FamineLa famine est une situation dans laquelle la population d'une zone géographique donnée, ou seulement une partie de cette population, manque de nourriture. L'état de sous-alimentation est atteint à moins de 1 200 kilocalories par jour et par personne, la moyenne normale est de 1 600 (enfant) à 2 900 kcal (adolescent). Cet état peut provoquer la mort. ÉtymologieLe mot famine est attesté en 1170 et est un dérivé de « faim ». Le terme de disette est employé pour une situation de pénurie moins grave (manque ou cherté des vivres), et aussi pour désigner une personne souffrant d'anorexie qui s'impose une disette alors que les aliments sont disponibles. Les véritables famines sont ainsi plus rares que de simples pénuries[1]. CausesLes causes de la faim dans le monde sont multiples et interdépendantes. De façon pragmatique, elles peuvent être regroupées en deux types d’inaccessibilité à l’alimentation : l’inaccessibilité économique, quand la nourriture est disponible mais trop chère pour que la population puisse l’acheter et l’inaccessibilité physique ou géographique, quand la nourriture n’est simplement pas disponible[2]. Ces deux types d’inaccessibilité trouvent leurs causes dans différents facteurs. Inaccessibilité économiqueDans un système de libre marché, les prix sont définis par l’offre et la demande. Quand les prix des denrées alimentaires flambent, les populations des pays les plus pauvres, qui dépensent près de 70 % de leur budget dans l'alimentation[3], perdent l'accès à la nourriture. La croissance démographique et la croissance des niveaux de vie dans les pays en développement font inéluctablement pression sur la « demande alimentaire ». La croissance des niveaux de vie en Chine ou en Inde permet à ceux qui la vivent d’abord de manger à leur faim puis de passer à un régime plus carnivore et l’élevage est une activité très consommatrice de céréales[4]. Selon les sources, il faudrait jusqu’à 17 kg de céréales pour produire un kilogramme de viande de bœuf[5]. Deux facteurs supplémentaires participent à la pression sur la demande alimentaire: la demande en biocarburants et la spéculation. Avec l’augmentation des prix du pétrole, la production de biocarburants gagne en rentabilité et devient plus attractive pour les investisseurs. Pour se développer, elle a besoin de matières premières végétales qu’elle trouve également sur le marché alimentaire[6]. D’après Nicolas Sarkozy[7] mais aussi Jean Ziegler[8], la spéculation sur le marché des denrées alimentaires est la raison pouvant justifier la flambée des prix connue en 2008[2]. Un dernier facteur doit sans doute être pris en considération lorsque la demande alimentaire est évoquée. Il s’agit du gaspillage. En effet, s’il n’entraîne pas une augmentation de la demande dans le temps, il vient néanmoins gonfler celle-ci et fait donc pression sur les prix. D'après le Programme des Nations unies pour l'environnement[9], la moitié de la production alimentaire mondiale n'est pas consommée[2]. L’évolution du prix du pétrole influence l’offre alimentaire. En effet, dans un système d’agriculture industrielle, cette augmentation entraîne celle les coûts de production à travers le coût des engrais et des pesticides. Enfin, dans un système mondialisé, elle a également un impact sur le coût du transport[10]. L’offre alimentaire, et le libre marché, sont également faussés par la concurrence déloyale que se livrent les différents États[11] : les subventions, comme celles octroyées dans le cadre de la Politique agricole commune, en sont un exemple, elles permettent aux agriculteurs qui en profitent de pratiquer le dumping sur les marchés extérieurs. D’autres moyens existent pour fausser la concurrence : quotas, droits de douane ou règles sanitaires. Inaccessibilité physiqueL’inaccessibilité physique (ou géographique) est due en partie au phénomène d’urbanisation vécu par les pays du Sud depuis quelques décennies. La FAO note d’ailleurs que les populations rurales souffrent globalement moins de la faim car elles ont encore accès à un terrain pour produire l’essentiel de leur alimentation[12]. Cette urbanisation est due à la pauvreté des campagnes mais elle est aussi parfois entraînée par les politiques d’expropriation menées par certains États dans le but de revendre les terres à de grands groupes industriels ou à des fonds spéculatifs (Hedge funds)[13]. L’inaccessibilité physique est également due au manque de rendement agricole et aux mauvaises infrastructures du Sud. Des capacités de stockage défaillantes entraînent une détérioration des récoltes. Les voies de transports insuffisantes rendent difficiles l’approvisionnement et le déploiement de l’aide d’urgence en cas de famine. En outre, les retards d’irrigation dans les pays pauvres gardent leurs productions agricoles dépendante à 95 % des pluies[14]. L’outillage rudimentaire des populations rurales pèse sur leurs récoltes au niveau local mais a aussi un impact sur l’offre agricole mondiale[2]. Problèmes climatiquesLes problèmes climatiques (sécheresses, inondations…) ont une influence sur la sous-alimentation à de nombreux niveaux. Ils peuvent détruire les récoltes, ou rendre des infrastructures inaccessibles[2]. Causes politiquesLes guerres entraînent souvent la déportation des populations. Elles empêchent donc la culture des champs mais aussi les récoltes. Si elles ne détruisent pas les infrastructures, elles empêchent ou en rendent dangereuse leur utilisation[2]. Amartya Sen a travaillé sur les causes des famines, et en a déduit que le manque de démocratie est la cause de nombreuses famines : un gouvernement qui aurait à rendre compte de son action devant les citoyens, même dans un pays pauvre, ne laisserait pas se produire une famine[15]. C'est un des facteurs à prendre en compte dans les famines qui se sont déclenchées au XXe siècle, notamment dans les pays communistes. HistoireLa famine est un problème ancien. La Bible y fait référence comme un des Quatre cavaliers de l'Apocalypse. Dans le passé, l'arme de la famine est souvent utilisée dans le siège des villes pour obtenir la reddition sans combat (comme lors du siège d'Alésia). La politique dite de la terre brûlée utilise de la même manière la famine dans un but défensif. AntiquitéDans l'Antiquité en Égypte les famines sont principalement provoquées par la trop faible ou par la trop forte crue du Nil. Moyen ÂgeLes famines au Moyen Âge interviennent lorsque les récoltes sont mauvaises, en particulier pendant la soudure. Le facteur météorologique est aggravé par la guerre et le passage dévastateur des soldats dans les champs (comme durant la guerre de Cent Ans). Les pauvres sont toujours les plus touchés. Les villes organisent le ravitaillement en blé, venu parfois de loin et à fort coût. La famine rend les corps plus faibles face aux épidémies. Le lettré Raoul Glaber a laissé un témoignage écrit de la famine qui a sévi en Bourgogne vers 1033. Dès lors la famine est un problème récurrent. Les Occidentaux vivent dans la « hantise de la faim » selon l'expression de Jacques Le Goff[16]. Pourtant aux XIIe et XIIIe siècles, les grandes famines sont plus rares[17]. Époque moderneLa grande famine de 1693-1694, qui se produisit en France, est due à un printemps et un été trop pluvieux en 1692, suivis en 1693 d'une récolte très médiocre, causant une sous-alimentation qui favorise les épidémies comme le typhus. Elle se produit sur fond de guerre de la Ligue d'Augsbourg, de relèvement de la taille et de création, en 1695, d'un nouvel impôt, la capitation. La France, qui avait alors 20 millions d’habitants, eut 1 300 000 morts en plus de la mortalité normale. L'historien François Lebrun, professeur à Rennes II estime même que la population française est passée de 22,25 à 20,75 millions d’habitants en deux ans, entre 1692 et 1694, soit un total d’un million et demi de morts. Dans la même période on peut citer les disettes et famines de 1660 à 1664 durant 5 années de suite, 1698-1699-1700[18], 1709-1710. XIXeLa famine irlandaise de la pomme de terre entre 1845 et 1851 fait entre 750 000 et un million de morts, soit le huitième de la population et pousse deux millions d'Irlandais à émigrer en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. En 1856-1857, la prophétesse Nongqawuse pousse les Xhosas à détruire leurs moyens de subsistance dans l'espoir d'amener un Âge d'or, causant une famine et des luttes internes qui tueront peut-être 80% de ses compatriotes. De 1876 à 1878, le monde connaît une grande sécheresse, appelée famine de 1876 à 1878. Elle fut provoquée par la combinaison de trois événements naturels exceptionnels, ainsi que par des paramètres humains (colonisation, tensions géopolitiques et commerciales). Elle toucha tous les continents, mais en particulier l'Est australien, la Chine, l'Inde, le Brésil et le pourtour méditerranéen. Entre 1888-1892, l'Éthiopie est touché par une famine[19]. La famine russe de 1891-1892 fait 2 millions de morts le long de la Volga, dans l'Oural, et jusqu'à la mer Noire. Elle fut imputée à un hiver et un été secs mais aussi à la forte natalité et à la stratégie économique de l'Empire russe dont les exportations de blé, qui pouvaient alimenter suffisamment ces régions, n'ont pas été détournées au profit des affamés. La famine de 1899 au Kenya central a tué selon les estimations, très difficiles, entre 50 % et 90 % de la population de cette région. Première Guerre mondialeLa famine de 1915 à 1918 au Liban fait de 150 000 morts en raison d'un double blocus durant la Première Guerre mondiale : le blocus maritime en Méditerranée imposé par les flottes des Alliés en guerre contre l'Empire ottoman ; le blocus terrestre imposé par l’Empire ottoman qui privilégie le ravitaillement de ses troupes et sacrifie les populations civiles[20] ; les armées allemandes et autrichiennes qui soutiennent les Ottomans aggravent la pénurie alimentaire en détournant les vivres vers le front occidental[21]. Steckrübenwinter, famine qui a frappé l'Empire allemand durant l'hiver 1916-1917 au cours de la Première Guerre mondiale, déclenchée par les mauvaises récoltes et le blocus maritime britannique en mer du Nord Entre-deux-guerresLa famine russe de 1921 a fait entre 3 et 5 millions de morts, essentiellement dans la région Volga-Oural[22]. La famine soviétique de 1932-33 a fait entre 2 et 8 millions de morts à travers toute l'URSS. La partie de cette famine qui a eu lieu en Ukraine est aussi appelée Holodomor (« extermination par la faim ») depuis la fin des années 1980. De manière controversée[23], le Parlement ukrainien a voté la qualification de génocide pour le Holodomor le [24]. Joseph Staline, Viatcheslav Molotov, Lazare Kaganovitch, Pavel Postychev, Stanislav Kossior, Vlas Tchoubar et Mendel Khataïevitch furent déclarés coupables, à titre posthume, de cette famine par un jugement de la Cour d'appel de Kiev[25]. Le régime nazi avait réservé aux territoires d'Ukraine et de Russie blanche une politique de famine planifiée par le ministre de l'Alimentation du Reich, Herbert Backe ; la défaite fit avorter ce plan. lire Generalplan Ost. Le siège de Leningrad (Union soviétique) par les armées de l'Allemagne nazie, du au , a fait environ 1 million de victimes (sur les 2.9 millions d'habitants de la ville), l'écrasante majorité (97 %) étant mortes de faim[26]. La famine au Bengale de 1943, selon les estimations, a causé de un million et demi à trois millions de morts[27]. Époque contemporaineDans la colonie portugaise du Cap-Vert, une famine tue un tiers de la population totale entre 1941 et 1948[28]. La famine de 1945 en Indochine française fait 3,4 millions de morts[29]. La famine soviétique de 1946-1947 fit entre plusieurs centaines de milliers et deux millions de morts après la Seconde Guerre mondiale[30],[31]. La famine de 1949 au Nyassaland (actuel Malawi) fit officiellement 200 morts. Au Tibet la mise en place de la réforme agraire et de la collectivisation des terres, à partir de 1954 n'ont pas l'effet positif escompté par les communistes, mais au contraire entraînent une baisse importante de la production, aussi bien pour la culture que pour l'élevage, ce qui conduira à des famines chez les paysans et les nomades tibétains ; c'est la première famine au Tibet (cf. Pétition en 70 000 caractères)[32]. De 1959 à 1961, en Chine, le Grand Bond en avant provoqua une grande famine qui fit, selon les estimations, entre 20 et 45 millions de victimes[33]. Ce serait la plus grande famine de l'époque contemporaine[34]. Une famine touche de 1967 à 1970, les populations du Biafra au Nigeria, avec plus d'un million de morts. En 1984, une grande famine en Éthiopie tue plus d'un million de personnes. Une autre famine touche le Lesotho entre 1983 et 1985[19]. En Corée du Nord dans les années 1990, la famine fait plus d'1,5 million de morts[35]. En 2004, le Darfour, au Soudan, est touché par une famine[36]. En 2005, au Niger, la malnutrition a touché plus de 3,5 millions de personnes dont 800 000 enfants. Plus de 100 000 personnes sont décédées[37]. En 2005 selon la FAO environ 16 000 enfants dans le monde meurent par jour de maladies liées à la faim et à la malnutrition. La crise alimentaire mondiale de 2007-2008, ayant eu pour origine une forte hausse du prix des denrées alimentaires de base, plongeant dans un état de crise quelques-unes des régions les plus pauvres du monde et causant une instabilité politique et des émeutes dans plusieurs pays. À partir de 2011, une importante famine touche la Corne de l'Afrique avec des centaines de morts par jour. En , une situation de famine au Soudan du Sud est officiellement déclarée par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture[38]. En novembre 2021, le Programme alimentaire mondial évalue à plus de 45 millions le nombre d'individus à travers le monde souffrant d'insécurité alimentaire aiguë, répartis dans 43 pays. La Syrie, en proie à une guerre civile depuis dix ans, compte 12,4 millions de personnes qui ne savent pas comment elles se procureront leur prochain repas. Le Yémen, plongé dans la guerre, est également durement frappé par la famine. Mais c'est en Afghanistan que la situation est la plus préoccupante : trois millions de personnes sont désormais confrontées à la famine. Les personnes menacées de famine se trouvent aussi en Éthiopie, en Haïti, en Somalie, en Angola, au Kenya et au Burundi[39]. En 2022, le Réseau de prévention des crises alimentaires estime que la production de céréales en 2021 au Sahel a baissé de 12 % par rapport à 2020 ; la baisse la plus prononcée s'observe au Niger (-36 %). Selon le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cills), 88,7 millions de personnes sont aujourd'hui en situation de stress alimentaire et 40,7 millions en situation de crise alimentaire ou pire. Ces estimations ne prennent pas totalement en compte les conséquences de la guerre en Ukraine qui affecte les importations de blé et d'engrais dans la région[40]. En mai 2022, le secrétaire général de l'ONU António Guterres déclare : « le nombre de personnes souffrant d'insécurité alimentaire grave a doublé, passant de 135 millions avant la pandémie à 276 millions aujourd'hui », la guerre en Ukraine exacerbant les conséquences de la pandémie de Covid-19 et du réchauffement climatique[41]. L'ONU met en garde, le 30 mai 2022, contre un « ouragan de famines » dû au conflit en Ukraine, conjugué à la sécheresse qui frappe durement l'Éthiopie, le Kenya et la Somalie mais aussi l'Europe et la « ceinture du grain » aux États-Unis. Plusieurs agences de l'ONU anticipent une nouvelle mauvaise saison des pluies en Afrique et en Asie, la cinquième d'affilée. Elles estiment que 200 millions de personnes sont en très grande précarité alimentaire, un nombre qui a doublé en deux ans[42]. En 2024, une famine est provoquée dans la bande de Gaza à la suite de la guerre entre Israël et le Hamas en 2023-2024. 50 % de la population est en phase 4 de l’IPC – Urgence, et 25 % est en phase 5 de l’IPC – Catastrophe[43],[44]. Histoire régionaleEn France« La France, pays privilégié s’il en fût, aura connu 10 famines générales au Xe siècle, 26 au XIe, 2 au XIIe, 4 au XIVe, 7 au XVe, 13 au XVIe, 11 au XVIIe, 16 au XVIIIe (…). Les campagnes, ce qui semble paradoxal, souffrent parfois bien plus que les villes. Vivant sous la dépendance des marchands, des villes, des seigneurs, le paysan ne dispose guère de réserves. En cas de disette, pas d’autre solution pour lui que de refluer vers la ville, de s’y entasser vaille que vaille, de mendier dans les rues[45]. » Organisations de lutte contre la famine
Réchauffement climatique
Notes et références
AnnexesArticles connexes
Bibliographie
Liens externes
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