Une racine carrée (complexe) d'un nombre complexez est un nombre complexew vérifiant w2 = z. Tout nombre complexe a exactement deux racines carrées (complexes) opposées[1], distinctes, excepté 0, dont 0 est la seule racine carrée. Par exemple, les deux racines carrées (complexes) de –1 sont i et –i où i est l'unité imaginaire.
Plus généralement, une racine n-ième de z est un nombre complexe w vérifiant wn = z. Hormis 0, tout nombre complexe admet exactement n racines n-ièmes distinctes. Par exemple, j = (–1 + i√3) / 2 est une racine troisième de 1.
Les racines n-ièmes de l'unité 1 forment un groupe pour le produit, noté Un, qui est un groupe cyclique d'ordren.
Il n'existe aucune déterminationcontinue d'une racine carrée sur ℂ. Plus précisément, il n'existe aucune application continue f : ℂ\{0} → ℂ telle que (f(z))2 = z.
Racines k-ièmes en coordonnées polaires
En coordonnées polaires, un nombre complexe non nul s'écrit z = rei θ où r est un réel strictement positif. Les racines k-ièmes de z sont les nombres complexes w tels que wk = z. Elles sont au nombre de k et sont explicitement données par :
Pour k = 2, on retrouve une description des racines carrées. La vérification est une application de la formule de Moivre.
Démonstration en admettant la formule de Moivre
Un nombre complexe écrit en coordonnées polaires
vérifie :
C'est donc une racine k-ième de z si et seulement si
c'est-à-dire si et seulement si
À chaque entier relatifq correspond donc une racine k-ième wq de z, donnée par la formule annoncée, et ce sont les seules solutions. Mais deux entiers distincts q et q' peuvent correspondre à un même nombre complexe w. Plus précisément,
donc z possède exactement k racines k-ièmes distinctes : w0, w1, … , wk – 1.
Le théorème fondamental de l'algèbre peut s'appliquer ici, et montre que tout nombre complexe non nul admet exactement k racines complexes distinctes.
Démonstration —
D'après le théorème fondamental de l'algèbre, tout polynôme se factorise en un produit de polynomes de degré 1, en particulier le polynôme Q(X) = Xk – z se factorise en un produit de k polynômes de la forme X – w où w est nécessairement une racine k-ième de z. Si k > 1, il faut justifier que les racines sont deux à deux distinctes, ou encore, qu'aucune racine de Q(X) n'est racine de son polynôme dérivéQ' (X). Or Q' (X) = kXk – 1 a pour seule racine 0, qui n'est pas racine de P.
Le théorème fondamental de l'algèbre possède de nombreuses preuves. Certaines sont détaillées dans l'article dédié. La plupart utilisent des outils de topologie et d'analyse, voire d'analyse complexe. L'appliquer ici pour éviter la formule de Moivre a un sens seulement si l'on dispose d'une preuve qui utilise l'algèbre seule. Une telle démonstration a été publiée par le collectif Nicolas Bourbaki en 1952, corrigeant une idée présentée par Laplace en 1795[réf. nécessaire].
Utiliser la preuve attribuée à d'Alembert et à Argand ne serait pas valable ici. Cette preuve s'appuie sur une construction des racines k-ièmes des nombres complexes. Cette construction ne doit pas faire appel à la formule de Moivre.
Construction par récurrence sur la 2-valuation de k
En 1941, Littlewood rappelle[2] qu'il existe une preuve simple d'existence de racines k-ièmes[3] dont les deux seuls ingrédients non algébriques sont les mêmes que ceux d'une preuve sophistiquée du théorème fondamental[4] : l'existence de racines carrées pour les réels positifs et le fait que tout polynôme à coefficients réels de degré impair possède au moins une racine réelle.
Première étape : on démontre d'abord que si k est impair, tout complexe a + ib possède au moins une racine k-ième. Le cas b = 0 étant acquis, il suffit de remarquer que dans le cas b ≠ 0, les solutions réelles de l'équation (x + iy)k = ±(a + ib) sont les couples (ty, y) tels que
t est une racine du polynôme i[(t + i)k(a – ib) – (t – i)k(a + ib)], qui est à coefficients réels et de degré k, et
Seconde étape : on étend ensuite le résultat précédent à tout entier k > 0, par récurrence sur sa 2-valuation, c'est-à-dire sur le plus grand entier r tel que k soit divisible par 2r.
Le cas r = 0 correspond au cas k impair déjà vu.
L'étape de récurrence se fait en remarquant que si k = 2q et si w est l'une des deux racines carrées de z (fournies par des formules en coordonnées cartésiennes), toute racine q-ième de w est racine k-ième de z.
Lemme de Littlewood
Première preuve
La première des deux démonstrations du théorème fondamental de l'algèbre proposées par Littlewood en 1941[2] est essentiellement celle donnée par d'Alembert et corrigée par Argand et Cauchy, à ceci près qu'il justifie l'existence d'au moins une racine k-ième pour chaque nombre complexe z, en remplaçant l'argument invoqué dans la première étape ci-dessus (le cas où k est impair) par une astuce apparemment[5] plus économique : au lieu d'utiliser la propriété des polynômes à coefficients réels de degré impair, il réutilise la méthode déjà appliquée dans la preuve principale du théorème fondamental.
Sa méthode est donc, pour z non nul, de poser Q(X) = Xk – z, de choisir un complexe w réalisant le minimum de |Q(w)| sur le plan complexe, et de montrer que Q(w) = 0.
On commence par montrer que w est non nul. Pour cela, on[6] utilise que — par imparité de k — pour tout y, les images par Q des quatre nombres ±y, ±iy sont –z ± yk, –z ± iyk. Pour y assez petit, au moins l'un des quatre sommets de ce carré est plus proche de 0 que ne l'est son centre –z, autrement dit : au moins l'une de ces quatre images est de module strictement inférieur à |Q(0)|, donc ce n'est pas en 0 que le minimum est réalisé : w est bien non nul.
On en déduit ensuite que Q(w) = 0. Pour cela, on écrit
pour un certain polynôme R. Pour |h| ≤ 1, on a |h2R(h)| ≤ α|h|2 où α est la somme des modules des coefficients de R. Pour
il vient
si bien que |Q(w)| ≤ βt, d'où (en passant à la limite quand t tend vers 0) Q(w) = 0.
Une fois établi ce lemme (d'existence d'au moins une racine k-ième), la démonstration du théorème fondamental de l'algèbre se poursuit de manière identique à celle donnée par d'Alembert et corrigée par Argand et Cauchy. On déduit alors de ce théorème (cf. supra) que tout nombre complexe non nul admet exactement k racines k-ièmes complexes.
Seconde preuve
La seconde preuve de Littlewood évite la répétition de l'argument du minimum (d'abord pour le lemme sur l'existence de racines puis pour la preuve principale), au prix d'un raisonnement par récurrence. Débarrassée de cette récurrence en fait inutile, sa preuve consiste essentiellement à remarquer que
dans sa preuve du théorème fondamental, Cauchy n'utilise pas l'existence de racines k-ièmes mais seulement la propriété suivante : pour tout complexe a non nul et tout entier k > 0, il existe un complexe c tel que la partie réelle de ck/a soit strictement positive ;
pour démontrer cette propriété, il suffit de savoir exhiber, pour tout entier j > 0, une racine j-ième de –1[7]. En effet, en notant α et β les parties réelle et imaginaire de a (non toutes deux nulles), un complexe c tel que Re(ck/a) > 0 est alors fourni par :
si α > 0, c = 1,
si α < 0, c = une racine k-ième de –1,
si α = 0, c = une racine (2k)-ième de –1 ou sa conjuguée, le choix entre les deux s'effectuant en fonction du signe de β ;
Les racines k-ièmes de l'unité 1 sont parfois appelées les nombres de Moivre. Le produit d'une racine n-ième de 1 et d'une racine k-ième de 1 est une racine r-ième de 1, où r = PPCM(k, n). En particulier, l'ensemble 𝕌k des racines k-ièmes de 1 est stable par multiplication. C'est un groupe fini. Les racines k-ièmes de 1 s'écrivent :
Le groupe 𝕌k est cyclique et ses générateurs sont appelés les racines primitivesk-ièmes de l'unité.
Toutes les racines k-ièmes de l'unité sont situées sur le cercle unité et sont les sommets d'un polygone régulier à k côtés ayant un sommet d'affixe 1.
Détermination continue
Si U est une partie de ℂ, une détermination continue d'une racine carrée sur U est une application continue f : U → ℂ telle que (f(z))2 = z.
Il n'existe aucune détermination continue d'une racine carrée sur ℂ\{0}, ni même sur le cercle unité[8].
Démonstration —
Sinon, il existerait une fonction continue f, qui à tout complexe de module 1, eiθ, associe l'une de ses deux racines carrées : eiθ/2 ou –eiθ/2. La fonction
serait alors continue et à valeurs dans {–1, 1} donc (par connexité de ℝ) constante :
Mais alors, remplacer θ par θ + 2π pose problème : le terme de droite (non nul) est remplacé par son opposé tandis que le terme de gauche reste inchangé. D'où une contradiction.
L'image ci-contre illustre ce phénomène. Pour un tour complet effectué le long d'un cercle de centre 0, le suivi continu d'une racine carrée ne parcourt qu'un demi-tour.
Notes et références
↑Lorsque z est un réel positif, ses deux racines carrées sont réelles. Celle usuellement appelée saracine carrée est celle qui est positive.
↑ a et b(en) J. E. Littlewood, « Mathematical notes (14): Every Polynomial has a Root », J. London Math. Soc., 1re série, vol. 16, no 2, , p. 95-98 (DOI10.1112/jlms/s1-16.2.95, lire en ligne).
↑Il suffit en fait de savoir exhiber un complexe dont la puissance j-ième ait une partie réelle strictement négative ; ceci permet de faire l'apparente « économie » non seulement, comme Littlewood, de la propriété des polynômes à coefficients réels de degré impair, mais aussi de l'existence de racines carrées pour les réels positifs : voir le lemme de la preuve directe du théorème fondamental.