La société tibétaine traditionnelle, telle qu'elle existait avant les réformes mises en place par le gouvernement communiste chinois de 1959 à 1962, est souvent comparée à la société féodale de l'Europemédiévale[1]. Dans le Tibet central sous administration de Lhassa, le pouvoir était concentré entre les mains d'une aristocratiehéréditaire qui dominait une société fortement inégalitaire, et la religion (le bouddhisme tibétain ou lamaïsme) y jouait un rôle fondamental dans le maintien de l'ordre spirituel, mais également de l'ordre temporel, sous l'autorité du dalaï-lama. Même dans les régions périphériques que le pouvoir temporel de Lhassa n'atteignait que difficilement ou pas du tout, le dalaï-lama était largement considéré comme le plus haut représentant du pouvoir spirituel. De cette organisation traditionnelle ne demeure aujourd'hui au sein de la République populaire de Chine que l'autorité spirituelle des monastères et du dalaï-lama, autorité que le gouvernement chinois n'accepte pas et cherche par tous les moyens à faire disparaître[2].
L'effondrement de la dynastie Yarlung (ou Tubo) vers le milieu du IXe siècle entraîna le morcellement du Tibet en principautés indépendantes, avec comme conséquence de longues années de guerre entre leurs seigneurs indépendants. Des paysans propriétaires apparurent après la disparition du système des clans, mais durent rapidement, comme les pasteurs et les gens du peuple, rechercher aide matérielle ou protection auprès des seigneurs et des personnages puissants. Parallèlement, le pouvoir temporel des monastères bouddhistes sur le territoire et le peuple qui en dépendaient prit de l'ampleur. Peu à peu, selon le gouvernement chinois, se créa ainsi le système féodal qui perdura jusqu'au milieu du XXe siècle[3].
La question de savoir si le Tibet était constitué d’un système social féodal ou si les paysans peuvent être considérés comme des serfs est toujours débattue[4]. Les régions du Tibet étudiées entre le XVIIe et le XXe siècle ont apporté des preuves d'une société stratifiée avec des lois de propriété terrienne et des impositions qui ressemblent aux systèmes féodaux européens. Cependant, une telle comparaison n'est pas absolue, car des différences importantes, mises en évidence par des travaux universitaires, existent entre les deux systèmes, et par ailleurs l'organisation sociale tibétaine de ces périodes reste mal connue dans ses détails[citation nécessaire][5].
En outre, selon le Professeur Geoffrey Samuel, spécialisé dans l'étude des religions[6], le Tibet, même au début du XXe siècle, n'était pas constitué d’un seul État, mais plutôt de plusieurs districts et le système légal de Lhassa, avec ses droits fiscaux et de propriété terrienne, ne s'est pas étendu à l’ensemble du pays[citation nécessaire][7].
Pour l'anthropologue Melvyn Goldstein, le système politique tibétain du XXe siècle ne peut être catégorisé comme étant féodal car l'ancien Tibet était un État centralisé[8].
Pour le tibétologue Rolf Alfred Stein (cité par Cécile Campergue), qui note les similitudes institutionnelles ou mentales entre le Moyen Âge européen et la civilisation tibétaine, le terme de « féodalité » peut s'appliquer au Tibet, non pas dans son sens péjoratif mais dans son sens technique[9].
La société tibétaine traditionnelle
L'organisation traditionnelle, telle qu'elle était appliquée dans le Tibet central sous administration de Lhassa, était fondée sur une structure fortement inégalitaire, dominée par une élite aristocratique héréditaire constituée d'environ deux cents familles des provinces de Ü et de Tsang, qui représentaient environ 5 % de la population. Les 95 % restants étaient constitués de paysans sédentaires ou semi-nomades et de pasteurs transhumants, ainsi que d'artisans, de commerçants et de professions diverses, parfois méprisées comme celles de forgeron ou de boucher[10]. Dans les régions périphériques que le pouvoir temporel de Lhassa n'atteignait que difficilement ou pas du tout, le pouvoir était le plus souvent exercé directement par les seigneurs ou les monastères locaux.
Les vallées étaient le domaine des paysans sédentaires (rong-pa[11]), et le plateau, impropre à la culture, celui des tribus de pasteurs transhumants, purs nomades (drok-pa[12]), ou paysans semi-nomades (sa-ma-'drok), sédentaires durant l'hiver[13].
Si la société tibétaine traditionnelle en vigueur jusqu'aux années 1950 présente de nombreux aspects incontestablement archaïques aux yeux d'un occidental, il en existe cependant certains, comme le statut relativement élevé accordé aux femmes et l'abolition précoce de la peine de mort, sur lesquels elle peut se comparer favorablement à la plupart des autres pays du monde[14].
La propriété des terres
Selon Melvyn Goldstein, dans les régions administrées par Lhassa, les terres cultivables étaient des propriétés du gouvernement (rdzong-gzhis, gzhung-gzhis et shung-gyu-ba[15]), des monastères (chos-gzhis) ou de l'aristocratie (sger-gzhis)[16],[17].
Les terres des domaines appartenant aux monastères ou aux aristocrates comprenaient le plus souvent une partie allouée par le propriétaire à des familles pour qu'elles la cultivent (khral rten), et une réserve que celui-ci gérait directement et dont il conservait la totalité des revenus (phyag 'debs), la culture en étant assurée gratuitement par le biais des corvées (ula). Le domaine que le propriétaire se réservait couvrait généralement entre la moitié et les trois quarts de la superficie totale[18],[19],[20].
Chaque famille à qui une terre était allouée devait en contrepartie verser des taxes en nature et fournir gratuitement des services (corvée), comme le travail des terres que le propriétaire s'était réservées, ou l'obligation d'assurer le transport des fonctionnaires qui traversaient le domaine (sa tshig)[21]. Une telle famille dite « tributaire » (khral-pa[22]), obtenait ainsi des droits sur les terres, mais également sur tout ce qui s'y trouvait, villages, fermes et tribus nomades compris. La terre restait attachée de manière héréditaire à la famille. Cela entraînait fréquemment des pratiques de polyandrie qui permettaient de conserver les terres non morcelées[23],[24],[25],[26].
Une vision alternative du système de propriété tibétain est présentée par l'anthropologueRebecca Redwood French. Selon elle, le système traditionnel reposait sur trois niveaux de propriété : au sommet, le droit fondamental sur l'ensemble des terres était détenu par le dalaï-lama et le gouvernement ; à la base, les paysans (khral-pa) détenaient un droit réel et stable sur leurs terres, matérialisé par un document appelé dantsik ; enfin, un niveau intermédiaire pouvait s'insérer entre le gouvernement et les paysans, celui du domaine, qui ne correspondait pas à une propriété réelle, mais à un titre secondaire donnant droit à la perception de taxes[27].
Selon l’ethnologue français Michel Peissel, la moitié des paysans tibétains possédaient des terres en bien propre. Cette catégorie de la population était la seule à payer des impôts à l’état tibétain. Comme cet impôt lié à la propriété terrienne était rarement acquitté en argent, et le plus souvent en service, les Chinois prétendaient que tous les paysans tibétains étaient des « serfs ». Les paysans tibétains avaient la liberté de faire ce qu’ils souhaitaient de leurs terres, leurs uniques obligations étaient de payer l’impôt sur la terre, en espèces ou en services. Les paysans qui ne possédaient pas de terre n’avaient pas d’obligation à payer l’impôt, bien qu’ils puissent être redevables d’un loyer pour des terres appartenant à d’autres paysans[citation nécessaire][28].
Selon Liu Zhong, dans un petit nombre de domaines, une forme ancienne d'exploitation, antérieure à l'apparition du système féodal, demeurait en vigueur. Le travail des terres, toujours effectué gratuitement, ne l'était pas sous le régime de la corvée par les familles khral-pa, mais sous un régime d'esclavage par des nang-gzan qui appartenaient au propriétaire du domaine, et à qui celui-ci fournissait logement, nourriture et vêtements, le plus souvent de façon sommaire[29].
Il existait également quelques villages où le système féodal n'avait jamais été mis en pratique, et où la seule obligation des habitants était leur contribution financière au gouvernement local[29],[30].
Les familles nomades n'étaient pas propriétaires des terres qu'elles utilisaient, mais en revanche étaient propriétaires de leurs troupeaux et de leurs tentes[31].
Les catégories de populations
L'aristocratie
Selon le gouvernement chinois, l'aristocratie représentait environ 5 % de la population[32].
Les familles d'aristocrates avaient l'obligation de fournir des fonctionnaires à l'administration et à l'armée. Les fonctionnaires n'étaient pas payés, mais ils recevaient en contrepartie des domaines qu'ils faisaient fructifier à leur guise.
La propriété de ces domaines était assurée à la famille de façon héréditaire tant qu'elle était en mesure de fournir un fils à l'État. Lorsque ce n'était pas le cas, la situation se réglait par le mariage de l'une des filles, le mari prenant alors le nom de sa famille d'adoption[33].
A contraire de la situation en Chine et en Orient, il n'y avait pas d'eunuque à la cour des rois et des princes tibétains[34]
Le clergé
Selon Melvyn C. Goldstein, il constituait la base du système théocratique, dont le pouvoir reposait sur l'idée de la supériorité du développement spirituel sur les activités laïques[35]. Il était constitué d'hommes pour sa grande majorité, et d'un faible pourcentage de nonnes. Les trois monastères les plus importants, Drepung, Séra et Ganden, situés à proximité de Lhassa, ainsi que celui de Tashilhunpo situé à Shigatse[36], détenaient un pouvoir considérable ; des centaines d'autres sur tout le territoire tibétain leur étaient affiliés. Ils constituaient en eux-mêmes de véritables villes, avec leurs milliers de moines : jusqu'à 10 000 pour Drepung, 7 000 pour Séra, 5 000 pour Ganden et 5 000 pour Tashilhunpo[37],[38]. De source chinoise, le clergé représentait en 1951 environ 10 % de la population du Tibet central, avec environ 100 000 moines et nonnes[39], et en 1959 environ 15 % de la population[32]. Le gouvernement tibétain en exil, quant à lui, donne le nombre de 592 000 moines et nonnes en 1959 sur une population de 6.3 millions[40], dans les 6 259 monastères de toutes les régions tibétaines[41].
Selon Melvyn C. Goldstein, pour les familles tibétaines, placer un de leurs fils - généralement le deuxième - dans un monastère pouvait être, selon leur statut et la région où elles vivaient, une obligation dans le cadre du régime des corvées[42], mais c'était aussi pour elles un moyen d'acquérir du mérite, et de donner à leur fils l'opportunité d'un plus grand développement spirituel et d'une meilleure vie dans sa réincarnation suivante[43]. D'autre raisons pouvaient aussi intervenir, comme une mauvaise santé de l'enfant ou des difficultés économiques et sociales de la famille[44].
Les fonctionnaires
Tous les postes administratifs dépendant du dalaï-lama étaient tenus par un nombre égal de fonctionnaires laïques et ecclésiastiques[45]. Si les postes laïques étaient tenus exclusivement par des membres des familles aristocratiques, les postes ecclésiastiques étaient ouverts à tous, sans distinction d'origine sociale, ni d'origine géographique, même à ceux venant des régions périphériques les plus éloignées du Kham et de l'Amdo[46].
Les mi ser possédaient une identité légale distincte, ce qui différenciait leur statut de celui d'un esclave, mais leur lien de dépendance restait héréditaire : un garçon appartenait au domaine auquel était lié son père, et une fille à celui auquel était liée sa mère. Ils avaient en commun l'obligation de fournir un travail gratuit au propriétaire du domaine auxquels ils appartenaient. Leurs divers statuts différaient principalement par le degré de liberté dont ils disposaient vis-à-vis du propriétaire du domaine, et par la quantité de travail gratuit qu'ils devaient fournir.
Les khral-pa, présentés plus haut, en constituaient la catégorie la plus aisée[24]. De source chinoise, ils représentaient environ un quart de la population en 1959[32]. La seconde catégorie était constituée de dud chung (ou « petits foyers »), qui ne disposaient pas de terres en propre et ne payaient pas de taxes. Contrairement aux khral-pa, leurs obligations portaient sur chaque individu, et non sur la famille.
Les dud chung se répartissaient en deux catégories selon leur liberté de mouvement[53] :
d'une part, ceux qui, grâce à un statut particulier dit de « bail humain » (mi bogs), pouvaient se déplacer à leur guise et travailler n'importe où et pour n'importe qui ; en contrepartie, ils étaient obligés de verser au propriétaire de leur domaine d'origine une taxe annuelle en espèces, et souvent de lui fournir également quelques jours de corvée ; ils représentaient environ un quart de la population[32] ;
d'autre part, ceux qui restaient physiquement attachés au domaine, et travaillaient comme ouvriers agricoles pour le compte du khral-pa dont ils dépendaient, ou le plus souvent lui louaient une terre qu'ils cultivaient eux-mêmes[54] ; ils ne payaient pas de taxes, mais étaient soumis à la corvée ; ils représentaient un peu plus de 5 % de la population[32].
Si, comme on l'a vu plus haut, la polyandrie était fréquente dans les familles de khral-pa, afin de maintenir l'intégrité des terres, il n'en était pas de même pour les dud chung, chez qui la monogamie était la règle[55].
Les nomades
Le plateau tibétain, situé à plus de 4000 mètres d'altitude et impropre à la culture, constitue le territoire des populations nomades. Ils élèvent principalement des yaks et des moutons, pour leur usage personnel, mais également pour la vente de la viande, du beurre, du musc, des peaux et de la laine. Ce mode de vie remonte loin dans le passé de la civilisation tibétaine, et fut même celui des souverains tibétains qui préféraient la vie sous la tente durant l'été. Certains (les sa-ma-'drok) passent l'hiver dans des villages de vallée, et l'été sur les hauts plateaux avec leurs troupeaux. D'autres (les drok-pa) vivent en permanence sur les hauts plateaux. Ces derniers, notamment ceux, les plus nombreux, vivant dans les régions de l'Amdo et du Kham, ont conservé longtemps une grande indépendance, ce dont ils étaient particulièrement fiers, vis-à-vis des gouvernements de Lhassa et de la Chine qui pensaient contrôler les régions où ils vivaient. C'était notamment le cas des tribus goloks de la région de l'Amnye Machen dans l'Amdo, dont la réputation - souvent méritée - de bandits de grands chemins les faisait redouter des caravaniers et des voyageurs[56],[57]. De source chinoise, les nomades constituaient en 1959 environ 20 % de la population[32]. Des estimations plus récentes donnent le chiffre total de 2,25 millions en 2006[58].
Les esclaves
L'exploratrice Alexandra David-Néel considère en 1953, qu'une sorte d'esclavage assez bénin subsistait encore, dans les années 1950, dans maintes parties du Tibet. Attachés à une famille particulière, les esclaves en constituaient une grande partie de la domesticité. Cet esclavage, qui n'était pas légal, reposait sur la coutume, laquelle, au Tibet, avait force quasiment de loi[59]. Selon le China Internet Information Center, ce statut se transmettait de façon héréditaire au sein des quelques domaines, propriétés de monastères et d'aristocrates, qui pratiquaient encore l'esclavage. Il pouvait aussi être la conséquence de l'impossibilité de rembourser ses dettes, qui se transmettaient de génération en génération[60]. Selon Stéphane Gros, certains Tibétains se procuraient des esclaves auprès de populations voisines, comme les Derung du nord-ouest du Yunnan, qui payaient ainsi tribut, ou qui les échangeaient contre des biens[61],[62]. Selon Melvin Goldstein, les serviteurs attachés de façon héréditaire au seigneur (les nangsen) constituaient moins de 5 % de la population tibétaine[63]. En 1959, le gouvernement chinois, selon A. Tom Grunfeld, donnait la répartition suivante : noblesse 5%, clergé 15%, nomades 20%, serfs 60% (dont 45% devant s’acquitter de redevances, 45% sous « bail humain » et 10% divers)[64]. En 2009, l'historiographie officielle chinoise fixe le pourcentage de la population serve et esclave à 95 % de la population totale[65], les khral-pa et les dud chung représentaient 90 % de la population, et les nangsen 5 %, le statut de ces derniers étant celui d’esclave et non de serf. Le journaliste Thomas Laird conteste le chiffre de 95% de Tibétains et estime à 30 % de la population le nombre de paysans jouissant de terres et s'acquittant de redevances en nature et de corvées dues au gouvernement, à un monastère ou à des nobles, également à 30 % le taux de serfs sans terres mais inféodés à une famille aristocratique, à un monastère ou au gouvernement[66]
Selon Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l'École pratique des hautes études, le terme d'« esclave » est impropre dans le Tibet d'avant 1949 ; si le système n'était pas idéal, il n'était en rien esclavagiste[67].
Depuis le XVIIe siècle, les pièces de monnaie utilisées au Tibet étaient frappées au Népal, mais, en raison de leur raréfaction au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la décision fut prise de frapper la monnaie tibétaine au Tibet[68]. Cette décision se concrétisa en 1792 par la première émission réussie de pièces d'argent, sur le modèle des pièces népalaises, mais avec des inscriptions en tibétain. Deux versions différentes des conditions d'émission des premières pièces coexistent : selon la version tibétaine, les officiels tibétains se sont inspirés des méthodes de frappe pratiquées à Calcutta, après une visite en Inde sous contrôle britannique[69] ; selon la version chinoise, la frappe des monnaies a été effectuée à l'initiative du gouvernement central chinois qui a envoyé des ouvriers spécialisés au Tibet, les premières pièces ayant été produites sous supervision chinoise[70].
Les routes commerciales
La ville de Lhassa est traditionnellement le point central où se rejoignent les diverses routes commerciales entre le Tibet et les pays voisins. Au XVIIe siècle, il en existe quatre importantes[68],[71] :
la route népalaise permet la communication, au-delà du Népal, avec l'Inde et le reste du monde ; elle permet d'exporter principalement le musc, l'or, la laine, les plantes médicinales et les fourrures, et d'importer les produits alimentaires, armes, outils et ustensiles divers que le Tibet ne produit pas ; les pièces de monnaie tibétaines proviennent également, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, du Népal, qui en assure la frappe en échange de lingots d'argent ;
la route du Ladakh permet principalement d'approvisionner ce pays en thé chinois ; la partie occidentale de cette route permet également d'exporter depuis la région de Ngari le duvet des chèvres tchang-ra des hauts plateaux (pashmînâ) qui servira à la fabrication du cachemire ;
la route de Xining, de plus de 2 100 km, permet d'exporter vers la Chine de nombreux produits tibétains comme l'or, les fourrures, la laine, le musc, les plantes médicinales, ainsi que les produits arrivant de pays lointains par le Népal, comme l'ambre ou le corail, et d'importer en échange des produits chinois, dont le thé, la soie, la porcelaine, des outils et ustensiles divers, des produits alimentaires et les lingots d'argent servant à la frappe au Népal des pièces de monnaie utilisées au Tibet ;
la route du Sichuan relie, en traversant 14 chaînes de montagnes, Lhassa à Tatsienlu (2 753 km) et à Chengdu (498 km supplémentaires) ; elle deviendra aux XIXe et XXe siècles la route la plus importante pour le commerce du thé entre la Chine et le Tibet.
Le système juridique
Le système légal tibétain, tel qu'il s'est appliqué jusqu'aux réformes chinoises mises en œuvre à partir de 1959, date du XVIIe siècle. Il est principalement basé sur un texte connu sous le nom de « Code en 13 articles », écrit aux environs de 1679 par Sangyé Gyatso, régent du 5e dalaï-lama Lozang Gyatso (surnommé « le Grand Cinquième »). Ce texte est largement inspiré, par sa forme comme par son contenu, d'un code précédent en 16 articles qui avait été rédigé quelques décennies auparavant à la demande de Karma Tenkyong Wangpo, quatrième roi du Tsang. Ce code était issu de la compilation des lois et des règles coutumières, écrites ou orales, appliquées dans les diverses régions du Tibet ainsi qu'en Mongolie et au Bhoutan[72],[73].
Dans la pratique traditionnelle, les Tibétains privilégient la conciliation et ne font appel qu'en dernière extrémité aux voies légales formelles. Si le coût et la longueur des procédures peuvent entrer en ligne de compte, la raison principale invoquée est la mauvaise image des conflits, qui sont considérés comme la manifestation de sentiments ou d'attitudes incorrects - comme l'envie, la colère, l'orgueil ou l'ignorance - et peuvent avoir un effet négatif sur le karma. Cette pratique se retrouve aussi bien dans les affaires civiles que dans les affaires pénales autres que les crimes graves, lorsque les victimes ont pu découvrir par elles-mêmes le coupable et recueillir les preuves de sa culpabilité[73],[74].
Les crimes graves ne sont pas traités au niveau de la communauté locale, et doivent être signalés au gouvernement central. Cette catégorie comprend notamment l'empoisonnement, le meurtre, la trahison, l'incendie volontaire, le vol, la participation à une manifestation violente, les blessures graves à autrui, ainsi que les actes importants de sorcellerie ou de magie noire[75].
Les peines
En cas de procédure légale, les peines infligées incluent fréquemment des compensations financières versées aux victimes et à leurs proches. En particulier, des tables (tong) intégrées au code légal définissent le montant que doit verser le coupable d'un meurtre, selon la catégorie de population à laquelle appartient la victime. Neuf catégories de population sont ainsi définies, allant du dalaï-lama aux catégories inférieures où l'on trouve notamment les bouchers, les forgerons et les bourreaux[76],[77],[78].
Dans ce système, les juges ont une grande latitude dans la détermination des peines. En règle générale, le code ne prévoit pas de peine précise pour chaque crime ou délit. Chaque affaire est traitée de façon individuelle, les différents facteurs, notamment l'importance du préjudice, les circonstances du crime ou du délit, les positions sociales des parties, la qualité des preuves, les circonstances atténuantes éventuelles, les causes et motivations des actes, étant pris en compte pour déterminer la peine la plus adaptée[73],[79].
Avant qu'elles ne soient abolies en 1898 par le 13e dalaï-lama Thubten Gyatso en même temps que la peine de mort[80], des peines de mutilation, comme la section du tendon d'Achille, l'amputation de la langue, d'un pied ou d'une main, ou l'énucléation, pouvaient être prononcées à l'encontre des auteurs des crimes les plus graves[73],[81]. Des témoignages indiquent cependant que de telles peines ont encore été appliquées au XXe siècle[82].
Le système éducatif
Trois modes d'enseignement collectif coexistaient au Tibet : l'enseignement bouddhiste assuré dans les monastères, l'enseignement officiel organisé par le gouvernement tibétain et enfin l'enseignement privé[83],[84].
L'enseignement des métiers manuels s'effectuait le plus souvent par transmission de père en fils, mais également par formation interne au sein des ateliers[85].
Bien que l'on ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre d'écoles et le nombre d'élèves au sein des monastères bouddhistes, il est cependant certain que cette forme d'enseignement était largement prépondérante, mais qu'elle ne prenait en charge qu'une partie des enfants tibétains, ceux qui y étaient envoyés par leurs parents pour devenir moines[86],[87],[88] ; le chiffre de moins de 2 % d'enfants scolarisés avancé par des sources chinoises paraît néanmoins caricatural, la simple proportion de moines et de nonnes dans la population étant beaucoup plus élevée[89]. Ces écoles donnaient aux élèves, aux jeunes moines et nonnes bouddhistes, une formation religieuse, philosophique et artistique, et leur enseignaient également la lecture et l'écriture de la langue tibétaine, ainsi que les bases de la médecine tibétaine traditionnelle et du calendrier tibétain[90].
L'enseignement officiel, organisé par le gouvernement tibétain autour de trois centres principaux, était destiné essentiellement à la formation des futurs cadres du pays, à celle des médecins et des spécialistes du calendrier astronomique. L'école de Tse, située au sommet du Palais du Potala et fondée par le 7e dalaï-lama Kelzang Gyatso, formait les cadres du gouvernement. Les diplômés de cette école qui désiraient travailler dans la fonction publique devaient suivre un enseignement plus poussé dans une école religieuse. Les fonctionnaires laïcs étaient principalement formés à l'école de Tse[91]. Selon le gouvernement chinois, les futurs cadres étaient pratiquement tous issus de familles nobles[92], alors que les études médicales étaient ouvertes à tous[93].
Selon des sources chinoises, il existait une seule école de formation des cadres destinée aux laïcs, sise à Lhassa, qui comptait une vingtaine d'élèves, et deux écoles destinées aux religieux, l'une à Lhassa, et l'autre à Shigatse. L'enseignement des futurs cadres laïcs comprenait l'étiquette, la grammaire et l'écriture de la langue tibétaine, la composition des documents officiels et les techniques de calcul et de recouvrement des taxes. L'enseignement des futurs cadres religieux comprenait les cérémonies religieuses, les écritures et objets bouddhistes, la grammaire tibétaine, la composition des documents officiels et les mathématiques[94],[95].
Les familles nobles ou aisées avaient fréquemment recours à des précepteurs qui étaient chargés de l'éducation de leurs enfants à domicile. Dans les villes les plus importantes (notamment Lhassa, Shigatse, Zedang et Gyangzê), des écoles privées ont été créées. Celles-ci, au nombre d'une dizaine dans les années 1840, se sont multipliées pour atteindre la centaine sous la République de Chine. La ville de Lhassa comptait au moins une vingtaine d'écoles privées renommées, comme Dakang ou Gyiri[95],[98],[99].
Les rites funéraires pratiqués par les Tibétains varient selon les contraintes imposées par la nature du lieu et son climat, mais également selon la qualité du défunt. Le corps du défunt se dissout dans l'un des quatre éléments : les funérailles célestes pour l'air, les funérailles de l'eau pour l'eau, la crémation pour le feu et l'enterrement pour la terre[100].
La pratique des enterrements est peu fréquente. La nature du sol, souvent très dur, en est la raison principale, mais la conviction que cette pratique entrave la réincarnation des défunts est parfois invoquée. Selon une source en effet, elle serait réservée aux criminels, et aux personnes décédées de maladies contagieuses, pour lesquelles les autres rites funéraires ne sont pas envisageables[101].
De même, dans les régions de haute altitude où le bois est rare, la crémation n'est employée que pour les lamas et les personnalités, à l'exception toutefois des plus hauts dignitaires religieux dont le corps est conservé par embaumement[100].
Les rites funéraires les plus courants mettent en pratique le principe bouddhique de charité, qui conduit les Tibétains à offrir leur corps aux poissons ou aux vautours. On distingue ainsi deux types de funérailles :
les funérailles de l'eau, pratiquées uniquement dans certains cas particuliers, certaines sources mentionnant les mendiants, veufs, veuves et autres Tibétains les plus pauvres[100] ;
les funérailles célestes ou sépultures de l'Air, pour la majorité de la population.
Ce dernier rite se pratique encore dans quelques centaines de sites sacrés au Tibet[102]. Les officiants en sont les ragyapa, caste tibétaine spécialisée dans ces fonctions. Ces derniers, après avoir placé le corps du défunt sur un rocher sacré, le dissèquent, puis broient ses os, qu'ils mélangent parfois avec de la tsampa, laissant les vautours, souvent rejoints par des chiens sauvages, se charger de l'élimination des restes funéraires[103].
Les populations nomades, ou celles qui ne pouvaient pas s'offrir ce rituel funéraire coûteux, avaient coutume de déposer simplement les morts sur des rochers élevés, en les laissant à la disposition des prédateurs sauvages, comme les chiens ou les oiseaux[104].
Transformations sociales
Premières réformes chinoises
Dès 1907, des mesures d'abolition du servage et de remplacement par du travail rémunéré sont décidées dans le Kham oriental, sous administration chinoise de la dynastie Qing, par Zhao Erfeng, vice-roi par intérim de la province du Sichuan[105]. Cependant, cet affranchissement des populations n'aboutit finalement qu'à un transfert des obligations, la corvée due aux seigneurs locaux étant dans les faits remplacée par une corvée due aux autorités chinoises[106].
Réformes du gouvernement de Lhassa
La décision du 13e dalaï-lama Thubten Gyatso d'augmenter le budget militaire l'amène à rechercher de nouvelles sources de revenus pour l'État. Le Bureau d'enquêtes sur les revenus créé en 1920-1921 décide ainsi de réformes de la fiscalité au détriment des propriétaires de domaines, notamment par le versement direct des taxes à l'État, ou le réexamen des bases d'imposition[107]. Selon l'historien Laurent Deshayes, il met également fin à la transmission héréditaire des charges administratives[108].
Thubten Gyatso crée une nouvelle unité monétaire tibétaine, le srang. À partir de 1931, de nouvelles pièces (les tamka) viennent compléter celles déjà en usage, pour la plupart non tibétaines, et des billets de 5, 10, 25, 50 et 100 srang sont émis. Ces pièces et billets resteront en usage jusqu'au remplacement de la monnaie tibétaine par la monnaie chinoise en 1959[109],[110].
La tentative de généraliser l'enseignement primaire voulue par Thubten Gyatso date de son retour d'exil en Inde, après la chute de la dynastie chinoise Qing en 1911. Il décide alors d'instituer un enseignement obligatoire de la langue tibétaine pour tous les enfants âgés de 7 à 15 ans, mais se heurte à l'opposition des monastères[94]. Il établit pour la première fois une école anglaise à Gyantsé, qui ouvre en et fonctionne pendant trois ans jusqu'à sa fermeture en 1926, selon Yangdon Dhondup sous la pression des factions conservatrices du clergé[111]. C'est la fin de l'enseignement officiel de l'anglais mais quelques familles d'aristocrates continuent à envoyer leurs enfants poursuivre leurs études en Inde[112],[113]. Sous l'impulsion du régent Tagdrag, une autre tentative d'ouverture d'une école anglaise a lieu à Lhassa en 1944, mais elle ne fonctionnera que pendant six mois en raison de l'opposition véhémente des monastères[114],[113].
En 1944, le gouvernement de Lhassa, sous la régence de Tagdrag, prend la décision d'annuler les arriérés des prêts sur les grains, ce qui provoque le mécontentement des grands propriétaires terriens, aussi bien laïcs que religieux. Deux collèges du monastère de Séra essaieront même de prélever de force les intérêts, ce qui entraînera la destitution des deux abbés, le préfet du district de Lhünzhub ayant été frappé à mort lors de cette opération[115],[116].
En 1951-1952, le 14e dalaï-lama Tenzin Gyatso, qui a finalement décidé de rester à Lhassa après l'intervention chinoise et la signature forcée de l'accord en 17 points, met en place un Secrétariat aux Réformes avec l'objectif d'alléger les charges auxquelles sont soumis les Tibétains les plus pauvres, en particulier la transmission héréditaire des dettes. Ces tentatives de réformes resteront lettre morte, face aux choix politiques du gouvernement chinois pour qui la solution est dans la collectivisation des terres[117],[118].
Réformes de la République populaire de Chine
De 1951 à 1959
Des écoles primaires publiques sont créées, d'abord à Lhassa en 1952, puis progressivement dans d'autres villes. La première école secondaire publique ouvre à Lhassa en . Le nombre d'écoles primaires publiques atteindra 98 en 1957, pour 6 360 élèves, et l'enseignement dans le premier cycle du secondaire concernera 700 élèves. Cette même année, une réorganisation destinée officiellement à améliorer la qualité de l'enseignement réduira le nombre d'écoles primaires à 13, pour 3 460 élèves. À la fin de l'année 1959, on comptera 462 écoles primaires au Tibet, dont 450 privées et 12 publiques, pour 16 300 élèves, dont 13 000 dans les écoles privées et 3 300 dans les écoles publiques. Les deux écoles secondaires compteront 342 élèves et 42 professeurs[119],[95].
L'abolition du servage s'effectue progressivement dans le Kham, parallèlement à la mise en place de la réforme agraire et de la collectivisation des terres, à partir de 1954. Contrairement aux attentes des communistes, ces mesures n'ont aucun effet positif, mais entraînent au contraire une baisse importante de la production, aussi bien pour la culture que pour l'élevage, ce qui conduira à des famines chez les paysans et les nomades[120].
Après 1959
Après le départ en exil du dalaï-lama en mars 1959, le gouvernement chinois met en œuvre une politique plus radicale dans le Tibet central[121]. Selon l'Office d'Information du Conseil des affaires de l'État de la RPC, sont ainsi abolis « la propriété agraire des propriétaires de serfs et les liens de dépendance entre les propriétaires et les serfs, les codes de l'ancien Tibet, les châtiments barbares, le système théocratique et les privilèges féodaux des monastères »[122].
Cependant, les nouvelles formes d'organisation du travail mises en place sous Mao Zedong, et surtout pendant la période de la Révolution culturelle[123], ne feront souvent que remplacer une forme d'oppression - celle des monastères et de l'aristocratie - par une autre - celle de l'État. La particulière dureté des conditions de travail touche alors en premier lieu les activités rurales, et plus particulièrement la vie des nomades[124], mais également d'autres domaines comme les grands travaux[125] ou les mines transformées en camps de travail[126].
Dans le domaine de l'enseignement, le gouvernement encourage les Tibétains à créer des écoles primaires avec leurs propres fonds, en complément des écoles gouvernementales. En 1965, le nombre d'écoles primaires dépasse 1800, sur lesquelles environ 80 sont publiques, toutes les autres étant privées. Le nombre total d'élèves est alors de plus de 65 000, dont environ 10 000 dans les écoles publiques, et le nombre de professeurs de près de 2 500, dont un peu plus de 500 dans les écoles publiques. Les quatre écoles secondaires forment quant à elles un millier d'élèves. La qualité de l'enseignement délivré demeure malgré tout assez faible durant toute cette période[127],[95]. Pendant la Révolution culturelle, la langue tibétaine, associée à la « superstition religieuse », disparait du programme[128]. Après 1976, à la suite de cette période désastreuse qui a vu la ruine d'une grande partie du travail antérieur, un effort particulier est engagé en faveur de la qualité de l'enseignement[129].
En 1985, la création de l'Université du Tibet, dotée à l'origine d'enseignements de littérature et de langue tibétaine, chinoise et anglaise, d'histoire, d'art, de médecine tibétaine et de physique-chimie, dote la région autonome d'un troisième établissement d'enseignement supérieur, après l'Institut des ethnies minoritaires du Tibet et l'Institut d'agriculture et d'élevage du Tibet[95],[130]. L'Institut de médecine tibétaine, d'abord intégré à l'Université du Tibet, devient un établissement indépendant d'enseignement secondaire spécialisé en 1989, et un établissement universitaire en 1993[131].
La société tibétaine au sein de la RPC
Les populations rurales
Selon le gouvernement tibétain en exil, les mesures liées à la collectivisation qui ont été introduites entre 1950 et 1959 n'ont tenu aucun compte de la culture et des traditions tibétaines. Il cite notamment l'obligation faite aux populations nomades de se sédentariser, la transformation des pâturages en terres de culture, ou le remplacement de l'orge par le blé d'hiver. Il affirme que toutes ces mesures ont entraîné un déclin des conditions de vie des Tibétains, ce qu'aurait reconnu en 1980 le Secrétaire général du Parti communiste chinois, Hu Yaobang. Des mesures de décollectivisation ont alors été introduites, entraînant une amélioration des conditions de vie[132],[133],[134] ainsi que des libertés sociales et religieuses.
Depuis 2000, le gouvernement met en œuvre une politique active de sédentarisation des populations nomades dans de nombreuses zones pastorales tibétaines. Les objectifs avancés sont de deux ordres : d'une part la protection de l'environnement dans des zones écologiquement fragiles, et d'autre part l'amélioration des conditions de vie des populations locales. Cette politique se concrétise notamment par la limitation du nombre de têtes de bétail autorisées à chaque famille, l'installation de clôtures, le reboisement, et fréquemment le transfert forcé vers de nouveaux logements, à l'intérieur ou à proximité de zones urbaines. Elle entraîne souvent une dégradation des conditions de vie des populations locales, lorsqu'un revenu de remplacement suffisant ne vient pas compenser la perte de leur autonomie antérieure[135].
Les populations urbaines
Selon des statistiques chinoises, la région autonome du Tibet comptait 2,84 millions d'habitants en 2007, dont environ 20 % en zone urbaine[136]. La population de la seule ville de Lhassa est passée de 35 000 en 1951[137] à près de 500 000 habitants résidents en 2007, dont plus de 80 % seraient d'ethnie tibétaine[138], auxquels il faut ajouter les non-résidents, militaires ou main-d'œuvre flottante ; bien que les statistiques officielles ne donnent pas leur nombre, ils constituent une part importante de la population, probablement autour de la moitié de la population résidente[139].
Le système éducatif
En 2006, selon des sources gouvernementales chinoises, le nombre d'établissements d'enseignement dans la région autonome était le suivant[140] :
890 écoles primaires et 1 568 « centres d'enseignement » avec 329 500 élèves ;
93 écoles secondaires « junior » avec 127 900 élèves, 13 écoles secondaires « senior » avec 37 700 élèves et 10 écoles secondaires professionnelles avec 14 775 élèves ;
6 établissements d'enseignement supérieur avec 23 327 élèves.
Fin 2006, seuls 49 districts sur les 73 de la région autonome assuraient l'enseignement obligatoire sur 9 années, les autres n'en assurant que 6 années[140].
Bien qu'il soit obligatoire pour les écoles primaires de la région autonome d'assurer l'enseignement en langue tibétaine, sauf pour les quelques écoles de zones à majorité han, ce type d'enseignement n'est assuré que dans 102 classes. Dans l'enseignement secondaire, le tibétain ne fait l'objet que de quelques cours[140].
En 2007, les chiffres officiels étaient les suivants[141] :
884 écoles primaires et 1 237 « centres d'enseignement » avec 329 500 élèves ;
117 écoles secondaires avec 135 900 élèves « junior » et 44 000 (?) élèves « senior », ainsi que 10 écoles secondaires professionnelles avec 18 958 élèves ;
6 établissements d'enseignement supérieur avec 26 767 élèves.
Une société duale
Les nombreux projets lancés dans le but de « développer l'économie et la société tibétaines » ont conduit à la fois à une amélioration de la situation économique globale et à un afflux de plus en plus important de Chinois au Tibet. Selon le gouvernement tibétain en exil et divers observateurs, cet afflux a conduit à la mise à l'écart économique et sociale d'un grand nombre de Tibétains[142],[143],[144]. Il se serait ainsi créé une « société à deux vitesses », où les Chinois et les Tibétains qui se sont enrichis grâce à des postes dans le commerce ou les bureaux côtoient des Tibétains prolétarisés, chômeurs dans les villes ou éloignés de tout progrès dans les campagnes[145],[146],[147].
Une fraction de la population tibétaine, dont l'importance est difficile à évaluer, éprouve ainsi à l'égard des Hans un fort ressentiment, qui serait pour certains l'une des causes des troubles au Tibet en 2008. Cette thèse est reprise dans l'éditorial du du Financial Times : « Les dangers de cette approche sont devenus évidents ces derniers jours. Loin d'être reconnaissants envers Pékin pour les bénéfices de la modernisation et le développement économique, nombre de Tibétains ont beaucoup de ressentiment à l’égard du gouvernement et des immigrés chinois hans qui ont afflué au Tibet et qui dominent le commerce. »[148]
L'existence de deux visions différentes de la société est une autre source d'incompréhension entre les deux communautés. Elle apparaît dans ce témoignage d'étudiantes tibétaines mettant en avant la liberté religieuse, recueilli lors des émeutes de : « Ils nous enseignent comment devenir riche, pour eux le business est ce qu'il y a de plus important. Mais pour nous le plus important c'est la religion. Ce n'est pas dans notre mentalité d'être riche, parce que cela veut dire qu'on prend trop d'argent aux autres, et dans notre culture, les autres sont plus importants que soi-même. Les Tibétains sont certes contents d'avoir de meilleurs vêtements, mais la chose vraiment importante est la religion. On ne veut pas être riches, on veut être libres. »[149]
Sources
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(en) William Monroe Coleman, Writing Tibetan History: The Discourses of Feudalism and Serfdom in Chinese and Western Historiography, Master’s Thesis, East-West Centre, University of Hawaii (voir extraits en ligne)
Notes
↑« La société tibétaine repose sur un système féodal qui a perduré au cours des siècles. », Histoire du Tibet, p. 34
↑« government policy considers Tibetan Buddhism in a negative light and constrains/controls it in various ways. », « the government strictly prohibits the exhibition of the Dalai Lama’s photo. », Development and Change in Rural Tibet, Problems and Adaptations, p. 763
↑Melvyn Goldstein, On the Nature of Tibetan Peasantry, The Tibet journal, Vol, XIII, n 1, 1988, 61-65 : « I did not argue in the paper in question that the Tibetan political system of the 20th century should be categorized as a feudal system, and in fact, have specifically rejected that argument in dissertation and in a later paper in which I argued that Tibet possessed a centralized type of state. »
↑Cécile Campergue, Le maître dans la diffusion et la transmission du bouddhisme tibétain en France, L'Harmattan, 2012, 488 p., note 174, p. 74. (R. A. Stein, 1996, pp. 207-208).
↑« Tout en bas de l'échelle sociale, les parias exercent les métiers considérés comme impurs au regard de la religion, à savoir les professions de forgeron, de fossoyeur ou de boucher. Ils vivent à l'écart du reste de la population, méprisés de la société au point qu'un homme ruiné préfère mendier plutôt que de s'abaisser à pratiquer leurs viles activités. Les métiers des parias se transmettent obligatoirement de père en fils. Une hiérarchie entre ces activités impures existe cependant ; ainsi le forgeron est-il mieux considéré que le porteur de cadavres. », Le Tibet, p. 266
↑« By contemporary and modern Western social standards, Tibetan society, not least in such matters as the relatively high status of women and the abolition of the death penalty, could be compared favourably with most of the outside world. », The History of Tibet - The Modern Period: 1895-1959, p. 2
↑Le terme rdzong-gzhis désignait les domaines attribués aux fonctionnaires (ces derniers ne recevant aucun salaire), le terme gzhung-gzhis ceux qui avaient été confisqués (et qui n'étaient détenus par le gouvernement que de façon provisoire), et le terme shung-gyu-ba les terres contrôlées directement par le gouvernement (plus précisément les villages situés sur ces terres) : An Anthropological Study Of The Tibetan Political System, pp. 104-105
↑« [...] taxation was assessed on a household basis and [...], ideally, all brothers remained together with a common wife (fraternal polyandry) to avoid the partitioning of their land. », Polyandry and population growth in a historical Tibetan society, p. 427
↑« Lorsqu'une famille se voyait attribuer un domaine, elle possédait par là même les villages, les fermes ou les tribus nomades qui l'habitaient. Les fermiers devaient cultiver la terre pour le compte du propriétaire, fournir des services [...] et payer des taxes en nature proportionnellement à la superficie de leurs champs personnels; [...] les paysans recevaient, en échange de leurs prestations, des terres qu'ils cultivaient pour leur propre compte et qu'ils transmettaient héréditairement à leurs enfants. », Tibet - les chevaux du vent, p. 221
↑« The three levels of land ownership in Tibet, as evidenced in my interviews, were (1) government ownership, (2) peasant ownership, and (3) secondary or intermediate title ("estate") ownership. », The Golden Yoke - The Legal Cosmology of Buddhist Tibet, p. 118
↑« There were also other villages that were never turned into manors. The villagers had fewer feudal obligations that the k""ralpa and did not completely become serfs. They only paid outer service to the local government. They did not pay service to the temple but only a very small amount of rent in kind. »
↑Tibet - les chevaux du vent, p. 231 : « Ainsi drogpas et rong-drogs [(nomades et semi-nomades)] vivent sur des territoires bien délimités, qu'ils occupent mais qui appartiennent aux riches monastères ou à l'aristocratie des grandes villes auxquels ils payent des taxes chaque année. Par contre les troupeaux et leurs tentes leur appartiennent et certains sont immensément riches. »
↑« Tant qu'une famille pouvait donner un fils à l'État, ses propriétés, et donc ses revenus, étaient garantis mais, lorsqu'il n'y avait pas d'héritier mâle, on mariait une des filles et son mari prenait le nom de sa famille d'adoption, renonçant par là même à ses propres droits de naissance mais assurant la conservation des terres ce qui [...] déterminait la continuité de la famille plus que le sang. », Tibet - les chevaux du vent, pp. 219-220
↑Franz H. Michael, Rule by incarnation: Tibetan Buddhism and its role in society and state, Westiview Press, 1982 - « There were also no eunuchs at the court of Tibetan kings or princelings »
↑« Tibetan history, in fact, can be conceptualized as the “monasticization” of a society in that the primary goal of the polity became precisely the production and reproduction of as many monks as possible. Lay people existed to serve monasticism by producing sons and surplus. », Tibetan Buddhist Monasticism: Social, Psychological & Cultural Implications, p. 17
↑Les monastères de Drepung, Séra et Ganden dépendaient directement du dalaï-lama, celui de Tashilhunpo du panchen-lama.
↑« [...] from the point of view of parents, making a son a monk is an act of love and religious faith that brings merit (dge ba) to the parents and an opportunity for spiritual development and high rebirth to the child regardless of what the child thinks or feels. », Tibetan Buddhist Monasticism: Social, Psychological & Cultural Implications, p. 19
↑« The Tibetan political system before the Chinese occupation was by Tibetans termed chöri lugnyi [chos srid lugs gnyis], which translates as 'the religious and secular system'. The institution of the Dalai Lama had a dual role, both as the patron of religion (he is seen to be the reincarnation of Chenresig) and as the political leader, administering the state. In the dual system of chöri lugnyi, any position in the political administration should ideally be shared between a nobleman and a monk. », Commoners and Nobles - Hereditary Divisions in Tibet, p. 24
↑« According to Goldstein, the vast majority of the Tibetan people were miser (lit.: 'yellow people') (1968). Whereas Goldstein translates miser as serfs, both the main Chinese source on Tibet's social history (Xizang Renmin Chubanshe 1987) and the informants I interviewed translate miser as 'commoner' or 'citizen', and we might understand 'commoners' as a translation of miser and see serf as a subdivision of miser. », Commoners and Nobles - Hereditary Divisions in Tibet, p. 26
↑« Aujourd'hui les chercheurs débattent pour savoir s'il faut considérer ces paysans (tib. miser) comme des serfs, des métayers ou de simples fermiers. [...] Certains considèrent que le système était radicalement différent du servage de l'Europe du Moyen Âge en ce sens que les paysans du Tibet ne devaient les corvées et la culture des champs au propriétaire que parce qu'ils possédaient leurs propres terres et qu'ils avaient le droit, en théorie tout au moins, de quitter le domaine, alors que le serf occidental était attaché, lui, au fief. », Tibet - les chevaux du vent, p. 221
↑« Ces drogpa, ou pasteurs, principalement dans l'est du pays, changèrent souvent de maîtres au cours de l'histoire ; tantôt sous le contrôle de la Chine, parfois rattachés au Tibet central, ils vécurent le plus souvent en marge des deux communautés dont ils ne reconnaissaient pas les gouvernements et avec lesquels ils n'entretenaient que des relations commerciales, s'arrangeant pour ne payer l'impôt ni aux uns ni aux autres. », Tibet - les chevaux du vent, p. 229
↑« Ces nomades sont des guerriers fiers et farouches qui, seuls, tentèrent de s'opposer malgré leurs faibles moyens à l'invasion chinoise de 1950. Par le passé, certains nomades s'illustrèrent également dans le pillage de caravanes, particulièrement les Goloks qui se sont taillé une solide réputation de bandits de grands chemins. », Le Tibet, p. 267
↑A. Tom Grunfeld, The Making of Modern Tibet, op. cit., pp. 14.
↑(en) Li Sha, Contribution of “Abolishment of Serf System” in Tibet to Human Rights Campaign - In Memory of the Fiftieth Anniversary of Democratic Reform in Tibet, in Asian Culture and History, vol. 1, No 2, July 2009 : « those serfs and slaves who accounted for 95% of the population had no land or personal freedom »
↑Thomas Laird, The Story of Tibet: Conversations with the Dalai Lama, op. cit., p. 318 : « Grunfeld gives some credence to Chinese claims, made in 1959, that 60 percent of the population were serfs, not 95 percent, as the Chinese widely claim today. But when we look at the number, we find that half of the 60 percent were landowning peasants who paid taxes in labor and in kind to the government, a monastery, or nobles. That leaves only 30 percent who might be classified as landless serfs, indentured to aristocratic families, a monastery, or the government. »
↑Katia Buffetrille, Chine et Tibet, une si longue histoire, Le Monde, 23 mars 2008 : « Le Parti communiste chinois prétend avoir "libéré" le Tibet de la noblesse esclavagiste. Existait-il un "esclavage" au Tibet avant 1949 ? Le mot "esclave" est parfaitement impropre. Très schématiquement, on peut dire que le Tibet était une société à strates, très hiérarchisée, dans laquelle existait une séparation nette entre religieux et laïcs. Les laïcs étaient divisés en trois strates : la noblesse, le peuple, la strate inférieure (bouchers, pêcheurs...). Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires : l'Etat, le clergé et les nobles. Le terme de "serfs", appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de "gens du commun" ou "sujets". En fait, les paysans, la grande majorité du peuple, étaient héréditairement liés à la terre et devaient des taxes qui étaient versées en argent, en nature, mais la plupart étaient sous forme de travail, essentiellement le travail de la terre. En dépit de cette structure qui peut paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n'avaient aucunement pouvoir de vie et de mort sur eux. Il ne s'agissait pas du tout d'un système idéal, mais il n'avait rien à voir avec de l'esclavage ».
↑« Tibet began issuing its own silver coins, the tamka, in 1792, based on the Nepalese currency as its model, with Tibetan inscriptions. Later copper coins were issued, varying in size according to value, embossed with the seal of a lion. This currency continued until the Chinese occupation in 1950. Paper currency was introduced in 1890 and postage stamps were issued at the same time. All notes and coins bore the government seal of the lion and the date of issue. The minting of the coins and the printing of notes began after Tibetan officials went to British India to study the Calcutta mint. (Tibet: A Political History, Tsepon W D Shakabpa, 1984, pp.10,249) », Report of the Conference of International Lawyers on Issues Relating to Self-Determination and Independence for Tibet, 1994, p. 199 (voir en ligne)
↑« In 1792, the central government of the Qing Dynasty decided to send skilled workers to Tibet and establish its own mint there. Under the supervision of the commissioner to Tibet, the first Tibetan "Zhangka" was produced in Gongbo. The following year, the Qing government formulated the 29-article Regulations Concerning the Administration in Tibet, which stipulated setting up a "coin-minting department" in Tibet. Officials appointed by the commissioner to Tibet and the Dalai lama were responsible for coin-minting affairs. », 100 Questions and Answers about Tibet, Question 6
↑La pratique de la conciliation est également traditionnelle en Chine, mais uniquement pour les litiges civils : « Il n'y avait pas [à l'époque impériale] de fonctionnaire d'État au village, et les litiges civils y étaient généralement réglés par arbitrage. Toutefois, si l'une des parties s'estimait lésée par les arbitres, elle pouvait toujours porter l'affaire devant le magistrat de district. [...] Cependant, pour bien des gens ordinaires, le magistrat de district était un personnage effrayant, et nombre d'entre eux hésitaient à aller en justice, par peur des frais imprévus, et notamment de pots-de-vin. Ils craignaient aussi d'être punis eux-mêmes si le procès se retournait contre eux. », La Chine, p. 53
↑Le Tibet n'avait pas le monopole des supplices cruels, qui faisaient également partie de l'arsenal juridique de la Chine impériale : « Les sentences capitales étaient transmises à l'empereur qui, seul, pouvait imposer la peine de mort. Il y avait trois méthodes principales d'exécution, selon les circonstances du crime : strangulation, décapitation et découpage lent, une peine horrible qui était réservée aux pires forfaits (comme la haute trahison) ; on entaillait peu à peu le corps du supplicié. On a parlé en Occident de « mille coups de couteau » mais, en réalité, il en était pratiqué de 8 à 120. Le bourreau commençait par les yeux, pour que la victime ne pût voir ce qui s'ensuivrait. », La Chine, p. 53
↑Par exemple, l'ouvrage chinois Histoire de la société au Tibet, Chine, présente p. 79 la photo d'un Tibétain de l'Amdo ayant subi une telle mutilation, aucune date n'étant cependant indiquée.
↑Le Tibet Journal, Editions Dharma pour la traduction française, 1985, (ISBN2-86487-010-X)
↑« For centuries, monasteries and nunneries in Tibet were the principal centers of learning and education. Tibetan tradition required all families with more than two sons (to) send one of them to a monastery to become a monk. »« China's impact on Tibetan cultural and linguistic identity », Tibetan Bulletin online, January-April 2007
↑« Before the peaceful liberation in 1951, school enrolment in Tibet was no more than 3,000 at its highest », Tibet Facts & Figures 2002, Education
↑« Less than 2 percent of school-age children attended school and the illiteracy rate amounted to 95 percent on the eve of Tibet's peaceful liberation in 1951. » (Education in Old Tibet Under Feudal Serfdom, I). Ce même document donne une proportion de 10 % de moines et nonnes dans la population tibétaine : « Before 1959, there were some 2,000 monasteries in Tibet with 110,000 monks and nuns, who made up 10 percent of total population. » (Education in Old Tibet Under Feudal Serfdom, ch. 1 Monastic Education), et le gouvernement tibétain en exil donne le nombre de 592 000 moines et nonnes en 1959, pour l'ensemble des monastères tibétains (Two books on Tibetan monks, World Tibet News)
↑« Students of the monastery schools, mainly monks, majored in Buddhist scriptures, but also gained some knowledge of Tibetan language, handwriting, literature and art, philosophy logic, astronomical Calendar and medicine. », Education in Old Tibet Under Feudal Serfdom, ch. 1 Monastic Education
↑« Schools run by local governments were divided into schools for the training of lay and monk officials. Instead of providing students with systematic study, these schools were actually training centers for nurturing local government officials. Most of the students were from noble families. », Education in Old Tibet Under Feudal Serfdom, ch. 2 Official Education
↑« cette pratique [les enterrements] est réservée aux personnes mortes d'une maladie contagieuse, aux voleurs et aux assassins, pour empêcher ces êtres particulièrement indésirables de se réincarner. », Le Tibet, p. 278
↑« Vultures - previously kept at bay by men waving sticks - then complete the job of disposal, often helped by wild dogs. », Sky Burials Of Tibet, Lonely Planet, repris par phayul.com
↑Le recours aux chiens sauvages, entre autres animaux, est attesté pour les années 1980 dans le livre de Niema Ash, Flight of the Wind Horse. A Journey into Tibet, paru en 1990 et préfacé par le 14e dalaï-lama : « Those who cannot afford it (the sky burial) have to make do with putting their dead out on the high rocks for birds and other animals such as wild dogs », Niema Ash, Flight of the Wind Horse. A Journey into Tibet, Random House, 1990, 208 p. Cf. l'extrait publié sur le site Khandro.net à la page « Vulture ».
↑« En janvier 1907, Zhao présente un plan en quarante-trois articles dont l'ambition est de modifier radicalement le mode de vie des Tibétains et de les siniser. En premier lieu, des mandarins remplaceront les chefs locaux ; dans chaque village, un représentant bilingue sera élu et chaque résidence mandarinale accueillera un conseil mixte sino-tibétain. [...] Zhao ne se contente pas de ces réformes. Il décide d'abolir le servage et de le remplacer par le travail rémunéré. », Histoire du Tibet, p. 247
↑« Une capitation en argent pèsera désormais sur tous, et assurera des revenus à l'administration locale. Les pauvres sont certes affranchis du servage, mais ils vont devenir en quelque sorte des serfs d'État, car ils doivent payer la capitation en corvées ou en fourniture de bêtes de somme pour le service des mandarins. », Histoire du Tibet, p. 248
↑« La noblesse est aussi touchée, la transmission héréditaire des charges administratives étant supprimée : au droit du sang, le Dalai Lama oppose le mérite. », Histoire du Tibet, p. 281
↑(en) Yangdon Dhondup, Roar of the Snow Lion: Tibetan Poetry in Chinese, in Lauran R. Hartley, Patricia Schiaffini-Vedani, Modern Tibetan literature and social change, Duke University Press, 2008, 382 p., (ISBN0822342774 et 9780822342779), p. 37 : « There were a number of attempts to establish other schools such as the Gyantsé school and the Lhasa English school but unfortunately these projects were undermined by conservative factions within the clergy. »
↑« The importance of English for the development of Tibet was not a new idea there. The late dalai Lama has sent four young aristocrats to London in 1913 to receive a British education, and in 1923 he opened an English school in Gyantse under the tutelage of Frank Ludlow, an Englishman. However, when the Dalai Lama turned against the military clique in 1924, these initial moves were terminated. A few aristocrats continued to send their children to India for schooling, and a few children of officials were tutored at the British Mission, but after 1926 there was no program to teach English in Tibet. », A History of Modern Tibet, 1913-1951, p. 421
↑« Irrespective of the Reting opposition, the Taktra administration tried to improve Tibet's international status and strengthen its international capabilities. The creation of an English school in Lhasa in late 1944 was one of the more visible of these attempts. The Tibetan government, realizing that securing Western equipment such as wireless broadcasting units was pointless without skilled personnel to run the equipment, embarked on a program of educating young aristocrats and monk-officials' relatives to form an English-speaking infrastructure. This action brought vehement opposition from the monastic segment, which forced the school to close by threatening to send their fierce dobdo monks to kidnap and sexually abuse the students. Once again, the monasteries and their conservative allies thwarted even a small step toward modernization. Their rationale was the same as it had been in 1921–1925; the school would inculcate alien, atheistic ideas and would thus harm the religious value system. », A History of Modern Tibet, 1913-1951, p. 821
↑« Dans le courant de 1944, afin de soulager les populations les plus démunies, le gouvernement a décidé d'effacer les arriérés des prêts sur les grains. Cette mesure mécontente les seigneurs terriens les plus aisés, qu'ils soient laïcs ou religieux, sans provoquer de troubles sérieux. Mais deux des collèges monastiques de Séra, Séra Djé et Ngagpa, opposés à la politique générale du régent, tentent de prélever les intérêts par la force dans le district de Lhundroup Dzong, proche de Lhassa, où le préfet est frappé à mort. Au printemps suivant, les représentants de l'administration gouvernementale arrêtent les coupables lors d'une opération d'envergure, et les abbés de ces puissants collèges sont démis de leurs responsabilités. », Histoire du Tibet, p. 312
↑Selon Melvyn Goldstein, l'annulation des dettes aurait pu aussi provenir de décisions plus anciennes, ou simplement d'une demande des paysans qui étaient incapables de les honorer ; cf A History of Modern Tibet, 1913-1951, The Lhundrup Dzong Incident pp. 427-433
↑« Peu après son retour dans la capitale, le Dalai Lama reçoit un nouveau message des États-Unis lui proposant de fuir son pays, de renier l'accord en dix-sept points et d'organiser la résistance en exil. Il préfère rester à Lhassa et, s'appuyant sur l'article 11 de l'accord, entame une série de réformes ; pour ce faire il met en place un secrétariat aux Réformes (Legtcheu Lékhoung). Les priorités sont d'alléger les charges pesant sur les plus démunis et de supprimer la transmission héréditaire des dettes. Mais la collectivisation des terres imposée par la RPC ajourne la réforme sine die. », Histoire du Tibet, p. 327
↑Selon le dalaï-lama, le plan de réformes par étapes prévoyait en outre la reprise par l'État des domaines détenus par les familles fortunées, et la suppression de l'obligation d'assurer gratuitement le transport des fonctionnaires et des aristocrates (sa tshig) ; cf The Story of Tibet - Conversations with the Dalai Lama, pp. 316-317
↑« L'abolition du servage, progressive dans l'Est, le regroupement des terres et la modification de leur vocation ont des effets négatifs : l'élevage régresse dans les prairies d'altitude, où les terres nouvellement emblavées restent improductives. La famine touche nomades et paysans. », Histoire du Tibet, pp. 330-331
↑Tsering Woeser, Mémoire interdite. Témoignages sur la Révolution culturelle au Tibet, trad. Li Zhang et Bernard Bourrit, éd. Gallimard, 2010. Dans sa préface, Tsering Woeser justifie la nécessité d'ouvrir à nouveaux frais une réflexion historique critique et documentée, neutre, sur la Révolution culturelle au Tibet et renvoie dos à dos les deux versions officielles de l'Histoire (chinoise et tibétaine) : « Pour bien poser et comprendre le problème de la Révolution culturelle au Tibet, dit-elle, il ne suffit pas d’énumérer les maux infinis qui ont frappé le peuple tibétain, il faut encore se demander comment les Tibétains ont réagi face à eux. La question la plus complexe reste de savoir pourquoi tant de Tibétains ont pris le parti de Mao Zedong et, au cours de la Révolution culturelle, ont dénoncé leurs lamas, détruit leurs temples, brûlé leurs recueils de soutras. Il est clair que devant un tel anathème, devant un tel fanatisme, les gens n’ont guère eu le choix, si c’est un choix, que de tenter de survivre ; même s’il s’est trouvé certains Tibétains pour défendre au péril de leur vie les biens et les valeurs de leur peuple. Mais il est apparu au sein de ce peuple qui, depuis d’innombrables générations, pratiquait avec ferveur le bouddhisme des dissensions si graves qu’elles auraient pu mener à une crise totale. Face à un phénomène de cette ampleur, on n’a pas le droit de se satisfaire de l’explication qu’« à cette époque, tout le monde délirait ». Pas plus qu’on a le droit non plus d’oublier ce qui s’est passé. »
↑Melvyn Goldstein, dans son étude des nomades du Tibet occidental, présente ainsi leur situation à cette époque : « Du point de vue des nomades, ils étaient devenus une classe exploitée traitée bien plus mal qu'ils ne l'avaient été sous le « servage » de l'ancienne société. », Nomads of Western Tibet - The survival of a way of life, ch. 12, The Cultural Revolution and Pastoral Communes, 1966-81
↑Par exemple, la construction des routes Qinghai-Tibet et Sichuan-Tibet, dans les années 1950, a entraîné, de source chinoise, le décès de plus de 3 000 personnes, soit une pour 2 km de route construite, « No death so far in building Qinghai-Tibet Railway », Le Quotidien du Peuple en ligne
↑« The debate over these alternatives was settled in the mid-1980s, when China opted for the former model [(rapid development in Tibet, with the door to Tibet being open to all Chinese without restraints)]. The result has been an influx of huge numbers of non-Tibetan migrant laborers and businesspeople (mainly Han). The majority of the residents in Tibet’s capital, Lhasa, now are Han Chinese, and the secondary towns are moving in that direction. Thus, as rural Tibetans found it increasingly necessary to compensate for decreasing per capita land holdings and turned to off-farm labor, they found (and find) themselves in difficult competition with large numbers of better-skilled, experienced China workers and businesses. », Development and Change in Rural Tibet, Problems and Adaptations, pp. 777-779
↑« The dangers of this approach have become evident in the past few days. Far from being grateful to Beijing for the benefits of modernisation and economic development, many Tibetans bitterly resent the government and the Han Chinese migrants who have flooded into Tibet and who dominate commerce. », Trouble in Tibet, Financial Times, 16 mars 2008