UniformologieL’uniformologie est un domaine de recherches historiques qui étudie les uniformes et effets militaires à travers les âges et les civilisations. Il a pour principaux sujets d'étude les effets vestimentaires, chaussures et coiffures militaires, l'équipement individuel, les insignes d'unités et de grades ou encore les décorations militaires mais se consacre également à celle des uniformes d'institutions civiles ou para-militaires (police, pompiers, chemins de fer, etc.)[1]. Cette étude englobe aussi les tenues et l'équipement portés par les combattants des civilisations antiques ou le vêtement, les ornements guerriers ou les peintures/tatouages de guerre de combattants indigènes rencontrés au cours des guerres coloniales. Sa démarche est assez proche de celle de l'héraldique. Les premiers matériaux d'étude de l'uniformologie sont bien entendu les pièces « archéologiques » et les « antiquités », ces termes ne s'appliquant pas restrictivement ici aux seules pièces de fouilles mais à tout objet militaire ancien retrouvé ou conservé par des collectionneurs privés ou des musées, voire stockés par une force armée dans ses arsenaux et dépôts. Les illustrations d'époques constituent une précieuse source d'informations iconographiques que viennent compléter les chroniques, mémoires ou récits. L'invention de l'intendance et de son administration (au XVIIIe siècle pour les armées européennes), puis celle de la photographie ont aussi permis la constitution d'un ensemble d'archives très précieuses dans ce domaine de recherche. Même s'il y eut bien avant cela déjà un certain goût pour l'iconographie militaire (voir les livres d'heures médiévaux ou les cahiers napoléoniens illustrés du Bourgeois de Hambourg), ce n'est que dans la seconde moitié du XIXe siècle que l'engouement pour l'étude des uniformes (anciens ou « contemporains ») ne débuta réellement, dans la foulée de la rétro-mania médiévaliste lancée par Viollet-le-Duc. Les premiers ouvrages dans ce domaine sont d'ailleurs assez proches dans leur style et leur présentation (albums illustrés) du travail du grand illustrateur français du Moyen Âge. Cet engouement n'était pas totalement innocent sur le plan politique puisque l'uniformologie était aussi un moyen d'exalter les sentiments patriotiques. Les débuts de l'uniformologie française — en particulier napoléonienne — après la défaite de 1871 est à cet égard symptomatique. L'on vit ainsi se multiplier les séries de chromos, les successeurs de l'image d'Épinal — certaines d'une grande rigueur historique — à l'usage éducatif et patriotique de la jeunesse. Ces pièces, qui n'étaient littéralement au départ qu'un « jeu d'enfant », sont depuis devenues des collectors pour les passionnés. Les précurseurs (du Moyen Âge à la Révolution française)Les Livres d'heures du Moyen ÂgeLe Livre d'heures est un livre de prières illustré à l’usage des fidèles laïques, objet marquant la condition sociale tout autant que la dévotion de son propriétaire. Unique et personnalisé, c'est tout autant un objet dévotionnel, très répandu dans les pays de l’Europe septentrionale à partir du XIIIe siècle et jusqu’à l’époque moderne (mais plus rare dans les pays de l’Europe méridionale), qu'un signe extérieur de richesse sans réelle prétention littéraire ou culturelle. Les grands seigneurs de guerre du Moyen Âge en firent volontiers un instrument de propagande de leur propre gloire en les rehaussant d'armoiries et d'enluminures les représentant en armes dans une scène biblique « historique » (le siège de Jéricho par exemple). C'est notamment le cas du plus emblématique de ces ouvrages, Les Très Riches Heures du duc de Berry. Avec l'invention de l'imprimerie et les perfectionnements techniques de la xylographie, le livre devenait ainsi, mais sans aucune prétention à ce titre, une vecteur de l'uniformologie du Moyen Âge et de la Renaissance. Les premiers essais d'uniformologie raisonnée à la fin du XVIIIe siècle - début du XIXe siècleLa Révolution française de 1789 fut à l'origine d'un embrasement quasi planétaire qui pourrait véritablement être considéré comme la « Première Guerre mondiale » bien avant celle de 1914. Ce conflit et les guerres napoléoniennes qui lui succédèrent suscitèrent les premières publications uniformologiques, précurseurs des recognition books contemporains, c'est-à-dire des manuels ou albums des uniformes des différents belligérants destinés à en faciliter l'identification. L'uniformologie n'étant pas encore une « science exacte », une certaine fantaisie « exotique » caractérise souvent ces premiers ouvrages, à la manière des images d'Épinal qui leur sont d'ailleurs contemporaines et qui abordèrent elles aussi les sujets uniformologiques républicains et napoléoniens. Parmi ces premiers recueils — parfois anonymes et presque exclusivement d'origine allemande — figurent :
Une série d'illustrations attribuée au Néerlandais C.R. Coopman était déjà parue en 1787 pendant la guerre des Patriotes aux Provinces-Unies, qui à l'époque englobaient les actuels Pays-Bas et Belgique. Peintres militaires (XIXe et première moitié du XXe siècle)La peinture militaire est une peinture de genre qui appartient au domaine de la peinture historique. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, elle ne constituait pas particulièrement un genre de peinture démarqué, le thème militaire n'étant évoqué que dans des tableaux de commande des souverains, œuvres réalisées à leur gloire. FranceC'est le consul Napoléon Bonaparte qui, en France, lance véritablement le genre — pour les mêmes motifs — à l'issue de ses campagnes d'Italie et d'Égypte, Antoine-Jean Gros étant le peintre officiel des scènes de bataille du Consulat puis du Premier Empire. Carle Vernet, autre peintre de bataille de l'époque, illustre les planches du Règlement de 1812 des uniformes de l'Armée impériale. Par la suite, la peinture militaire française est dominée par les noms d'Horace Vernet sous la Monarchie de juillet et de Jean-Louis-Ernest Meissonier sous le Second Empire. Alphonse de Neuville (1836-1885), peintre des défaites de la guerre de 1870, mais aussi Jean-Charles Langlois et Édouard Detaille introduisent l'uniformologie dans la peinture, par leur souci du détail rigoureux et l'abandon des grandes fresques pour des scènes de détail retraçant des incidents de la bataille. Précis, manuels et albums d'uniformologie (seconde moitié du XIXe – XXe siècle)Richard Knötel peut sans conteste être considéré comme le père de l'uniformologie puisqu'il est l'un des tout premiers à avoir publié des ouvrages illustrés spécifiquement consacrés à ce domaine de la recherche historique, à la suite de ses propres travaux « archéologiques » menés avec la plus grande rigueur scientifique. Le terme d’uniformologie est lui-même dérivé du titre de ses ouvrages, Uniformenkunde pouvant être littéralement traduit par art/savoir/science des uniformes. Knötel reste encore une référence pour les auteurs et chercheurs du XXIe siècle, les rares erreurs relevées dans ses planches restant marginales et mineures[2]. Études uniformologiques en France
Parmi les grandes figures de l'uniformologie en France, on peut encore citer :
Études uniformologiques en Europe
Parmi les élèves, héritiers spirituels et successeurs européens des pionniers pré-cités, on pourra encore évoquer :
Uniformologie et illustration uniformologique contemporainesLa photographie est devenue le principal instrument de l'illustration uniformologique contemporaine, qu'il s'agisse d'études photographiques détaillées de pièces de collections, d'exploitation d'archives photographiques privées ou publiques ou de reportages de guerre dans les zones d'opérations. Le travail du correspondant de guerre français Yves Debay, publié notamment dans des revues spécialisées dans le domaine militaire comme Raids ou Assaut, est particulièrement représentatif de cette nouvelle technique iconographique dans le domaine de l'uniformologie. L'infographie est également devenue un outil pour la réalisation de planches et d'illustrations de facture plus « traditionnelle » dans leur présentation (étude de détails p.ex.). L'imagerie numérique permet quant à elle des reconstitutions tridimensionnelles à l'instar des mannequins des musées. Autres supports de l'illustration uniformologiqueChromosDans les années 1850, la révolution industrielle engendre de nouveaux produits de grande consommation qui font appel à la publicité pour conquérir les marchés naissants. C'est le cas notamment de l'extrait de viande, du lait concentré, du chocolat, de la chicorée, des cigarettes et de beaucoup d'autres. Confrontés à une forte concurrence, les négociants des grandes villes, essentiellement, distribuent alors des images pour promouvoir leur commerce et essayer de fidéliser leur clientèle. Dès lors, et jusqu'en 1939, la petite image chromolithographiée, différente chaque semaine, attire les parents des enfants désireux d'enrichir l'album réservé à leur précieuse collecte. Suivant cette ingénieuse idée, les grandes marques de l'époque se lancent à leur tour dans la création et la réalisation de chromos qu'ils glissent dans leurs emballages Cette pratique se perpétuera jusqu'au début des années 1970 quand la publicité optera pour d'autres techniques de vente. En un siècle, de 1872 à 1975, la compagnie Liebig distribuera ainsi 1871 séries de six (ou plus) images. Dans les années 1920-1930 les Will's cigarettes au Royaume-Uni distribuent également de très nombreuses séries sur divers thèmes. Les images de soldats auront tout naturellement un grand succès auprès du jeune public masculin, futur réservoir des forces armées des deux grands conflits mondiaux. Si la qualité artistique est en général au rendez-vous de ces séries historiques, l'authenticité uniformologique n'est pas toujours le souci majeur. Les plus pertinentes - dont les séries britanniques Will's cigarettes - sont cependant devenues de véritables collectors pour les amateurs d'icônographie uniformologique.
Cartes postalesLa carte postale est un autre support pour l'image uniformologique, particulièrement depuis la Première Guerre mondiale pendant laquelle et après laquelle de nombreuses photographies du front et des combats ont été publiées et diffusées par ce biais. Concurrente du chromo, la carte postale joua également son rôle propagandiste dans ce domaine. En France, Eugène Louis Bucquoy commence, dès 1908, la publication d'une vaste collection thématique de cartes postales uniformologiques sur le Premier Empire. L'artiste belge James Thiriar réalisa de superbes illustrations des uniformes de l'armée belge qui sont diffusées en carte postale par le musée Royal de l'Armée et de l'Histoire Militaire. TimbresDans les années 1930, le timbre-poste est devenu un outil de propagande bon marché et jouissant d'une vaste audience, au même titre que les chromos le furent précédemment - et le restent d'ailleurs encore à l'époque. Cette pratique ne se répandit pas seulement dans les régimes totalitaires : le Paraguay et la Bolivie utilisèrent cette « arme psychologique » lors de la guerre du Chaco qui les opposa entre 1932 et 1935. Les représentations d'uniformes nationaux furent l'un des thèmes de cette philatélie propagandiste. Parmi les pièces de collection les plus remarquables dans le domaine on peut citer :
À l'heure actuelle, ce sont surtout les commémorations-anniversaires d'évènements historiques (débarquement du , etc.) qui sont le prétexte d'émission de séries spéciales de timbres à caractère uniformologique, les techniques modernes d'imprimerie permettant le tirage de séries hautes en couleur :
Trésors uniformologiques et trésors de l'uniformologieLes illustrations et l'iconographie anciennes de même que des pièces archéologiques exceptionnelles constituent quelques-unes des plus précieuses sources du champ d'étude uniformologique.
Les acteurs du champ d'études historiquesLes acteurs de ce champ d'étude particulier sont aussi bien des institutions publiques comme les musées ou les académies militaires et les services d'archives publiques que de simples particuliers collectionneurs, membres de groupes de reconstitution historique, bibliophiles ou figurinistes. La reconstitution historiqueLa reconstitution historique (reenactment en anglais) est une activité qui relève du hobby et qui vise à reproduire l'image d'une époque historique par le travestissement des acteurs et figurants de ces mises en scène. La reconstitution historique n'est toutefois pas une invention récente. Les Romains se livraient déjà à ce genre de spectacle dans les arènes du cirque. Une des toutes premières activités du genre fut la « Grande Réunion de 1913 » qui rassembla sur le champ de bataille de Gettysburg plus de 50 000 vétérans, confédérés et nordistes confondus, de la guerre de Sécession du au (commémoration de l’Independance Day) 1913. À cette occasion, les vétérans ressortirent leurs vieux uniformes « gris » et« bleus ». Les groupes d’histoire vivante, en dehors de leurs propres évènements, sont très souvent sollicités pour animer des fêtes de commémoration historique. C'est particulièrement le cas pour ces deux grands évènements de l'histoire militaire européenne que furent la bataille de Waterloo en 1815 et le débarquement de Normandie le . Le MilitariaLe Militaria, dans le vaste univers des collectionneurs, désigne la branche consacrée à la collection d'antiquités militaires. De simple collecte de reliques et souvenirs familiaux, pratique née après la Première Guerre mondiale souvent à la mémoire d'un parent disparu au combat, cette collection - qui prend l'aspect d'une quête chez les plus passionnés - est devenue une véritable activité culturelle collective, avec ses clubs, manifestations, magasins spécialisés, publications spécialisées, rassemblements et bourses d'échanges au niveau planétaire. Cette activité est fréquemment associée avec la reconstitution historique évoquée plus haut. Certains collectionneurs sont arrivés au fil des ans à se constituer de véritables musées militaires privés, d'ailleurs parfois accessibles au grand public. Uniformologie à l'usage des figurinistesLes collectionneurs de figurines historiques soucieux d'authenticité ont besoin d'une documentation précise, décrivant les uniformes des armées des différentes époques (coupe et couleur des effets, détails des insignes et décorations, etc.), qu'ils souhaitent représenter. Ce souci de rigueur se reflète dans les nombreux articles d'uniformologie publiés dans les revues de modélisme. La revue britannique Military Modelling en est un exemple typique, en ouvrant mensuellement ses pages à des articles uniformologiques traitant fréquemment de points d'histoire parfois très obscurs (uniformes des armées latino-américaines pendant les guerres d'indépendance, uniformes d'unités méconnues engagées dans les grands conflits historiques, etc.). Les uniformes du Premier Empire ainsi que ceux de la Seconde Guerre mondiale sont des sujets très populaires parmi les figurinistes. Les conflits de l'époque victorienne sont à ajouter à la liste des thèmes préférés des modélistes britanniques. Avec le développement du figurinisme et de modélisme militaires, l'uniformologie a trouvé un nouveau support par le biais de l'illustration des boîtes de construction ou des planches servant de référentiels pour la peinture des modèles réduits et figurines. Eugène Leliepvre a ainsi réalisé une série d'illustrations en couleurs pour la maison Historex, spécialisée dans la figurine napoléonienne. Galerie uniformologiquePièces archéologiques et documents anciens
Peintres militaires
Photographies et cartes postales anciennes
Études uniformologiques
Militaria et collections muséales
Reconstitution uniformologique
Uniformologie contemporaine
Notes et référencesNotes
Références
Voir aussi
Bibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Articles connexes
Liens externes
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