexandre d'Alexandrie, rejette sa théorie qui voit en Jésus, que beaucoup nomment le Christ[47], un être d'un rang inférieur à Dieu le Père. Le concile affirme l'identité de substance du Père et du Fils et rédige une première profession de foi qui ne sera pas accepté sans difficulté[Note 20]. En 381, le premier concile de Constantinople, convoqué par Théodose Ier, condamne la doctrine des pneumatomaques qui nie la divinité du Saint-Esprit. Le concile réaffirme la divinité du Christ, affirme celle du Saint-Esprit et achève la rédaction du symbole de Nicée-Constantinople : le Fils est « de même nature que le Père », qu'il « a pris chair et s'est fait homme ». Tout en étant Dieu, Jésus-Christ est vrai homme et le concile s'oppose par là aux thèses d'Apollinaire de Laodicée. En 431, le concile d'Éphèse condamne Nestorius, archevêque de Constantinople. Celui-ci, craignant une confusion entre l'homme Jésus et le Logos divin, enseignait que la Vierge Marie n'avait enfanté qu'un humain indissolublement lié au Logos divin. Nestorius évoquait « deux personnes » qui « constituaient » le Christ. Au contraire, le concile d'Éphèse affirme l'unité du Christ dès sa conception et appelle sa mère « Mère de Dieu » (Mère de Celui qui est Dieu par nature). Homme et Dieu, le Christ est pourtant un, et ne peut être divisé. Cyrille d'Alexandrie joue un rôle prépondérant dans cette doctrine. En 451, le concile de Chalcédoine précise que le Christ est « un » de « deux natures », à la fois homme et Dieu, sans confusion ni absorption. Par là même, le concile de Chalcédoine rejette le monophysisme (« une seule nature ») d'Eutychès. Il signifie donc une étape primordiale dans la christologie, affirmant (à la suite de Nicée I et de Constantinople I) la divinité du Christ, mais en confirmant son humanité (contre ceux qui la supposaient absorbée par sa nature divine), et l'unité de sa personne (à la suite d'Éphèse). Le symbole de Chalcédoine insiste sur la double nature du Christ et sur son unité (« une seule personne et une seule hypostase ») :
Les Pères de l'Église et la christologieOrigèneSelon Origène, l'âme du Christ existe avant sa naissance et c'est par intermédiaire de cette âme que le logos divin s'unit à la chair conçue par Marie. Cette vision christologique est directement issue du binitarisme de Philon évoqué ci-dessus. Quoiqu'un Concile d'Antioche[48] condamne cette idée alexandrine en 268, on retrouve cette idée chez Nestor qui distingue la partie humaine de la partie divine de Jésus. Augustin d'HipponeLa christologie d'Augustin est étroitement liée à la notion de Trinité. Selon lui, la Trinité (Père, Fils et Esprit Saint) est un Dieu, un et trine : une essence, trois personnes. Si cette formule ne lui convient que partiellement, tant ce mystère lui paraît grand, il l'adopte parce que le terme personne évoque « l'être-en-relation »[49]. « L'Esprit Saint est ainsi désigné proprement dans sa relation au Père et au Fils, parce qu'il est leur Esprit saint. Mais, selon la substance, le Père est aussi esprit, ainsi que le Fils et l'Esprit Saint lui-même, non pas trois esprits, mais un seul esprit, comme ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu. Dieu un et trine est tout ce qu'il a »[50]. Christologie au Moyen ÂgeThomas d'Aquin
Autres théologiens médiévaux
Christologie modernePar « moderne », on entend les diverses thèses avancées c'est-à-dire les christologies issues de la Réforme, en cela que la Renaissance inaugure la période historique classiquement nommée époque moderne. Ce renouveau est dû à l'arrivée des manuscrits grecs dans les bagages des exilés de Constantinople, fraîchement conquise par les musulmans. Premières christologies protestantesCe sont des christologies chalcédoniennes pour l'essentiel en dépit de la contestation prudente de Sébastien Castellion et de la contestation plus affirmée de Michel Servet.
Christologie catholique du XVIe au XIXe siècle
Christologies des LumièresÉsaïe Gasc (1748-1813)Ésaïe Gasc est un théologien genevois. Il est nommé professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban en 1809, et prend ses fonctions en 1810. Sa réfutation du dogme trinitaire provoque des controverses, il est mis en cause par des pasteurs du Midi, et Daniel Encontre tente de lui répondre sur un plan biblique.
— Extrait de Bernard Reymond, La théologie libérale dans le protestantisme de Suisse romande - Évangile et Liberté, revue en copyleft. Jean-Jacques Caton Chenevière (1783-1871)
— Extrait de Bernard Reymond, La théologie libérale dans le protestantisme de Suisse romande, Évangile et Liberté, revue en copyleft.
Le tournant historico-critiqueUn tournant capital de la christologie est dû au philosophe protestant Hermann Samuel Reimarus (1694-1768), qui marque le début de l'exégèse historico-critique avec ses Fragments de Wolfbuttel[52]. Selon son analyse, deux représentations de Jésus sont visibles dans le Nouveau Testament. Reimarus observe que le Nouveau Testament développe deux systèmes. D'une part, les évangiles synoptiques montrent un Jésus prophète, maître de morale, référent spirituel. D'autre part, Paul et Jean parlent d'un Fils de Dieu qui est descendu du ciel, qui a souffert, qui est mort et ressuscité puis monté aux cieux. Reimarus ne retient que le premier système, jugeant que le second est aberrant. Il ne se pose plus la question de savoir si ces écrits avaient vocation à se trouver réunis et à être lus comme se complétant les uns les autres. Par « christologie contemporaines », on entend les christologies issues de l'exégèse historique et critique telle qu'elle se développe au XIXe siècle. Les théologiens du XIXe siècle envisageaient le courant de la « christologie haute » comme le plus ancien, donc le plus authentique ; ce présupposé herméneutique mérite d'être discuté (« le plus ancien est le plus authentique »). Ils ne voyaient aucun inconvénient, pour une partie d'entre eux, à adopter le symbole de Chalcédoine. Karl Barth est l'un des représentants les plus importants au XXe siècle de la « christologie haute ». L'autre courant, celui de la théologie protestante libérale, assez souvent unitarienne, à partir des éléments scripturaires mis en valeur par Reimarus, s'en tient au Jésus prophète. Ce courant sera représenté par Adolf von Harnack, puis par Rudolf Bultmann, tous deux issus de la tradition luthérienne. On peut donc opposer une « christologie ontologique » à une « christologie empirique ». Parmi les courants qui poursuivent de nos jours cette exploration, on peut citer une école pluridisciplinaire et interreligieuse caractérisée par le nom du colloque qui l'a rassemblée : The ways that never part, représentée par Daniel Boyarin, Paula Fredriksen et dont on trouve l'écho dans certains travaux de l'École biblique de Jérusalem, en particulier Étienne Nodet quand il revisite l'hypothèse de Griesbach ou de Marie-Émile Boismard dans son ouvrage À l'aube du christianisme, avant la naissance des dogmes, celui-ci s'appuyant sur la théorie des deux sources. Parmi les questions formulées : se pourrait-il que le judaïsme du Ier siècle ait connu des courants moins absolument monothéistes qu'on ne se le représente aujourd'hui ? Ce débat affecte la façon dont Paul est considéré, soit comme apôtre, soit comme apostat. La méthode interroge textes et témoignages littéraires ou archéologiques pour savoir si des occasions de rapprochement de l'humain et d'attributs divins étaient possibles à cette époque en sorte de participer à la création de la « christologie haute ». Adolph von Harnack (1851-1930)Adolph von Harnack, historien du dogme et théologien protestant libéral.
Christologies catholiques du XIXe siècle et XXe siècle
Christologies protestantes du XXe siècle
Autres approchesEn Europe, l'interaction entre la théologie et la philosophie a abouti dans les années 1970 à ce que l'on appelle la « christologie philosophique », représentée notamment par Xavier Tilliette, Michel Henry et Claude Bruaire). Elle fait partie de ce que l'on nomme la « philosophie chrétienne ». Jésus ou le Christ a un rôle dans d'autres religions que le christianisme. En dehors de l'Europe, avec l'expansion du christianisme, souvent à l'occasion de conquêtes coloniales, les peuples autochtones se sont approprié la théologie en construisant des christologies autonomes. Notes et référencesNotes éditoriales
Références
Bibliographie sélectiveDes origines au VIe siècle
Christologie contemporaineExposés systématiques
Textes théologiquesAuteurs catholiques
Auteurs protestants
Études sur l'orthodoxie
Études historiques/exégétiques
Approches philosophiques
Revues
AnnexesArticles connexes
Liens externes
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