Pointe Saint-Mathieu
La pointe Saint-Mathieu (Beg Lokmazhe en breton[1]) est une pointe du Finistère située à proximité du Conquet sur le territoire de la commune de Plougonvelin. Elle est bordée de falaises avoisinant 20 mètres de hauteur. GéographieSituationLa pointe Saint-Mathieu, formée de falaises abruptes balayées par le vent et la mer, est un cap de la commune de Plougonvelin s'avançant sur la mer Celtique, en prolongement des falaises qui forment la limite nord de la rade de Brest et face à l'île de Béniguet, dans l'archipel de Molène. Son contournement a toujours représenté un danger certain pour les navigateurs. Jacques Cambry a décrit ainsi, avec quelque exagération, la pointe Saint-Mathieu :
Cadre géologiqueGéologiquement, la pointe est située à l'extrémité nord-ouest du Massif armoricain, dans le pays de Léon qui est une presqu'île massive, pénéplanée à l'altitude moyenne de 100 m[3]. Le domaine structural armoricain de la zone de Léon constitue un vaste antiforme métamorphique de 70 km sur 30 km orienté NE-SW, plongeant légèrement vers l'est[4] de 70 km sur 30 km orienté NE-SW, plongeant légèrement vers l'Est[5]. Il forme une vaste série d'un métamorphisme croissant depuis les zones externes (fossé de l'Élorn, bassin de Morlaix) où l'on observe essentiellement des schistes et quartzites, jusque vers le centre (région de Lesvenen) où l'on trouve des gneiss d'origine variable partiellement anatectiques, et au nord avec les migmatites de Plouguerneau (datées de 330 à 340 Ma), séparées de l'antiforme par la zone de cisaillement de Porspoder-Guissény, caractérisée par des mylonites et ultramylonites[6]. Cette série est interprétée comme un empilement de nappes déplacées du Sud vers le Nord dans les conditions ductiles de l'orogenèse varisque qui se termine par la formation de deux accidents crustaux majeurs qui décalent les granites carbonifères : le décrochement dextre nord-armoricain (faille de Molène – Moncontour) et le cisaillement senestre de Porspoder-Guissény (CPG)[7]. Les gneiss de Brest affleurent depuis la pointe de Saint-Mathieu à l'Ouest jusqu'à Guiclan à l'Est, soit sur environ 70 km de long. Face à la pointe, apparaît la chaussée des Pierres Noires, une succession de récifs granitiques et de hauts-fonds orientés d'Ouest en Est, au Sud de l'archipel de Molène[8]. Le même affleure au SE de la pointe, dans les récifs méridionaux des Rospects. Au niveau du GR34, le promeneur ne soupçonne pas l'existence, à ses pieds, de daviers, trous rectangulaires ou oblongs dans des dalles de gneiss placées en léger encorbellement sur la falaise : dans ces « gouges » se logeait une forte pièce en bois d'orme, support de poutres et d'une poulie utilisée pour la remontée du goémon depuis des grèves inaccessibles aux charrettes[9]. À l'est des Rospects, au niveau de la grève de Vaéré, plusieurs variétés de galets allochtones (dont des basaltes à olivine datés de 1 million d'années) peuvent être observés à marée basse. Il s'agit d'apports d'origine glacielle en provenance d’édifices volcaniques récents islandais[10],[11]. Pétrologiquement, la pointe est formée d'orthogneiss très homogène à foliation serrée résultant du métamorphisme d'un granite plus ancien[12]. Le villageDe nos jours, on ne compte que quelques maisons mais il y a quand même un hotel 4* et un restaurant gastronomique tenu par Nolwen Corre , mais par le passé, Saint-Mathieu ne se limitait pas à l’abbaye et à ses dépendances. Très tôt, une bourgade s’est établie, attirée par la côte, ses possibilités commerciales, ses richesses de bris d’épave et par la présence du monastère. L'abbé de Saint-Mathieu a beaucoup de privilèges : droit de cohue, droit de four à ban, droit de gerbe à la douzième, droit de mouture, droit de marché, droit de foire (Henri IV instituera, en 1602 cinq foires annuelles et un marché par semaine), droit de mesure du blé, droit de mesure du vin… En 1157, Hervé de Léon lui accorde le droit de bris et d'épave sur les rivages de tous ses fiefs (en 1390 il est précisé qu'il peut se saisir du 1/10e de la coque, de la cargaison et du gréement du navire échoué). À ce droit de bris se joignait le droit de dépouilles qui a été confirmé en 1602 par des lettres patentes du roi. Il accordait ce droit aux religieux pour « tous ceux qui périssent en mer, et aux côtes de Saint-Mathieu, Plougonvelin et le Conquet ». La trève puis paroisse de « Loc-Mazé Pen ar Bed » (ou « Saint-Mathieu Fin de Terre »)« Loc-Mazé Pen ar Bed » fut une minuscule trève (« La ditte paroisse n'a dans toute sa longueur et largeur qu'environ un demi quart de lieu [sic], et dans tout ce terrain on ne compte en tout qu'environ vingt-cinq ménages qui forment le nombre d'environ cent communiants »[13]) dépendant de la paroisse de Plougonvelin et même un temps une paroisse indépendante. La première chapelle construite, selon une source anonyme se trouvant dans les archives de l'abbaye, aurait été d'abord consacrée à Notre-Dame-du-Bout-du-Monde (Pen-ar-Bed en breton) avant d'être remplacée au VIIe siècle par l'église Notre-Dame-de-Grâce, qui était donc l'église paroissiale, laquelle aurait été reconstruite en style gothique au XIVe siècle (la ville avait alors 36 rues dont une "rue des Angevins" qui rappelle par son nom le tuffeau utilisé en partie pour sa construction et celle de l'église abbatiale. La paroisse avait un cimetière, redécouvert récemment. L'église paroissiale et la ville de Saint-Mathieu furent victimes de la razzia anglaise de 1558. L'église, redevenue simple chapelle en raison de la suppression de la paroisse, fut reconstruite en 1861, seul le portail de l'ancienne église étant conservé[14]. Jean-Baptiste Ogée décrit ainsi cette paroisse en 1778 :
Le Morel, recteur de la paroisse de Loc-Mazé Pen ar Bed, dans une lettre du adressée à l'évêque de Léon Jean-François de La Marche en réponse à son enquête sur la mendicité, écrit (l'orthographe de l'époque a été respectée) :
Le même curé précise ensuite que les parents tentent de placer leurs enfants dans le port de Brest comme mousses, charpentiers ou calafas (calfats) et qu'ils sont aussi secourus par les moines de l'abbaye toute proche :
Le curé décrit aussi la récolte du goémon par ses paroissiens :
En , la nouvelle paroisse de Plougonvelin comprend Plougonvelin, Saint-Mathieu, Le Conquet et Trébabu ; l'église paroissiale de cette grande paroisse est l'ancienne chapelle Saint-Christophe, située au-dessus du port du Conquet, choisie car elle pouvait contenir 450 fidèles (elle a été démolie en 1830 car elle menaçait ruine). Jean-Pierre Le Corre[Note 2] est élu curé constitutionnel de la nouvelle paroisse[17]. En 1845, A. Marteville et P. Varin, continuateurs d'Ogée, écrivent :
L'abbayeLa fondation d’une abbaye celtique primitive dès le VIe siècle par saint Tanguy reste hypothétique. Un récit légendaire lie cette fondation à la venue des reliques de saint Mathieu, qui auraient été ramenées d’Égypte par des marins bretons. L'abbaye romane puis gothique est l’œuvre de moines bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur mais aussi de bienfaiteurs, en particulier des comtes de Léon et de la famille du Châtel de Trémazan. De la fin du XIe siècle ou du début du XIIe siècle jusqu'à la Révolution française, des moines mènent dans l’abbaye une vie conventuelle selon la règle de saint Benoît. Dès le début l’abbaye est placée sous la protection de saint Mathieu, apôtre évangéliste. Son culte se développe, en particulier lorsque l’abbaye reçoit une partie du crâne du saint en 1206. Des pèlerins affluent, venant parfois de loin. Abandonnée de nos jours, l'abbaye a été classée Monument historique dès 1867. Les ruines de l'abbaye ont servi au tournage d'une série télévisée diffusée pendant l'été 2005 : Dolmen. Elle a aussi servi de point de départ pour tous les reportages de l'émission Thalassa pour la saison 2012-2013.
Le phareLa marine a entretenu, la nuit, depuis 1720, un fanal au haut du clocher de l'église abbatiale, pour diriger les navires. La pointe comporte également un phare, construit en 1835, haut de 37 mètres et s'élevant à 56 mètres d'altitude. « C'est un phare à feu tournant, dont les éclipses se succèdent de demi-minute en demi-minute, et dont la portée s'étend jusqu'à 24 kilomètres », écrivait Pol Potier de Courcy en 1867[19]. Il se visite l'été. Il faut monter 163 marches pour accéder à la corniche. Le sémaphoreLe premier sémaphore de la pointe a été construit en 1806, mais le sémaphore actuel a été érigé au plus près de la pointe en 1906, pour avoir une vue sur le chenal du Four comme sur l'entrée du Goulet de Brest. Progressivement amélioré au XXe siècle, il atteint aujourd'hui 39 mètres d'altitude. Des logements pour les guetteurs y sont accolés.
Les anciennes batailles navales près de la pointe Saint-Mathieu
Le cénotaphe (mémorial aux marins morts pour la France)Demandé par l'amiral Émile Guépratte, héros des Dardanelles et député du Finistère, et Georges Leygues après la Première Guerre mondiale, le Mémorial national des marins morts pour la France est construit à la suite de la loi du . La stèle réalisée par René Quillivic et inaugurée le représente une femme de marin, en coiffe de deuil, incarnation de la tristesse de la mère ou de la veuve du marin. Les bas-reliefs, présents sur les quatre faces du pylône, symbolisent les actions menées par les marins pour la défense de la patrie. Depuis 2005, il est ouvert au public et présente une exposition permanente de photos de marins disparus (la 1 700ème photo de marin mort pour la France a été dévoilée dans le cénotaphe le [22]. Une sonorisation égrène le nom des navires naufragés, ainsi que la date, la position et les circonstances si elles sont connues. Le mémorial est actuellement géré par l'association Aux Marins[23] dont la mission est "d'exprimer la reconnaissance du pays à tous ces marins qui se sont sacrifiés pour leur patrie (...) Marins de l’État, Marin de commerce, Marins de pêche, (...) Tous les marins morts pour la France ont leur place dans le cénotaphe"[24]. Un "chemin de mémoire" a été inauguré le : long d'environ 4 kilomètres, il forme autour de la Pointe Saint-Mathieu une boucle le long de laquelle des plaques commémoratives disposées sur des plaques de granite (11 stèles)[25] citent le nom et la date des bateaux français connus ayant coulé tout au long de notre histoire[26].
Parmi les bateaux coulés au large de la pointe Saint-Mathieu :
Photosphère sur la Pointe St MathieuL'association la « Maison du Libre » a développé un système de prise de vue panoramique et l'outil de visite virtuelle en ligne sous le nom du projet Open Path View[29]. Citations
— Jules Michelet, Histoire de France, 1861, Chamerot, Paris (tome II, pages 10-11) Dans un de ses disques (Breton quand même, 1995), Maxime Piolot a intitulé une chanson du nom de la pointe (La Pointe Saint-Mathieu)[30]. Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiBibliographie
Article connexeLiens externes |
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