André Léo rédige de nombreux articles pour des revues sociales et s'engage dans des associations pour le droit des femmes, pour leur éducation et pour l'égalité au travail. Elle est très active pendant la Commune de Paris, écrivant de nombreux articles, faisant des discours et s'engageant auprès de plusieurs associations. Le , elle est arrêtée avec Louise Michel lors d'une manifestation réprimée par l'armée.
Elle s'exile en Suisse, où elle continue à rédiger des discours et des articles. Elle s'oppose à Karl Marx, à qui elle reproche son autoritarisme. Puis elle voyage en Europe et rentre en France après l'amnistie de 1880. L'importance de ses prises de position féministes militantes et littéraire suscite aujourd'hui un renouveau d'intérêt.
Biographie
Victoire Léodile Béra naît de Thalie Belloteau et de Louis Zéphirin Béra à Lusignan, dans la maison sise au no 4 de la place où se trouve aujourd'hui la mairie. Elle y demeure jusqu’en 1830, quand sa famille part s'installer non loin de là, à Champagné-Saint-Hilaire[1],[2].
Elle grandit dans un milieu cultivé de la bourgeoisie éclairée. Son grand-père fut un révolutionnaire, fondateur en 1791 de la Société des amis de la Constitution. Son père, qui a été officier de marine, était notaire à Lusignan et devient ensuite juge de paix[3].
Après le coup d'État de Napoléon III du , elle rejoint son fiancé, le journaliste Grégoire Champseix, intellectuel progressiste disciple de Pierre Leroux, rédacteur de La Revue sociale[3] condamné à 18 mois de prison en 1849[4]. Ils se retrouvent en Suisse où il réside depuis le printemps de 1849. Ils s'y installent et s'y marient[5] le de la même année à Assens, dans la région de Lausanne, avec le consentement du père de Léodile Béra. Ils ont deux enfants de leur union nés le , André et Léo. Mais Grégoire meurt en 1863 laissant Léodile Béra seule pour élever ses enfants.
Engagement social et féministe
C'est depuis la Suisse que Léodile Béra publie son premier roman, écrit dans la Vienne, Une vieille fille, en 1859, bien que cette première édition Bruxelloise soit noté à tort 1851[6]. Ce premier roman est signé Léo, contraction de son prénom Léodile, et sera suivi de nombreux autres qui vont lui assurer une réelle notoriété dans le monde des lettres. Elle prend plus tard le pseudonyme d’André Léo[5], qui reprend son précédent pseudonyme mais aussi les prénoms de ses deux fils jumeaux[2] et vit de sa plume comme romancière et journaliste.
Dans la revue La Coopération, elle publie en 1867 des reportages sur l'égalité des sexes dans le travail[3] et milite pour la défense du droit d'association[7].
Très liée à Noémie Reclus et aux frères Élie et Élisée Reclus[9], c'est chez elle, en 1869, qu'est créée la « Société (mixte) de revendication des droits de la femme »[2]. Marie La Cécilia est la secrétaire de cette société[10] et les deux femmes resteront amies longtemps[11]. Avec Noémie, Léo projette la création d'une école primaire laïque de jeunes filles[12] pour laquelle La Cécilia serait professeur de comptabilité[11] mais la guerre de 1870 contrarie ce plan[13].
Communarde
Pendant la guerre avec la Prusse, elle milite au sein du comité de vigilance de Montmartre et, le , elle est arrêtée avec Louise Michel lors d'une manifestation réprimée par l'armée.
André Léo écrit un « Appel aux consciences » (La Commune du 1871 et La Sociale du 23). Outre ses éditoriaux dans La Sociale[5],[14], elle rédige un appel « Au travailleur des campagnes » (signé « Les travailleurs de Paris » mais qui lui est attribué[15]), publié dans La Sociale du , « Le socialisme aux paysans ». La Commune l'édite à 100 000 exemplaires et tente de le diffuser par ballon en province. Charlotte Cosset et Gilles Malandain indiquent que « cette préoccupation – nouer le dialogue entre le prolétariat urbain et les travailleurs ruraux, déjouer le discours anti-Parisien de Thiers – est l’une des thématiques dominantes des textes d’André Léo durant l’insurrection. »[16].
« Ce que Paris veut, en fin de compte, c’est la terre au paysan, l'outil à l'ouvrier, le travail pour tous. La guerre que fait Paris en ce moment, c’est la guerre à l’usure, au mensonge, et à la paresse. »
— attribué à André Léo, Au Travailleur des campagnes
Dans les débats de la Commune, elle est favorable à la lutte armée contre les Versaillais, mais quand la Commune décide de supprimer les journaux d'opposition, elle demande le respect sans condition de la démocratie [3]:
« Si nous agissons comme nos adversaires, comment le monde choisira-t-il entre eux et nous ? »
— André Léo
« La mise à l’écart des femmes, ou leur insuffisante intégration dans la lutte insurrectionnelle, est pour André Léo l’une des clés principales de son échec inexorable » soulignent Charlotte Cosset et Gilles Malandain[16]. Parvenue à échapper à la répression de la Semaine sanglante en se cachant chez son amie Lucienne Prins[17], elle s'exile en Suisse[5], où elle vit avec le syndicaliste Benoît Malon, rencontré avant la commune. Les deux contractant un « mariage libre » en 1872 mais elle rompt en 1878[2] et se fixe à Formia, en Italie.
André Léo rentre en France après l'amnistie de 1880 et collabore épisodiquement à la presse socialiste. En 1899, Coupons le câble est sa dernière œuvre[5] ; elle y plaide la séparation entre l’Église et l’État, six ans avant la loi de 1905.
Par testament, elle lègue une petite rente à la première commune de France qui voudra tenter une expérience collectiviste[12].
Œuvre
Elle laisse une œuvre considérable[6] : de nombreux romans, contes et essais, des dizaines d’articles et textes politiques[16]. Ses écrits expriment maintes idées qui gardent toute leur actualité. Sa vie riche et généreuse reste sous bien des aspects mystérieuse et, après avoir été longtemps méconnue, elle suscite de plus en plus d'intérêt chez les historiens[16],[21].
Elle ne sépare pas l'écriture romanesque et l'engagement ; elle lutte ainsi par le moyen de la fiction en faveur de l'égalité de l'homme et de la femme. Son roman Un mariage scandaleux, notamment, est une critique du caractère inégalitaire du mariage[22],[23].
Citations d'André Léo
« Non la femme n'est pas une chose, un pur réceptacle. Elle pétrit son enfant de ses sentiments et de ses idées comme de sa chair ; esclave, elle ne peut créer que des esclaves[24]. »
— La femme et les mœurs
« Plus tard, on les contemplera comme des monuments d'illogisme, ces démocrates qui, au lendemain de la déclaration fameuse, […] prétendent sacrifier à une conception dogmatique de la moitié de l'humanité, absorber la femme dans la famille et bâtir une fiction de plus sur ce prétexte usé de tous ces despotismes : l'ordre. Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis l'inauguration du droit humain, et c'est encore une nouveauté presque bizarre que de revendiquer la justice pour la femme, courbée depuis le commencement du monde sous un double joug, dans l'esclavage doublement esclave, esclave toujours au sein de la famille libre, et maintenant encore, dans nos civilisations, privée de toute initiative, de tout essor, livrée, soit aux dépravations de l'oisiveté, soit à celle de la misère, et partout soumise aux effets démoralisants du honteux mélange de la dépendance et de l'amour…[24] »
— La femme et les mœurs
Liste des œuvres
Une vieille fille, Bruxelles, Alphonse Lebegue, 1859 (année erronée sur la couverture 1851)
La Femme et les mœurs, Le Lérot éditeur, Tusson, 1990
Un mariage scandaleux, Paris, Hachette éd., 1862 (2e éd., 1863, A. Faure éd. ; 3e éd., 1866, A. Faure éd. ; 4e éd., 1883, C. Marpon et E. Flammarion éd.)
Aline-Ali, Paris, Librairie Internationale, A. Lacroix Verboeckhoven & C. éd., 1869 (3e éd., 1869, ibid.), réédition présentée et annotée par Cecilia Beach, Caroline Granier et Alice Primi, Publications Chauvinoises, 2011.
Aline Ali, présenté et annoté par Cecilia Beach, Caroline Granier, Alice Primi, Association des publications Chauvinoises, 2011
La Guerre sociale, Neuchâtel, Imprimerie G. Guillaume Fils,1871
La Guerre sociale, présentation de Michèle Perrot, éditions Le Passager clandestin, 2010
Le Père Brafort. Initialement publié dans Le Siècle en 1872. Réédité aux Presses Universitaires de Rennes. Collection Textes Rares. Introduction et notes d'Alice Primi et Jean-Pierre Bonnet. 2019.
Marianne, Association des publications chauvinoises ; nouvelle édition 2006
Grazia, Paris, bureaux du « Siècle »
L’Épouse du bandit, Paris, bureaux du « Siècle », 1880
L’Enfant des Rudère, Paris, bureaux du « Siècle », 1881 (2e éd., s.d., S.é. Monillot)
Les Enfants de France, Poitiers, 1890
La Justice des choses, Poitiers, P. Blanchier, 2 vol., 1891 (2e éd., 1893, ibid.), 1re partie : Une maman qui ne punit pas ; 2e partie : Les aventures d’Edouard
Le Petit Moi, Paris, M. Dreyfous éd., 1892
En chemin de fer. Aux habitants des campagnes, Nancy, impr. Nancéienne, 1898
La Famille Audroit et l’éducation nouvelle, Paris, E. Duruy, 1899
Coupons le câble, Fischbacher, 1899
Coupons le câble, préface et notes d'Alice Primi, Éditions Dittmar, 2012
Le Père Brafort, feuilleton paru en russe dans la revue Besieda, Moscou, no 1-5, no 7, no 9-12, janvier-décembre 1872 puis dans Le Siècle, 26 novembre 1872-8 février 1873, puis dans le Musée littéraire, 1ère série, tome 45, p. 211-336, Bureau du Siècle, 1875.
↑Jean-Paul Bord, Elisée Reclus, Paul Vidal de la Blache: le géographe, la cité et le monde, hier et aujourd'hui, autour de 1905, Harmattan, (ISBN978-2-296-10101-2, lire en ligne)
↑Michèle Audin, « La Cécilia (femme) née David Marie », sur Le Maitron - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et mouvement social, (consulté le )
↑André Léo, La Révolution sans les femmes dans La Sociale N°39 du 8 Mai 1871, (lire en ligne)
↑Les Auteur du texte Travailleurs de Paris, Au Travailleur des campagnes.(Signé : Les travailleurs de Paris.) (lire en ligne)
↑ abcd et eCharlotte Cosset et Gilles Malandain, « André Léo journaliste. Engagement et témoignage (1866-1871) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 132, , p. 139–154 (ISSN1271-6669, DOI10.4000/chrhc.5402, lire en ligne, consulté le )
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Gilles Malandain et Jean-Pierre Bonnet, « Penser la défaite et défendre la Commune dans le Poitou de mars 1871 : La Province, un manuscrit inédit d’André Léo », Tierce. Carnets du Criham, n° 1, (lire en ligne).