Les plantes rudérales (étymologiquement, l'adjectif « rudéral » dérive du latin : rudus, variante de raudus signifiant « masse informe, non travaillée, masse brute », ruderis, génitif de rūdus, signifiant débris, décombres) sont des plantes qui poussent spontanément dans un espace rudéral, c'est-à-dire un milieu anthropisé modifié du fait de l'activité ou de la présence humaine (zones résidentielles ou d'activités, aires de stationnement, pelouses rudérales des parcs, jardins et espaces verts, terres des jardins et potagers, décombres, décharges, tas de détritus et composts[1], frichespionnièresnitrophytes, trottoirs[2], pieds d'arbres[3], bords des chemins et bermes des routes enrichis par les produits de fauche, replats herbeux des montagnes utilisés comme pâturages ou reposoir, espaces agricoles, voisinage des habitations et des fermes où ces plantes profitent des nitrates apportés par les terres remuées ou le lisier)[4]. La « rudéralisation » a souvent pour conséquence l'implantation d’espèces fortement colonisatrices qui, peu à peu, éliminent les plantes spontanées.
Ces plantes colonisatrices affectionnent les espaces ouverts (à l'inverse de la forêt, qui est un milieu fermé), perturbés ou instables. Ce sont souvent des espèces pionnières, nitrophytes, épilithes ou thérophytes, cosmopolites et adventices, qui colonisent de nouveaux terrains après un bouleversement ou une modification de l'écosystème local[4]. On estime parfois que certaines de ces espèces se comportent comme des commensales de l'être humain.
Rudéralisation
Le phénomène de rudéralisation est lié à la présence d'éléments nutritifs consécutifs à l'activité ou à la présence humaine (mouvements de véhicules, de personnes, de bétail, terrains remués) qui contribue à l'enrichissement des sols en nitrates, phosphates, etc.
Cette rudéralisation est une stratégie écologique décrite par John Philip Grime dans le cadre de sa théorie des stratégies CSR élaborée en 1974[5]. Chez certaines espèces végétales, en majorité des Astéracées telles que les chardons, chaque plante produit des akènes à aigrettes (issues d'un mode sexué de reproduction) favorables à la dispersion par le vent (anémochorie), et des graines sans aigrettes (issues d'un mode sexué), peu mobiles. Un équilibre est maintenu à l'échelle de la métapopulation[6]. Dans les réserves naturelles, le taux de dispersion sélectionné est faible et proche de celui qui minimise le risque d'extinction. Par contre, dans les milieux perturbés, la rudéralisation sélectionne un taux de dispersion inférieur à celui qui minimise le risque d'extinction. Le dimorphisme sexuel des akènes est maintenu par des pressions de sélection opposées (milieu stable versus milieu rudéralisé) qui s'exercent à l'échelle d'une métapopulation et qui correspondent à des stratégies de colonisation et de survie différentes selon l'hétérogénéité spatio-temporelle des milieux. La rudéralisation serait ainsi utile au maintien de la biodiversité[7].
Dans les villes, à côté de la végétation des parcs et jardins, se développe une flore anthropique spontanée sur différents biotopes (espèces synurbiques)[19] : bas de mur (milieu le plus favorable car à l'abri du piétinement et pourvu d'un microsol grâce à l'apport de débris organiques de la rue ou de l'urine animale voire humaine[20]), trottoir (anfractuosité, fissure, jointement altéré), tour d'arbre (lui aussi pourvu d'un microsol), caniveau (apports organiques et minéraux entraînés par le ruissellement des eaux)[21]. L'inventaire de cette flore rudérale (comme l'inventaire faunistique) permet aux écologues urbains de déterminer le coefficient de présence des espèces anthropophiles, la répartition des groupements végétaux, et d'établir un suivi de la biodiversitéurbaine[22].
↑ a et bGeorges Métailié et Antoine Da Lage, Dictionnaire de biogéographie végétale, CNRS éditions, , p. 547.
↑(en) JP Grime, « Vegetation classification by reference to strategies », Nature, vol. 250, no 5461, , p. 26-31 (DOI10.1038/250026a0).
↑(en) Isabelle Olivieri, Pierre-Henri Gouyon, « Seed dimorphism for dispersal: theory and implications ». In: J. Heack (Editeur), J.W. Woldendorp (Editeur), Structure and functioning of plant populations- 2 phenotypic and genotypic variation in plant populations, 1985, p. 77-90
↑D. Couvet, P.H. Gouyon, F. Kjellberg, I. Olivieri, D. Pomente, G. Valdeyron, « De la metapopulation au voisinage : la génétique des populations en déséquilibre », Génétique Sélection Évolution, vol. 17, no 3, , p. 407-414.
↑Végétations spontanées dominées par les annuelles et les bisannuelles (Sisymbre officinal, Chenopodium murale, Chenopodium album, Mercurialis annua, Poa annua, Polygonum aviculare, Solanum nigrum, Urtica urens, Amaranthus retroflexus.
↑Communautés nitrophiles des lisières externes et de haies, ou intraforestières, sur des sols généralement bien alimentés en eau. Elles sont caractérisées par Alliaria petiolata, Glechoma hederacea, Galium aparine, Anthriscus sylvestris, Chelidonium majus, Stellaria neglecta.
↑Elles sont notamment caractérisées par Lamium album, Arctium lappa, Arctium minus, Artemisia verlotiorum, Armoracia rusticana. Les friches pluriannuelles à hautes herbes, généralement localisées sur les talus des bords de routes, les vieilles jachères et les friches ouvertes périurbaines, donnent les associations à Daucus carota et Picris hieracioides sur sols neutres à basiques, Echium vulgare, Verbascumsp. et Oenothera sp. sur sols sableux.
↑P. Duvigneaud, J. Timperman & J. C. Moniquet, « Études écologiques de l'écosystème urbain bruxellois », Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique, t. 108, fasc. 1, , p. 93-128.
↑Nathalie Machon, Sauvages de ma rue. Guide des plantes sauvages des villes de la région parisienne, Muséum national d'histoire naturelle, , 254 p.
↑Axel Ghestem, M.P. Martin, Christiane Descubes-Gouilly et Michel Botineau, « La végétation anthropique spontanée de la ville de Limoges. Premiers documents floristiques, écologiques et phytosociologiques », Annales Scientifiques du Limousin, vol. 9, , p. 6 (lire en ligne).
↑Olivier Lemoine, Joanny Fahrner et Tolga Coskun, Les 101 mots de la biodiversité urbaine à l'usage de tous, Sautereau éd., , 48 p..
↑(en) Michael L. McKinney, « Urbanization as a major cause of biotic homogenization », Biological Conservation, vol. 127, no 3, , p. 247-260 (DOI10.1016/j.biocon.2005.09.005).
↑(en) Julian D. Olden, Thomas P. Rooney, « On defining and quantifying biotic homogenization », Global Ecology and Biogeography, vol. 15, no 2, , p. 113-120 (DOI10.1111/j.1466-822X.2006.00214.x).
↑Extrême tassement du sol, qui devient alors asphyxique, et surpiétinement des organes végétatifs.