La Suite bergamasque est une suite pour piano du compositeur français Claude Debussy, dont la première rédaction remonte à 1890 environ, et qui est publiée en .
Comptant parmi les plus célèbres compositions de Debussy, la Suite bergamasque est souvent considérée comme la meilleure œuvre pianistique de sa jeunesse. Elle compte quatre mouvements[1] dont le plus célèbre est le troisième :
Claude Debussy avait initialement songé à une suite à la forme ouverte, contenant un prélude, un menuet, une promenade sentimentale et une pavane. La promenade devint le Clair de Lune et le Passepied remplaça la pavane.
Vers 1904, Debussy pensait ajouter encore deux mouvements supplémentaires : Masques et l’Isle joyeuse, qui furent finalement publiés séparément. Les quatre morceaux furent révisés de 1890 à 1905, très peu de temps avant leur publication[2].
À propos de la Suite bergamasque, Debussy écrivit à son éditeur, dans une lettre du [2] :
« Vous la donner telle quelle serait fou et inutile. »
La première pièce de la suite le Prélude en fa majeur, en tempo rubato, joyeux et animé, est tout en contrastes, avec un début et une fin particulièrement spectaculaires. C’est une pièce festive qui s'inspire grandement du modèle baroque qu'on retrouve souvent dans les préludes. Certaines tournures évoquent de manière subtile le Clair de lune de Gabriel Fauré (mesures 33 et 34)[2].
Il est, comme l'a voulu le compositeur, de nature statique, diatonique, et modale. Le langage harmonique ici repose plutôt sur les degrés secondaires (II, III, VI, VII)[2].
Menuet
Le deuxième mouvement est un menuet en la mineur. Son thème principal joueur contraste avec une section centrale mystérieuse et dramatique. Faisant allusion aux menuets des suitesbaroques, il n'en est pas moins frais en couleurs harmoniques et invention mélodique :
« Les sonorités de ce morceau, comme celles du Passepied conclusif, évoquent gambes et luths à la manière d'un délicat pastiche des musiques d'autrefois »[2].
Pleine d'humour, cette pièce est assez sophistiquée du point de vue de la forme. Le thème principal apparaît à quatre reprises, dans le mode dorien, mais chaque fois sous une forme différente[2]. Cette pièce est particulièrement originale au regard de la manière dont elle se distingue du style particulier de la plupart des menuets. À la place du caractère léger et délicat qu'on trouve dans un menuet, celui-ci présente plutôt les aspects d'une sorte de comédie brute. Debussy met en place un type nouveau de pièce en lieu et place de l'ancien style de danse.
Le troisième mouvement est le célèbre Clair de Lune, en ré bémol majeur, sur un tempo andante très expressif, joué essentiellement pianissimo. C'est peut-être la pièce la plus connue de la Suite bergamasque pour piano seul, composée en 1890. Il est probable que son nom s'inspire du poème Clair de lune de Paul Verlaine.
La plus grande partie du mouvement est jouée pianissimo, et les allers et retours entre une grande intensité émotionnelle et une grande distance en font un chef-d'œuvre de l'époque impressionniste. Elle est jouée en ré bémol majeur, à l'exception de son point de plus grande intensité, en do dièse mineur[3]. Le Clair de Lune est composé d'une exposition du thème (lente) puis d'une réexposition dans une partie rapide, le thème revenant à la fin dans la partie lente.
C'est désormais une œuvre jouée par beaucoup de harpistes, notamment parce que la partition peut être jouée sans modification de notes.
En 2013, le mouvement Clair de Lune est mis en scène dans le Doodle musical et animé du de Google[4], à l'occasion du 151e anniversaire de la naissance de Debussy[5] : un cheminement virtuel sur les quais du Paris de la fin du XIXe siècle par une nuit de pleine lune, fait apparaître des ballons, les lumières de la ville qui clignotent, un moulin à vent, des fumées de cheminée, des automobiles d'époque, un cycliste en grand-bi, un bateau à vapeur et, en guise de scène finale romantique, deux rameurs en barque qui se rejoignent, l'homme et la femme étant réunis sous un parapluie rouge alors que la pluie commence à tomber.
Passepied
Passepied, le mouvement final, est en fa dièse mineur sur un tempo allegretto ma non troppo. Le passepied est une danse originaire de Bretagne. Le Passepied de Debussy s'en détache beaucoup[1]. C'est une pièce joyeuse, au caractère étrangement médiéval qui diffère de façon surprenante de son modèle baroque dans la mesure où il est plus rapide. Pendant toute sa durée, la pièce est jouée avec des arpèges en staccato à la main gauche.
Le mouvement Clair de Lune de la Suite bergamasque a été utilisé de nombreuses fois au cinéma.
Walt Disney avait prévu de l'utiliser pour une séquence de son dessin animé musical Fantasia (1940)[6]. La séquence est finalement retirée avant d'avoir été terminée, en raison de la durée excessive du film. Cette séquence, intitulée « Clair de lune », où les mouvements de hérons illustrent la progression de la musique, est restaurée en 1996 puis intégrée en bonus au DVD du film.
Dans Tokyo Sonata (2009) de Kiyoshi Kurosawa, joué intégralement par un enfant au piano lors de la dernière scène du film.
Dans Norteado (2009) de Rigoberto Perezcano, le Clair de lune accompagne à plusieurs reprises les images du mur à la frontière américaine de Tijuana.
Dans La Rafle (2010) de Roselyne Bosch, le morceau illustre dans la scène finale le constat de la fin de la guerre, avec son côté dramatique et optimiste.
Dans Yo, también (2010) d'Álvaro Pastor et Antonio Naharro, on entend quelques notes du morceau.
Dans Les Héritiers (2014) de Marie-Castille Mention-Schaar, à deux moments-clé du film : lors de la première séance dédiée au sujet dans la classe, et à la conclusion du même concours lors de la remise de prix.
Dans Sons (Vogter), sorti en 2024, on entend quelques notes du morceau.
Télévision
Le mouvement Clair de Lune est utilisé dans de nombreux séries télévisées.
Dans la série Ren et Stimpy, dans les épisodes « Le Petit Géant », « Le Fils de Stimpy » et « De Beaux Pectoraux ».
Dans la série South Park, à la fin de l'épisode 1212, comme clin d'œil parodique du film Ocean's Eleven.
Dans la série Skins, le Clair de Lune ainsi que d'autres compositions de Debussy composent essentiellement la bande originale de l'épisode 7 de la saison 3.
Dans la série Hōrō Musuko, à la fin du premier épisode.
Dans la série Nip/Tuck (saison 6, épisode 5), à trois reprises durant l'épisode.
Joué également à l'orgue par Jean-Baptiste Robin. Partition éditée aux Editions Le Chant du Monde 2017 et enregistré dans l’album Once upon a time... at the Walt Disney Concert Hall in Los Angeles (2020).
L'artiste Pitou en fait une adaptation en 2016, avec la participation de Tamino[8].
Joué dans plusieurs clips musicaux du groupe coréen BTS, lors de leur histoire concept HYYH (Han : 화양연화, rom : HwaYangYeonHwa).
Passepied :
Le groupe Punch Brothers, sur leur album The Phosphorescent Blues, version arrangée.
Isao Tomita a fait un arrangement électronique du Clair de Lune et du Passepied en 1974[9].
Dans Cyberpunk 2077 (2020), au cours de la mission « I Fought The Law » : lors de l'entrée dans l'appartement des Peralez, le piano joue automatiquement ce morceau.
Dans la bande annonce du jeu Noroware Cycle (ノロワレサイクル).
↑Notice de l'enregistrement de l'œuvre par Susan Drake dans « Caprices & fantasies, romantic harp music of the 19th contury », collection Helios, éditions Hypérion