Cette condition est beaucoup plus forte que la dérivabilité réelle. Elle entraîne (via la théorie de Cauchy) que la fonction est analytique : elle est infiniment dérivable et est égale, au voisinage de tout point de l'ouvert, à la somme de sa série de Taylor.
Un fait remarquable en découle : les notions de fonction analytique complexe et de fonction holomorphe coïncident. Pour cette raison, les fonctions holomorphes constituent le pilier central de l'analyse complexe.
Définition
Définition — Soient U un ouvert de l'ensemble ℂ des nombres complexes et f une application de U dans ℂ.
On dit que f est dérivable (au sens complexe) ou holomorphe en un point z0 de U si la limite suivante, appelée dérivée de f en z0 existe :
On dit que f est holomorphe sur U si elle est holomorphe en tout point de U.
En particulier, on appelle fonction entière une fonction holomorphe sur ℂ.
On remarquera que certains auteurs[1] exigent de la fonction ainsi obtenue d'être continue. C'est en fait seulement un moyen de simplifier des démonstrations ; en effet, la définition présentée ici implique de toute façon sa continuité (en vertu du théorème de Morera)[2].
Toute fonction rationnelle à coefficients complexes est holomorphe sur le complémentaire de l'ensemble de ses pôles (c'est-à-dire les zéros de son dénominateur, quand elle est écrite sous forme irréductible). Par exemple, la fonction inverse z ↦ 1/z est holomorphe sur ℂ*.
Fonctions définies par une série entière
Soit ∑ n≥0an zn une série entière à coefficients complexes de rayon de convergence non nul (fini ou non) ; on note D son disque de convergence. La fonction f de D dans ℂ définie par f(z) = ∑ n≥0an zn est holomorphe, et pour tout z ∈ D, f’(z) = ∑n≥1nan zn–1. En fait, cette fonction est indéfiniment dérivable sur D.
On appelle détermination du logarithme complexe sur un ouvert U de ℂ* toute fonction holomorphe L de U dans ℂ telle que pour tout z ∈ U, exp(L(z)) = z ou ce qui est équivalent (dans le cas d'un ouvert connexe), toute fonction L holomorphe sur U de dérivée z↦1/z et pour laquelle il existe z0 ∈ U tel que exp(L(z0)) = z0.
Sur tout ouvert U de ℂ* où existe une détermination L du logarithme, on peut définir, pour tout entier relatifk, la fonction z ↦ L(z) + 2kπi. Chacune de ces fonctions est une détermination du logarithme sur U, et si U est connexe, ce sont les seules.
Il n'existe pas de détermination du logarithme sur l'ouvert ℂ*.
Il existe une détermination du logarithme sur n'importe quel ouvert du type ℂ*\D où D est une demi-droite de ℂ d'extrémité 0 (on parle de « coupure »), en particulier sur l'ensemble des nombres complexes privé de la demi-droite des réels négatifs ou nuls. Parmi toutes les déterminations du logarithme sur cet ouvert, il en existe une et une seule qui prolonge le logarithme népérien réel.
Plus généralement, il existe une détermination du logarithme sur tout ouvert simplement connexe ne contenant pas 0.
Fonctions puissance et racine n-ième
Sur tout ouvert U de ℂ* où existe une détermination L du logarithme, on peut définir, pour tout nombre complexe a, une détermination holomorphe sur U de la puissance d'exposant a en posant, pour tout z ∈ U, za = exp(a L(z)).
En particulier, pour tout entier n > 0, la fonction z ↦ z1/n = exp((1/n) L(z)) vérifie l'identité ∀z ∈ U, (z1/n)n = z. On dit que cette fonction est une détermination sur U de la racine n-ième. On peut noter n√z au lieu de z1/n (si des réels strictement positifs appartiennent à U, il se peut qu'il y ait alors conflit entre cette notation et sa signification habituelle, servant à désigner la racine n-ième positive).
Les fonctions trigonométriques réciproques ont de la même manière des coupures et sont holomorphes partout sauf aux coupures.
Une fonction holomorphe en un point est a fortioricontinue en ce point.
Près d'un point z0 où la dérivée d'une fonction holomorphe f est non nulle, f est une transformation conforme, c'est-à-dire qu'elle préserve les angles (orientés) et les formes de petites figures (mais pas les longueurs, en général).
En effet, sa différentielle au point z0 est l'application ℂ-linéaire , où : la différentielle s'identifie donc à une similitude directe du plan, puisque A est non nul.
Une conséquence des équations de Cauchy-Riemann est que les laplaciens de la partie réelle et de la partie imaginaire d'une fonction holomorphe f sont nuls :
Si les parties réelle et imaginaire de sont notées respectivement et , c'est-à-dire si : , où sont deux fonctions réelles de deux variables réelles, on a :
Les équations de Cauchy-Riemann permettent de démontrer le lemme de Goursat, qui est essentiellement le théorème intégral de Cauchy ci-dessous dans le cas particulier d'un lacet polygonal, et d'en déduire :
Ce théorème reste valable si, en un nombre fini de points de l'ouvert, la fonction n'est pas supposée holomorphe[3] mais seulement continue.
En particulier :
si γ est un lacet simple alors, d'après le théorème de Jordan-Schoenflies, il est la frontière d'un compactK connexe et simplement connexe, et le théorème s'applique alors (si γ est rectifiable) à toute fonction holomorphe sur un ouvert contenant K ;
si f est holomorphe sur un ouvert U et si γ et Γ sont deux chemins rectifiables strictement homotopes dans U alors les intégrales de f sur γ et Γ sont égales.
On peut éviter le recours au lemme de Goursat, mais[4] au prix d'une hypothèse supplémentaire :
Propriété — Soient f une fonction holomorphe sur un ouvert U connexe et simplement connexe, z0 un point de U et F la fonction définie sur U par
où P(z) est n'importe quel chemin rectifiable dans U de z0 à z. Alors F est une primitive complexe de f sur U.
Ce théorème reste valable si, en un nombre fini de points de l'ouvert, la fonction n'est pas supposée holomorphe[3] mais seulement continue.
Il est important que l'ouvert soit simplement connexe, ainsi l'intégrale de f entre deux points ne dépend pas du chemin entre ces deux points.
Par exemple, la fonction h : z ↦ 1/z est holomorphe sur ℂ*, qui est connexe mais pas simplement connexe. L'intégrale de h sur le cercle de centre 0 et de rayon 1 (parcouru dans le sens trigonométrique), vaut 2πi, mais vaut 0 sur un chemin fermé joignant 1 à lui-même en n'entourant pas 0. On peut en revanche définir une primitive de h sur n'importe quel ouvert simplement connexe de ℂ* (cf déterminations du logarithme complexe dans la section « Exemples » ci-dessus).
Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U de ℂ, alors si C est un cercle orienté positivement, centré en z et inclus (ainsi que son intérieur) dans U.
Par conséquent, f est indéfiniment dérivable sur U, avec
Remarques :
La série de Taylor en z0 converge sur tout disque ouvert de centre z0 et inclus dans U mais peut bien sûr converger sur un disque plus grand ; par exemple, la série de Taylor de la détermination principale du logarithme converge sur tout disque ne contenant pas 0, même s'il contient des réels négatifs. C'est la base du principe du prolongement analytique.
Il y a équivalence entre holomorphie sur un ouvert et analyticité, l'analyticité impliquant clairement l'holomorphie.
De la formule intégrale de Cauchy, on déduit notamment que toute fonction holomorphe sur un ouvert contenant un disque fermé est complètement déterminée à l'intérieur de ce disque par ses valeurs sur la frontière de celui-ci : dans la formule ci-dessus pour c0, le changement de paramètre w = z0 + reiθ donne :
L'intérêt de cette formule est dans le calcul numérique. Le calcul d'une intégrale est en effet plus stable que celui de dérivées.
Ce résultat reste clairement valable pour la partie réelle et pour la partie imaginaire de f, qui sont des fonctions harmoniques.
Principe du maximum
Soit f une fonction holomorphe non constante sur un ouvert connexe U. Alors |f | n'admet pas de maximum local sur U. Ainsi, si U est borné et que f est aussi définie sur l’adhérence de U, le maximum de la fonction f sur U est atteint sur la frontière de U. En d'autres termes, en tout point z de U :
Soit z0 un point de U. La fonction f – f(z0) n'est pas identiquement nulle donc, par unicité du prolongement analytique, il existe un entier k > 0 et un complexe α non nul tels que
où ε est une fonction de limite nulle en z0.
Si f(z0) = 0 alors, au voisinage de z0, f ne s'annule pas.
Si f(z0) ≠ 0, soit β une racine k-ième de f(z0)/α. Alors,
où ε1 est une fonction de limite nulle en 0, donc pour tout réel t > 0 assez petit, | f(z0+tβ) | > | f(z0) |.
Ainsi, dans les deux cas, | f | n'admet pas de maximum local en z0.
Suites convergentes de fonctions holomorphes
Si une suite (fj) de fonctions holomorphes converge vers une fonction f, uniformément sur tout compact de l'ouvert U de ℂ, alors f est holomorphe et pour tout k, la suite (fj(k)) des dérivées converge vers f(k), uniformément sur tout compact de U[6].
Développement de Laurent autour d'un point singulier
Théorème — Soit f une fonction holomorphe sur U\A avec U un ouvert de ℂ et A un sous-ensemble fermé de U dont les éléments sont isolés (A est l'ensemble des points singuliers ou singularités isolées de f dans U).
Alors, autour de chaque point z0 de U, f admet un développement de Laurent sur une couronne avec ( désignant la distance euclidienne de au complémentaire de U dans ℂ) :
avec
.
Remarques :
La notation désigne la somme des deux séries convergentes et .
Dans le cas d'une fonction rationnelle qu'on cherche à développer en zéro, les coefficients se calculent via un classique développement en série en zéro des éléments simples.
En pratique, le calcul des coefficients (en n'importe quel point) peut également s'effectuer grâce au théorème des résidus, souvent plus compliqué que de développer en série des fonctions rationnelles, mais qui reste en général plus simple que l'utilisation de la formule directe.
Le résidu de f en la singularité est le coefficient .
Le calcul des cn dans le développement de Laurent peut donner lieu à trois possibilités :
: alors f peut se prolonger en une fonction analytique sur tous les points de contenus dans le disque , et ces points sont dits réguliers. Exemple d'une fonction présentant de tels coefficients : en 0, 0 est un point régulier de f.
tel que et on ait : alors la fonction peut se prolonger en une fonction analytique sur tous les points de contenus dans le disque . Ce cas généralise en fait le premier. Ces points sont des pôles d'ordre au plus de f, il peut en exister qui sont réguliers (ordre 0). On dit que f est une fonction méromorphe sur U si tous les points de A sont des pôles. Exemples de fonctions présentant de tels coefficients : en 0 (0 est un pôle d'ordre k de f), ou plus généralement les fonctions rationnelles en leurs pôles.
Dans les autres cas, il existe parmi les points de contenus dans le disque au moins un point sur lequel il n'est pas possible de tenter un des prolongements ci-dessus. Un tel point de A est appelé « point singulier essentiel » de f. Exemple : en 0, 0 est un point singulier essentiel de f.
Anti-holomorphie
Une fonction f(z) est dite anti-holomorphe sur un ouvert D lorsque f ( z ) est holomorphe sur l'ouvert conjugué D. Elle est donc analytique en z.
↑ ab et cEn fait, on sait (a posteriori) qu'une fonction à valeurs complexes continue sur un ouvert du plan complexe et holomorphe sur le complémentaire d'un sous-ensemble fini est holomorphe sur cet ouvert. On peut même remplacer l'hypothèse de continuité par celle d'être localement bornée.
↑Henri Cartan, Théorie élémentaire des fonctions analytiques d'une ou plusieurs variables complexes [détail de l’édition], p. 70.