Véhicule à air compriméUn véhicule à air comprimé est un véhicule mû par un moteur à air comprimé, l'air étant généralement stocké dans un réservoir. Cette technologie a principalement été utilisée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle dans des locomotives minières et dans des tramways urbains ; pour ce type d’usage, l’absence de production de fumées donnait un avantage important à ces véhicules à air comprimé par rapport aux locomotives à vapeur plus polluantes. Plus récemment (début du XXIe siècle) divers projets et prototypes de véhicules utilisant l’air comprimé sont apparus (vélos, voitures), mais sans réelle commercialisation à ce jour. HistoriqueL'utilisation de la détente de l'air comprimé comme force motrice d'un véhicule remonte à l'époque du développement des chemins de fer et des tramways à traction mécanique où, dans certaines situations, comme les réseaux miniers et urbains, il était nécessaire d'éviter les risques d'incendie et les pollutions inhérents à la locomotive à vapeur ordinaire[1]. Les premiers systèmes de Tomlinson (1820) aux États-Unis ou d'Andraud (1830) en France furent des échecs, car l'air comprimé circulait dans une conduite le long de la voie et la locomotive devait être équipée pour le prélever en continu (par un dispositif analogue aux catapultes des porte-avions) ce qui occasionnait des fuites et un mauvais rendement. Un nouveau système conçu par Antoine Andraud et Cyprien Tessié du Motay, à Paris, en 1840, où la locomotive était équipée d'un réservoir que l'on remplissait en certains points du réseau, prouva la faisabilité du système[2],[3]. Les premières applications pratiques de véhicules à moteur à air comprimé sur rail datent du percement de tunnels ferroviaires (1872), notamment celui du Saint-Gothard en Suisse, et de quelques expérimentations de tramways. Mais le refroidissement du cylindre moteur par la détente de l'air comprimé transformait l'humidité de l'air moteur en cristaux de glace[1] qui occasionnaient des blocages. C'est l'ingénieur Louis Mékarski qui perfectionna le système, en associant l'air comprimé et l'eau surchauffée sous pression, et le rendit tout à fait opérationnel en vue d'équiper des réseaux de tramways. Il fut d'abord testé dans les tramways parisiens de 1876 à 1879 sur le réseau des Tramways-Nord[4]. Puis il fut utilisé sur plusieurs lignes du réseau d’Île-de-France : Chemins de fer nogentais, Tramway de Sèvres à Versailles, Compagnie des tramways de Saint-Maur-des-Fossés et sur le réseau parisien de la Compagnie Générale des Omnibus[5] de 1894 à 1914. À partir de 1879, l'ensemble du réseau des tramways nantais[6] fut équipé progressivement de plus de 90 véhicules à air comprimé qui donnèrent satisfaction jusqu'en 1917. À partir de 1890, d'autres villes s'équipaient en tramways Mékarski comme Berne (1890)[7], Vichy (1895), Aix-les-Bains (1896), Saint-Quentin (1899) et La Rochelle[8] (1901). Des locomotives Mékarski étaient également en service sur la partie parisienne de l'Arpajonnais pour la desserte « silencieuse » des Halles de Paris de 1895 jusqu'en 1901. Un des projets de métro aérien de New York devait utiliser des locomotives à air comprimé et eau surchauffée. Le moteur fonctionnait au freinage en récupération d'énergie, pour recharger le réservoir d'air comprimé et réchauffer le réservoir d'eau. À partir de 1896, la H K Porter Company de Pittsburgh mit sur le marché les locomotives à air comprimé inventées par Charles B. Hodges[9]. Le moteur à double puis triple expansion (cylindres à haute et basse pression) était complété par un échangeur de chaleur atmosphérique. L'air comprimé refroidi par la première détente était réchauffé par l'air ambiant, ce qui rendait inutile le dispositif à eau surchauffée et améliorait grandement le rendement global. Des milliers de locomotives Porter équipèrent les mines de charbon de l'est des États-Unis jusqu'aux années 1930. D'autres constructeurs dans le monde entier ont produit en grande quantité des machines similaires pour les mines et les usines d'industries qui ne tolèrent ni fumée, ni poussières. L'autonomie augmenta avec la possibilité de construire des réservoirs d'air à très haute pression (jusqu'à 250 bars). Ces machines ont servi jusqu'aux années 1950, avant d'être dépassées par le développement de moteurs à gaz peu polluants et d’accumulateurs électriques améliorés. La mise en œuvre pour l'automobile a fait aussi l'objet de quelques réalisations. Moins polluant que le véhicule électrique (qui pollue par les composants de ses batteries), mais souffrant aussi d'une autonomie limitée, le concept semble oublié du monde « écologique » et ne bénéficie pour l'instant d'aucun gros industriel pour sa promotion et son développement. Plusieurs sociétés travaillent cependant sur l'application du moteur à air comprimé pour l'automobile[réf. souhaitée]. Le , la société indienne Tata Motors qui construit des véhicules très compacts à bas coûts, annonçait avoir passé avec succès en coopération avec la société MDI, des tests d'utilisation sur des prototypes et commencé une phase de mise en place du processus de fabrication de ce véhicule[10]. Depuis Mars 2017 la société française Anthos Air Power Normandie (crée par Air Power Technologie France) développe un moteur à air comprimé conçu en Italie. Proposé en kit, il permet la modification et la transformation de véhicules existants tels que des camionnettes ou des véhicules utilitaires en véhicules fonctionnant à l’air comprimé et démontre ainsi la parfaite viabilité du système pour l'automobile[11]. La technologieLe moteur à air comprimé et les réservoirs d'air comprimé sont des cas particuliers de systèmes pneumatiques, qui utilisent les principes de thermodynamique des gaz compressibles présentés dans les articles correspondants. Comparatif pneumatique, électrique et thermiqueComparé au moteur électrique ou au moteur à combustion interne, le moteur pneumatique a certains atouts mais aussi des faiblesses d'importance pour son adaptation au transport automobile :
Comparés aux moteurs thermiques, les deux systèmes pneumatique et électrique présentent l'inconvénient d'une faible autonomie qui était acceptable pour des véhicules comme les tramways du début du XXe siècle, avec leurs arrêts fréquents et leurs trajets fixes permettant un rechargement rapide en air, mais qui se révèle moins compatible avec l'usage actuel d'un véhicule particulier. Toutefois, l'emploi de techniques de pointe (réservoirs d'air en fibre de carbone) pourrait permettre de réduire cet inconvénient par l'allègement des véhicules (voir le chapitre « autonomie » et les méthodes d'estimation d’énergie dans l’article énergie pneumatique). Les véhiculesLes voituresAu début des années 2000, deux entreprises, Motor Development International (MDI) et Energine, ont basé le développement de leurs projets sur le principe de petites voitures, allégées au maximum. MDICette société annonce une gamme de véhicules à air comprimé développés sur un concept identique. Mais ses différents projets restent à l'état de prototypes et n'aboutissent pas à une commercialisation. Pour diffuser ses produits, MDI a imaginé un concept original consistant à commercialiser des usines clef en main pour fabriquer et vendre ses voitures localement. En , un accord de cession de licences pour l'application exclusive de cette technologie en Inde a été signé avec le géant de l'automobile indien TATA motors. La société TATA s'engageait à soutenir les recherches sur les moteurs à air comprimé et a obtenu le droit de commercialiser des modèles utilisant la technologie MDI[12] ; en Tata Motors a publié un nouveau communiqué de presse indiquant qu'il avait achevé avec succès dans deux de ses véhicules, les tests du moteur à air de MDI[13]. La première mise en production industrielle concrète d'un véhicule MDI devait voir le jour en Suisse : la société Catecar SA avait signé en un contrat de licence pour produire des véhicules à air comprimé à Reconvilier (Canton de Berne). La sortie du premier véhicule entièrement construit en Suisse était prévue pour [14], mais ce projet est abandonné (), comme d'ailleurs la plupart des coopérations industrielles antérieures de MDI (sauf celle avec « Tata motors »[15]). EnergineLes ingénieurs de cette société coréenne ont pu réaliser, à partir d'une Daewoo Matiz, un prototype hybride moteur électrique/moteur à air comprimé (PHEV, Pneumatic Hybrid Electric Vehicle). Le moteur à air comprimé sert en fait à entraîner un alternateur, celui-ci prolongeant l'autonomie de la voiture. La voiture fonctionne et a été essayée par des journalistes, mais le projet est abandonné (le site web de la société n'existe plus). Les VAP et VPP« K’Airmobiles » est le nom donné à un ensemble de projets de véhicule à assistance pneumatique (VAP) et véhicule à propulsion pneumatique (VPP), visant à échapper aux contraintes thermodynamiques de l'air comprimé, ou plutôt à en tirer bénéfice. Développé en France dès 2006-2007, le projet a été abandonné en 2009, faute d'avoir pu trouver les supports financiers nécessaires. En 2010, grâce à un groupe d'investisseurs nord-américains, les brevets pour le moteur-turbine K'Air ayant finalement pu être enregistrés au Canada, le projet a été réinitialisé mais cette fois en vue de la construction préalable d'une unité de production d'énergie verte (éolien + solaire) qui permettra une démonstration pratique du concept moteur. PeugeotPeugeot (PSA) a présenté à la presse, en , le prototype d’un nouveau moteur essence hybride appelé « Hybrid Air »[16]. Ce prototype n'utilise l'air comprimé que pour stocker l'énergie au freinage, et non comme propulsion principale contrairement aux véhicules précédemment présentés. Cet air (en réalité de l’azote) est comprimé pendant les phases de freinage et l’énergie stockée est ensuite restituée pour entraîner les roues lors de l’accélération suivante ; l’économie d’énergie résultante est donc notable surtout en ville. Le couple est transmis aux roues via un train épicycloïdal qui remplace la boîte de vitesses classique (technologie voisine de celle des systèmes HSD de Toyota). Il était prévu de commercialiser ce système, développé en collaboration avec Bosch et Faurecia à l'horizon 2016, sur les futures Peugeot 308 et Citroën C4[16], mais la commercialisation n'a pas eu lieu (abandon du projet). Le concept-car Peugeot 208 Hybrid Air, présenté au Mondial de l'Automobile 2014, combinait un petit moteur à essence 3 cylindres de 82 chevaux et un ensemble moteur-pompe hydraulique installé sur la transmission et relié à un réservoir d'air comprimé ; il devait permettre (avec des gains additionnels sur le poids et l'aérodynamisme de la voiture) de réduire la consommation de carburant de 40 % à 45 % en conduite urbaine et ainsi d'abaisser la consommation normalisée à deux litres aux 100 kilomètres. Le concept-car Citroën C4 Cactus AirFlow utilise la même technologie[17]. AutresEn ce qui concerne la Quasiturbine, il s’agit d’un projet canadien (non d’un véhicule) qui, selon ses concepteurs, pourrait aussi bien fonctionner avec un carburant explosif qu'avec de l'air comprimé. Lors du salon du design de Los Angeles (en novembre 2010), les constructeurs automobiles Honda, Volvo et Cadillac ont présenté des « concept cars » équipés de moteurs à air comprimé[18],[19]. En , le tricar Ku:Rin (Toyota) atteint la vitesse record de 129,2 km/h[20]. Autonomie d'un véhicule à air compriméHistoriqueLes seuls véhicules à air comprimé ayant été largement déployés (en plusieurs centaines d’exemplaires) sont les locomotives minières et les tramways de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, principalement les automotrices Mékarski. Le tramway Mékarski de 1900 était capable de parcourir sur le plat environ 16 km sans recharge avec un poids d’environ 14 tonnes et des réservoirs contenant 3 m3 d’air comprimé à une pression variant de 60 à 80 bars selon les modèles[5]. Il développait une puissance d’environ 33 kW. Estimation de l'autonomie des véhicules modernesSi on compare le tramway Mékarski avec ce que pourrait être un véhicule urbain moderne à air comprimé de 700 kg équipé d’un réservoir en fibre de carbone de 300 litres à 300 bars (même technologie que ceux utilisés pour les véhicules fonctionnant au GNV), ce véhicule disposerait d’une réserve d’air (produit volume × pression) environ trois fois plus faible et pèserait vingt fois moins que le tramway Mékarski. Il aurait donc un rapport énergie/poids six fois supérieur et pourrait ainsi avoir en usage urbain une autonomie raisonnable (plusieurs dizaines de kilomètres). Le calcul d’autonomie pour un véhicule automobile doit prendre en compte le fait que la résistance au roulement des pneumatiques est nettement plus élevée que celle de véhicules sur rails métalliques comme les tramways, ce qui contribue à diminuer l'autonomie. Le calcul de l'autonomie doit aussi prendre en compte la variation de vitesse (accélération, freinage) fréquente des véhicules en milieu urbain, source d'une grande perte énergétique s'il n'y a pas de système de récupération de l'énergie au freinage. Une estimation théorique est possible : selon les calculs présentés dans l'article Énergie pneumatique, de l'air comprimé à 300 bars stocké dans un réservoir de 300 litres représente, réservoir plein, 126 kg d'air (pris comme un gaz parfait). Avec une détente sans échange avec l'extérieur (détente adiabatique), il pourra produire idéalement une énergie de 27 MJ = 7,5 kWh : c'est l'énergie « adiabatique » contenue dans le réservoir. Idéalement, l'énergie mécanique produite pourrait atteindre au maximum 51 MJ = 14,2 kWh avec une détente isotherme ; pour cela, il faudrait laisser l'air refroidi par la détente être réchauffé par le milieu. L'énergie supplémentaire par rapport à la détente adiabatique est dans ce cas de 24 MJ = 6,7 kWh, soit 89 % de plus, et elle correspond à l'énergie calorifique, ou chaleur qui serait apportée par le milieu lors d'une détente très lente, comme expliqué dans la définition d'une détente isotherme. Ces valeurs sont celles du cas idéal ; en fait, les pertes du moteur sont probablement de l'ordre de 50 % (voire plus), car les meilleurs moteurs à pistons atteignent 50 % d'efficacité énergétique[21]. L’énergie réellement disponible est donc comprise entre 3,7 kWh (détente adiabatique) et 7 kWh (détente isotherme). Par rapport à un moteur à combustion interne[22], un moteur à air comprimé a seulement 3 causes de pertes d'énergie :
Un moteur à air comprimé ne chauffe pas, il refroidit : il ne perd donc pas de chaleur. Un moteur à air comprimé n'a pas besoin des accessoires nécessaires aux moteurs à combustion interne : nul besoin de démarreur, de circuit de refroidissement, de circuit d'allumage électrique ou de réchauffement, etc. L'énergie pour alimenter tous ces accessoires n'est pas perdue. Les pertes par frottement se transforment en chaleur (cf Rendement d'un moteur à explosion#À quoi sont dues les pertes dans un moteur ?) et sont en fait réabsorbées par le moteur car il est plus froid que le milieu ambiant. Avec les hypothèses précédentes, si le moteur offre une puissance de 20 kW, soit l'équivalent de 27 ch, la durée de fonctionnement à pleine puissance serait d'environ 11 minutes (détente adiabatique) et 21 minutes (détente isotherme). En pratique, pour mouvoir un véhicule urbain léger (700 kg) roulant à une vitesse moyenne de 50 km/h, l’énergie moyenne consommée est plus proche de 5 kWh (18 MJ) aux 100 km[23] ce qui pourrait autoriser une autonomie comprise entre 70 et 140 km. Compte tenu de ces diverses incertitudes, il faudra attendre la disponibilité réelle de ces nouveaux véhicules à air comprimé pour en mesurer l’autonomie effective. Freinage régénératifLe freinage régénératif permet de convertir l'énergie, habituellement dissipée en chaleur lors de ralentissement, et d'utiliser la compressibilité de l'air pour recharger les réservoirs. Ceci améliore largement l'autonomie, surtout sur des trajets avec des arrêts fréquents mais ne remplace pas les freins pour l’arrêt rapide et complet du véhicule. Notes et références
AnnexesArticles connexesLiens externes
|