Il est le fils de Hans Ziegler, président du tribunal de district de Thoune, et d'Elisabeth Walther[3].
Il épouse en 1965 Wedad Seinier avec laquelle il a un fils, Dominique Ziegler, dramaturge et metteur en scène de théâtre, puis, en secondes noces Erica Deuber, en 1999[3].
Le militant actif et l'universitaire
Après des études de droit et de sociologie à Berne, Genève, Paris et New York, Jean Ziegler obtient un doctorat en droit en 1958 et une habilitation en sociologie en 1967 à Berne[3].
Dans le livre Jean Ziegler parle aux Arabes, écrit en 2003 par Riadh Sidaoui, l'auteur parle de la première fois où Ziegler a rencontré Che Guevara quand il s'est rendu à Genève (1964) à la tête de la délégation politique, à l'âge de 30 ans. Jean Ziegler est allé le voir à l'hôtel et lui a demandé de pouvoir l'accompagner à Cuba pour participer aux guerres contre l'hégémonie américaine et les dictatures en Amérique latine… Alors Che Guevara lui aurait dit : « Tu es né dans cette ville... Le cerveau du monstre est ici. C'est dans cette ville que tu devras combattre... ce qui est bénéfique pour vous et pour nous ». Collaborateur à la revue Afrique-Asie dans les années 1970 et 1980, il défend les interventions cubaines en Afrique.
En 1970, Jean Ziegler aurait facilité le contact entre Farouk Kaddoumi, le chef de la politique étrangère de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) (cette organisation menait alors de fréquentes opérations guérillas) et le conseiller fédéral Pierre Graber, chargé des Affaires étrangères. Il prétend qu'un accord officieux, dont les autres membres du gouvernement suisse n’ont pas été informés, a été trouvé. Aux termes de celui-ci, la Suisse doit rester épargnée par le terrorisme palestinien mais s’engage à soutenir l’OLP dans ses efforts pour sa reconnaissance diplomatique auprès du siège des Nations unies à Genève. Dans la foulée, la Suisse renonce à porter plainte contre un suspect palestinien de l’attentat contre le vol Swissair 330 à Würenlingen. Cet accord officieux a été tenu secret jusqu’en , date à laquelle Jean Ziegler a rendu public son rôle de facilitateur « par respect et en mémoire des 47 victimes de Würenlingen et de leurs familles, qui ont droit à la vérité[5] ». Cette version est vivement mise en doute par deux anciens délégués du CICR, Michel Barde et Marcel Boisard, qui avaient participé aux négociations pour la libération des passagers otages de Zarka en Jordanie[6], ainsi que par les historiens Sacha Zala(it), Thomas Bürgisser et Yves Steiner, collaborateurs des Documents diplomatiques suisses (Dodis), qui qualifient ce prétendu accord de « hautement invraisemblable »[7].
En 1972, il est nommé professeur de sociologie à l'université de Genève malgré l'opposition de la philosophe Jeanne Hersch, elle-même enseignante émérite de l'académie genevoise et membre elle aussi du Parti socialiste suisse[8] ; elle conteste alors son manque de rigueur scientifique et dénonce ses convictions partisanes[9]. Il occupera ce poste jusqu'en 2002[3]. Il enseigne également à l'université de Grenoble et à l'université Paris 1[10]. Il publie de nombreux ouvrages.
Il est conseiller municipal (socialiste) de la ville de Genève de 1963 à 1967[11]. Il est membre du parlement fédéral suisse (représentant du canton de Genève) du au et du au (parti socialiste)[4]. En 1975, il dépose une initiative parlementaire pour l’exercice du droit de vote et d’éligibilité à 18 ans au lieu de 20. Acceptée par le Parlement, cette initiative parlementaire est une étape importante sur la voie de l'adoption totale du projet en 1991[12].
Jean Ziegler est le premier dirigeant de la communauté d'Emmaüsgenevoise. Il rencontre l'abbé Pierre à Paris en 1952.
En tant que rapporteur spécial, il a étudié le niveau d'alimentation des populations de nombreux pays (Niger, Éthiopie, Inde, Bangladesh, Mongolie, Brésil, Palestine, Bolivie, Cuba, Guatemala, etc. ), publiant chaque année de son mandat, pour l'Assemblée générale des Nations unies, un rapport sur la situation[16].
En 2005, dans un ouvrage intitulé L'Empire de la honte, il dénonce le fait que « la faim est [...] la principale cause de mort sur notre planète. Et cette faim est faite de main d'homme. Quiconque meurt de faim meurt assassiné. Et cet assassin a pour nom la dette »[17]. Dans ses travaux, il met également en avant la malnutrition chronique, ou hidden hunger (faim invisible), qui affecte deux milliards de personnes[18]. Les carences en micronutriments qu'elle implique « provoquent des maladies souvent mortelles » (kwashiorkor, anémie, rachitisme, cécité)[19].
En 2008, il met en lumière le rôle néfaste du développement de la culture des agrocarburants pour l'évolution du prix des denrées sur les marchés mondiaux[20],[21] :
« On estime qu’il faut environ 200 kg de maïs pour remplir le réservoir d’une voiture de biocarburant (une cinquantaine de litres), ce qui est suffisant pour nourrir une personne pendant un an. Le risque est donc grand d’entraîner une concurrence entre aliments et carburants qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de prix des aliments, de la terre et de l’eau qui augmentent rapidement. »
En , alors qu'il n'exerce plus la fonction de rapporteur spécial, Jean Ziegler publie Géopolitique de la faim, dans lequel il continue à dénoncer le scandale de la malnutrition qui se perpétue au XXIe siècle. Ainsi, il a qualifié de « crime contre l'humanité » le fait d'abandonner les cultures vivrières au profit des agrocarburants[22],[23] :
« Le rapport annuel de la FAO estime que l’agriculture mondiale pourrait aujourd’hui nourrir normalement 12 milliards d’humains, presque le double de l’humanité. Au seuil de ce nouveau millénaire, il n’y a plus aucune fatalité, aucun manque objectif. La planète croule sous la richesse. Un enfant qui meurt de faim est assassiné[24]. »
Jean Ziegler a participé aux travaux de reconnaissance de la spoliation de déportés de leurs comptes bancaires en Suisse au profit de l'Allemagne nazie. Son travail est décrit dans La Suisse, l'or et les morts, paru en 1997 aux éditions du Seuil. Il y explique comment les banquiers suisses ont aidé à financer la machine de guerre des nazis.
We Feed the World est un film documentaire sorti en inspiré par L'Empire de la honte, un livre de Jean Ziegler. Ce documentaire de l'Autrichien d'Erwin Wagenhofer donne à plusieurs reprises la parole à Jean Ziegler.
En 2019, il publie dans la collection « Quoi de neuf ? » aux éditions Le Bord de l'eau Le Socialisme arabe, un livre sur Gamal Abdel Nasser où, à partir du discours de nationalisation du canal de Suez prononcé par le président égyptien, il tente d'expliquer les difficultés pour un pays pauvre à s'affranchir des grandes puissances libérales.
Controverses
Politique israélienne
En , lors de l'affaire Garaudy, il apporte dans un premier temps son soutien à l'auteur négationniste des Mythes fondateurs de la politique israélienne, au nom de la liberté d'expression, sous la forme d'une lettre que l'avocat Jacques Vergès verse au dossier de la défense et rend publique en même temps que celle de l'abbé Pierre. Par la suite, Jean Ziegler déclare lors d'interviews au Journal du dimanche et au Monde qu'il condamne « avec la plus grande fermeté toutes les entreprises et propos négationnistes visant à nier ou à relativiser le génocide du peuple juif par les nazis » et accuse Garaudy, dans un article publié par Charlie Hebdo, d'avoir détourné la lettre qu'il lui avait adressée[27].
En 2009, le Comité des Juifs américains s'oppose à la réélection de Jean Ziegler au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, lui reprochant son soutien passé au négationniste Roger Garaudy, et ses critiques d'Israël[28]. Ziegler, récusant toute forme d'antisémitisme, considère en effet que la politique menée par Israël sur les territoires occupés constitue une violation du droit international, notamment en ce qui concerne le droit à l'alimentation des populations palestiniennes, ce qui lui vaut l'inimitié de plusieurs associations israéliennes, ainsi qu'il le décrit dans son livre Chemins d'espérance.
Soutien à des chefs d'État
Une controverse est née au début des années 1980 lorsque Jean Ziegler suggéra au gouvernement fédéral d'inviter Mouammar Kadhafi en Suisse. Lorsqu'on le lui a demandé, Ziegler confirma que Kadhafi l'avait invité plusieurs fois. Il s'en explique dans son livre Chemins d'espérance (paru en 2016), indiquant que Kadhafi le connaissait pour avoir lu, notamment, son ouvrage La Haine de l'Occident. Ziegler affirme avoir refusé toute invitation en Libye après les bombardements des années 1980 et la répression de Kadhafi, expliquant que « [son] refus fut certainement trop tardif » et qu'il en éprouve « du regret ». Le Time Magazine l'a décrit en 1989 comme membre du jury du prix Kadhafi des droits de l'homme[29]. Cependant, Jean Ziegler a, depuis 2011, démenti avoir créé ce prix, l'avoir financé, avoir reçu le prix ou avoir fait partie du jury[30], puis a reconnu en 2013 l'avoir reçu et refusé en 2002[31]. Outre Mouammar Kadhafi[32] et Fidel Castro[33],[34], avec lesquels il a entretenu des contacts réguliers, Jean Ziegler a apporté son soutien à plusieurs autres chefs d'État. En 1986, il intervient comme conseiller pour la rédaction de la Constitution éthiopienne, le pays étant néanmoins sous la présidence du dictateur Mengistu Haile Mariam[35],[36]. En 2002, il soutient la réforme agraire impliquant des expropriations de fermiers blancs en cours au Zimbabwe par le président Robert Mugabe : « la réforme agraire est une exigence absolue au Zimbabwe, comme en Afrique du Sud. Les Blancs sont des colonisateurs. Ce ne sont pas des gens qui sont venus après l'indépendance acheter des terres. Ils sont sur des terres spoliées »[37]. Selon le journal Jeune Afrique cette réforme agraire, « entraîna l’effondrement de la production agricole du pays (en 2016 le pays produisant 16 fois moins de blé que dans les années 1990) »[38].
La plupart de ses livres sont traduits dans les principales langues. Plusieurs d'entre eux sont des bestsellers à l'international.
Sociologie de la nouvelle Afrique, Gallimard, 1964.
Sociologie et contestation, essai sur la société mythique, Gallimard, 1969.
Le Pouvoir africain, Seuil, 1973, nouvelle édition revue et augmentée, 1979.
Les vivants et la mort ; Essai de sociologie, Seuil, 1973. Nouvelle édition revue et augmentée 1978.
Une Suisse au-dessus de tout soupçon, en collaboration avec Délia Castelnuovo-Frigessi, Heinz Hollenstein, Rudolph H. Strahm, 1976. Nouvelle édition 1983.
Main basse sur l’Afrique, 1978. Nouvelle édition 1980.
Retournez les fusils ! Manuel de sociologie d'opposition, Seuil, 1980. Nouvelles éditions revues et augmentées en 1991 puis en 2014.
Contre l’ordre du monde, les Rebelles, Seuil, 1983.
Vive le pouvoir ! Ou les délices de la raison d'état, Seuil, 1985.
La Victoire des vaincus, oppression et résistance culturelle, Seuil, 1988.
La Suisse lave plus blanc, Seuil, 1990.
Le Bonheur d’être Suisse, Seuil et Fayard, 1994.
L'Or du Maniema, Seuil, 1996.
La Suisse, l’or et les morts, Seuil, 1997 ; édition de poche, 2009.
Les Rebelles contre l’ordre du monde, L'Histoire immédiate, 1997.
Les Seigneurs du crime : les nouvelles mafias contre la démocratie, Seuil, 1998.
Un nouveau monde en marche, éd. Yves Michel, 2012, de Laurent Muratet et Étienne Godinot. Collectif avec entre autres Akhenaton, Christophe André, Stéphane Hessel (préface), Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi, Matthieu Ricard.
Retournez les fusils! Choisir son camp, (nouvelle édition), éd. Seuil, 2014, 294 p.
↑Dans son livre Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent (2002), Extrait : "J'aime lire et écouter Stiglitz. Rien de plus beau qu'un déserteur qui s'attaque à son ancien patron !". page 141.
↑Michaël Prazan, Adrien Minard, Roger Garaudy, itinéraire d'une négation, Calmann-Lévy, 2007, 442 p. (ISBN978-2702137604) [EPUB] emplacements 4032, 4044 et 4114 sur 9200.