Entré au CNRS en 1989, Nicolas Werth s’est consacré depuis son premier livre (Être communiste en URSS sous Staline, Gallimard, 1981) à l'histoire soviétique. C'est particulièrement l'histoire sociale des années 1920-1930 qui l'intéresse, notamment les rapports entre le pouvoir et la société (violence étatique, résistances sociales…). Son histoire de l´Union soviétique parue en 1992, un de ses livres à vocation synthétique sur la période allant de la fin de l'Empire russe à la Communauté des États indépendants, est systématiquement cité à sa sortie et dans les années qui suivent dans les bibliographies des classes préparatoire aux grandes écoles et dans les universités. Il n'est pas rare à l'époque de l'entendre désigné sous la forme « le Nicolas Werth », tant il fait figure de référence (voir la rubrique Publications).
Nicolas Werth participe depuis 1997 au séminaire « Histoire soviétique : sources et méthodes », placé sous la direction de Wladimir Berelowitch[2], du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC) de l'EHESS. Il est par ailleurs membre des comités de rédaction de Vingtième Siècle. Revue d'histoire et des Cahiers du monde russe.
Apport à l'histoire de l'Union soviétique
Nourrissant sa réflexion et ses travaux, non seulement des acquis de la soviétologie occidentale, mais aussi des travaux de ses collègues russes (le russe étant sa langue maternelle), il place ses recherches dans la perspective d'un dépassement du clivage entre « école du totalitarisme » et « école révisionniste », le considérant comme obsolète après l'effondrement de l'URSS et l'ouverture au moins partielle des archives[3]. Pourtant, par son attachement à l'histoire sociale, « longtemps restée la parente pauvre d'une soviétologie axée exclusivement sur le politique »[4], il se place plutôt dans la perspective des travaux des historiens « révisionnistes ».
Il explique d'ailleurs, à l'opposé de certains soviétologues qui pensaient que le contrôle totalitaire de la société soviétique avait été effectif, que les rapports de la police politique « dévoilent souvent la distorsion existant entre une réalité voulue et la réalité des faits »[5].
Auteur de la partie du Livre noir du communisme consacrée à la Russie soviétique et à l'URSS, il s’est publiquement démarqué de l’idée contenue dans la préface de Stéphane Courtois selon laquelle le communisme serait par essence criminogène[6]. Il a également dénoncé, concernant cette préface, un bilan biaisé du total des victimes du communisme (selon Werth, le bilan serait de 65 à 93 millions)[6], et « une dérive de l'histoire exclusivement policière »[7]. Il affirme : « [...] le Livre noir n'est pas une somme définitive, encore moins une Bible. Etape d'une indispensable réflexion, il aura rempli son but s'il stimule de nouvelles recherches, sans tabous, mais aussi sans préjugés »[6].
Il contribue à L’Histoire du Goulag stalinien, travail de recherche en sept volumes initié par les Archives d’État de la fédération de Russie et la Fondation Hoover, dont il co-rédige le premier volume, Les politiques répressives en URSS de la fin des années 1920 au milieu des années 1950 [8]. Il est, en 2007, conseiller historique du documentaire Staline, le tyran rouge, diffusé sur M6 ainsi que pour le film Moissons sanglantes - 1933, la famine en Ukraine (2022) de Guillaume Ribot relatant les observations du journalistegalloisGareth Jones qui, à partir de mars 1933, a parcouru clandestinement les campagnes ukrainiennes durant la famine connue sous l'appellation d'Holodomor.
Nicolas Werth préside l'association Mémorial-France, la branche française de l'association Memorial[9],[10].
Publications
Être communiste en URSS sous Staline, Paris, Gallimard, 1981, coll. « Archives » (ISBN978-2-0702-6327-1).
La vie quotidienne des paysans russes de la Révolution à la collectivisation (1917-1939), Paris, Hachette, 1984, 410 p., prix Albéric-Rocheron de l'Académie française en 1984. Nouvelle édition sous le titre « Le Communisme au Village », Paris, Les Belles Lettres, « Le Goût de l'Histoire », 2023.
Histoire de l'Union soviétique : de l'Empire russe à la Communauté des États indépendants, 1900-1991, Paris, PUF, 1992, réédité et mis à jour dans la collection Quadrige Manuels, 608 p.
avec Gaël Moullec, Rapports secrets soviétiques : la société russe dans les rapports confidentiels, 1921-1991, Paris, Gallimard, 1995.
Histoire de l’Union soviétique de Lénine à Staline, Paris, PUF, 1995, coll. « Que sais-je ? ».
Histoire de l’Union soviétique de Khrouchtchev à Gorbatchev, Paris, PUF, 1998, coll. « Que sais-je ? ».
1917 : La Russie en Révolution, Paris, Gallimard, 1997, coll. « Découvertes Gallimard / Histoire » (nº 327).
"Un État contre son peuple : violences, répressions, terreurs en URSS de 1917 à 1953", inStéphane Courtois (dir.), Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 45-313.
Histoire de l'Union soviétique : De l'Empire russe à l'union soviétique, 1900-1990, Presses universitaires de France, 2001 (ISBN9782130514770).
Histoire de l'Union soviétique. De l'Empire russe à la Communauté des États indépendants, 1900-1991, Paris, PUF, 2008, coll. "Thémis", 6e édition mise à jour (ISBN978-2-13-056120-0).
Les Procès de Moscou (1936-1938), Bruxelles, Complexe, 2006, nouvelle édition revue et augmentée (ISBN2-8048-0101-2). Réédition, Paris, Les Belles Lettres, « Le Goût de l'Histoire », 2023.
Les années Staline, avec Marc Grosset, éditions du Chêne, 2007 (ISBN9782842775476).
L'Île aux cannibales : 1933, une déportation-abandon en Sibérie, Paris, Perrin, 2008, 256 p. (ISBN978-2-262-02941-8).
La Terreur et le désarroi : Staline et son système, Paris, Perrin, 2007, coll. « Tempus », 614 p. (ISBN978-2-262-02462-8).
L'ivrogne et la marchande de fleurs : autopsie d'un meurtre de masse, 1937-1938, Paris, Tallandier, 2009 (ISBN978-2-7578-1864-0).
Nicolas Werth et Alexis Berelowitch, L'État soviétique contre les paysans : rapport secrets de la police politique (Tcheka, GPU, NKVD), 1918-1939, Paris, Tallandier, (1re éd. 2011), 793 p. (ISBN978-2-84734-575-9).
Les révolutions russes, Paris, PUF, 2017, coll. « Que sais-je ? ».
Essai sur l'histoire de l'Union soviétique 1914 - 1991, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 2019), 476 p. (ISBN9782262078799). Les chapitres du livre ont été publiés dans la revue L'Histoire entre 1981 et 2016 et revus, amendés ou augmentés pour cette édition à la lumière des recherches de l'auteur.
Histoire de l'URSS, Presses universitaires de France, 2020 (ISBN9782715402454).
Les grandes famines soviétiques, PUF, 2020, coll. « Que sais-je ? ».
Sous la direction de Lidia Miliakova, éd. fr. de Nicolas Werth : Le Livre des pogroms : antichambre d'un génocide, Ukraine, Russie, Biélorussie, 1917-1922, Éditions Calmann-Lévy, coll. « Mémorial de la Shoah », Paris, 2010, 750 p. (ISBN9782702141519)
Le Goulag. Témoignages et archives, édition établie, annotée et présentée par Luba Jurgenson et Nicolas Werth, Robert Laffont, Bouquins, 2017, 1152 p.
CD & audio
La grande famine en Ukraine, 1932-1933. Le plus grand crime de masse du stalinisme, De vive voix, 2009, (ISBN9782846840880).
Poutine historien en chef, conférence à Lausanne du 14 décembre 2022 [youtu.be/2Iz2E4TQbW4]