Hong Kong Waters (2009-2010), The Danube River Project (2005-2006, Face Codes (1998-1999), Digital Scores (After Nicéphore Niépce) (1995-1998), Entropia (1996), Transformance (1979-1982), Constellations (1976-1979)
Andreas Müller-Pohle (voir aussi Andreas Mueller-Pohle), né le à Brunswick, est un artiste, théoricien et éditeur allemand[1]. Il est considéré comme un représentant important de la photographie expérimentale et comme le fondateur de la théorie du visualisme[2],[3],[4],[5].
En tant qu'éditeur, Müller-Pohle a accompagné et largement contribué au développement de la photographie artistique depuis le début des années 1980 par le biais de sa revue European Photography[1]. En outre, son engagement porte sur la diffusion des écrits de Vilém Flusser, dont il a fait connaître l'œuvre, notamment dans les pays germanophones[6].
Biographie
Andreas Müller-Pohle étudie l'économie et les sciences de la communication à Hanovre de 1973 à 1974, puis à Göttingen de 1974 à 1979[7]. Il s'intéresse d'abord au médium cinématographique et se consacre, à partir du milieu des années 1970, à l'étude pratique et théorique de la photographie. De 1977 à 1979, il collabore à la revue Fotografie, publiée à Göttingen. En 1978, il a sa première exposition individuelle à Berlin[8]. En 1979, Müller-Pohle fonde avec deux amis d'études la revue European Photography, dont il est depuis l'éditeur[9].
Sur sa suggestion, son ami philosophe Vilém Flusser rédige en 1981 l'essai Für eine Philosophie der Fotografie (Pour une philosophie de la photographie), qui sera suivi dans les années suivantes par d'autres textes de philosophie des médias et de la culture. Avec Volker Rapsch, il publie en 1987 - en tant que précurseur précoce du livre électronique - l'essai de Flusser Die Schrift comme premier livre électronique sur disquette. En 1996, il fonde l'Edition Flusser, prévue en dix volumes[10].
Müller-Pohle a reçu en 2001 le European Photography Prize de la Reind M. De Vries Foundation[11], une distinction unique pour des services particuliers rendus à la photographie européenne[12]. Depuis le début des années 1980, il enseigne en tant que professeur invité et chargé de cours dans des instituts d'enseignement en Europe, en Asie et en Amérique du Nord et du Sud[13].
Production photographique
« Ce que je ne vois pas, je le photographie. Ce que je ne photographie pas, je le vois. »
— Andreas Müller-Pohle
C’est en 1974 qu’il se procure son premier équipement de photographie, sous l’influence d’un ami. C'est alors qu'il débute sa pratique de manière entièrement autodidacte. Dès le départ, il rejette la fonction conventionnelle et documentaire de la photographie. En effet, sa démarche consiste à « refuser de travailler avec le programme de la caméra »[14] »(traduction libre). Contrairement aux desseins habituels de la photographie, soit représenter le monde extérieur, il contribue à rendre visibles les programmes automatiques de l’intérieur de l’appareil photographique.
Son approche artistique, en photographie comme en art numérique consiste à questionner les changements fondamentaux dans la production d’images qu’entraînent les nouvelles technologies à l’ère moderne[15]. Grandement teintée d’un esprit de liberté, la démarche issue de ses premières séries de photographies dénonce l’emprise de l’appareil programmé et propose un décloisonnement des conventions et contraintes incessamment imposées par la discipline. Dans un article sur l’artiste, l'auteur et philosophe Vilém Flusser décrit son approche photographique comme une stratégie de libération de la fonction préprogrammée des appareils : « Ne photographiez pas comme vous êtes censé le faire, mais laissez faire l’appareil. Vous serez alors libres de sélectionner les images que vous préférez en fonction de critères qui sont les vôtres, et non pas celles imposées par le programme de caméra »[16] (traduction libre).
La série Constellation (1976-1979) s’inscrit dans la même lignée que les photographies des artistes de l’Avant-garde des années 1920 tels que Aleksandr Rodchenko, László Moholy-Nagy et Raoul Hausmann[17]. Il n’est plus question ici de reproduire la réalité par le biais de la photographie, mais bien de travailler à sa déconstruction ainsi qu’à la dé-hiérarchisation des sujets photographiés[17].
La production suivante, la série Transformance (1979-1982) conjugue hasard et mouvement pour fixer une image dans l’espace-temps[18]. Grandement influencé par le philosophe Vilém Flusser, Andreas Müller-Pohle intègre ses théories à son approche photographique : « […] le refus de suivre la séquence prescrite “voir, puis agir, déclencher”, au profit d’une approche basée sur la prise de photos au hasard, sans viser et en bougeant, puis sur la sélection de certaines de ces photographies (“agir, puis voir”) »[19]. Dès lors, il rompt et transgresse les notions historiques du médium pour « ainsi résister au déferlement des images régurgitées par l’apparatus »[19].
Production en art numérique et multimédia
Dans les années 1990, Andreas Müller-Pohle commence à s’intéresser aux nouvelles possibilités que propose l’ère numérique. Il figure parmi les premiers artistes qui ont travaillé à partir de décomposition ainsi que la traduction des codes d’images analogiques[20]. Ce procédé qu’il développe dès 1995, figure également parmi ses productions les plus actuelles[21].
Avec sa série Digital Scores (after Nicéphore Niépce) produite de 1995 à 1998, Müller-Pohle transforme les productions les plus anciennes (1826) de l’inventeur de la photographie Nicéphore Niépce en symboles alphanumériques grâce à la numérisation[22]. Présentée sur huit panneaux carrés, la transformation de la photographie d'origine demeure indéchiffrable. Par contre, elle « n’en est pas moins une description binaire exacte de l’originale »[23]. Les sept millions de bytes qui composent l’œuvre représentent le temps d’exposition du photographe de l’époque transformé en information[22]. Avec cette série, Müller-Pohle questionne et explore l’état photographie à l’aube de son passage à l’ère numérique : « En d’autres termes, la “photographie” concerne aujourd’hui la reproduction et la consommation, le flux et l’échange, l’entretien et la perturbation des données »[24].
Il amorce un virage scientifique avec des créations telles que Face Codes (1998), où il s’intéresse à la superposition de portait choisit parmi d’une centaine de portraits vidéo des habitants de Tokyo et de Kyoto. Pour les synthétiser au sein d’une même image, il les numérise et utilise un gabarit informatique qui permet l’uniformisation de la position de la tête et la hauteur des yeux[23]. Par la suite, il transforme les images en fichiers texte ASCII, qui permettent la conversion des codes alphanumériques aux codes binaires[23]. Ce processus créatif d’uniformisation et de normativité des visages rappelle que dans le numérique, toutes données peuvent être transformées en signes, en information et en données calculables.
Dans sa série Danube River Projet (2005-2006), Müller-Pohle intègre à ses photographies les données des analyses d’échantillons d’eau pour chaque lieu photographié[25]. Conjuguant le travail esthétique et scientifique, l’artiste utilise les technologies numériques pour établir un véritable bilan environnemental du fleuve. Selon une proposition du photographe sur sa démarche artistique pour ce projet : « il s’agit d’un “atlas pictural” et d’un “bilan sanguin” : un recueil esthétique et scientifique du fleuve le plus important d’Europe, de ses villes et de ses paysages, de la Forêt-Noire à la mer Noire »[26]. Présenté pour la première fois au Belgrade Cultural Center, en République tchèque, Danube River Project propose une vision renouvelée de ce fleuve historique en renversant la perspective conventionnelle par la prise de vue par immersion. En outre, dans la série suivante Hong Kong River l'artiste redonne toute l’importance au fleuve non pas en tant que paysage décoratif, mais en tant qu’élément naturel et culturel[27]. Ces deux séries de photographies portent également l'empreinte d'un discours écologique sur la condition actuelle des eaux de Hong Kong et de Danube.
Œuvres
Quelques œuvres charnières de sa carrière artistique[28] :
1991Was ich nicht sehe, fotorafiere ich. Was ich nicht fotografiere, sehe ich, Brandenburgische Kunstsammlungen, Cottbus
Collectives
Voir le site web officiel de l'artiste pour la liste exhaustive des expositions[29]:
2016The Memory of the Future. Photographic Dialogues Between Past, Present and Future, musée de l’Élysée, Lausanne
2016Emanations: The Art of the Cameraless Photograph, Govett-Brewster Art
2016Map of Daily Life, Tianjin Academy of Fine Arts, Tianjin, Chine
2015Nicéphore Niépce en héritage, Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône
2015Bodenlos – Vilém Flusser und die Künste / Without Ground – Vilém Flusser and the Arts.ZKM | Center for Art and Media, Karlsruhe; Akademie der Künste, Berlin
2015Lichtbild und Datenbild – Spuren Konkreter Fotografie / Light Image and Data Image – Traces of Concrete Photography. Museum im Kulturspeicher, Wurtzbourg
2014(Mis)Understanding Photography. Werke und Manifeste. Museum Folkwang, Essen
2014Zwischenspielraum. Artificial Image, Fahrbereitschaft, Berlin
2013Something Other Than Photography: Photo & Media. Edith-Russ-Haus for Media Art, Oldenburg
2012Network – C.A.R. The innovative art fair. Zaha Museum, Séoul
2012What is a Photograph? New Orleans Museum of Art, La Nouvelle-Orléans
2011Metropolis 2.0 – City Life in the Urban Age. The Empty Quarter, Dubaï, Émirats arabes unis
2011Metropolis – City Life in the Urban Age. Noorderlicht Photofestival, Groningen, Pays-Bas
2011L’Objet photographique, une invention permanente. Maison européenne de la photographie, Paris
2009Kosmos. Neue Fotografien aus dem Weltraum. Stadthaus Ulm, Germany
2006Alterazioni. Le materie della fotografia tra analogico e digitale. Museo Fotografia Contemporanea, Milan
2004p0es1s. Digital Poetry. Kulturforum Potsdamer Platz, Berlin
2003In Out, International Festival of the Digital Image, Galerie Karolinum & Old Town Square, Prague
2001Los límites del territorio. Fronteras. Biennale de Lanzarote
2001 : prix européen de la photographie de la Fondation Reind M. De Vries
Références
↑ a et bHans-Michael Koetzle, Das Lexikon der Fotografen 1900 bis heute. Droemersche Verlagsanstalt, Munich 2002, pp. 314-315 (ISBN3-426-66479-8)
↑Reinhold Mißelbeck, Prestel-Lexikon der Fotografen. Von den Anfängen 1839 bis zur Gegenwart. Prestel, Munich, Berlin, Londres, New York 2002, p. 174 (ISBN3-7913-2529-9)
↑Andreas Müller-Pohle, Visualismus/Visualism. In : European Photography, Göttingen, n° 3, juillet-septembre 1980
↑Andreas Müller-Pohle: Concepts de la photographie allemande après 1945. In : Une aventure contemporaine, la photographie 1955–1995. Éditions Paris Audiovisuel, Paris 1996 (ISBN2-904732-74-8)
↑Michèle & Michel Auer, Encyclopédie internationale des photographes de 1839 à nos jours / Photographers Encyclopaedia International 1839 to the present. Editions Camera Obscura, Hermance 1985 (ISBN2-903671-06-0)
↑Rainer Guldin/Gustavo Bernardo, Vilém Flusser (1920-1991). Ein Leben in der Bodenlosigkeit. Biographie. Transcript Verlag, Bielefeld 2017, pp. 314-315 (ISBN978-3-8376-4064-9)
↑(en) « Transformance », sur Andreas Müller-Pohle, (consulté le )
↑ a et bMarc Lenot, Jouer contre les appareils. Une tentative de définition de la photographie expérimentale contemporaine., Paris, Publication de la Sorbonne, (lire en ligne), p. 33-34.
↑(en) « Da[r]ta: Digital Scores, Andreas Müller-Pohle », sur Andreas Müller-Pohle, (consulté le ) : « Traduction libre : « In other words, “photography” today is all about the reproduction and consumption, flow and exchange, maintenance and disruption, of data ». »
↑(en) « The Danube River Project », sur The River Project, (consulté le ) : « Traduction libre : "This provides a “pictorial atlas” and a “blood count” all in one: an aesthetic and scientific compendium of Europe’s most important river, its cities and landscapes, from the Black Forest to the Black Sea" p. 4 »
↑Amelunxen, Hubertus von, 1958- ..., Andreas Müller-Pohle : Interfaces : Foto + Video 1977-1999 : [Ausstellung im Alten Rathaus Göttingen vom 26. März bis 2. Mai 1999], Gœttingue, European photography, , 95 p. (ISBN3-923283-51-2, OCLC468268000, lire en ligne)
↑Müller-Pohle, Andreas 1951- et Galerie Condé <Paris>, Partitions digitales (d'après Niépce) I Andreas Müller-Pohle ; [catalogue de l'exposition à la galerie Condé de l'Insititut Goethe, Paris, du 16 janvier au 28 mars 1997], European Photography, , 20 p. (ISBN978-3-923283-45-3, OCLC75874534, lire en ligne)
Godefroid, Jean-Louis. Cyclogrammes : Andreas Müller-Pohle, catalogue de l’exposition de la galerie Mantoux-Gignac du au , Bruxelles: Espace photographique contretype, 1996.