Tombeau de l'Empereur Napoléon aux InvalidesLe tombeau de l'empereur Napoléon Ier aux Invalides est une crypte de 6 mètres de profondeur et de 23 mètres de diamètre située dans l’hôtel des Invalides à Paris. Conçue par l'architecte Louis Visconti et construite entre 1842 et 1853, la crypte, ouverte au centre, abrite un sarcophage en quartzite rouge contenant cinq cercueils (fer-blanc, acajou, deux en plomb, et ébène). Ce sarcophage repose sur un socle en dolérite verte entouré au sol d'une mosaïque de marbre et d'émaux représentant notamment une couronne de laurier. Douze hauts-reliefs de Victoires sont adossés aux piliers qui encerclent le sarcophage et soutiennent une galerie ouverte décorée de dix bas-reliefs. Une pièce aménagée dans l'axe du sarcophage accueille la statue de Napoléon Ier. ContexteLe projet du tombeau commence après l'annonce en mai 1840 du retour des cendres de Napoléon, avec la loi votée le 10 juin de la même année[1]. Après un concours, le projet de Visconti est sélectionné en mars 1842. Bien que des lieux de sépulture comme la colonne Vendôme et l'abbaye de Saint-Denis aient été envisagés, Napoléon, mort en exil sur l'île britannique de Sainte-Hélène le 5 mai 1821, repose finalement aux Invalides. Son corps rejoint le tombeau le 2 avril 1861[2]. La construction du tombeau affermit la transformation du Dôme des Invalides en tant que « panthéon des gloires militaires »[3], voulue et amorcée par Napoléon en 1800 avec le transfert du tombeau de Turenne. L'accès au tombeau se fait par le Dôme, où les visiteurs se dirigent vers un imposant baldaquin en marbre de style néo-baroque, érigé en 1853[4]. L'église Saint-Louis des InvalidesHistoire de l'édificeConstructionLorsqu’il ordonna la construction de l’hôtel des Invalides en février 1670, Louis XIV souhaita y intégrer un édifice religieux, afin de favoriser le bien spirituel des pensionnaires[5]. Le chantier mené par l’architecte Libéral Bruand progressa rapidement jusqu’à l’année 1676. Le dessin prévu pour la chapelle des Invalides fut alors jugé peu convainquant par l’administration royale[6]. À partir de mars 1676 le marquis de Louvois, qui exerçait la charge de secrétaire d’État de la Guerre, convoqua Jules Hardouin Mansart afin qu’il conçoive un nouveau projet architectural. En dépit de quelques critiques, les nouveaux plans soumis par Hardouin-Mansart obtinrent l’approbation de Louis XIV[7]. À la chapelle initialement prévue, Hardouin-Mansart a substitué un projet particulièrement ambitieux. L’édifice était composé de trois ensembles communicants : un « chœur des soldats », situé à l’emplacement prévu à l’origine, une église de plan centré à la gloire de Louis XIV, ainsi qu’un sanctuaire de plan ovale situé à la jonction des deux espaces. Si jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle l’ouvrage a pu être considéré comme étant composé de deux églises distinctes (celle des soldats étant alors attribuée à Bruand et l’église royale à Hardouin-Mansart) l’historiographie moderne a montré qu’il s’agissait bien d’une seule et même œuvre, conçue par Hardouin-Mansart presque dans son intégralité[8]. Bien qu’elles aient été conçues ensemble, les deux parties de l’édifice n’ont pas pu être achevées en même temps[9]. Le « chœur des soldats », financé par le secrétariat d'État à la Guerre, a été livré en 1679. Sa construction a été menée par Simon Pipault, entrepreneur des Invalides depuis 1671, secondé par Michel Hardouin, le frère de Hardouin-Mansart[10]. Quelques modifications ont été réalisées en cours de construction (la pierre a remplacé la charpenterie pour le voûtement du vaisseau et des bas-côtés, ce qui a nécessité l’introduction d’arcs-boutants en pierre, le rehaussement des murs périphérique, ainsi que l’ajout de tirants métalliques dans le comble)[11]. Le mobilier liturgique, qui n'est pas celui visible aujourd'hui dans l'église (installé au XIXe siècle), a été livré entre 1678 et 1679[11]. L’église royale a été réalisée entre 1677 et 1706. Ce retard pourrait être dû à la complexité du projet ainsi qu’aux difficultés financières survenues lors de la seconde moitié du règne de Louis XIV[12]. Les premiers marchés relatifs à l’ouvrage furent signés en février 1677. Six années plus tard, les travaux n’avaient pas dépassé la dix-huitième assise[12]. L’arrivée de Louvois au poste de surintendant des bâtiments du roi fin 1683 permit de débloquer les fonds nécessaires à la progression du chantier. En 1687, un nouveau marché de maçonnerie fut signé avec Pierre II Lemaistre, collaborateur de Hardouin-Mansart, afin d’achever la réalisation du des parties hautes de l’église. Le gros œuvre fut achevé à l’été 1692. La mort de Louvois en juillet 1691, ainsi que les restrictions budgétaires imposées dans le contexte de la Guerre de la Ligue d’Augsbourg retardèrent la réalisation des programmes sculptés commandés en 1691. L’ensemble fut finalement achevé en 1706, avant d’être consacré et placé sous le patronage de Saint Louis le 22 août de la même année[13]. Louis XIV inaugure l'église Saint-Louis le 28 août 1706. Depuis l'édificationLe sujet de la vocation première de cette double église est grandement débattu. Sous l’Ancien Régime, l’édifice ne fait pas l’objet de préoccupations funéraires évidentes, à l’exception des anciens gouverneurs, inhumés dans un caveau situé sous l’église des Soldats. Le choix d’un plan centré ainsi que la présence d’un dôme, celle d’une grande « place » circulaire au centre de la nef[14](lieu qui accueillera par la suite le tombeau de Napoléon) pourraient nous amener à y voir une église funéraire, un « nouveau Saint-Denis pour la dynastie »[15]. Quoiqu’il en soit, au cours du XVIIIe siècle, l’édifice commence à être davantage perçu comme un lieu propice à acquérir une fonction mortuaire[15]. L’église Saint-Louis des Invalides est grandement affectée par la révolution de 1789. Les éléments relatifs à la monarchie sont masqués ou détruits entre 1792 et 1794, et le culte est rétablie en août 1802. À la faveur de cette laïcisation s’opère un glissement symbolique : l’église devient le symbole de la gloire militaire. Les drapeaux pris aux armées vaincues, autrefois suspendus aux voûtes de Notre-Dame de Paris, sont transférés à Saint-Louis des Invalides en 1793, et l’église est transformée en « temple de Mars et des vertus guerrières » en 1797[16]. Napoléon Bonaparte donne à l’édifice sa dimension funéraire. En tant que premier consul, il transfère le tombeau de Turenne dans la chapelle de la Vierge en septembre 1800[17]. Lazare Carnot, alors ministre de la guerre, rend compte de cette décision en ces termes : « Elle est sublime […] l’idée de placer les dépouilles mortelles d’un héros qui n’est plus, au milieu des guerriers qui le suivent dans la carrière et que forma son exemple ! »[18]. En 1808, le cœur de Vauban est installé dans la chapelle Sainte-Thérèse, par la volonté de Napoléon devenu empereur[19]. À partir de 1804, de nouveaux gouverneurs sont enterrés dans le caveau (à l’image de Berruyer), ainsi que certains chefs militaires tels que les généraux Lariboisière et Bessières[20]. Sous la monarchie de Juillet, deux innovations marquent la fonction funéraire de l’église : un caveau est aménagé dans une galerie préexistante, sous la chapelle Saint-Grégoire, pour accueillir les corps des victimes de l’attentat de Fieschi, le 28 Juillet 1835. Plus important encore, la décision est prise de placer le tombeau de Napoléon à Saint-Louis des Invalides. Face à l’entrée du mausolée de Napoléon sont installés en 1847, des monuments funéraires en hommage aux généraux Duroc et Bertrand, fidèles compagnons de l’Empereur. En 1847, la réfection du monument de Vauban permet de créer une harmonie avec celui de Turenne[21]. Napoléon III continue à asseoir la vocation funéraire de l’édifice : après certaines hésitations, il entérine l’inhumation de son oncle aux Invalides en 1861. En 1863, il règlemente la procédure consistant à inhumer les gouverneurs ainsi que certains chefs militaires. En outre, il donne au Dôme une dimension dynastique en plaçant le corps de Jérôme Bonaparte dans la chapelle Saint-Jérôme en 1862, puis celui de Joseph Bonaparte dans la chapelle Saint-Augustin en 1864. Dès le Second Empire, l’hôtel des Invalides acquiert une dimension patrimoniale, avec le classement du site au titre des monument historique|monuments historiques en 1862. La Troisième République développe et consolide cette patrimonialisation, doublée d'une muséification nouvelle, avec l'installation du musée de l'Artillerie en 1871, suivie de l'ouverture du musée historique de l’Armée en 1896. Ces deux premiers musées sont réunis en juillet 1905 en une seule institution muséale, le musée de l'Armée. C’est dans ce contexte qu’est réalisée, en 1873, la paroi vitrée qui sépare le Dôme de l’église des soldats. Ainsi est matérialisée la distinction entre le tombeau, désormais objet d’attraction mémorielle, et le lieu de culte que constitue l’église Saint-Louis[22]. À cette patrimonialisation de l’espace correspond une forme de dynamisme funéraire : un nombre croissant de dirigeants militaires sont inhumés dans le caveau des gouverneurs et un monument dédié aux généraux morts lors de la Première Guerre mondiale est érigé dans une chapelle de l’église des soldats en 1929[23]. En 1937, le maréchal Foch est inhumé dans un tombeau réalisé par Paul Landowski, placé au cœur de la chapelle Saint-Ambroise. En 1963, le corps du maréchal Lyautey est placé dans un tombeau réalisé par Albert Laprade dans la chapelle Saint-Grégoire. ArchitectureD’un point de vue structurel, le plan prévu par Hardouin-Mansart a peu d’équivalent en France. Contrairement aux églises conventuelles dont l’organisation est traditionnellement disposée en équerre (à l’image du Val-de-Grâce ou de la Visitation à Paris), Saint-Louis des Invalides est alignée sur un axe unique où se succèdent la nef, l’autel et le chœur[24]. De plus, l’église est dotée de deux façades, une côté cour (au nord) et l’autre côté Grenelle (au sud). Cette originalité a pu rendre l’interprétation de l’édifice quelque peu ambiguë : il a pu être perçu aussi bien comme une église conventuelle que comme deux églises adossées[24]. L'église des soldatsL’église des Soldats obéit à un plan traditionnel. Il s’agit d’une longue nef rectangulaire à neuf travées, dépourvue de transept et dotée d’un chœur en abside[25]. Le vaisseau central supporte un voûtement en plein cintre à doubleaux et lunettes, tandis que les bas-côtés sont voûtés de berceaux surbaissés à lunettes[26]. L’élévation comporte trois niveaux : arcades, tribunes et fenêtres hautes. Elle obéit à un grand ordre de pilastres corinthiens. Certaines sculptures décoratives (dans les arcs doubleaux de la grande voûte ainsi que dans les balustrades de pierre qui ferment les tribunes) révèlent l’attention portée par Hardouin-Mansart au raffinement de la stéréotomie[26]. Les bas-côtés comprennent chacun une porte menant vers une sacristie circulaire qui assure la transition vers le Dôme. L'église du roiL’église royale est conçue par Hardouin-Mansart comme un « bombardement symbolique » destiné à exalter la puissance monarchique[27]. Le choix de construire une église à dôme de dimensions aussi importantes en est l’indice le plus explicite, dans la mesure ou Saint-Louis des Invalides aspire à être rapprochée de Saint-Pierre de Rome et à dépasser Saint-Paul de Londres. Le plan de l’édifice est organisé en croix grecque et s’inscrit dans un carré de 52 mètres de côté[28]. ExtérieurSa façade principale comporte un frontispice central à deux ordres superposés (dorique et corinthien), couronné par un fronton triangulaire. Cette disposition permet d’articuler l’élévation des deux premiers niveaux avec un tambour orné selon un ordre de doubles colonnes composites. Au cours de la construction, Hardouin-Mansart a choisi de rajouter un second rang de baies en plein cintre au niveau de l’attique. Ce dispositif, inédit en France, permet d’éclairer la seconde coupole de manière naturelle tout en étant invisible depuis l’intérieur de l’église[28]. Le Dôme, doré et orné d’un riche programme sculptural, est coiffé par un lanternon rappelant les tempietti de la Renaissance italienne, sur lequel repose une flèche fleurdelisée portant une croix[29]. L’ensemble s’élève à 107 mètres[30]. IntérieurLe centre du plan en croix grecque est occupé par une nef circulaire tandis que les angles accueillent quatre chapelles rondes reliées entre elles par des percées dans les piles de la croisée[31]. La transformation de l’église en nécropole au XIXe siècle a eu de nombreuses conséquences sur l’aménagement des espaces : trois des quatre chapelles d’angles accueillent des tombeaux en leur centre, tandis que les deux baies latérales du transept abritent les monuments de Turenne et de Vauban[32]. Plus encore, le tombeau de Napoléon, situé au centre de l’édifice, est censé être le point focal d’un agencement spatial complexe. À l’intérieur, la nef pavée de marbre polychrome est rythmée par un grand ordre de pilastres, dont l’entablement comporte, au niveau de la frise, l’insigne en forme de double L de Louis XIV. Les chapelles reproduisent cette structure en réduction à l’aide de colonnes engagées[33]. La partie basse de l’église privilégie le décor sculpté : y sont représentés les armes de France, des tableaux en bas-reliefs de la vue de Saint-Louis, des anges volants des piles, des statues de niches dans les quatre chapelles dédiées aux Pères de l’église latine[33]. Sous le tambour, les pendentifs sculptés dans un premier temps sont finalement remplacés par les peintures à fresque des quatre évangélistes de Charles de La Fosse. Celles-ci sont surmontées par une frise composée d’une série de douze médaillons de rois de France en profil, allant de Clovis à Louis XIV[33]. Au-dessus du tambour, une première coupole, peinte par Jean Jouvenet entre 1703 et 1704, représente les Douze apôtres en gloire[33]. La seconde coupole a été décorée par Charles de la Fosse. Son œuvre remplace les projets de Pierre Mignard qui avaient pour ambition de représenter les saints guerriers de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ici, La Fosse adopte une vue di sotto in su pour figurer Saint Louis déposant son épée aux pieds du Christ, célébrant les liens privilégiés entre Dieu et la monarchie française, dépositaire d'une partie des instruments de la Passion (arma christi). La composition, achevée en 1705, s’inspire des coupoles peintes à Parme ou à Rome par Corrège, Pierre de Cortone ainsi que Lanfranco[34]. Elle est cadrée par un anneau de personnages réunis en quatre groupes distincts et reliés par des nuées. Le Christ y est représenté au sommet d’une structure pyramidale, accompagné d’anges portant la croix à droite et de saint Louis remettant ses armes à gauche. L’effet de perspective aérienne, couplé au dispositif d’éclairage naturel mis au point par Hardouin-Mansart, est pensé pour mimer la pénétration de la lumière divine au sein de l’église. Dans sanctuaire, au-dessus du baldaquin, Noël Coypel a décoré la voûte de la Trinité ainsi de l'Assomption de la Vierge. Le décor des coupoles et des calottes des quatre chapelles latérales a été réalisé par Bon Boullogne pour les chapelles Saint-Ambroise et Saint-Jérôme, par Michelle II Corneille pour celle de Saint-Grégoire (remplacé par les peintures de Louis-Michel Van Loo dès les années 1760), ainsi que par Louis de Boullogne pour celle de Saint-Augustin[33]. La construction du tombeauUne première inhumation sur l'île de Sainte-HélèneLe retour des cendresLe transfert solennelEn 1815, Napoléon est exilé sur l'Île britannique de Sainte-Hélène dans l'atlantique sud, où il y est enterré à sa mort en 1821. La monarchie est rétablie en France par la Seconde Restauration. Le Roi de France Charles X, perçu comme une menace pour les libertés civiles établies sous l’Empire est renversé par la Révolution de Juillet 1830. Son successeur Louis-Philippe Ier, marque le renouveau de l’intérêt pour Napoléon[35]. Emergence du projet de rapatriementLes initiatives symboliques, comme la restauration de la statue de Napoléon sur la colonne Vendôme en 1833 et l’inauguration de l’Arc de Triomphe en 1836, symboles du culte napoléonien, marquent ce regain d'intérêt pour la figure de l'Empereur. D'autre part, le parlement maintient l'exil des Bonaparte assimilés aux Bourbon et l'Aiglon, fils unique de Napoléon, décède en 1832. Ce dernier évènement marque la fin des espoirs de voir renaître l'Empire mais intensifie les demandes pour le retour de la dépouille de l'Empereur comme en témoignent les nombreuses pétitions déposées en 1834[35]. En 1840, sous l’impulsion d’Adolphe Thiers et de Louis-Philippe Ier, le rapatriement des cendres de Napoléon est décidé[35]. Cette initiative visait à apaiser les bonapartistes et à consolider le pouvoir du roi. Cependant, elle déclencha un regain d’enthousiasme populaire pour la figure de Napoléon, attisant un nationalisme latent et ravivant les sentiments bonapartistes. Le mythe de Napoléon en tant que figure tutélaire de la France s'en trouve renforcé. L’expédition est ainsi décidée en 1840[36]. Ce rapatriement, orchestré en décembre 1840, marqua un tournant dans la mémoire collective, plaçant Napoléon Ier comme un symbole national transcendant les clivages politiques[37]. Expédition maritime entre Sainte-Hélène et la FranceLa décision est prise, les cendres de Napoléon seront ramenée en France sous la responsabilité du fils de Louis-Philippe Ier, le prince de Joinville. Étant capitaine du vaisseau sur la frégate la Belle Poule, depuis 1839, il est considéré comme étant le plus à même de mener cette mission. Le départ a lieu le 7 juillet à Toulon. La Belle Poule est accompagnée de la Favorite. Les passagers du bateau la Belle Poule sont en majorité des compagnons d’exil de Napoléon ainsi que 5 vieux serviteurs de l’empereur. L’équipage compte en tout plus de 500 hommes. Les deux navires arrivent à Sainte-Hélène le 8 octobre. Le cercueil de Napoléon est transféré à bord de la Belle Poule le 15 octobre. Le voyage retour a lieu du 18 octobre au 30 novembre. La Belle Poule arrive à Cherbourg le 30 novembre, le voyage se poursuit en navigation fluviale pour apporter les cendres jusqu’à la capitale. Le prince de Joinville accompagne les cendres jusqu’à Paris[37]. Le cortège funèbre de Cherbourg à ParisLe trajet de Cherbourg au Havre est assuré par le Normandie, un petit bateau à vapeur escorté par deux autres vapeurs. A partir de Val-de-la-Haye, le voyage se poursuit à bord du bateau La Dorade jusqu'à Courbevoie en passant par Pont-de-l'Arche, Vernon, Mantes, Maisons-Laffitte. La Dorade arrive à Courbevoie, le 14 décembre 1840. Le lendemain, se met en marche le cortège funéraire du Pont-de-Neuilly aux Invalides. «Une foule venue assister à ces funérailles a été extrêmement nombreuse malgré le froid, plus d’un million de personnes selon certaines estimations ». Les ponts se transforment en arcs de triomphe et les manifestations officielles s’enchainent[37]. Pour le transfert de Courbevoie à Paris, les navigations sur la Seine sont strictement interdites. Le convoi ne doit en aucun cas s’arrêter sur le chemin, la seule cérémonie devant avoir lieu à Paris. Mais le voyage jusqu’à Paris est complexe. Effectué en pleine période hivernale, les conditions de navigation et de vie des hommes sont rudes, en effet, des blocs de glace se forment sur la Seine[37]. Une procession cérémoniale en plein cœur de ParisLe cercueil de l’Empereur devait être initialement transporté sur un bateau catafalque, « imaginé par Visconti et Burgh, pour être amené au port des Invalides, à l’emplacement de l’actuel Pont Alexandre III ». Le bateau long de trente-sept mètres et large de cinq mètres cinquante, supportait un temple funèbre en boiseries bronzées s’élevant à neuf mètres cinquante, à l'intérieur duquel reposait le cercueil de l'empereur[38]. Ce bateau catafalque, qui a bien été construit, n'est finalement pas utilisé. Le cercueil a été amené aux Invalides dans un grand char, richement orné d'une iconographie détaillée et conçu spécialement pour cette occasion. Victor Hugo le décrit en ces termes :
Le char traverse les lieux les plus emblématiques de Paris, parmi lesquels l'Arc de Triomphe, les Champs-Élysées et la place de la Concorde. Pour cette occasion solennelle, des décors somptueux et une cérémonie grandiose ont été mis en place, orchestrés par les architectes Louis Visconti et Henri Labrouste[39]. Parmi ces lieux, l'Arc de Triomphe, achevé quelques années plus tôt sur ordre de Louis-Philippe Ier, se distingue par son histoire et son architecture[38]. Érigé entre 1806 et 1836 par les architectes Guillaume-Abel Blouet, Jean-François-Thérèse Chalgrin et Jean-Arnaud Raymond, il arbore, pour cette cérémonie, « deux mâts au haut desquels flottent des bannières ». Surmonté d’un groupe monumental provisoire installé dès le 1er décembre, il représente l’Empereur entouré de génies symbolisant la guerre et la paix, accompagnés de deux figures de la Renommée[40]. Le cortège poursuit son chemin en passant par d’autres sites emblématiques magnifiquement décorés. Le long des Champs-Élysées, dix-huit statues de Victoires alternent avec des colonnes couronnées par l’aigle impériale. Sur la place de la Concorde, des tribunes entourées de mâts dominent l’espace, tandis que le pont de la Concorde, magnifié par quatre colonnes triomphales, porte huit statues monumentales représentant la Sagesse, la Force, la Justice et la Guerre d’un côté, l’Agriculture, les Beaux-Arts, l’Éloquence et le Commerce de l’autre. Enfin, devant le Palais Bourbon, se dresse une statue colossale de l’Immortalité, réalisée par Cortot, venant parachever cette mise en scène grandiose[38]. Sur l’esplanade des Invalides, s’élève une statue en bronze de Napoléon réalisée par François-Joseph Bosio, initialement conçue pour couronner la colonne de Boulogne-sur-Mer. L’allée centrale, où ont été disposées des tribunes, a été dégagée de la petite fontaine ornée d’un buste de La Fayette qui gênait le passage. Elle est désormais bordée de trente-deux statues en plâtre mesurant sept mètres de haut, alternant avec des trépieds à feu. Ces statues représentent des figures historiques telles que Clovis, Charles Martel, Philippe II Auguste, Charles V, Jeanne d’Arc, Louis XII, Bayard, Louis XIV, Turenne, Duguay-Trouin, Hoche, La Tour d’Auvergne, Kellermann, Ney, Jourdan, Lobau, Charlemagne, Hugues Capet, Louis IX, Charles VII, Duguesclin, François Ier, Henri IV, Condé, Vauban, Marceau, Desaix, Kléber, Lannes, Masséna, Mortier et Macdonald, qui semblent se toiser avec défiance. Il s'agit d'une sorte de « galerie d'ancêtres »[38]. En arrivant, à l'hôtel des Invalides, le cercueil de Napoléon est reçu par le roi Louis-Philippe Ier dans l'église Saint-Louis. Débute alors une cérémonie au cours de laquelle sont mis en avant des objets personnels symbolisant la gloire de Napoléon, tels que son célèbre chapeau et son épée d'Austerlitz, témoignant de son statut légendaire. L’hôtel des Invalides[38] est presque entièrement dissimulé sous des tentures noires et mauves, dont la pose a débuté le 18 novembre. Un arc de triomphe en toile orne le centre de la grille principale, tandis que la cour d’honneur est embellie par des trophées d’armes surmontés d’aigles et de guirlandes. Au centre, l’entrée de l’église des soldats est dissimulée derrière un vestibule monumental en toiles peintes. L’intérieur est également recouvert de tentures mauves, et un immense catafalque, surmonté d'une aigle impériale aux ailes déployées, a été érigé au centre de l’église du Dôme. Partout, des inscriptions, des noms et des dates évoquent les grands moments de l’Empire[38]. Malgré tous les efforts fournis pour réaliser les ornementations dans les temps, certains critiques soulèvent quelques défauts, comme c'est le cas de l'écrivain et satirique britannique William Makepeace Thackeray qui avoua :
Le testament de Napoléon IerLe lieu de l’inhumation : le choix des InvalidesLe retour des cendres de l’Empereur, projet initié par le gouvernement d’Adolphe Thiers[41], se prolongea par le discours que prononça Charles de Rémusat le 12 mai 1840[42]. Dans ce discours, le ministre de l’Intérieur désigna l’hôtel des Invalides comme lieu de sépulture de Napoléon Ier[42] et justifia ce choix en ces termes[43] :
Outre ces considérations, le gouvernement avança d’autres arguments. D’une part, il s’agissait de profiter d’un édifice déjà connu et de lui attribuer une nouvelle fonction[45]. D’autre part, le choix des Invalides permettait de respecter le vœu de l’Empereur, qui avait exprimé le désir d’être inhumé sur les bords de la Seine[45]. Ce choix était également politique : il visait à éviter les reviviscences dynastiques qu’aurait pu susciter la construction d’une sépulture à Saint-Denis, tout en affirmant la supériorité de la monarchie de Juillet sur l’Empire[43]. Le choix des Invalides fit, dès, lors l’objets de vifs débats, aussi bien dans la presse qu’au Parlement[46],[43]. La Société Libre des Beaux-Arts, par exemple, condamna ce projet et proposa plutôt l’édification d’un monument sur la colline de Chaillot[46]. D’autres sites furent également envisagés pour accueillir la dépouille impériale : le Champ-de-Mars, la place Vendôme, la place de la Concorde, l’Arc de Triomphe ou encore l’église de la Madeleine[45]. Saint-Denis occupait une place particulière dans ces discussions. Fondateur de la IVe dynastie[43], Napoléon Ier avait en effet demandé la restauration de la basilique et l’avait choisie comme lieu de sa dernière demeure[45]. Les habitants de Saint-Denis s’appuyèrent sur la volonté de l’Empereur en adressant une pétition à la Chambre mais, malgré le lien symbolique avec les lieux, cette proposition d’inhumer Napoléon à Saint-Denis fut finalement écartée[47]. L’organisation du concours (1841)Le discours de Charles de Rémusat fut suivi, le 10 juin 1840, par la promulgation d’une loi ordonnant la construction du tombeau de l’Empereur sous le dôme de Saint-Louis des Invalides[41]. L’article 2 de cette loi précisait : « Le tombeau sera placé sous le dôme, exclusivement réservé, ainsi que les quatre chapelles latérales, à la sépulture de l’empereur Napoléon. À l’avenir, aucun autre cercueil ne pourra y prendre place »[48]. Cette loi prévoyait également, et parallèlement au voyage du prince de Joinville vers Sainte-Hélène pour le rapatriement des cendres de l’Empereur, que la construction du tombeau fasse l’objet d’un concours public[41]. Initialement, l’administration ne souhaitait pas organiser de concours[49] et comptait confier la réalisation du tombeau à l’architecte Félix Duban et au sculpteur Carlo Marochetti[50]. Après examen des propositions des deux artistes, Carlo Marochetti fut pressenti pour conduire ce projet[51].
Cependant, l’opinion publique comprenait mal qu’un monument de cette importance ne soit pas confié à un artiste national[53]. Aussi, de vives critiques furent émises à l’encontre de cette décision mais aussi à l’encontre de Carlo Marochetti[50]. Le milieu artistique était particulièrement hostile à ce choix et le Journal des Artistes, L’Artiste, Le Journal des Beaux-Arts et La Revue Générale d’Architecture plaidèrent pour l’organisation d’un concours[51],[49]. En septembre 1840, la Société Libre des Beaux-Arts publia un libelle insistant sur la nécessité d’organiser un véritable concours, tout en regrettant le choix des Invalides qui condamnait le tombeau à n'être « qu'une sorte de meuble » ou de « monument dans le monument »[50]. De son côté, l’Académie des Beaux-Arts écrivit une lettre au ministre de l’Intérieur et remit en question la procédure envisagée[51]. La conclusion de ces débats fut la suivante : « Le tombeau à ériger à Napoléon est une œuvre trop nationale pour qu'elle ne soit pas accomplie par la voie du concours public »[46]. Finalement, les deux projets proposés par Carlo Marochetti ne parvinrent à convaincre ni la presse ni l’administration et furent eux aussi largement critiqués[54]. Plusieurs contre-projets firent alors leur apparition : l’un d’eux fut par exemple lithographié dans un canard intitulé Tombeau de l’Empereur Napoléon aux Invalides imprimé au début du mois de décembre 1840 ; d’autres furent imaginés par Hector Horeau, Antoine Etex ou bien Félix Duban[55]. Mise sous pression, l’administration abandonna la procédure de commande officielle au profit de l’organisation d’un concours, qui fut annoncé à la Chambre des députés le 13 avril 1841 (à l’occasion du vote des crédits destinés à la construction du monument)[50]. Plus de 80 candidats participèrent à cette compétition[50], parmi lesquels des figures comme Félix Duban, Louis Visconti, Hector Horeau, Antoine Etex, Achille Déveria, Louis Petitot, Etienne-Hippolyte Maindron, Louis Auvray, Jean-Baptiste Cannissié, Henri de Triqueti, Louis Moreau, Théodore Chassériau ou encore Henri Labrouste. Avant même la fin de la clôture des candidatures, Félix Duban et Louis Visconti furent présentés comme les favoris[56]. L’absence de programme laissait les artistes libres pour la conception du monument et leur permettait de choisir parmi les trois orientations possibles : « la crypte, le tombeau adossé ou l’espace qui gît sous le Dôme »[57]. Les seules recommandations furent transmises via le rapport d’une commission présidée par Ludovic Vitet : le tombeau devait s’intégrer au monument conçu par Hardouin-Mansart, sans le dénaturer ; il devait être visible sans être trop imposant ou triomphal conformément aux attentes de la monarchie de Juillet[41]. L’exposition des projets à l’École des Beaux-Arts, le 27 octobre 1841, eut un grand succès[56]. Les projets présentés étaient très hétéroclites, très variés dans leur conception et leur style[56]. César Darly, dans un article de la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, en donne une vue d’ensemble :
Les projets proposés à cette occasion furent classés en deux groupes : d’une part, les projets dans lesquels le tombeau était placé au-dessus du sol, et d’autre part, les projets dans lesquels le tombeau était placé en dessous du sol[58]. La composition du jury ne fut décidée qu’en novembre 1841[56] et en mars 1842 seuls deux projets restaient en lice[41] : celui de Victor Baltard, qui avait proposé un projet de crypte fermée et celui de Louis Visconti qui avait pris le parti de la crypte ouverte[59]. Cette dernière proposition, jugée plus pertinente par la commission, fut finalement retenue et le 22 mars 1842 Louis Visconti obtint la charge de l’édification du tombeau de l’Empereur[60]. Théophile Gautier, secrétaire de la commission de choix du tombeau de l'Empereur, joua un rôle déterminant dans la concrétisation de ce projet. Grâce à ses synthèses conciliatrices, il facilita l’intégration définitive du tombeau aux Invalides et contribua à perpétuer le souvenir de son tombeau littéraire, toujours localisé à Sainte-Hélène[61]. Les architectesChronologie de la construction du tombeau
Description du tombeauLe caveau des gouverneursLe caveau des gouverneurs est un espace souterrain, situé sous l’actuel autel et la nef de l’église des soldats. Cet espace a été édifié pendant le règne de Louis XIV, lors de l’édification de l’ensemble, afin d’accueillir les dépouilles des gouverneurs des Invalides. Une place importante leur est accordée car ils sont considérés comme les représentants du pouvoir étatique aux Invalides[75]. En 1794, le caveau est profané et dévasté, les cercueils de plombs ont été retirés[75]. La tradition d’y inhumer les gouverneurs est interrompue avant de reprendre sous l’Empire. Ce lieu revêt une grande importance dans le projet d’édification du tombeau de Napoléon puisqu’il est initialement au cœur du projet imaginé par Visconti. En effet, ce lieu tient une place toute particulière puisqu’il fait partie intégrante du parcours initiatique proposé par Visconti. Ce dernier envisageait de construire une entrée monumentale, depuis la cour d’honneur, donnant sur une galerie de 80 mètres de long, édifiée en sous-sol et passant sous la nef de l’église, au cœur du caveau des gouverneurs qui devait mener à l’entrée du tombeau. Ce projet a particulièrement plu au jury du concours parce qu’il avait l’avantage d’inscrire le tombeau dans l’édifice préexistant, comme demandé, tout en le plaçant dans un lieu particulièrement symbolique[76]. Toutefois, le projet initial de Visconti a été repensé et l’idée de créer ce long corridor abandonnée. Auguste Rougevin (1794-1878), architecte des Invalides depuis 1832, est chargé de modifier le caveau. Ce dernier présente un projet d’entrée vers le caveau par un escalier à double révolution en 1844[77]. La proposition de Visconti de créer une entrée située au revers de l’autel de l’église des soldats face à l’entrée de la crypte, au revers du maître-autel du Dôme est retenue en 1853, et édifiée par Rougevin par la suite[78]. Le caveau n’est finalement pas inclus dans le projet initial de Visconti. Cependant il continue d’exister et est progressivement transformé en panthéon militaire puisque des chefs militaires s’étant particulièrement distingués y sont également enterrés. Cette fonction s’amplifie au cours du temps et sous le règne de Louis-Philippe Ier, les obsèques y sont très solennelles. Aujourd’hui, sur les 93 sépultures, 27 sont celles d’anciens gouverneurs[75]. Parmi les personnalités inhumées dans le caveau, le général de Lariboisière (1759-1812) et le maréchal Bessières (1768-1813) sont présents[79]. Cette fonction perdure jusqu’à aujourd’hui puisque les restes de Rouget de Lisle (1760-1836) ont également rejoint le caveau en 1915. En outre, des maréchaux de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale y reposent tels le maréchal Fayolle (1852-1926) et le général Leclerc (1902-1947)[80]. Aujourd’hui le caveau des gouverneurs n’est pas ouvert à la visite, mais un petit oculus construit à l’extrémité du caveau est visible depuis la nef de l’église.
Le baldaquinPour accéder au tombeau, le visiteur entre par le Dôme et se rapproche d’un monumental baldaquin en marbre de style néo-baroque. Érigé par Visconti en 1853, le baldaquin se distingue par son architecture et sa haute élévation vers le Dôme. Ce baldaquin marque, visuellement depuis le rez-de-chaussée du Dôme, l'entrée sous-jacente du tombeau de l'Empereur, comme le baldaquin de Saint-Pierre de Rome dressé par Le Bernin (1598-1680), dont il reprend la structure. Disposé sur un plan carré, il est constitué de quatre colonnes torses venant soutenir une imposante architrave. Le baldaquin est richement décoré et l’on peut y retrouver l'aigle impériale, les couronnes de laurier, et les lettres « N » entrelacées[4]. Le baldaquin incorpore également d'autres éléments à connotations plus religieuses, comme des anges en cèdre doré sculptés par Jean-Jacques Feuchère, des guirlandes de fleurs et deux croix dont celle du maître-autel abritée sous le baldaquin[68],[4]. Le Christ en bronze sur la croix du maître-autel a été réalisé par Henry de Triqueti[68],[72]. Ce baldaquin est en réalité le quatrième baldaquin construit aux Invalides, les précédents ayant été détruits. Le baldaquin de Visconti remplace celui construit par Paul Thomas Bartholomé, détruit à l’occasion de la cérémonie du retour des cendres et de la création du tombeau[72]. Le baldaquin de Visconti est un marqueur de tombe, tout en reprenant l'emplacement des précédents baldaquins. Il magnifie le tombeau et souligne la grandeur de l'Empereur tout en répondant aux besoins de maintenir un maître-autel[72]. Deux escaliers, construits de part et d'autre du baldaquin, conduisent le visiteur à l’entrée de la crypte. L'entrée monumentaleLa crypte ouverteLe sarcophageLe solLes Victoires de James PradierDu projet de gisant à celui des VictoiresJames Pradier ne dépose pas de projet de tombeau pour le concours de 1841. Quel que soit le projet choisi, il souhaite que lui soit confié la réalisation du gisant de l'Empereur qui devra surmonter le tombeau. D'ailleurs, son nom est déjà mentionné pour la réalisation de ce gisant, lequel devait être dessiné par Jean-Auguste-Dominique Ingres, dans une lettre de Prosper Mérimée datée du février 1841. En juillet 1842, après la victoire en janvier de Louis Visconti au concours, Pradier se met en contact avec Henraux, son fournisseur de marbre pour lui fournir un bloc pour le gisant. Cependant, Louis Visconti, qui présente son projet définitif le 16 août 1843, décide finalement de ne pas placer de gisant au-dessus du tombeau, suivant en cela l'avis du comité créé pour le suivi des travaux et dans lequel siègent notamment Jean-Auguste-Dominique Ingres, David d'Angers, Pierre Fontaine et dont Théophile Gautier assure le secrétariat. Néanmoins, le 15 septembre 1843, il confie à Pradier la réalisation de douze allégories féminines ailées et debout qu'il souhaite disposer autour de la crypte[81]. Dès le 17 septembre 1843, Pradier est critiqué dans le journal L'Artiste. D'autres artistes souhaitaient en effet que la commande soit répartie entre plusieurs sculpteurs[82]. Il faut noter que dans le premier projet de Visconti qui date de 1841, il n'est pas encore question de Victoires mais de colonnes doriques. Ces colonnes évoluent ensuite en pilastres inscrits surmontés par des petites figures ailées en relief comme le montre son projet adopté le 31 décembre 1842. Ainsi, l'idée des Victoires pourrait être le résultat des discussions entre Visconti et Pradier[83]. Le contrat pour la réalisation des 12 Victoires est écrit par Visconti et Pradier en 1844[84]. La rémunération de Pradier se monte à 240 000 francs qu'il perçoit par plusieurs versements successifs. Il reçoit d'ailleurs un premier versement de 5 000 francs le 9 juillet 1844 pour les dessins des Victoires[85]. Plusieurs de ces études sont conservées dans différents musées : le musée Fabre[86]de Montpellier, le musée du Louvre[87], l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris[88]et le musée d'art et d'histoire de Genève[89],[90],[91],[92],[93],[94],[95]. Il envoie rapidement ensuite deux modèles aux dimensions finales[83]. Dans sa correspondance, Pradier rapporte les exigences de Visconti en terme stylistique et iconographique : « ces figures du style le plus élevé [...] inspiré des cariatides grecques du temple d'Érechtée ou des bas-reliefs des panathénées, auront entre elles une très grande conformité de lignes [...][et] ne devront différer entre elles que par l'expression, l'agencement des draperies, et par quelques attributs ménagés avec adresse de manière à faire reconnaître, s'il est possible, le lieu où la victoire a été remportée, ou bien encore une couronne, une palme, une branche de laurier sont aussi des attributs qui peuvent convenir »[96]. Ces exigences conduisent Pradier à modifier son projet initial où les Victoires étaient davantage dénudées comme l'atteste un dessin conservé au musée Fabre[85] pour finalement adopter un style plus solennel[97]. Contrairement à d'autres artistes, Pradier ne s'est pas rendu au British Museum voir les reliefs du Parthénon amenés en Grande-Bretagne par lord Elgin en 1807 et acquis par le British Museum en 1816, et encore moins en Grèce. Toutefois, l'art grec antique est connu en Europe de l'Ouest par des dessins et des moulages et les reliefs du Parthénon sont moulés dès 1818. Le sculpteur Jean-Baptiste Giraud en possède la série complète qu'il montre aux visiteurs de son hôtel place Vendôme. L'École des beaux-arts de Paris et le musée du Louvre en possèdent également[84]. Visconti exige 12 modèles des Victoires d'une hauteur égale à la moitié de la hauteur finale mais Pradier les livre au tiers de la hauteur. Il confie à deux de ses collaborateurs, Guillaume et Tersa, la tâche d'en agrandir deux aux dimensions finales. Une commission composée de Cavé, Vittet, Visconti, Gatteaux et Nanteuil les acceptent et Pradier commande les marbres à son fournisseur, Henraux, le 15 novembre 1844 : ils arrivent en novembre 1845[83]. Pradier, contrairement à ce qui fût le cas pour la plupart de ses travaux, ne sculpte pas les Victoires sur place mais dans les hangars du Dépôt des marbres situé sur l'Île des Cygnes où il reçoit l'autorisation de s'installer[98]. Un chantier qui s'étale dans le tempsAfin d'accélérer l'entreprise, James Pradier n'attend pas les versements de l'État qu'il sait lent à payer. Il contracte régulièrement des emprunts pour payer ses collaborateurs et tous les ouvriers qui travaillent à la réalisation des Victoires. Cependant, le chantier s'arrête en 1847 faute de crédits : seules cinq Victoires ont été livrées[82]. Le chantier ne redémarre qu'en 1850 après qu'un important crédit complémentaire ait été voté en juin 1850 et que Pradier ait touché 80 000 francs : les sept Victoires restantes sont installées dans la crypte peu de temps après. Le 11 octobre 1850, Pradier demande à ce que les échafaudages soient retirés pour juger de leur effet et exécuter des retouches. Alors que Pradier considère que les Victoires sont terminées, Visconti exige des retouches au début de l'année 1852. Pradier proteste directement dans une lettre auprès du ministre de l'Intérieur. Il reçoit le dernier versement le 19 février 1852 et meurt le 4 juin 1852. Les retouches demandées par Visconti sont alors exécutées par Eugène-Louis Lequesne en 1853 et lui sont payées 4 000 francs le 20 juin de la même année. Les modèles en plâtre sont détruits[83]. Description des Victoires[99]Caractéristiques communesLes Victoires sont des statues adossées en marbre mesurant 355 centimètres de haut (seule la Victoire n°5 mesure 350 centimètres). Toutes les Victoires regardent vers le tombeau. Leurs ailes sont plaquées contre les piliers. Elles sont toutes vêtues d'un long péplos tombant jusqu'à terre. La texture des draperies des Victoires est finement travaillée par Pradier. Si de loin le marbre paraît lisse, la surface est en fait animée par des stries horizontales ou obliques qui suivent le mouvement des plis[100]. Seules les pointes des pieds sont visibles dépassant des draperies et enserrées dans des sandales aux semelles épaisses. Les Victoires sont en appui sur une jambe et le pied opposé à la jambe d'appui est systématiquement déporté en avant et sur le côté. Aucune Victoire n'est signée. Pour Claire Maingon, « les Victoires ne sont pas des figures de deuil et de douleur, comme les fameuses pleureuses, mais les reflets de la gloire impérieuse, impériale et immortelle »[101].
Caractéristiques individuellesCe tableau reprend les caractéristiques de chaque Victoire[99]. La Victoire désignée comme étant la Victoire n°1 est celle placée à gauche dans le prolongement de l'escalier (en regardant dans la direction du sarcophage) puis les Victoires sont comptées dans le sens des aiguilles d'une montre.
Les bas-reliefs de la galerie circulaireLa galerie circulaire, qui entoure le sarcophage de Napoléon, abrite dix bas-reliefs de marbre blanc de Carrare. Exécutés par le sculpteur Pierre-Charles Simart et ses collaborateurs, ils ont « pour but de rappeler toutes les grandes institutions civiles que la France doit au génie de Napoléon »[102]. Chaque bas-relief mesure 4m30 de long et 2m57 de haut. Sept des dix modèles mi-grandeur en plâtre sont aujourd’hui conservés au musée des Beaux-Arts de Troyes (don de Mme Simart en 1857)[103]. Au plafond de la galerie sont suspendues des lampes sépulcrales en bronze. Elles étaient allumées tous les ans le 5 mai, jour anniversaire de la mort de Napoléon, à la suite du service funèbre rendu sous le dôme. Ce même jour, des voiles violets étaient tendus sur les fenêtres du dôme en signe de deuil. L'ajout des bas-reliefs au projet initialLes bas-reliefs n’étaient pas prévus dans le projet initial de Visconti ; l’enveloppe financière votée le 25 juin 1841, de 1 300 000 francs ne permettait pas d’envisager un tel décor sculpté. En 1842, la commission de la Chambre des députés, chargée d’examiner le projet, décide de supprimer la statue équestre de l’Empereur dans la Cour d’honneur (et par conséquent le corridor), afin d’ajouter ces bas-reliefs destinés à retracer les faits civils de Napoléon sous le Consulat. Dans un de ses rapports à la Chambre des députés, daté du 11 janvier 1851, Visconti reconnait la nécessité de cet ajout, malgré le dépassement des crédits engagés : « Les statues et les bas-reliefs n’étaient pas prévus au devis primitif, je le reconnais, mais ils étaient indispensables pour l’effet du monument, qui sans cette décoration aurait été pauvre et froid. (…) J’ai eu pour unique pensée d’élever un monument digne de la France, comptant sur les sentiments des Chambres et du pays »[104],[103]. En juin 1846, seules les esquisses des bas-reliefs sont commandées à Simart et non leur réalisation. L’arrêté du 10 juin 1846 (AN F21 729) accorde au sculpteur la somme de 15 000 francs. Fait assez inhabituel, une somme supplémentaire de 5 000 francs lui est accordée pour la surveillance de l’exécution en marbre de ses esquisses. (AN F21 734 ; rapport de Visconti au ministre de l’Intérieur). Selon Philippe Durey[103], Louis Visconti et Hygin-Auguste Cavé, directeur de la Division des Beaux-Arts du ministère de l’Intérieur, auraient été soucieux d’une unité de conception et de réalisation au sein du tombeau et chercheraient donc à imposer Simart comme seul maitre d’oeuvre. Ainsi, les esquisses ne seraient pas exécutées par d’autres sculpteurs mais bien par Simart lui-même. En mars 1847, toutes les esquisses et modèles de petits formats sont terminés et reçoivent un accueil favorable du public. Beaucoup de sculpteurs interviennent alors auprès du ministère de l’Intérieur pour obtenir de Simart la réalisation d’un de ses bas-reliefs[103] (AN F21 734). En avril 1847, Jean-Auguste-Dominique Ingres écrit à Cavé pour l’intimer à confier la totale exécution des marbres à Simart. Il soulève dans sa lettre le problème moral de confier à un artiste le travail d’un exécutant : « Qu’a-t-il besoin pour cela ? Que d’habile praticiens, habiles machines mais intelligentes et naïves, lui traduisent en grand… ; ce que d’autres artistes même avec beaucoup de talents, ne sauraient ou ne voudraient faire, attendu que leur amour-propre déjà blessé d’exécuter l’oeuvre d’un autre, voudrait ajouter ou retrancher à l’oeuvre de M. Simart, de là devant naître indubitablement des désordres que personne ne pourrait éviter »[103] (AN F21 734). Finalement, par arrêté du 27 juillet 1847, le gouvernement décide d’un compromis : l’exécution des bas-reliefs est bien confiée à Simart, à la condition qu’il délègue la réalisation de cinq d’entre eux à de jeunes prix de Rome[103]. L'article 2 de l’arrêté précise : « M. Simart devra remplacer pour l’exécution de ces bas-reliefs, au moins cinq sculpteurs choisis par lui parmi les élèves lauréats de l’École royale des Beaux-Arts dont il nos fera connaître les noms »[réf. souhaitée]. Ces cinq jeunes sculpteurs sont : Auguste Ottin, Victor Vilain, Louis Léopold Chambard, François Lanno et Petit. Cependant, de graves désaccords éclatent entre eux et Simart. Un hiver, Chambard oublie de chauffer son atelier et le gel détruit un modèle en terre, perdant ainsi six mois de travail ; Vilain refuse à Simart le droit de contrôler et juger son travail et lui interdit l’accès à son atelier. Seuls Ottin, Petit et Lanno terminent la taille de leur marbre. Simart achève par conséquent les sept autres. En octobre 1848, seul un bas-relief est terminé et est mis en place dans la galerie circulaire. Tous les marbres sont enfin achevés le 3 décembre 1853. Ce travail aura épuisé Simart, qui écrit que ces bas-reliefs sont le « tombeau de ma gloire »[103],[105] CompositionTous les bas-reliefs présentent une composition similaire : au centre, vu de face, le Génie de Napoléon regarde droit devant lui dans une attitude solennelle. Vers lui convergent les autres personnages, vus de profil ou de trois-quart et assemblés par groupes de deux ou trois. Cet effet de procession, convergeant vers la statue de Napoléon dans la cella, fait écho aux reliefs antiques et s’inspire notamment des reliefs du Parthénon, à Athènes. Simart était par ailleurs familier de la statuaire antique ; il a en particulier travaillé à la restauration de la Tête Laborde, un marbre grec du Ve siècle av. J.-C., découvert sur le site de l’Acropole (conservé au musée du Louvre). Le style antique était, au XIXe siècle, considéré comme le plus à même d’exprimer la gravité et la majesté des sujets représentés. Afin d’illustrer au mieux ces « faits civils », Simart construit ses compositions autour de l’allégorie. Un système complexe de représentation est donc mis en place dans la galerie dont chaque scène fera l’objet d’une description et explication de son contenu. En complément de l’image, une inscription accompagne chaque scène. Explication des bas-reliefsLa Légion d'HonneurAu centre, le Génie de Napoléon distribue des couronnes de laurier aux personnes qui l’entourent. À sa droite se trouve le Magistrat (le vieil homme tenant dans sa main un papier de loi), l’Artiste (tenant un burin et des pinceaux) et l’Historien (tenant une trompette). À sa gauche se trouvent le Guerrier (en armes), l’Homme de science (tenant un compas) et le Poète. Sur deux autels sont disposés les insignes de la Légion d’honneur : les couronnes de laurier et la croix d’honneur. L’inscription qui accompagne la scène est tirée du Mémorial de Sainte-Hélène : « J’ai excité toutes les émulations, récompensé tous les mérites et reculé les limites de la gloire ». Avec la Légion d’honneur, Napoléon entendait créer un système égalitaire, qui transcenderait les hiérarchies sociales et qui récompenserait tous les services rendus à la nation, qu’ils soient civils ou militaires. La première remise de décorations par Napoléon Ier est organisée le dimanche 15 juillet 1804, dans la chapelle des Invalides. Les Travaux PublicsLe Génie de Napoléon, assis sur son trône, désigne deux tables sur lesquelles sont inscrites la nomenclature des grands travaux entrepris sous le Consulat. Ces tables sont tenues par l’Architecture (à droite), et le Génie Civil (à gauche). Ils représentent l’Art et la Science, au service des idées de Napoléon. Deux Victoires, tenant des palmes et accompagnées de cornes d’abondance, sont assises au pied du trône. Elles rappellent les conquêtes militaires de Napoléon, et que ses campagnes de travaux s’étendent au delà du territoire français. L’inscription est sur la base du trône : « Partout où mon règne a passé, il a laissé des traces durables de son bienfait. » Les travaux inscrits sur les tables sont une partie infime de tous les travaux cités dans le Mémorial de Sainte-Hélène. Ils concernent des travaux hydrauliques (les bassins d’Anvers, de Flessingue ou de Cherbourg), des travaux routiers (d’Anvers à Amsterdam, de Mayence à Metz, de Bordeaux à Bayonne), des travaux d’aménagement à Paris (les ponts d’Iéna, des Arts, de Sèvres, les travaux de distribution des eaux), ou encore des travaux liés au développement des manufactures françaises (le rétablissement des manufactures de Lyon, l’accumulation de fonds pour la création de manufactures de sucre). La protection accordée au Commerce et à l'IndustrieLe Génie de Napoléon soutient deux tables sur lesquelles sont inscrites le nom des deux institutions fondées pour garantir le commerce et soutenir l’industrie : le Code du Commerce et l’Exposition des produits de l’Industrie. À la gauche du Génie de Napoléon se tient Mercure, le dieu des commerçants et à sa droite se trouve Vulcain, le dieu de l’industrie. Les divinités relèvent deux figures féminines, coiffées d’une couronnes à tours et créneaux, qui représentent les Provinces françaises. Ainsi, le relief représente le Commerce et l’Industrie relevant les Provinces de la pauvreté. Ils sont accompagnés de l’inscription suivante : « Le commerce libre favorise toutes les classes, agite toutes les imaginations ; il est identique avec l’église et porte naturellement à l’indépendance. La véritable industrie ne consiste pas a exécuter avec tous. Les moyens connus et donnés ; l’art et le génie, c’est d’accomplir en dépit des difficultés, et de trouver par le peu ou point d’impossible. » Le Code du Commerce a été décrété le 10 septembre 1807 et promulgué le 20 septembre de la même année. Il avait pour objectif de réunir en un seul code les deux textes principaux de la législation commerciale sous l’Ancien Régime : l’ordonnance de 1673 sur le commerce terrestre et l’ordonnance de 1681 sur le commerce maritime. La première Exposition publique des produits de l’Industrie eu lieu sous le Directoire en 1798 sur le Champ-de-Mars. Elle avait pour objectif une émulation entre les artistes et le rayonnement de l’industrie et du savoir-faire français à l’étranger. La Cour des ComptesLe Génie de Napoléon, assis sur son trône, repousse de sa main droite l’Erreur et l’Imposture ; le Mensonge, tombé à genoux, se cache le visage. De sa main gauche, le Génie de l’Empereur consacre l’ordre financier et la comptabilité régulière représentés par les trois femmes à sa gauche : la Vérité financière (tenant un miroir), l’Exactitude (avec la balance) et l’Ordre, écrivant sous la dictée de la Vérité. Ainsi, le relief représente le retour à l’ordre dans la gestion financière du pays et le recul de la corruption. L’inscription est la suivante : « Je veux que, par une surveillance active, l’infidélité soit réprimée et l’emploi légal des fonds publics garantie ». La Cour des comptes est instituée par la loi du 16 septembre 1807. Napoléon n’est pas véritablement le créateur de cette institution mais il la réforme en profondeur. En effet, la Chambre des comptes se sédentarise à Paris dès le règne de saint Louis par l’ordonnance de 1262, et chaque province est dotée de sa propre Cour des comptes. Napoléon opère un système de centralisation, en une cour unique à Paris. L'UniversitéLe Génie de Napoléon, assis sur son trône, remet la Jeunesse française entre les mains des cinq Facultés qui composent l’Université nouvellement formée : la Médecine (tenant le caducée), les Sciences (dans la posture des sénateurs romains, la main dans les plis de la toge), la Théologie (tenant la couronne), le Droit (tenant la table) et les Lettres. Les Lettres sont sont accoudées aux bustes d’Homère et de Platon, afin de montrer que l’enseignement universitaire s’appuie sur l’étude des penseurs de l’Antiquité. À travers ce relief, Napoléon confie la jeunesse à l’Université, qui a pour mission de former les futurs citoyens. Sur la base du trône est inscrit : « Décret du X mai MDCCCVI : il sera formé, sous le nom d’université impériale, un corps chargé exclusivement de l’éducation et de l’enseignement publics dans tout l’Empire ». La constitution de l’Université est inscrite dans la loi du 10 mai 1806. Le ConcordatLe Génie de Napoléon préside à la réconciliation de la Rome catholique coiffée de la tiare papale et tenant une croix (à sa droite) et de la France coiffée d’un casque et tenant une lance (à sa gauche). Un vieil homme et une jeune femme, à genoux, sont en attitude de prière, tandis qu’à droite de la composition, deux jeunes gens relèvent la croix. L’inscription qui accompagne le relief est la suivante : « L’Église gallicane renait par les lumières et la concorde ». Par la convention entre le gouvernement français et le pape Pie VII, appelé Concordat, Napoléon entend lutter contre le principe de séparation entre la France et Rome (établit par l’Assemblée Constituante) qui prône la création d’une Église française. Le Code CivilLe génie de Napoléon, assis sur son trône, supprime de sa main droite l’ancienne législation française et de sa main droite, la remplace par une nouvelle loi. L’ancien droit est représenté par le vieillard, tandis que le nouveau droit est représenté par le jeune homme. La faiblesse du vieil homme contraste avec la fermeté dont fait preuve le jeune homme. Aux extrémités de la composition, les femmes couronnées représentent les Provinces de France. À gauche, elles déchirent le droit coutumier d’Ancien Régime ; à droite, elles adhèrent à la nouvelle loi et prêtent serment au Code Napoléon. L’inscription, sur la base du trône, est la suivante : « Mon seul code, par sa simplicité, a fait plus de bien en France que la masse des lois qui l’ont précédé. » Sur la table tenue par le vieillard est inscrit : « Droit romain, institutes de Justinien ». Sur la table tenue par le jeune homme est inscrit : « Code Napoléon. Justice égale et intelligible pour tous ». Par la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), cinquante-six lois sont réunies dans un seul corps sous le titre Code civil des Français. Il prend le nom de Code Napoléon le 3 septembre 1807. Le Conseil d'ÉtatLe Génie de Napoléon, assis sur son trône, fait venir à lui les grands hommes de la Nation pour gouverner. Se mêlent des hommes nouveaux et des hommes anciens pour montrer que seul le mérite et non le statut social permet d’accéder aux hautes charges civiles. Une Victoire se tient derrière le trône, qui rappelle que Napoléon est à la fois un législateur et un militaire, et que c’est au moyen des armes qu’il est arrivé au pouvoir. L’inscription, sur la base du trône, est la suivante : « Conseil d’État, III nivôse an VIII. Coopérez aux desseins que je forme pour la prospérité des peuples » . Le Conseil d'État est créé par l’arrêté consulaire du 6 nivôse an VIII (24 décembre 1799), qui le charge de développer le sens des lois proposées par les consuls et de se prononcer sur les conflits qui pourraient survenir entre les autorités administratives et judiciaires. Le Conseil siégeait au palais des Tuileries. L'Administration françaiseLe Génie de Napoléon, assis sur son trône, tient dans sa main gauche la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), qui constitue la centralisation administrative, et le faisceau de licteur, symbole du pouvoir souverain. Dans sa main droite, il tient le timon des affaires, au-dessus d’un globe représentant la France au centre du monde. Au pied du trône, une hydre est écrasée sous le poids du gouvernail, qui est le symbole d’une bonne gouvernance. Ils représentent l’anarchie administrative dont la France est délivrée grâce à la bonne gestion de Napoléon. De part et d’autre du Génie de Napoléon se tiennent la Justice (tenant une balance et une torche enflammée) et la Prudence (tenant un miroir entouré d’un serpent) ; elles président aux décisions de Napoléon. Aux extrémités de la composition se tiennent l’Abondance (tenant une corne d’abondance et des pampres de vigne) et la Prospérité publique (tenant des rameaux). Sur la base du trône est inscrit : « Sans ordre, l’administration n’est qu’un chaos ». Par chaos, Simart entend la situation administrative de la France d’Ancien Régime, d’une grande complexité. Napoléon engage une grande réforme de l’administration française, qui passe essentiellement par la centralisation de l’État à Paris. Cette centralisation permet une plus grande unité et promptitude d’action, qui contribuent à la force nationale. La Pacification des Troubles PublicsLe Génie de Napoléon, assis sur son trône et couronné de laurier, est représenté à la fois comme un guerrier et un pacificateur. De sa main droite, il brise les chaînes de l’Eglise catholique et de sa main gauche, élève un rameau d’olivier, symbole de paix, au dessus de la Vendée qui remet son épée dans son fourreau. Enfin, le Génie de Napoléon foule aux pieds l’Anarchie, signe de retour à l’ordre et à la paix après les tumultes de la Révolution et des guerres de Vendée. À gauche de la composition, le groupe du jeune homme et du vieillard représente les émigrés rappelés en France après le retour de la paix. À droite de la composition, l’Ancien Régime (représenté par le vieil homme) se réconcilie avec la jeune Liberté. L’inscription qui accompagne la scène est la suivante : « Les principes désorganisateurs s’évanouissent, les factions se courbent, les partis se confondent, les plaies se ferment ; la création semble encore une fois sortir du chaos.». Le soulèvement de la Vendée, à partir de 1793, en faveur de la royauté, prend fin en 1800. De leur côté, les émigrés se constituent en armée derrière Louis XVIII, frère du défunt Louis XVI. L’armée est vaincue par le général Hoche à la bataille de Quiberon en juillet 1795. L’ensemble de ce cycle narre les dispositions prises et les institutions créées sous l’égide de Napoléon, afin de rétablir et de maintenir la paix au sein du territoire français. Les grands travaux relancent les industries et le commerce, favorisant le retour à l’abondance. La cella du tombeauLe tombeau aujourd'huiL'hôtel des Invalides et le tombeau de Napoléon pendant la guerreLes Invalides, panthéon militaire au cœur des deux guerres mondialesAu cours des deux guerres mondiales, l’hôtel des Invalides affirma aussi sa fonction de panthéon militaire. Le 29 mars 1929 fut ainsi votée une loi prévoyant que « les maréchaux de France, les officiers généraux qui, pendant la guerre de 1914-1918, ont exercé soit le commandement en chef, soit le commandement d'un groupe d'armées ou d'une armée, seront, soit sur leurs désirs exprimés par disposition testamentaire, soit sur la demande formulée par leurs ayants droit, inhumés dans l'hôtel des Invalides »[106]. Cette loi s’appliqua notamment au maréchal Ferdinand Foch[106], dont l’image fut, au début du XXe siècle, souvent associée à celle de Napoléon Ier[107]. Le 5 mai 1921, Foch avait d’ailleurs brandi l’épée d’Austerlitz et avait prononcé un vibrant éloge de l’Empereur[107]. Si son tombeau devait initialement être édifié à la place du maître-autel conçu par Visconti, ce projet fut rapidement abandonné car il fut jugé techniquement irréalisable (le tombeau de Napoléon ne pouvant supporter un tel poids)[106]. Il aurait aussi été dommageable de modifier la sépulture de l’Empereur, alors très appréciée[106]. Le tombeau du maréchal Foch fut finalement réalisé par Paul Landowski et inauguré en mars 1937[108]. Les deux guerres mondiales furent également marquées par l’inhumation de plusieurs militaires au sein du caveau des gouverneurs. Pour la Première Guerre mondiale, on compte parmi eux les maréchaux Maunoury, Fayolle, Franchet d'Espèrey, les généraux Nivelle, Sarrail, Pau, Roques, Mangin, Guillaumat, Langle de Cary et Lanrezac, ainsi que les amiraux Boué de Lapeyrère et Guépratte[109]. Pour la Seconde Guerre mondiale figurent notamment les généraux Giraud et Leclerc de Hautecloque, le maréchal Juin, ainsi que les généraux Houdemon, Kientz et Monclar[109]. Les funérailles de ces figures militaires, accompagnées de diverses cérémonies, de l’exposition de trophées et de l’aménagement de nouvelles salles au sein du musée de l’Armée (créé en 1905), contribuèrent à entretenir un climat patriotique autour des combattants de la Grande Guerre. Le tombeau de Napoléon Ier, lieu de mémoire et d’inspiration pendant les deux guerres mondialesLa figure de Napoléon Ier demeura une source d’inspiration tout au long des deux guerres mondiales. Déjà renforcée après la défaite de 1871[107], son importance symbolique atteignit son apogée au cours de cette période, son tombeau devenant un lieu de recueillement pour les patriotes et les militaires[107]. Le monument inspira également les artistes, en témoigne Le Salut du poilu, un pastel sur toile réalisé entre 1915 et 1918 par Henri Gervex (Paris, musée de l’Armée)[110]. En 1918, alors que la ville de Paris était en proie aux bombardements, des mesures furent prises pour protéger le tombeau de l’Empereur, situé sous le Dôme endommagé par les attaques[107]. L’importance symbolique du monument perdure au cours de la Seconde Guerre mondiale, comme l’illustre la visite d'Adolf Hitler en juin 1940, alors accompagné de Hermann Giesler (architecte chargé de concevoir son mausolée)[111]. Le transfert du corps de l’Aiglon dans le tombeauLe 14 décembre de la même année, le transfert des cendres du duc de Reichstadt fut orchestré sous le signe de la « collaboration franco-allemande », par Otto Abetz (ambassadeur du Reich allemand)[68],[112]. En effet, à la suite de cette visite, Hitler décida de restituer à la France le corps de Napoléon II, fils unique de Napoléon et de Marie-Louise d’Autriche, également connu sous le nom de l’Aiglon. Ce dernier était, depuis 1832, enterré dans la crypte des Capucins à Vienne. Sa dépouille est rapatriée aux Invalides dans la nuit du 14 et du 15 décembre 1940[68], journées symboliques du retour des cendres de l’Empereur un siècle plus tôt. La cérémonie, grandiose[68], reflète combien le tombeau de Napoléon rayonnait bien au-delà des frontières françaises[113]. Entre 1941 et 1961, le tombeau de l’Aiglon fut installé et exposé dans la chapelle Saint-Jérôme, comme celui de son père au siècle précédent, renforçant davantage la portée symbolique. C’est finalement en 1969[114], à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Napoléon, que sa dépouille est placée définitivement dans la cella du tombeau de Napoléon. Il est inhumé sous le sol de la cella, vidée des reliques de l’empereur. Sur le sol est inscrit la titulature « Napoléon II, roi de Rome », devant la statue de Napoléon sculptée par Pierre-Charles Simart[4], soit symboliquement au pied de son père. L'entretien et les restaurations du tombeauNotes et références
AnnexesBibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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