En mathématiques, une série de Dirichlet est une sérief(s) de fonctions définies sur l'ensemble ℂ des nombres complexes, et associée à une suite(an) de nombres complexes de l'une des deux façons suivantes :
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Ici, la suite (λn) est réelle, positive, strictement croissante et non bornée. Le domaine de convergence absolue d'une série de Dirichlet est soit un demi-plan ouvert de ℂ, limité par une droite dont tous les points ont même abscisse, soit l'ensemble vide, soit ℂ tout entier. Le domaine de convergence simple est de même nature. Sur le domaine de convergence simple, la fonction définie par la série est holomorphe. Si la partie réelle de s tend vers +∞, la fonction somme, si elle existe, tend vers 0.
Il existe deux définitions différentes des séries de Dirichlet :
Une série de Dirichlet est une série de la forme suivante, où (an) désigne une suite de nombres complexes :
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Cet article utilise une définition plus générale[1] :
Une série de Dirichlet est une série de la forme suivante, où (an) désigne une suite de nombres complexes et (λn) une suite réelle, positive, strictement croissante et non bornée :
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La première définition correspond au cas particulier λn = ln(n).
On associe classiquement[1] à une telle série les deux fonctions
La théorie des séries de Dirichlet générales, en autorisant d'autres suites d'exposants λn que la suite (ln(n)), permet d'inclure d'autres théories classiques :
Si les valeurs λn vérifient : λn = n et si l'on note z = e–s, la série prend la forme :
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On retrouve la définition d'une série entière, à une constante additive près[2].
Dans le cas où λn = 2πn, le changement de variable s = –it montre qu'une série de Fourier est aussi un cas particulier de série de Dirichlet.
Abscisses de convergences
Convergence simple et convergence absolue
Lorsque la série n'est pas à coefficients positifs (ou de même signe), il faut distinguer la convergence absolue de la convergence simple.
Elle converge simplement (c'est une série alternée) pour les nombres réels > 0.
Elle diverge si s ≤ 0.
Elle converge absolument pour les nombres réels > 1 (et seulement pour ceux-là).
De plus, la fonction êta se prolonge de manière holomorphe à tout le plan complexe.
On dit que 0 est l'abscisse de convergence simple, que 1 est l'abscisse de convergence absolue de la série de Dirichlet et que –∞ est l'abscisse d'holomorphie.
Abscisse de convergence simple
Soit Cf l'ensemble des nombres réels a tels que la série f(a + bi)converge pour au moins un réel b. Cet ensemble permet la définition[3] :
L'abscisse de convergence simple, encore appelée abscisse de convergence est la borne inférieureσc de l'ensemble Cf. Autrement dit : si Cf n'est pas minoré alors σc = –∞, si Cf est vide alors σc = +∞, et dans tous les autres cas, σc est le plus grand réel σ tel qu'en tout point du demi-plan Re(s) < σ, la série diverge.
Cette abscisse de convergence est l'objet d'une proposition[3] :
Sur le demi-planRe(s) > σc, la série f est convergente.
Pour tout points0de ce demi-plan, la convergence est uniforme dans tout secteur de la forme|arg(s – s0)| ≤ θ, où0 ≤ θ < π/2.
On en déduit que la convergence est uniforme sur tout sous-ensemble compact du demi-plan, d'où le corollaire :
La série de Dirichlet est holomorphe sur son demi-plan de convergence et.
Si la suite (A(n)) est bornée, alors l'abscisse de convergence est négative ou nulle. Plus généralement[4],[5],[6] :
(ce qui revient à remplacer a1, a2, … , ap – 1 par 0 dans la première formule).
Convergence uniforme : Pour alléger les notations, on peut d'abord se ramener au cas s0 = 0 par changement de variable et modification des coefficients, en écrivant la série sous la forme
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Soit ε un réel strictement positif et D le secteur |arg(s)| ≤ θ, l'objectif est de montrer que :
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Par hypothèse, la série de Dirichlet converge en s0 = 0, c'est-à-dire que la suite (A(n)) est convergente. Si N est choisi suffisamment grand, on a donc :
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Pour tout point s de D et pour tous q ≥ p ≥ N, on déduit alors de la formule (2) :
max(0, L) ≥ σc et si Re(s) > max(0, L) alors f(s) est donné par la formule (*) : Montrons pour cela que si Re(s) > max(0, L), alors la série de Dirichlet en s converge (ce qui prouvera que max(0, L) ≥ σc) et sa valeur est donnée par cette formule. Soit σ un réel tel que Re(s) > σ > max(0, L). Puisque σ > L, on a, pour tout n suffisamment grand :
et puisque σ > 0 on a alors :
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Par conséquent, lorsqu'on fait tendre q vers +∞ dans (1), le premier des deux termes de la somme tend vers 0 et le second est une intégrale (absolument) convergente, ce qui conclut.
Si L > 0 alors σc ≥ L : Montrons pour cela que max(0, σc) ≥ L et pour ce faire, fixons un réel σ strictement supérieur à 0 et à σc et montrons qu'alors, σ ≥ L. Notons Bn les sommes partielles de la série de Dirichlet en σ et M un majorant des modules des Bn. La transformation d'Abel montre que :
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On en déduit :
,
ce qui montre que :
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On a donc bien σ ≥ L.
Synthèse des deux points précédents : Si L > 0 alors σc ≥ L et σc ≤ max(0, L) = L, donc σc = L. Si L ≤ 0 alors σc ≤ max(0, L) = 0. Enfin, (*) est vrai pour tout s de partie réelle strictement supérieure à max(0, L), qui dans les deux cas est bien égal à max(σc, 0).
Une autre proposition traite du cas où l'abscisse de convergence simple est strictement négative :
Si l'abscisse de convergence simple d'une série de Dirichlet est strictement négative, elle est égale à la limite suivante[8] :
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Abscisse d'holomorphie
Cette abscisse σh est définie comme la borne inférieure de l'ensemble des réels x tels que la série admette un prolongement holomorphe sur le demi-plan Re(s) > x.
On a cependant égalité si les coefficients de la série sont positifs :
Théorème de Landau[9] — Soit une série de Dirichlet
dont tous les coefficients an sont des réels positifs ou nuls et dont l'abscisse de convergence σc est un réel. Alors, σc est un point singulier de f et l'on a σh = σc.
Démonstration
Supposons par l'absurde que la série admette un prolongement analytique sur un disque de centre σc et de rayon 3ε > 0. Alors elle serait la somme de sa série de Taylor sur le disque de même rayon et de centre σc + ε. Or en ce centre, ses coefficients de Taylor se calculent en dérivant terme à terme la série de Dirichlet. Par évaluation au point σc – ε de ce disque, on obtiendrait ainsi :
l'interversion dans la série double étant justifiée parce qu'elle est à termes positifs. La série de Dirichlet serait donc convergente en σc – ε, ce qui est contraire à la définition de σc.
On a aussi σh = σc sous d'autres hypothèses complémentaires[1], en posant
:
Si Δ = 0, si G > 0 et si σc est finie, alors tout point de la droite Re(s) = σc est singulier pour la fonction.
Si Δ est fini, si G > 0 et si σc est finie, alors tout segment de longueur 2π/G de la droite Re(s) = σc contient au moins un point singulier pour la fonction (ce qui généralise le fait que pour une série entière, le bord du disque de convergence contient au moins un point singulier).
Abscisse de convergence absolue
On définit de même l'abscisse de convergence absolueσa comme la borne inférieure de l'ensemble des réels x pour lesquels la série est absolument convergente sur le demi-plan Re(s) > x. Les deux abscisses σa et σc (évidemment égales pour une série à coefficients positifs) sont liées en général par les inégalités[10]:
ce qui généralise le théorème de Cauchy-Hadamard sur le rayon de convergence d'une série entière. Remarquons que D est nul dès que Δ est fini, mais que cela ne suffit pas[1] à assurer l'existence de points singuliers sur la droite critique.
Dans le cas d'une série de Dirichlet « classique » : , on a D = 1, donc :
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L'exemple de la série de Dirichlet de la fonction êta de Dirichlet () montre que l'on a une inégalité optimale : la série converge simplement (c'est une série alternée) seulement pour les nombres réels > 0 et absolument seulement pour les nombres réels > 1.
Unicité du développement
On se ramène au cas où les deux séries à comparer ont même type (c.-à-d. mêmes λn) en prenant la réunion (réordonnée de façon croissante) de leurs types respectifs.
Dans ce cas, si elles ont même fonction limite sur un demi-plan Re(s) > σ où elles convergent toutes deux, alors, d'après la formule de Perron, elles ont mêmes coefficients.
Il suffit pour cela[11] que σ soit de la forme Re(s0) + ε pour un certain s0 où les deux séries convergent et un certain ε > 0 et que les deux fonctions sur ce demi-plan coïncident en une infinité de points appartenant à un secteur |arg(s – s0)| ≤ θ avec θ < π/2. En effet, si la différence de ces deux fonctions n'est pas nulle, alors ses zéros dans un tel domaine sont en nombre fini puisqu'isolés et bornés (car la différence des deux séries, divisée par son premier terme non nul, est convergente en s0donc uniformément convergente dans ce secteur, si bien que la fonction associée tend vers 1 quand s tend vers l'infini).
Dans beaucoup de cas, la fonction analytique associée à une série de Dirichlet possède un prolongement analytique sur un domaine plus large. Ceci est le cas pour la fonction zêta de Riemann, méromorphe sur ℂ avec un unique pôle en s = 1. Une des conjectures les plus importantes et non résolues des mathématiques appelée l'hypothèse de Riemann concerne les zéros de cette fonction.
Une première étape dans l'étude du prolongement analytique d'une série de Dirichlet générale
est de définir une nouvelle série de Dirichlet
,
qui converge au moins sur le demi-plan Re(s) > 0 si σc < ∞ (et même sur tout le plan si σc < 0).
et en justifiant l'interversion série-intégrale par des majorations adéquates[12], on obtient alors, pour tout complexe s tel que Re (s) > max(σc, 0) :
On en déduit au passage[12] que pour tout σ > max(σc, 0), F(s) est la valeur principale de
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Mais l'expression de f en fonction de F est surtout utile pour en déduire un prolongement méromorphe, sous certaines hypothèses :
Théorème (Hardy-Fekete)[15] — Si σc < ∞ et si F se prolonge en une fonction méromorphe en 0, l'ordre du pôle étant q ≥ 0, alors f se prolonge en une fonction méromorphe sur tout le plan complexe, avec comme seuls pôles éventuels des pôles simples en 1, 2, … , q.
où, pour tout x > 0, la seconde intégrale est une fonction entière[17]. De plus, par hypothèse, F possède au voisinage de 0 un développement de la forme :
donc pour x assez petit et pour tout complexe s tel que Re(s) > q :
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Or cette série converge pour tout complexe s différent des entiers q, q – 1, q – 2, … (car le rayon de convergence de la série entière de coefficients ck n'est pas modifié lorsqu'on divise ces coefficients par les k – q + s) et définit une fonction méromorphe, de pôles (simples) les q – k pour tout entier naturel k. Comme la fonction 1/Γ est entière, on obtient ainsi un prolongement méromorphe, que nous noterons encore f, à tout le plan complexe :
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Enfin, les zéros de 1/Γ aux points 0, –1, –2, etc. compensent les pôles simples correspondants, donc f a pour seuls pôles éventuels (simples) q, q – 1, … , 1.
On peut de plus calculer, aux entiers q – k, le résidu ou la valeur de f, selon que 0 ≤ k < q ou k ≥ q :
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Historique
Dirichlet définit ces séries en 1837 et les utilisa pour démontrer le théorème de la progression arithmétique, selon lequel il existe une infinité de nombres premiers dans toute progression arithmétique an + b dès que a et b sont premiers entre eux. Elles ne furent étudiées qu'à partir des travaux d'Eugène Cahen, qui en fit son sujet de thèse en 1894. Mais sa thèse fut l'objet de nombreuses critiques et provoqua ainsi de nouveaux travaux[18]. La définition des fonctions presque périodiques par Harald Bohr permit de montrer que les fonctions définies par les séries de Dirichlet à coefficients positifs sont presque périodiques dans le demi-plan de convergence absolue.
Une partie du développement de la théorie, vue sous l'angle historique se trouve sous ce lien.
↑L'énoncé originel de Cahen 1894« si σc ≥ 0 alors σc = N » et sa démonstration, bien que repris tels quels dans Apostol 1990, p. 162-164 (aperçu sur Google Livres), sont faux si σc = 0. Cependant, Hardy et Riesz 1915, p. 6-7 démontrent cet énoncé de Cahen sous l'hypothèse supplémentaire que la série diverge en 0, ou converge vers une valeur non nulle, et (en) Hugh L. Montgomery et R. C. Vaughan, Multiplicative Number Theory I : Classical Theory, CUP, (lire en ligne), p. 13 le font sans cette hypothèse, mais seulement pour une série de Dirichlet classique (c.-à-d. pour λn = ln(n)).
↑(en) T. Kojima, « On the convergence-abscissa of general Dirichlet's series », TMJ, vol. 6, , p. 134-139 a fourni une variante N' (aperçu sur Google Livres) qui est toujours égale à σc, même quand N' n'est pas strictement positive : cf. Maurice Blambert, « Sur l'abscisse de convergence simple des séries de Dirichlet générales », Ann. Inst. Fourier, vol. 14, no 2, , p. 509-518 (lire en ligne).
↑Petkov et Yger 2001, p. 49 pour le cas général. Pour les séries de Dirichlet classiques, voir aussi Colmez 2009, p. 280 et suivantes.
↑Colmez 2009, p. 247 : Fonctions holomorphes définies par une intégrale
↑« […] the first attempt to construct a systematic theory of the function f''(s) was made by Cahen in a memoir which, although much of the analysis which it contains is open to serious criticism, has served—and possibly just for that reason—as the starting point of most of the later researches in the subject. », Hardy et Riesz 1915, p. 1-2