Robert Lafont, né à Nîmes le et mort à Florence (Italie) le (à 86 ans)[1], est un universitaire et intellectuel français. Professeur de linguistique à l'université de Montpellier, il contribue dans les années 1970 à l'émergence d'une nouvelle théorie linguistique, la praxématique[réf. nécessaire]. Il s'est par ailleurs intéressé à l'histoire de la littérature occitane et aux sciences sociales (en particulier au travers d'essais politiques sur les espaces régionaux), tout en développant une activité littéraire soutenue d'expression occitane (essentiellement en provençal) et française et tout en s'engageant périodiquement en politique. Robert Lafont laisse plus de cent titres publiés et environ mille articles.
Biographie
Le commencement du militantisme occitan et la guerre
De 1940 à 1943, il a étudié les lettres classiques à Montpellier. Durant cette période, de 1941 à 1942, il est devenu membre du Félibrige à Nîmes en 1941 et 1942, avant de créer le mouvement Joventuts Occitanas. À partir de l'été 1943 jusqu'au mois de mai de l'année suivante, il a dû travailler aux chantiers de la jeunesse française, en premier à Mauriac et puis à Lescar (Béarn). Après la libération il a travaillé quelques mois dans le cabinet du préfet du Gard avant d'être mobilisé, en 1945, dans les Troupes françaises d'occupation en Allemagne et en Autriche.
La maturation intellectuelle et sociale
Après la Libération, il est devenu membre du nouvel Institut d'études occitanes qui s'était créé en février 1945. Cette même année, le 3 décembre, il s'est marié avec Andrée Chauchard, une enseignante de français originaire d'Anduze. Ils ont eu deux enfants, Suzanne et Michel.
Lafont a reçu l'influence des idées fédéralistes portées par Charles Camproux et sa revue Occitània, et de l'œuvre de Mistral. Il a édité en un journal, l'Ase negre, qui revendiquait ces orientations. Cependant au bout d'un certain temps, l'écrivain a commencé à s'éloigner du fédéralisme.
Dès 1949 Robert Lafont a été professeur à Bédarieux, Sète, Arles et finalement au lycée de Nîmes où il a travaillé jusqu'en 1964. Tout en travaillant dans l'enseignement secondaire, dès 1951, il était entré à l'université de Montpellier où il travaillait avec Camproux et où il enseignait l'occitan. Il est devenu universitaire d'une manière définitive en 1964. Il a terminé sa thèse, La Phrase occitane, qui a été publiée en 1967. En 1972, il est devenu titulaire de la chaire de langue et littérature occitanes de l'université Paul-Valéry de Montpellier. Il finira professeur émérite de cette université[1],[2],[3].
Carrière
Linguiste universitaire de profession, il fut tout à la fois polyglotte, romancier, poète, auteur de théâtre, essayiste, médiéviste. Écrivain polyvalent, son œuvre comporte près d'une centaine de livres et un millier d'articles en occitan, en français, en catalan[2]. On y trouve aussi bien des ouvrages sur l'histoire littéraire et l'histoire des sociétés, que des ouvrages sur la linguistique et la sociolinguistique, ou des ouvrages sur les déséquilibres socio-économiques en France et en Europe. Ses amis présentent Robert Lafont comme un citoyen du Monde et d'Europe, penseur et acteur majeur d'un occitanisme ouvert.
Dans ses essais en français, il présente la situation, non seulement de l'Occitanie, mais également de l'ensemble des minorités vivant sur le territoire français. Il est l'un des théoriciens de ce qu'il est convenu d'appeler le colonialisme interne[4],[3], en parlant de la situation occitane. L'autre volet de son œuvre, la littérature en langue occitane, participe au renouveau de la création littéraire dans cette langue.
Il a assumé la direction de diverses publications périodiques (L'ase negre en 1946, Viure en 1962, Amiras dans les années 1980, la Revista Occitana en 1993). Il a également été producteur de théâtre d'animation sociale.
En 1962, il fonde le Comité occitan d'études et d'action (COEA)[7] d'où sortira en 1971 Lutte occitane. En 1974 ce mouvement organise la présentation de Robert Lafont à l’élection présidentielle française[1],[3], mais sa candidature est rejetée par le Conseil constitutionnel[2] faute d'un nombre suffisant de signatures d'élus validées pour qu'il atteigne le seuil requis ; il sortira de ses comités de soutien le mouvement Volem viure al país, dont des membres fondèrent ultérieurement, avec adhésion de Robert Lafont, le Partit occitan, membre de la fédération Régions et peuples solidaires.
En 1981 il participe à la fondation de l'Association internationale d'études occitanes. Il est président de la section occitane du Cercle d'Afrairament Occitanocatalan entre 1981 et 1986. En 1983, il est cependant élu conseiller municipal de Nîmes[8].
Un colloque organisé les 26 et à Nîmes par Gardarem la Tèrra, mouvement altermondialiste et occitaniste structuré en comitats de país, sous le titre « Robert Lafont, la haute conscience d'une histoire », a analysé « 50 ans d'action et d'écrits politiques, de la Révolution régionaliste » à Gardarem la Tèrra et en a débattu[9].
Ses archives son déposées au CIRDÒC (Centre International de Recherche et de Documentation Occitanes, Béziers).
Le Sud ou l’Autre, La France et son Midi, Edisud, Aix-en-Provence, 2004.
Prémices de l'Europe, Sulliver, Arles, 2007.
L'État et la Langue, Sulliver, Arles, 2008.
Vingt lettres sur l’histoire - À ces cons de Français et ces couillons d’Occitans, Vent Terral, Villefranche d’Albigeois, 2005.
Directions
Le Sud et le Nord, Privat, 1971.
Histoire d'Occitanie (avec André Armengaud), Hachette, 1979.
Les Cathares en Occitanie, Fayard, 1982.
Anthropologie de l'écriture, CCI, Centre Georges Pompidou,1984.
Collaborations
Anthologie de la jeune poésie occitane (avec B. Lesfargues), LeTriton Bleu, Paris, 1946.
F. Pellos, Compendion de l’Abaco, éd. critique (avec G. Tournerie), C.E.O., Montpellier, 1967.
Metòde per aprene l'occitan parlat (avec Chr. Baylon), Centre d'Études Occitanes C.E.O., Montpellier, 1969.
Nouvelle histoire de la littérature occitane (avec Chr. Anatole),PUF, 1970-1971.
Introduction à l'analyse textuelle (avec F. Gardès-Madray), Larousse, 1976.
Pour l'Occitanie (avec A. Alcouffe et P. Lagarde ), Privat, Toulouse, 1979.
Las Cançons dels Trobadors (avec I. Fernandez de la Cuesta), I.E.O. Toulouse, 1980.
Pratiques praxématiques (avec F. Gardès-Madray et P. Siblot), Cahiers de linguistique sociale, Rouen, 1983.
Questions sur les Mots (avec H. Boyer, Ph. Gardy, J.-M. Marconot e P.Siblot ), Didier, Paris, 1987.
Le Roland Occitan (avec G. Gouiran), Christian Bourgois, Paris, 1991.
Le Temps du Pluriel (avec B. Étienne e H. Giordan), L’Aube, La Tour d’Aigues, 1998.
Traductions
L'icòna dins l'iscla, L'icône dans l'île. Traduction en français de Ph. Gardy e B. Lesfargues, Fédérop, Lyon, 1982.
Nous, Peuple européen. Nosaltres el poble europeu. Traduction en catalan de Victor Compta, Edicions 62, Barcelona, 1991.
Le Travail et la Langue. Sprache als Arbeit. Traduction en allemand de Hella Beister, Braumüller, Wien, 1992.
La Festa, La Fête (extraits). Traduction en français de Danielle Julien, Atlantica, Bayonne, 2000.
Lo Decameronet. Le Petit Décaméron. Traduction en français de Danielle Julien, Ed Trabucaire . 66140 Canet, 2008.
La gacha a la cisterna The watcher at the cistern ; édition bilingue occitan-anglais ; traduction en anglais de Maria-Cristina Coste-Rixte, coédition Jorn et Pen-club de lenga d’òc, 2014.
Voir aussi
Bibliographie
« Lafont (Robert) », dans Ivan Gaussen (préf. André Chamson), Poètes et prosateurs du Gard en langue d'oc : depuis les troubadours jusqu'à nos jours, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Amis de la langue d'oc », (BNF33021783), p. 81.
Pier Paolo Pasolini, Poesia d'oggi (1949), dans Saggi sulla letteratura e sull'arte, I, "Meridiani", Mondadori, Milan, 1999.
Fausta Garavini, La letteratura occitanica moderna, Firenze-Milan, Sansoni/Accademia, 1970.
Robert Lafont, Le roman de la langue. Actes du Colloque de Nîmes et Arles (2000), CELO/William Blake &Co, Toulouse, 2005 [avec une bibliographie chronologique de F. Pic].
Philippe-Jean Catinchi, Robert Lafont, "Etudes héraultaises", n° 40, 2010.
Robert Lafont, Imatges e votz / Images et voix , anthologie bilingue éd. par Claire Torreilles, préface de J.-C. Forêt et aquarelles originales de Robert Lafont, CRDP Montpellier, 2010.
Per Robèrt Lafont, "Lenga e País d’òc", n° 50-51, CRDP Montpellier, 2011.
Robert Lafont, la haute conscience d'une histoire, Actes du Colloque de Nîmes (2009), Trabucaire, Canet, 2013.
Philippe Gardy, L'arbre et la spirale. Robert Lafont polygraphe, Vent Terral, Valence d'Albigeois, 2017.